L'horrible sonnerie des haut-parleurs la fit sursauter. C'était l'heure de reprendre cette vieille routine.

Après son séjour au sous-sol, elle avait rêvé d'hiberner dans son lit, sous les couettes. Cette douce chaleur et cette première nuit sur quelque chose de plus confortable qu'un sol froid, lui avait vraiment fait du bien. Elle aurait aimé que ça dure plus longtemps, mais personne n'avait assez de compassion pour lui permettre ça.

Le rituel n'avait pas changé.

Elle se leva pour se diriger vers la porte. Au sol, près de celle-ci, se trouvait une feuille avec les nouvelles directives des prochains jours. C'est son superviseur qui décidait de ses tâches, et cette fois, il ne voulait pas être clément. Plus de nettoyage, c'était à présent en direction du champ artificiel qu'elle devait se rendre.

En se préparant rapidement, elle zieuta autour d'elle. Hayden était déjà parti. C'était quelqu'un de très matinal, et bien qu'il fût le seul avec qui elle avait le plus d'affinité, il restait complètement mystérieux à ses yeux. Elle enfila ses vêtements et tenta de se recoiffer un minimum, sans rien pour lui transmettre son reflet.

Elle devait être dans un sacré état. Elle avait peu récupéré de son séjour aux cachots. D'ailleurs, en y pensant, elle avait passé près de 3 semaines là-bas, ce qui au total, devait bien correspondre aux deux tiers du temps passé ici. Elle avait donc passé plus de temps dans les sous-sols qu'à travailler pour Rebirth. Elle ne manqua pas, d'ailleurs, d'en sourire, tout en pensant, qu'ils allaient sûrement essayer de la "rentabilisé" un peu. Après tout, elle leur coûtait une place.

Pour se rendre à son nouveau lieu de travail, elle devait traverser des kilomètres de tunnels. Heureusement, des navettes étaient à disposition des actifs et pouvaient les ramener assez rapidement à destination. Elle en prit donc une en direction de son nouveau lieu de travail.

Les souterrains étaient très vastes, composés de sous-zones inégalement réparties. Chacune des sous-zones était munie d'une partie minière, plus ou moins grande selon les ressources disponibles, et d'un parc d'agriculture. Ce n'était, bien entendu, pas les seuls lieux. Indépendamment de chacune, il y avait des chambres pour les actifs plus ou moins nombreuses, des bureaux administratifs, des pièces communes - comme la cantine ou les douches - et d'autres pièces de gestion du chauffage, de l'eau ou de l'électricité.

Pendant le trajet, elle se remémora ses derniers jours. Et dire que tous ces gens avaient continué leur vie sans problèmes, alors qu'en bas, elle vivait l'horreur. D'ailleurs, ça ne devait pas être une punition très courante, puisque pendant ces trois semaines, il lui avait semblé être seule. Peut-être réservaient-ils ce châtiment aux plus téméraires, histoire de calmer leur agitation, ou bien peut-être n'en n'ont-ils jamais eu le besoin, au vu de tous les actifs peu enclins à discuter les ordres.

Arrivée sur le lieu, elle observa l'endroit recouvert de végétation à foison grimpant sur les murs et poussant sur le sol terreux. C'était presque comme un autre monde. Elle, qui avait vécu dans le désert extérieur, ravagé par la guerre, put voir l'extrême décalage avec la réalité. Elle en fut éblouie, jamais elle n'avait vu telle verdure de toute sa vie. Si un jour elle venait à s'enfuir, ce serait sans doute ce qui lui manquerait le plus.

Le travail allait commencer. Aujourd'hui étant le jour de récolte, Mackenzie allait devoir ramasser des tonnes de fruits et légumes qui seraient ensuite, pour la plupart, envoyés à l'extérieur.

Qui sait, peut-être était-elle en ce moment même en train de cueillir ce qui servirait de ration pour sa mère et les autres enfants qu'elle avait dû faire entre temps ? Peut-être même, que cette ration finirait volé par l'escouade avec qui elle avait vécu.

En y repensant, elle sentit de la peine et le manque du groupe. Pas sûr qu'ils la réintégreraient, si elle s'en sortait, après tout elle n'avait pas pris le poison comme convenu.

Mais elle les connaissait bien, et malgré la politique stricte et individuelle, elle savait qu'ils seraient heureux de la revoir en vie. C'était aussi un de ces facteurs qui lui donnaient envie de s'enfuir. C'était comme sa famille, même si parfois ils se comportaient comme des inconnus, les uns avec les autres.

Tout ce temps, ils lui avaient appris à se défendre et lui avaient permis de vivre plus de 4 ans à leurs côtés. Ce groupe idyllique représentait la liberté, et c'est pourquoi elle leur vouait une idolâtrie sans pareil.

Dans ses réflexions elle ne vit pas l'individu qui se dirigeait vers elle. Un jeune homme apparemment bientôt dans l'âge final, celui des vingt-deux ans, blond et grand, s'approcha d'elle.

« Mackenzie c'est ça ? » chuchota-t-il.

Tout le monde commençait à la connaître, cela en devenait presque effrayant. Le jeune homme entreprit de trifouiller les cultures à côté, pour faire mine de travailler.

« J'aimerais éviter de me faire prendre en train de jacasser, répondit-elle en continuant le ramassage. La fois où ça m'ait arrivé, ça n'a pas bien fini.

– Je sais. En fait, tout le monde le sait. Ça fait bien longtemps que personne n'avait tenu tête au personnel avant toi, et crois moi, le bouche à oreille est virulent ici.

– J'ai bien vu ça », dit-elle en déposant ses récoltes dans son grand panier.

« Désolé si je t'offusque, reprit-elle une fois à ses côtés, mais pourquoi viens-tu me parler ? Tous les gardes ont les yeux rivés sur moi. Ils surveillent mes moindres faits et gestes et les personnes avec qui je parle.

– Je voulais juste proposer quelque chose à une fille comme toi, répondit-il.

– Une fille comme moi ? »

Ce n'était peut-être pas la question la plus importante à cet instant, mais des idées défilèrent dans sa tête, intriguée par l'image qu'elle avait fait se propager d'elle. Quel genre de rumeurs avait-il entendu à son propos ? Est ce qu'elle passait pour une rebelle ou pour une faible ? Après la sanction qu'elle avait eue, le doute subsistait.

Il jeta un œil sur les gardes alentours, avant de répondre, sourire aux lèvres :

« Ouai, le genre : souris au milieu des éléphants. »

Elle fronça légèrement les sourcils.

« Qu'attends-tu de moi ?

– Je suis dans un groupe qui recherche la liberté et nous voulons quelqu'un qui puisse attirer l'attention. »

Elle s'étouffa. Sacrée demande. Croyait-il réellement qu'elle allait prendre un tel risque pour aider un groupe de personnes qu'elle ne connaissait même pas, et cela en ne gagnant rien en retour ?

Il vit son regard décontenancé. Il semblait réfléchir à ses mots par peur de tout dévoiler.

« Si tu acceptes, on ne te laissera pas derrière.

– Donc, je dois me mettre en danger pour te laisser, toi et ton groupe, le temps de faire, je présume une évasion, tout en étant sûr que vous me ferait profiter de votre petit plan ?

– Je ne peux pas trop en parler avant d'être sûr de ta loyauté. Si tu choisi d'être de notre côté, tu gagneras ta liberté, tout comme nous. J'ai entendu dire que c'est ce que tu désirais le plus, je me trompe ? »

Elle réfléchit un instant, tout en replaçant ses mains dans la terre. Le jeune homme fit de même juste à ses côtés.

« Supposons, chuchota-t-elle le regard dans les plantations. Quel est le plan ?

– T'auras plus de détails lorsqu'on pourra te faire confiance. Chacun a un rôle risqué, si l'un d'entre nous tombe, tout le monde tombe.

– Je vois, ça se comprend... C'est où pour signer ? »

Il se mit à rire. Leur regard se croisa à nouveau, comme pour s'assurer qu'elle était bien sérieuse. Mais difficile à dire, il ne savait pas si dès le départ, elle se moquait de lui. Mackenzie hésitait encore, elle voulait le tester. Il en savait plus sur elle, qu'elle n'en savait sur lui.

« Apporte-nous des infos sur les tours de gardes pendant le couvre-feu, murmura-t-il en regardant furtivement aux alentours. Si tu y arrives, tu auras ta place à nos côtés sans soucis. D'ici là, si un seul truc s'ébruite, on saura que ça vient de toi. De toute façon, tu ne connais ni mon nom, ni le plan.

– Ne crois pas que je suis à ta merci. J'ai pas encore décidé si oui ou non je voulais faire partie de ton petit truc. »

Il laissa échapper un rire étouffé, et sans retirer le sourire de ses lèvres, s'éloigna. Il comprit instantanément qu'elle n'était pas du genre à se laisser faire. C'était une bonne chose pour ce qu'il avait prévu, et en même temps, tout comme les actifs ne parlaient que d'elle, les gardes, eux, se méfiaient de ses faits et gestes.

Mackenzie reprit son travail, les yeux vaguant sur ses camarades à côtés. Tous semblaient trop acharnés sur leur travail pour s'être rendu compte de quelque chose.

Mackenzie était hésitante. En même temps, s'il était bien question d'une évasion, elle ne pouvait se permettre de rater une telle occasion. Et puis, s'ils tentaient quelque chose, réussi ou non, les gardes seraient à vif pendant un certain temps. Un temps qui lui empêcherait d'essayer par elle-même. Et elle sait très bien, qu'elle n'a pas l'éternité avant ses vingt-deux ans. Si elle attend d'être envoyée au front pour essayer quelque chose, seul la mort serait son issue. Le mystérieux blond qui lui avait adressé la parole semblait lui aussi à court de temps. Peut-être que cela expliquait pourquoi il n'était point comme tous les autres actifs : robotisés et indifférents.

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