Chapitre 3 : Une vie à l'extérieur
Comme première journée, celle-ci avait été rude.
La pénibilité et la répétition de la tâche avaient exténué la pauvre jeune fille. Difficile d'imaginer reprendre cela tous les jours de la semaine.
Elle soupira, la connaissance de ses nouveaux collègues et des conditions de travail lui fit amèrement regretter sa capture. Il y avait des avantages, pour sûr, mais ce n'était rien, comparé à ce qu'elle avait avant. On pouvait engager une discussion pour savoir, si c'était mieux d'avoir la sécurité mais être esclave, ou d'avoir la liberté et courir sans répit pour survivre ?
Elle, elle avait déjà fait son choix. A l'extérieur, elle avait dû redoubler de stratagèmes. Vol, usurpation d'identité, trafic... Elle avait tout essayé pour se nourrir, se vêtir et parfois même se divertir.
Elle avait toujours jalousé les familles Élites. A sa naissance, sa mère avait pris soin d'elle comme tous les autres enfants de sa fratrie. Entourée de 3 frères plus âgés, elle aurait pu indéniablement être l'héritière étant donné que c'était la première fille de la famille, mais c'était sans compter sur sa jumelle. Aucune rivalité ne s'était installée entre les deux enfants, mais quand, à 10 ans elles apprirent qu'une seule pouvait rester, une certaine haine se développa. Mackenzie, n'avait jamais éprouvé d'animosité envers sa sœur malgré cela. Elle avait toujours vécu avec celle-ci dans un cadre aimant et bienveillant. La soudaine révérence de sa jumelle lui avait perforé le cœur d'une grande plaie béante, qui ne pus, même au dernier moment, être refermée.
Jamais elle n'eut cru que sa moitié, fidèle, complice, la tromperait à ce point. Elle ne pouvait cependant lui en vouloir. Elle aussi elle avait eu envie de rester, mais elle n'avait pas assez de force d'esprit et elle n'osait point rivaliser avec sœur, par peur de perdre ou même de gagner.
Quand tous ses frères partirent les uns après les autres, les yeux rougis par les longues nuits en pleurs, elle comprit l'impasse dans laquelle elle se trouvait. En moins de temps qu'il ne le fallait pour le dire, sa mère avait déjà développé une préférence. C'était sa sœur, Catherine, qui deviendrait inévitablement la prochaine héritière de la lignée. Elle pouvait pleurer autant qu'elle le désirait, cela ne changeait en rien la finalité de la chose. L'image qu'elle avait de sa sœur se ternie et lui brisa le cœur bien plus que lorsqu'elle avait pris connaissance du choix de sa mère.
Elle n'avait jamais vraiment eu l'esprit de survie, ce qui n'était pas le cas de Catherine, prête à sortir les griffes sur quiconque toucherait à son trône. Elle devait cependant se résigner à trouver une solution de secours au plus vite. Ses douze ans approchaient à grands pas. Et alors, qu'une des deux filles allait célébrer ce grand jour avec ses plus belles parures, l'autre recouverte d'un grand manteau noir et d'un sac à dos, se préparait à disparaître. Elle l'avait vu pour ses frères, et c'était toujours la même chanson. Des employés de Rebirth, nommés les Passeurs, allaient toquer à sa porte, ils la prendraient alors de force, sous les yeux pitoyables de sa mère. Puis, ils l'emmèneraient dans le camion blindé pour la faire disparaître sous terre.
Bien plus que s'enfuir, elle devait surtout éviter de les mener à sa poursuite. Elle savait que sa mère annoncerait sa fugue sans gêne aux autorités compétentes. Après tout, elle ne pouvait pas se permettre de perdre une ration supplémentaire si elle voulait survivre avec ses futurs enfants.
Pour être tranquille, Mackenzie devait mourir, ou du moins, le faire croire. C'était sûrement plus simple à dire qu'à faire, mais c'était la seule solution. Elle avait un peu réfléchi, et même si elle eut du mal à y croire, cela avait bien fonctionné. Elle avait incendié sa chambre et y avait laissé un corps préalablement déterré du cimetière sur son lit d'enfant. Sa stratégie, bien que morbide, eu le mérite d'être réussi. Celle-ci avait été un peu bancale et quelque peu loufoque, mais apparemment l'adrénaline du moment avait rendu Mackenzie combative. Son plan n'avait pas été mûrement réfléchi, elle avait plutôt tout fait à la hâte, mais le jour J, elle avait été comme possédée.
Enfin dehors, elle eut le temps de se trouver un abri, où elle y séjourna plusieurs mois avant de se résigner à s'éloigner de peur d'être reconnue. Dans les terres irradiées, dévastées par la guerre et le nucléaire, elle avait appris à reconnaître les camions de rations parmi la poussière et le désert. Le plus dur était de les voler en toute discrétion. À la suite de cela, elle s'enfuyait de nouveau loin de tout avant que quelqu'un ne s'aperçoive de son acte. Sa vie avait toujours été rythmée de fugue et de discrétion, jusqu'au jour où elle fit la rencontre d'une escouade de mercenaire.
Comme elle, ils s'étaient rebellés contre le système. Bien qu'ils eussent une vision d'individualisme, que Mackenzie ne suivait pas toujours, ils l'avaient aidé à survivre pendant quelques années.
C'étaient des solitaires.
D'après leur chef, l'empathie et l'entraide n'apportaient qu'une finalité suicidaire, mais elles étaient nécessaires en un certain point. La jeune fille devait donc toujours se débrouiller seule, même à leurs côtés. A 16 ans, les risques qu'elle prenait s'étaient multipliés. Elle put donc échanger ses trouvailles avec ses nouveaux compagnons de route et ainsi s'assurer quelques jours de plus.
C'était comme un petit système où chacun apportait sa pierre à l'édifice. Le troc entre les membres de l'escouade était un point clé de leur relation. Vêtements, nourriture, eau, armement, tout s'échangeait si cela avait un quelconque intérêt. Quelques fois, l'escouade l'envoyait aussi en mission de repérage ou d'infiltration, c'était le prix à payer pour rester dans les locaux communs et continuer l'échange de biens. C'était aussi un moyen de remplir les « caisses communes », un lieu où était entreposés les objets de valeur pour le marché mais non pour la survie. Il y avait par exemple des composants électroniques ou des livres d'avant-guerre qui étaient ensuite revendu au marché noir.
A l'aide de cela, tout le monde agissait pour le bien commun, tout comme pour leur bien individuel. Elle avait donc aussi l'avantage de remplir son propre coffre personnel avec des objets de valeurs qui pouvaient servir au troc futur.
Bien qu'obligatoire, ces missions n'étaient pas une mauvaise affaire. Elle en avait eu plusieurs, jusqu'au jour fatidique. C'était à ses vingt ans que les Passeurs lui avaient finalement mis la main dessus. Comme elle due s'en douter, elle ne pouvait pas compter sur ses compagnons pour s'en sortir. Du moins, elle n'en avait pas le droit. Ce jour-là, le camion de ration qu'elle allait prendre d'assaut, était comme une rose au milieu du désert. C'était dangereux mais tellement rare. Cela pouvait, si elle arrivait à saisir assez de provisions, lui offrir un temps de repos jusqu'à sa prochaine sortie.
La structure de l'escouade, bien que complexe, apportait de nombreux avantages : droit de repos et d'acquisition d'un lieu de vie contre missions à effectuer, et droit d'échanges inter-membres lors des sorties, pour une récolte plus avantageuse. Quand elle arrivait à avoir des conserves de légumes, il était plus sympa d'en échanger une partie contre des biscuits, que de tout garder pour elle.
En soit donc, elle était amenée à effectuer des missions, qui apportaient le plus souvent des matériaux pour les locaux ou pour l'armement, et le reste du temps elle faisait de l'exploration et des sorties par elle-même pour trouver de quoi manger ou échanger. En outre les missions avaient toujours un but commun et était donc parfois effectués à plusieurs, contrairement aux sorties où là c'était chacun pour soi, tout comme le butin.
Comme cela, Kahésar, leur chef, avait créé, du fait de son organisation, un écosystème auto-suffisant. Il dirigeait le groupe sur le fondement de règles primordiales. Elles étaient peu nombreuses, mais régissaient toutes les valeurs véhiculées par le groupe. Première règle, et la plus importante : « Chacun pour soi dans la survie de tous ». Personne ne devait mettre à mal l'escouade pour son propre bien. Chacun devait survivre par lui-même sans y inclure un autre membre. Pas d'empathie.
Deuxième règle : « Tout membre faisant part de l'organisation, peut jouir des biens accumulés par le groupe dans le respect de ceux-ci ». L'escouade mettait à disposition des biens communs et des lieux qui étaient fortifiés et protégés, elle offrait ainsi à ses membres la sécurité et un certain confort peu présent dans les terres sauvages. En contrepartie, le respect de ceux-ci était primordial.
Troisième règle : « Aucune rébellion contre l'autorité n'est autorisé pour tout membre qui souhaite rester dans les locaux. Interdiction de s'interposer ou de faire échouer la mission d'un ou plusieurs autre(s) membre(s) ». Personne n'était obligé d'intégrer l'escouade, mais lorsque c'était le cas, il fallait obligatoirement suivre les règles pour la prospérité individuelle de chaque membre.
Pour éviter la perte de toute l'organisation, Kahésar avait mis en place un plan de dernier recours. C'était à la fois une assurance au cas où un membre se faisait prendre, mais aussi pour que celui qui avait échoué ne puisse pas aller à l'encontre de sa principale valeur. Et ici, tous avaient la même : rester libre.
Ayant échappé aux griffes de Rebirth toute leur vie, ou une grande partie d'elle, leur dernier souhait était de finir enchaîner après tant d'efforts. Ainsi, le chef, avait donné à tous, un flacon de poison à porter lors de chaque déplacement. Le contenu devait être bu si la captivité était irrémédiable ou si le bien du groupe était en jeu. Ce jour-là, le jour où Mackenzie avait été aperçue par les Passeurs, devait être son dernier. Elle aurait dû boire le contenu. Elle aurait dû rester libre, mais elle avait hésité.
La liberté de ses mouvements et l'adrénaline de ses missions lui avaient donné goût à la vie. Une vie si pauvre jusque-là, qu'elle ne put abattre lorsqu'il le fallut. Et peut-être qu'aujourd'hui, elle allait le regretter.
© Tous droits réservés
TragicBird - Wattpad
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro