Chapitre 2 : Premier jour de travail
Son nouveau colocataire ne disait pas un mot, il avait sûrement l'habitude de voir ce genre de scène, mais après l'humiliation que Mackenzie venait de subir, ce silence devenait de plus en plus oppressant.
« Je m'appelle Mackenzie », se présenta-t-elle.
Elle s'était tournée vers son camarade, mais celui-ci ne bougeait pas. Il était toujours dans la même position. Peut-être était-il sourd ? Ou bien mort ?
Elle le dévisagea un instant. Il était assez grand, cheveux noirs emmêlés, avec une peau plutôt pâle, dû sûrement au manque de soleil. Il était habillé de cette tenue sobre en coton que tous les travailleurs ‒ dénommées les actifs ‒ portaient. Elle était très simple, de couleur beige, et semblait de mauvaise qualité, mais elle avait l'avantage d'être plutôt chaude.
« Bien, c'est pas grave », soupira la jeune femme, suite au silence de son colocataire.
A cet instant, celui-ci se tourna vers elle. Son regard en disait long sur son incompréhension. Mackenzie, en fut légèrement déroutée. Il ne semblait finalement pas sourd et encore moins mort. Mais alors, pourquoi cette surprise soudaine ? Il y avait-il une règle qui interdisait les actifs de discuter entre eux ?
Comme malgré tout, il ne parla pas, elle renchérit :
« Si tu ne veux pas converser, je ne vais forcer personne. »
Elle lui avait adressé la parole par politesse. La solitude n'était pas un soucis pour elle, et s'il fallait qu'elle le subisse ici, elle ne s'en plaindrait pas. Après tout, elle avait toujours vécu par elle-même et s'en était très bien sortie jusqu'à présent.
« Je suis désolé », répondit, avec peu de voix, le jeune homme.
Il semblait sortir d'un long sommeil.
« Je suis Hayden, finit-il par dire, ravi de faire ta connaissance. »
Les journées devaient être réellement dures, et il ne semblait avoir eu personne à qui parler depuis un moment. Maintenant que la discussion s'était enclenchée, ils avaient continué à converser durant le reste de la soirée.
Hayden avait échangé avec la jeune femme quelques banalités. Elle avait appris qu'ici toutes les chambres étaient doubles, mais qu'il était difficile de toutes les remplir. Puis, la conversation agréable, avait changer, devenant rapidement douloureuse. Hayden avait parlé de son passé, de sa famille. Il avait subit le système sans pouvoir s'en échapper. Bien que ses paroles semblaient retenir un lourd secret, il s'était un peu dévoilé à elle. Transféré ici à douze ans par sa mère, comme tous les autres. Il y était depuis bien trop longtemps maintenant. Un produit de cette nouvelle société, contraint à travailler avant d'être envoyé à la guerre.
Naître homme, c'était perdre d'avance. En tant que femme, il y avait là encore la possibilité de reprendre le flambeau familiale. Les villes élites à la surface, protégées par de hauts murs, étaient des lieux provisoires. Chaque famille était composée d'une mère et ses enfants. La première fille d'une fratrie, l'héritière, était éduquée pour prendre à son tour le rôle de la matriarche. Et hormis cette dernière, tous les autres étaient envoyés dans les souterrains dès l'âge de douze ans. C'était un marché : un enfant contre des rations pendant dix ans. Si celui-ci venait à mourir avant la fin du contrat, alors l'échange était rompu.
Il fallait engrosser pour survivre. Rebirth, fournissait les hommes, souvent issus du front, pour faire fonctionner cette production d'or rouge. Un perpétuel cycle, qui servait à nourrir la Terre de sang.
Mackenzie était une de ces rescapés du système. Elle avait fui. Fui la protection, la chaleur d'une famille et la nourriture dans son assiette. Parce que Mackenzie, vénérait sa liberté comme un Dieu, et que rien ne devait les séparer.
Malheureusement, après tout ce temps à survivre dans les terres sauvages, elle s'était prise dans les mailles du filet. Des mailles en métal froid, rappelant sans cesse qu'elle n'avait plus de contrôle sur sa vie. Qu'elle n'était plus que le cauchemar de ses longues nuits.
Mais elle n'y restera pas longtemps. La jeune femme avait déjà vingt ans, et alors, une fois qu'elle atteindra ses vingt deux ans, elle rejoindra la guerre, comme tout le monde. Elle vouera le reste de sa misérable vie à une guerre sans nom, à un pays qui les avaient tous abandonné. Accomplissant alors, ce pourquoi elle était née.
La soirée se termina, et pour la première fois Mackenzie dormi dans un lit douillet sans se préoccuper de prédateurs alentours. Elle qui avait toujours vécu dans les terres sauvages, profitait enfin d'une sécurité inébranlable. Pourtant, elle n'en voulait pas. Elle était bien décidée à sortir d'ici, quitte à retrouver le froid et la crainte de l'extérieur.
Le lendemain matin, elle fut réveillée par un son strident venant du couloir. Un réveil brutal crié par les haut-parleurs. Son premier jour de travail allait commencer, et le sommeil ne semblait pas la quitter.
« Comment se passent les journées ? demanda-t-elle à moitié réveillée.
– Tu auras plusieurs tâches, lui répondit Hayden. Ton lieu de travail change chaque semaine. Un système qui a pour objectif d'éviter les tentatives d'évasions.
– Je vois... »
Son premier jour avait été programmé pour la récolte de minerais. Elle n'avait jamais été très physique, mais de toute façon qui s'en souciait ?
Elle se rendit sur place sans grand souci. L'endroit était rempli de panneaux pour indiquer les différentes zones du souterrain. C'était compliqué de se repérer, elle qui n'avait jamais eu le sens de l'orientation, mais après tout, tous les chemins menaient à Rome, et les gardes étaient là pour s'assurer que tout le monde rejoignait son poste.
Elle devait pointer à l'allée et au retour, prouver ses moindres faits et gestes. C'était drastiquement différent de ce qu'elle avait vécu jusque-là, et sa claustrophobie ne mit pas longtemps à refaire surface.
Arrivée aux mines, un des gardes lui fournis les ustensiles et matériaux à retourner à la fin de la journée, lors de la fouille obligatoire. Elle entra à l'intérieur et sortit de cette atmosphère métallique, pour entrer dans des tunnels en roches dures et poussiéreux.
Elle commença son travail. Pour l'instant elle devait se conformer aux exigences et se faire toute petite. Après tout, elle venait d'arriver et les gardes avaient un œil sur la nouvelle clandestine. C'était bien rare qu'ils en attrapent une, encore viable. Comme une pièce en or rouge, sertie de diamants.
Elle frappa sa pioche sur le mur face à elle. Le travail était ardu et solitaire. Elle devait récupérer les minerais tout en faisant attention à ne pas blesser ses voisins d'à côté, trop proche et insouciant de sa présence. Personne ne discutait, c'était juste des mouvements mécaniques de récoltes.
Une certaine malice s'y développait. Les jeunes entre eux étaient des vautours. Aucune compassion pour son prochain. Elle zieuta aux alentours. Les plus faibles se faisaient voler leurs récoltes sans aucun scrupule, mais ne disaient rien, comme défaitiste avant même d'avoir commencé. Pourtant, à la fin, des points étaient donnés aux plus efficaces. Une manière de les stimuler et d'obtenir un rendement plus important. D'après Hayden, ces points permettaient de multiples avantages, comme le droit à une douche plus longue, à un repas plus riche, ou simplement à une couverture supplémentaire pour la nuit.
Alors qu'elle rêvassait, à donner des coups sur la roche, quelqu'un venait de retirer sa main de son grand sac.
Venait-il de lui dérober un de ses précieux labeurs ?
Elle s'écria et tout le monde la regarda. Embarrassant, cela fut pour elle.
Sans dire un mot, elle déposa ses yeux accusateurs vers le coupable. Pourtant, à la surprise de la jeune femme, personne ne fit quoi que ce soit. La nouvelle arrivée venait sûrement de comprendre, à ses dépens, que c'était chacun pour soi.
Elle était entourée d'androïdes. Tous paraissaient morts, mais prêts à sortir les crocs comme des chiens enragés. Peut-être qu'elle aussi, avec le temps, elle finirait comme eux. Pourtant, Hayden semblait différent. Il avait été au départ étrangement solitaire, mais il avait fini par détendre l'atmosphère et rassurer la demoiselle. Peut-être que tous ces jeunes aussi, après creuser un peu à la surface, finiraient par dévoiler autre chose que leur cœur mécanique.
Finalement, cette scène lui avait complètement fait oublier ce pourquoi elle avait commencé. Tous avaient repris leur corvée, et elle due en faire de même sans sourciller. Celle-ci s'éternisa jusqu'à la pause repas. Le dîner n'était pas très appétissant, mais il semblait nourrissant. En ce temps de guerre, elle avait appris à ne pas refuser ce qui se posait dans son assiette, surtout qu'il lui arrivait souvent de ne pas manger pendant plusieurs jours.
Sa première journée s'achevant, elle fit le chemin dans l'autre sens après être passé auprès des mains baladeuses des gardes.
Elle n'avait aucunement envie de rester ici. C'était pour l'instant qu'une observation générale, mais il fallait qu'elle réfléchisse à sa fuite. Celle-ci allait être difficile, tout était contrôlé et les gardes faisaient continuellement leur ronde.
Mais elle était prête à tout pour réussir... même à mourir.
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