Son visage se ferma.

Depuis quand était-il là ?

Qu'avait-elle bien pu dire depuis son arrivée ?

Oh et puis après tout... Ça lui était bien égal. Elle s'en fichait. Il pouvait bien entendre ce qu'il lui chantait ça ne changerait rien.

Malgré tout elle reprit contenance, enfouissant au plus profond d'elle tout ce qu'elle gardait toujours et ne se permettait de ressortir qu'une fois par an.

Suite à quoi elle soupira encore une fois. Pourquoi était il venu cette fois...

Le silence s'installa jusqu'à ce qu'enfin, elle daigne montrer qu'elle l'avait repérée :

- Que viens-tu faire ici Trafalgar ?

Il sentait son épuisement au travers de sa voix, mais aussi la distance qu'elle mettait en l'appelant par son nom.

Elle n'avait même pas tournée son visage dans sa direction.

L'épaule appuyée à l'arbre, il ne répondit rien, se contentant de l'observer sans un mot, impassible.

À quoi bon parler ? Ce n'était pas à lui de se confier après tout.

Quoi qu'il dirait il était sûr qu'elle s'en servirait contre lui, pour le renvoyer. Alors il préférait se taire, mais rester.

C'était sa manière à lui de montrer qu'il était là si elle le voulait.

Des questions il en avait une floppée.

Mais cette fois il ne les poserait pas.

Car il n'avait pas à le faire.

Pas maintenant.

De toute façon il sentait pertinemment qu'elle ne répondrait en rien. Puis ce n'était pas le moment pour un interrogatoire.

Cela dit, s'il restait en retrait sans rien dire, elle pourrait penser qu'il cherche à se cacher, à dissimuler sa présence.

Hors ce n'était pas le cas. Il assumait pleinement sa présence.

Il décida donc de s'approcher d'elle avant de s'assoir à ses côtés, palliant à cette éventualité.

Elle ne dit rien. Signe qu'elle acceptait qu'il reste.

Pour autant elle ne posa aucun regard sur lui. Et lui non plus.

Les deux jeunes gens fixaient l'horizon en silence.

Contre toute attente, Éleysia trouvait que sa présence détendait l'atmosphère lourde dans laquelle elle s'était plongée plus tôt.

Il était d'un calme apaisant.

Ainsi elle se détendit un peu, et le regard dur qu'elle portait à la lune, s'adoucit.

Ni l'un ni l'autre ne su combien de temps il s'écoula avant que la jeune femme ne se laisse aller.

Pourquoi la chaleur de Trafalgar atteignait son cœur meurtri de sa seule présence ?

Pourquoi lui ?

Pourquoi son silence semblait lui dire "lâches toi, je ne suis pas là pour te juger idiote"

Sans bouger, sans rien dire non plus, une nouvelle larme glissa sur sa joue et enfin, la tristesse et la douleur parut dans son regard.

Pourtant là encore son visage restait impassible. Seul ses yeux luisaient d'une profonde mélancolie, reflétant toute la douleur de cette plaie encore béante dans son cœur.

Combien de temps s'était-elle habituée à garder cet air impassible pour qu'il perdure dans un moment pareil..?

Law lui jeta un bref coup d'œil.

Le noiraud avait l'étrange impression de sentir sa peine tant elle se reflétait dans les larmes qu'elle déversait.

Il détourna le regard.

Eleysia avait beau paraître indifférente, il le voyait nettement.

Comment une femme aussi forte, pouvait-elle renfermer en elle autant de peine ?

Pas une seconde il ne se l'était imaginé, ni même soupçonné, jamais.

Pourtant cela semblait évident. Si elle s'était tant endurcie ce n'était pas par simple envie ni plaisir non. Il savait pertinemment que cela devait découler d'une passe difficile dans sa vie ou d'un possible traumatisme. Seulement avant ce jour, cela ne lui avait jamais vraiment traversé l'esprit. Ironique d'ailleurs.

D'autre part, il notait que Bepo avait été le seul à l'apercevoir.
Le Mink était vraiment exceptionnel. Il était peut-être celui qui avait le plus lu en elle dès le départ. Law ne pouvait s'empêcher de croire que ça avait un lien avec le fait qu'elle se soit attachée à lui aussi vite. N'avait-elle pas besoin de se raccrocher, de s'appuyer sur quelqu'un au final ?

La jeune femme sentit la main de Trafalgar se poser sur sa tête chaleureusement. Elle sursauta. Bien trop plongée dans ses souvenirs pour s'être aperçue qu'il s'était rapproché. Ses yeux légèrement rougis s'agrandissaient un peu plus chaque seconde tandis qu'elle se sentait submergée par ses émotions.

La main charnue du garçon glissa lentement derrière sa tête.

Peut-être était-il hésitant ?

Toujours est-il qu'il agit avec une infinie douceur et la ramena tout contre lui sans piper mot.

Elle se laissa attirer sans broncher, ne réalisant pas vraiment immédiatement ce qu'il se passait.

Éleysia finit par se retrouver entre les jambes du chirurgien, face à lui, la tête contre son épaule.

Sa main chaude n'avait pas quittée l'arrière de sa tête, emprisonnant au passage quelques mèches blondes qui suivaient jusqu'à lors le souffle du vent.

Elle ferma ses yeux peu à peu, laissant sa tristesse s'écouler, la fatigue l'emporter.

Puis, elle attrapa les bouts de la chemise bleu sombre mi-ouverte du garçon pour les serrer entre ses doigts légèrement tremblants.

Il la laissa faire, la fixant de ses yeux gris argent qui reflétait sa compassion, son soutien.

Lui compatir ? Il s'étonnait lui même.

Elle serrait sa mâchoire comme si le fond de ses entrailles brûlait et qu'elle n'aspirait qu'à hurler de douleur. Pour autant, pas un seul son, pas un seul râle, pas un seul cri, pas même un sanglot ne s'enfuit de sa bouche close et crispée.

La voir continuer de lutter, de résister ainsi... Il devait bien admettre ne pas être indifférent.

Pourquoi s'interdisait-elle de crier, vider, évacuer sa souffrance !?

Elle allait finir par exploser si elle continuait.

Il fallait que ça sorte...

Law ferma ses yeux. Il ne pouvait pas la forcer, alors il ne voulait pas voir ça. Ainsi il lui offrait également un peu "d'intimité" près de lui, l'incitant à se lâcher, il ne regarderait pas, ne serait d'une épaule sur laquelle pleurer en toute quiétude. Il ne serait que l'étreinte réconfortante.

À contrario le noiraud avait beau agir de manière plus ou moins assurée, il n'en était pas moins chamboulé.

Eleysia l'avait complètement secoué, totalement retourné. Lui qui avait déjà tant enduré, qui avait déjà bien assez pleurer pour toute une vie, il n'arrivait pas à comprendre pourquoi la voir dans cet état le désorientait autant. L'émouvait autant. Car clairement il avait le cœur lourd.

Il ne se reconnaissait plus. Se trouvait même faible. Ça l'agaçait.

Pourtant. Pourtant... Inutile de se cacher, autant assumer, elle était touchante point. C'est vrai, il n'avait pas à avoir honte de l'admettre merde.

Tch.

Il déglutit avant de ramener son autre bras autour d'elle, dans son dos, pour la serrer fort contre lui, l'envelopper de sa chaleur, d'une certaine... Tendresse aussi.

"Tu n'es pas seule cette fois, vas-y, pleure, si c'est la seule chose que tu t'autorises à faire... Alors vide toi de toutes les larmes de ton corps bordel !" Étaient les mots qu'il lui transmettait en silence de part son étreinte.

Un unique sanglot, à peine audible s'échappa des lèvres de la jeune femme. Le reste de ses larmes se déversa dans le plus triste des silences, le plus étouffant.

Et Trafalgar ne la quitta pas une seule seconde. Ses bras restaient fermement enroulés autour d'elle tandis qu'il gardait ses yeux clos avec force, incapable de les ouvrir pour... voir ça.

Jamais, au grand jamais il n'aurait pu imaginer que quelqu'un serait capable de l'atteindre ainsi. Qu'une jeune femme dégage une telle tristesse qu'il serait capable de la ressentir. Jamais de sa vie de médecin il ne se l'était imaginé.

Et franchement ce n'était pas agréable.

Law se sentait lié à cette femme plus que jamais à cet instant. Il le réalisait lentement.

Éleysia était pire que bouleversée. Elle était déchirée, brisée.

Mais plus que tout, elle était profondément touchée par l'attitude du garçon.

Comment avait-il su ?

Pourquoi lui était-il d'une telle aide, d'un tel soutien ?

Se sentait-il redevable qu'elle reste une année à ses côtés pour l'entraîner sans rien y gagner ?

Ou était-ce de la pitié ?

Non ce n'était pas ça, c'était bien plus profond et elle le savait. Il n'avait peut-être pas d'attache particulière envers elle mais là tout de suite, il désirait l'aider sans rien attendre en retour. Et pas parce-qu'il se sentait redevable non.

Il le voulait c'est tout.

C'est ce qui toucha Éleysia d'autant plus lorsqu'elle reprit ses esprits après avoir longuement pleurée.

Même lorsqu'elle avait commencé à se calmer il ne l'avait pas lâchée. Il avait conservé son étreinte, à la fois ferme et douce. Pour la soutenir jusqu'au bout.

Et ça, ça n'avait pas de prix.

Entourée de sa chaleur, de son parfum, elle avait fini par se détendre peu à peu.

Ses yeux fatigués s'était fermés. Son front s'était calé contre le cou devenu humide du garçon et ses mains restaient agrippées à sa chemise.

La manière dont il la verrait demain ne lui importait peu. Elle s'en fichait. Car qu'importe la manière dont il la regarderait, elle serait à jamais reconnaissante pour ce qu'il avait fait.

Pas grand chose d'un point de vu extérieur. Il n'avait rien dit, il l'avait enlacé.

Mais pour Éleysia, c'était un acte qui lui avait permis d'évacuer un peu de sa peine sans craintes et pour la toute première fois depuis vingt ans. Une étreinte qui l'avait rassurée, qui lui avait donné de l'espoir, qui l'avait motivée, encouragée à vivre, à se battre.

Un soutien incommensurable. Un soutien qui n'avait pas de prix et qu'elle n'oublierait jamais.

Aucune question. Juste sa présence.

Une épaule sur laquelle pleurer.

"Merci" était bien trop faible pour exprimer toute sa gratitude.

De toute façon elle n'avait plus la force de s'exprimer. Elle était vidée.

Sa respiration se calma.

Law ouvrit enfin le yeux.

C'était finit.

Tout du moins elle avait lâchée tout ce qu'elle pouvait ce soir.

Son souffle était redevenu lent, ses membres moins crispés. Il sentait sa tête reposer contre son cou.

Lentement il caressa son dos d'une main par dessus son t-shirt et sa veste.

Il se détendit également. Lui aussi était épuisé.

Mais dormir ici et dans cette position ne lui semblait pas être la meilleure des idées.

Pour autant pas question de l'abandonner ici.

Le Polar était assez loin mais avec un peu d'effort et en utilisant sa Room, il y parviendrait en dix minutes.