2_ Seul et abandonné
- Tu es prêt à courir ?
Une fois de plus sans piper mot il acquiesça d'un signe de tête, le visage fixé vers le sol.
Elle attrapa sa main avant de lui jeter un dernier coup d'œil afin de s'assurer qu'il était prêt.
Puis tous deux s'élancèrent à travers la ville en ruine et en feu. La fumée leurs piquait la gorge et les yeux.
Ils couraient puis s'arrêtaient en se collant à un mur. L'inconnue parvenait à éviter la plupart des soldats mais l'enfant n'y prêtait pas grande attention, il se laissait guider simplement.
Son petit cœur tambourinait avec force dans sa poitrine.
Les images du corps de ses parents, de ses amis, de sa sœur tournaient en boucle dans sa tête. Le bruit des explosions lui cassait les tympans, la fumée lui brûlait la gorge et brouillait sa vue. Il toussa. Suivant le rythme de celle qui le traînait derrière elle.
Elle avait calé ses pas à ceux de l'enfant pourtant, et il courait autant qu'il le pouvait.
Sûrement était-ce l'adrénaline et la peur qui le poussait à mettre un pied devant l'autre malgré les conditions désastreuse du terrain.
Ils y étaient presque.
Les fils barbelés se dressaient devant eux là où la garde était renforcée.
Mais pas question de s'arrêter. Il fallait passer avant d'être repérés.
Le petit trébucha sur une brique et s'écorcha le genou mais se releva presque aussitôt. Il ne faisait même pas attention à la douleur, tout ce qui comptait était de s'enfuir.
L'inconnue s'arrêta pour le regarder faire avant d'entendre des pas pressés se diriger vers eux.
Sans attendre elle prit l'enfant dans ses bras. Le voir ainsi lui faisait mal au cœur mais elle n'en disait rien.
L'enfant tout contre son buste, elle se remit à courir.
Une fois de plus la chaleur qu'elle dégageait apaisait presque la douleur lancinante de l'enfant. Il se sentait si impuissant, si faible.
Tenté de braver l'interdit en regardant le visage de celle qui lui procurait cet apaisement il leva la tête.
Mais comme si elle avait deviné ses pensées, elle posa l'une de ses mains derrière la tête du petit avant de l'attirer à elle. Impuissant, il fut contraint d'enfouir son visage au creux de son cou, caché dans large capuche noire.
Malgré tout, alors qu'il était remué au rythme des pas de course de l'inconnue, il distingua quelque chose de glacé frôler le bout de son nez.
Il s'agissait d'une boucle d'oreille pendante en forme de goutte aux reflets dorés.
Il la grava dans sa mémoire. Ça et l'odeur de pêche qu'elle dégageait. Car il pressentait que si elle ne désirait montrer son visage, elle disparaîtrait bien assez tôt après l'avoir aidé à s'échapper...
Elle bondissait ici et là, montant sur les vestiges et bravant parfois les flammes, elle avait décidée de passer par dessus le barbelé. Et c'est ce qu'elle fit.
L'enfant s'aggripait à elle comme il pouvait, fermant les yeux et cherchant à ne plus entendre les coups de feu et les cris des hommes qui les poursuivaient.
Ils s'étaient fait repérés.
Il la sentit s'arrêter brusquement. Et pour cause, deux soldats armés leur barrés la route.
- En joue ! TIREZ !
Cette fois, l'inconnue sursauta, comme si elle venait de prendre une balle, suite à quoi le petit écarquilla ses yeux de peur et se remit à trembler. Il l'avait sentit. Elle ne bougeait plus.
Elle n'allait quand même pas... Mourir elle aussi !? Il n'osait pas bouger car elle le maintenait toujours fermement contre lui. Alors il espérait, le corps tremblant de peur et d'appréhension de la sentir défaillir avant de s'écouler au sol.
Mais elle resserra sa prise autour de lui comme pour le rassurer.
- Q-qu'est ce que !!? s'exclama un soldat comme horrifié.
- Impossible ! clama l'autre.
Que se passait-il ? L'enfant aurait tant aimé voir ce qu'il se passait mais il était tant terrifié qu'il ne bougea que pour resserrer son emprise sur les vêtements sombre de l'inconnue.
Les pupilles de cette dernière brillaient dans la pénombre tandis que les balles précédemment tirées s'écrasaient au sol dans un tintement sinistre et métallique.
Sans un mot, elle reprit sa course en passant entre les deux soldats dont les jambes tremblaient d'effroi. L'instant d'après, ils s'écroulèrent à même le sol. Non pas évanoui, mais bel et bien morts.
Enfin, après plusieurs heures de course, le bruit des explosions et coups de feu s'amenuisit. L'odeur intenable de la fumée disparaissait peu à peu.
Tout sembla lointain.
Elle ralentit la cadence, marchant à la recherche d'un endroit sûr où laisser le gamin.
- Petit, as-tu de la famille quelque part chez qui aller ?
- ...
Si le silence qui régna suite à cette question fut dû au fait qu'il n'avait pas répondu, ce n'était pas parce qu'il refusait de répondre, mais bel et bien parce qu'il s'était endormi.
Il faisait nuit noire, il était tard et le jeune garçon venait probablement de vivre la pire journée de sa vie.
On ne sait par quel miracle il parvint à trouver repos malgré l'épuisante et traumatisante journée qu'il venait de subir.
Toujours est-il, qu'elle lui jeta un coup d'œil en soupirant.
Pauvre gosse. pensa-t-elle.
Continuant sa marche, elle finit par atteindre une ville voisine. Elle resta cependant en retrait et se dirigea vers un vieux cabanon à l'orée d'une forêt.
C'est ici, après avoir fait un feu et rassemblé quelques vivres qu'elle décida de laisser l'enfant.
S'il avait vraiment la volonté de vivre qu'elle avait cru déceler en lui sous le pont, elle était sûre qu'il s'en sortirait.
Elle prit soin de le couvrir de paille afin qu'il n'attrape pas froid malgré le feu.
Elle avait prit soin d'entourer les flammes de grosses pierres afin que ces dernières conservent la chaleur encore quelques heures même si le feu s'éteignait.
Puis, après un dernier regard, s'en alla.
- Bonne chance petit. murmura-t-elle tout bas. Garde la tête haute.
Ce fut, leur toute première rencontre. Où elle lui sauva la vie.
Peut-être s'en serait-il également sorti s'il avait été seul, qui sait ?
Toujours est-il qu'elle avait été là cette fois. Et que même s'il la détesterait pour l'avoir abandonné, il ne l'oublierai jamais.
Après s'être réveillé, seul et malgré ce qu'elle lui avait laissé, l'enfant se sentait extrêmement mal.
Bien qu'il ait pressenti que cela se terminerait ainsi, savoir qu'elle l'avait abandonné même s'ils ne se connaissaient pas, blessait l'enfant.
Cela était probablement dû au fait qu'il venait de perdre sa famille, sa maison et ses amis.
Il lui en voulait, il en voulait au monde. Toute la confiance qu'il avait envers les gens s'était envolée, il ne croyait plus en rien, plus en personne.
Son seul souhait à présent était de tout détruire.
Son regard était livide, des cernes arboraient déjà son jeune visage d'enfant qui n'avait pas l'âge pour connaître une telle misère, une telle douleur.
Il avait tout perdu. Tout.
Il attrapa les deux bords de son chapeau bouffi et cacha son expression.
Les larmes ruisselèrent le long de ses joues sales de poussière et de charbon.
Enfin il évacua, toute la rage et la souffrance qu'il avait accumulé et hurla à pleins poumons.
Il n'en pouvait plus.
Trafalgar D Water Law.
C'était son nom.
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