4. Vera
Grorn réuni quelques racines et ossements trouvaient à la hâte autour de lui. Il groupa le tout et y ajouta de la mousse à feu, une petite plante qui laissait sécher quelques semaines devenait un combustible efficace. Biosque et Wip se rapprochèrent du feu en préparation. Puis, Grorn retira de son paquetage deux pierres à feu qu'il frappa l'une contre l'autre. Des étincelles jaillirent une première fois et une seconde fois, mais sans résultat.
Wip savoura le spectacle des étincelles, aussi attrayant qu'éphémère. C'était bien le contact des deux pierres l'une contre l'autre qui le fascinait, le choc de deux forces durs qui engendrait quelque chose d'aussi chaud, subtil et instable que le feu. Les tribus du Nord voyaient dans les pierres la caractéristique de l'éternité, de la stabilité et de la sécurité, c'est pour cette raison qu'ils y inscrivaient toute leur histoire. Wip se sentait proche de cette vision du monde. Mais il pensait également que c'était l'énergie des deux pierres qui se mélangeaient pour former le feu, une sorte de choc de deux éternités qui engendrait la volage énergie de la vie.
Au bout de la septième tentative, la mousse libéra une fumée cotonneuse, puis des flammèches qui voracement dévoraient la mousse.
Bien qu'ils étaient sous la glace, allumer un feu n'inquiétait par le guide. Il remarquait à travers le manteau neigeux qui surplombait leurs têtes une glace très fine. Il savait donc qu'il pourrait la briser de part en part pour faire des petits troues de ventilation, afin de ne pas mourir asphyxié par la fumé.
Après tout s'occuper de son petit noble, en le tenant bien au chaud, était sa priorité. Et pour ça Biosque l'avait gracieusement payé une avance de cinq pièces d'or, qui serait complété à son retour par le double. Cela et la promesse de pouvoir ramener quelques secrets de guérison des maîtres de l'eau de Négéria, et ça ça n'avait pas de prix. Si cette expédition tenait ses promesses, il pourrait devenir l'homme le plus riche de sa tribu et demander la main de la femme de ses rêves, Vera. Au fond, s'il se coltiner le petit cul bien en chair de cette saloperie de noble tout en risquant sa vie dans le froid, s'était bien uniquement pour elle. Et cela malgré les interdictions des chamans de la tribu, qui répétait sans cesse que le désert gelé n'aimait pas rendre les âmes qui les foulaient. Et même, si il connaissait par cœur l'histoire de son père, il estimait que le risque valait le coup. Il se voyait déjà en compagnie de Vera et de ses futurs enfants, dans la hutte du chef de la tribu, après avoir payé les dignitaires pour l'y mettre, avec tout le confort qu'on peut espérer, peau d'ours, de reines, de loup, habit tressé pendant des mois avec attention, et nourriture en abondance pour passer les saisons sans être inquiété. C'était sa vie rêvée. Cette chaude pensé grandissante rendait ce dur moment légèrement plus agréable et il tripoter la fermeture de son bracelet en fibule ornée de corail, offert par sa mère pour sa future épouse, en s'imaginant un jour pouvoir la passer au poignet de Vera.
Après avoir bien fait démarrer le feu, il laissa ses compagnons de route aux bons soins des flammes, tandis que lui commençait, avec son bâton de marche, à casser la glace aux endroits où elle était la plus fine pour faire circuler l'air. En répétant cette action, il réussit à créer trois petites cheminées de ventilation.
Biosque observait les lieux, tout en frottant avec acharnement ses mains à travers ses gants en cuir marron bien manufacturé, à coup d'aiguilles répétés ; elles lui avaient été faites sur-mesure. Ils se trouvaient dans une sorte de dôme de glace, dont la hauteur n'excédait pas celle d'un enfant. Pour se déplacer, il devait être perpétuellement accroupi, ce qui à la longue était épuisant. Le sol était recouvert de petite pierre de toute taille, d'un gris foncé qui contrastait fort avec le blanc-bleu de la glace. Il avait réussi à se garder une grosse pierre pour s'asseoir, mais la rugosité et les reliefs pointus commençaient à lui piquer les fesses. Dormir ici s'avérerait compliqué. Curieusement, la lumière circulait bien, depuis le petit trou qui leur avait servi de passage, et les quelques autres creusés par Grorn. Elle se reflétait sur les murs de glace de cet abri de fortune et donnait une lumière légère qui permettait de bien voir, miroitant et se moirant dans un étrange jeu de lumière hivernale. Ils ne manquaient pas de place, c'était là l'un des derniers avantages de cette galerie sous la glace.
Gnorn explora le petit dôme protecteur, il semblait chercher quelque chose que Biosque ne comprit pas.
– « Que fais-tu ? demanda-t-il avec autorité.
– Je cherche un accès à l'eau, répondit-il
– De l'eau ? J'entends pas d'eau moi, répondit Wip qui semblait avoir été absent jusque-là et qui s'intéressa soudainement à la possibilité de boire.
– Je l'entends pas non plus, je la sens
– On pourrait pas utiliser le feu pour faire fondre la neige ? Demanda le noble avec hauteur, voyant dans l'action de Gnorn de la stupidité, bien qu'il ne mettait pas en doute sa capacité à trouver de l'eau
– ça vous prendra des heures pour à peine remplir vos gourdes, expliqua-t-il en rigolant de la naïveté du petit seigneur. Mais essayez, je vous en prie. En attendant, on a derrière ce mur de glace de l'eau en abondance. »
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