« Personne n'a autant peur des revenants que ceux qui n'y croient pas»

Comme dans toutes les familles, certaines décisions peuvent avoir de graves conséquences.
Lors du divorce de mes parents, j'avais immédiatement compris l'intérêt de choisir mon père au détriment de ma mère. Tout d'abord, le caractère paternel était assez fluide, arrangeant. Côté financier, c'était pareil! Attention, je les aimais autant, mais à cet âge ingrat, les cadeaux avaient su faire pencher la balance en accordant une décision définitive. J'avais été pourri gâté, alors que mon frère recevait le strict minimum.

À ce moment-là, ma mère habitait encore la maison à côté avec mon frère. Je pouvais encore les voir tous les jours.

Tiens, un souvenir me revient sur cette maison. Mon père avait acheté la maison juste à côté de celle de mes grands-parents afin de nous rapprocher d'eux. J'étais petit, à peine dix ans quand nous avions aménagé. Mais je me souviens que régulièrement à la nuit tombée, on entendait des cailloux ricocher sur le toit. Enfin, souvenir non, c'était mon père qui nous en avait parlé quand nous fumes en âge de comprendre. Étant très croyant, mon père avait fait intervenir le curé pour bénir la maison. Résultat, plus rien, plus aucune manifestation.
La maison aurait été hantée par un frère et une sœur voulant prévenir leurs parents de ne pas rentrer. Lors de la Seconde Guerre mondiale, leurs parents faisaient partie de la résistance en Gironde. On les avait trahis, donné leur adresse. Un contingent de soldats allemands avait ordre leur soutirer l'identité des membres de la rébellion.
Comment mon père avait-il pu savoir ça, je n'en ai aucun souvenir.

À seize ans, j'occupais donc la chambre du fond. Elle se situait au bout du couloir, juste après la salle de bain. Mon père occupait la chambre donnant au salon. Ma grand-mère dormait dans celle juste de l'autre côté. Mon grand-père était déjà décédé.
J'avais énormément de difficultés à trouver le sommeil. Pourquoi? Parfois, je ressentais une inquiétude à fermer les paupières. De la peur? Non, autre sentiment inconnu, imprécis. Je calculais tout, je pensais détenir l'horloge du temps! Je possédais une large palette de bandes dessinées, Strange, Titan, Spidey, Nova, Asterix, Tintin ... mais, je lisais aussi des livres de poche de Isaac Asimov, Stephen King, L.Ron Hubbard.

Voilà quelques mois, un ami m'avait fait découvrir les jeux de rôle. J'occupais beaucoup de mon temps libre à jouer aux livres ou l'on est le héros.

Un soir, les habituels ronflements de ma grand-mère résonnaient dans toutes les pièces.

J'adorai le silence de la nuit, c'était reposant. Je détestais fermer les volets, sensation d'emprisonnement, huis clos dérangeant, je l'ignore. La fatigue fermait mes paupières. Je reposais donc le livre pour éteindre la lumière.

Mais, même dans la semi-pénombre, mon esprit continuait de travailler. Je fréquentais depuis quelques mois deux sœurs logeant à Lormont, une ville à un quart d'heure de chez moi en mobylette. Très rapidement, j'avais fait la connaissance de Marine, une de leurs voisines dont j'étais secrètement tombé amoureux ! Un bruit suspect au plafond attira mon attention. La maison étant assez vieille, je n'y prêtais guère attention. Mes pensées étaient orientées vers cet amour impossible. Le rebond d'un objet au plafond me fit quitter mes pensées. Que se passait-il ? Problème de canalisation, un rat ou une souris avait-il fait tomber quelque chose ! Comme en réponse, un bruit sourd résonna juste au-dessus de ma tête. Hasard, manifestation paranormale ? Avec hésitation, je tendis le bras vers l'interrupteur afin d'allumer la lampe de chevet, mais l'intonation d'une chute de verre au plafond me stoppa. Je retirais la main pour l'enfouir sous le drap.

— Je n'ai pas peur. Murmurai je avec appréhension. Allez-vous-en.

Le frappement de l'embout d'une canne sur le plafond résonna en rythme d'environ six secondes. Cela devait probablement être une arrivée d'eau ! Cela stoppa subitement pour se changer en raclement long, strident.

— Je suis baptisé, je n'ai pas peur. Partez.

Un pot de fleurs s'écrasa avec fracas sur le plafond, l'écrasement des débris me faisait imaginer un homme sombre avec une large mâchoire, des dents aiguisées.

— Je... Je crois en Dieu. Il va me protéger.

Les piétinements stoppèrent, l'impact de mains tombant sur le plafond me fit sursauter. Des raclements crissèrent quelques secondes.

— Vous ne pouvez rien me faire, je suis baptisé, Dieu me protège.

L'impact d'une masse fit vibrer le plafond. Le second plus fort fit tomber de la poussière. J'attrapais la croix de mon médaillon pour la serrer fermement.

— Dieu est puissant, il chasse le mal.récitai-je.

— Notre Père, qui est aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne ...

L'impact sauvage gonfla le plafond en créant un visage. Je continuais la prière.

— que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses ...

Les martèlements s'accentuèrent avec rage.

— comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous soumets pas à la tentation,
mais délivre-nous du Mal.

— Amen

Le silence subit me terrifia presque autant. Le calme était enfin revenu.

                                                           ........

Alors, ça calme, hein ! Le lendemain mon père m'a avoué avoir vécu la même chose. Tout comme moi, il a fait intervenir la foi. Problème de vieille maison ? Cela ne s'est jamais reproduit.

Faisons le point.

Nous avons vécu la même situation inquiétante, donc elle a existé, ce n'était pas un rêve. Tout comme moi, mon père a vécu les impacts au plafond.

Vous pourriez penser à de simples soucis de vieille maison. Contrairement à nous, une maison ne guérit pas toute seule, donc ce que nous avons vécu aurait dû se reproduire au fil du temps, des saisons. Mais cela ne s'est jamais reproduit.

Il y avait donc véritablement eu une manifestation paranormale.