⚕︎ 02
— London Goes Dark —
Lundi 4 octobre 1993
Les sirènes de police avaient hurlé tôt ce matin-là, les gyrophares projetant sur les murs de briques une intense couleur bleue, cette lumière rotative, véritable oiseau de mauvais augure. Les riverains étaient sur leurs paliers, le nez collé aux fenêtres, le regard rivé sur cette maison, sur les lieux du drame. Ils avaient une sorte de curiosité malsaine pour ce qui était arrivé à leur voisine. Comment ? Quelle arme ? Et le corps ? Les journalistes aussi se bousculaient devant le ruban de sécurité, cherchant la moindre information, quitte à corrompre les policiers sur place.
Non loin de là, deux personnes observaient la scène, la mine sombre. Ils restaient soigneusement à distance et veillaient à ne pas attirer l'attention sur eux, bien que leur accoutrement ne soit pas très discret. Vêtus de longues capes noires, ils dénotaient dans cette foule de moldus.
— On ne pourra pas approcher tant qu'ils seront sur place. Mais qu'est-ce qui leur prend autant de temps ?
— Je ne sais pas, Sirius. Mais c'est inquiétant.
Sirius Black poussa un long et profond soupir.
— Dix ans... Pendant tout ce temps, notre monde a vécu en paix. Pas de meurtre. Pas d'assassinat. La vie n'a jamais été aussi paisible.
— Il faut croire que les Aurors vont reprendre du service, déclara James d'un air fataliste.
Sirius plongea la main dans sa poche et en sortit un paquet de cigarettes. Au cours de ses voyages avec Regulus, il avait cédé à la tentation à force de fêtes et de rencontres. En revenant en Angleterre, il n'avait pas perdu cette habitude de fumer et devant ce spectacle noir, il n'avait pas résisté à l'idée de soulager son esprit.
— Tiens ! Regarde ! Ils sortent le corps.
Les deux mages virent des hommes en blanc sortir de la maison en portant un brancard, sur lequel était étendu un corps, recouvert des pieds à la tête d'une couverture de survie.
— Dunkan travaille toujours chez eux ?
— Aux dernières nouvelles, oui, répondit Sirius. Je rentre lui envoyer un hibou.
James hocha la tête tandis que Sirius écrasait sa cigarette consumée à moitié puis tournait les talons, se dirigeant vers une large moto qu'il enfourcha tout en vissant un casque sur sa tête. Le moteur rugit violemment au démarrage, un grognement sourd et puissant qui s'intensifia lorsque Sirius, en s'engageant sur la route, poussa l'accélération. Le maraudeur regarda l'engin disparaître au bout de l'avenue, sous les premiers pâles rayons du soleil d'Automne.
Il regarda encore la scène, jusqu'à ce que les ambulanciers ferment les portes du fourgon. Et alors qu'il allait partir à son tour, son regard accrocha une voiture de police dans laquelle se trouvait une petite fille. L'enfant de la victime, très certainement. James ressentit une vague de pitié pour l'orpheline. Avait-elle vu ce qu'il s'était passé ? La compassion qu'il éprouvait fut rapidement remplacée par un intérêt plus vif. Il sera peut-être possible de fouiller dans ses souvenirs.
Non loin de là, son regard accrocha celui de Remus. D'un simple hochement de la tête, ils s'entendirent. Le loup sortit sa baguette et se lança un sortilège de dissimulation, prêt à suivre ces hommes en filature afin de récolter des informations. Ils devaient être prudents.
James se mit à marcher à reculons, sans quitter les véhicules des yeux, s'enfonçant dans la ruelle sombre, avant de transplaner à l'abri des regards.
⚕︎
— Je veux tout ce qu'il y a à savoir sur ce meurtre.
— Les moldus sont encore sur place. Et Eddie est en arrêt maladie.
— Par Merlin. Nous avons d'autres agents capables d'aller sur le terrain. Witt n'est pas le seul sorcier à travailler dans le bureau d'Infiltration moldue.
— Monsieur le Ministre, Marvin Preston est en congé paternité et Brad O'Donnell est encore à Sainte Mangouste.
— Encore ?
— C'est la Dragoncelle, Monsieur.
Bartemius Croupton Sr. pesta bruyamment, faisant sursauter ce pauvre Tristan Riggs qui travaillait au Ministère de la Magie. Enfin, il s'occupait des papiers à trier, des missives, des accidents au sein des locaux comme une fenêtre ensorcelée qui déversait des torrents de pluie dans les bureaux. C'était arrivé ce matin d'ailleurs, ce qui expliquait sa tenue trempée et ses cheveux encore humides plaqués sur son crâne.
— Si on ne parvient pas à récupérer ce corps pour déterminer le sortilège qui l'a tuée et découvrir son meurtrier...
Croupton laissa planer un long silence qui rendit Tristan particulièrement mal à l'aise. Bartemius était particulièrement redouté au sein de la communauté sorcière. À la suite de l'attaque menée par Voldemort en 1978, soldée par la mort du mage noir, cet homme avait mené une véritable chasse aux mangemorts. À l'époque, il était le Dirigeant Département de la justice magique et avait traqué sans merci les avérés ou présumés adeptes du Seigneur des Ténèbres. Il s'était alors construit une répulsion de juge intraitable, n'hésitant pas à autoriser les Aurors à employer les Sortilèges Impardonnables pour mener les investigations.
Puis, il avait été élu Ministre de la Magie, sans grande surprise. Depuis ce jour, le monde sorcier avait été épuré des Mangemorts. Ceux qui portaient la marque des Ténèbres étaient soient morts, soient enfermés à Azkaban sous bonne garde des Détraqueurs. Ceux qui étaient libres avaient prouvé sous Veritaserum leur engagement et leur loyauté envers la Communauté et contre le Lord ou leur manipulation sous le sortilège de l'Imperium.
— Ha ! Potter !
Tristan poussa un soupir de soulagement.
— Monsieur le Ministre, salua James en le rejoignant. Sirius est parti envoyer un hibou à notre agent de liaison, Dunkan Carver.
— Le cracmol.
James tiqua légèrement, mais ne fit aucun commentaire.
— C'est exact.
— Bien. Très bien. De mon côté, je vais prendre contact avec John Major. Le gouvernement moldu semble subir des dissensions intestinales, mais la situation risque de prendre un dangereux tournant si nous ne réagissons pas rapidement.
Le message du Ministre était parfaitement clair.
— Entendu, Monsieur le Ministre.
— Je m'entendais davantage avec Mme Tatcher... Mais enfin, ces moldus, déclara Bartemius en tournant les talons, le pauvre Tristan le suivant comme son ombre et laissant des flaques d'eau sur son passage.
James le regarda disparaître au détour d'un couloir avant de prendre la Direction du bureau des Aurors.
— Alors ? S'enquit une voix à peine eut-il franchi le seuil de son bureau.
— Tu me laisses le temps de prendre un café, Kingsley ?
L'Auror eut un sourire en coin en lui tendant un gobelet fumant. James ne put se retenir de lever les yeux au ciel et encore moins de sourire. Shacklebolt avait toujours un coup d'avance, que ce soit en matière de comportement social, devançant toutes les demandes qu'on pouvait lui faire, ou en plein duel. James avait réussi à le mettre en échec une seule et unique fois, et encore, cela n'avait pas été une mince affaire.
— On n'a pas pu s'approcher. Trop de moldus. Mais Sirius va envoyer un message à Dunkan.
Kingsley demeura pensif un instant.
— J'ai cherché le nom d'Aria Faith, mais cela n'a rien donné. Sa famille n'a rien à voir avec le monde sorcier, de près ou de loin.
— Et nous sommes certains que le meurtrier est un sorcier. Il y a eu une forte activité magique cette nuit-là.
— Et nous avons une piste sur le sortilège ?
James hocha la tête négativement. Ils avaient tendu l'oreille avec Sirius, mais aucune information n'avait filtré.
— En tout cas, ça ne peut être l'Avada. Les moldus en auraient conclu à une crise cardiaque. Mais apparemment, il y a plus que ça...
Le Maraudeur avala une gorgée de café. C'était l'œuvre d'une magie obscure, il en était persuadé. Mais après tout ce temps... Le bureau des Aurors était vide, comme à son habitude. Leur travail consistait à présent à la surveillance de certaines activités illégales, ils n'avaient plus chassé de mage noir depuis...
— Et bien il n'y a plus qu'à attendre et prévoir le prochain coup, déclara pensivement Kingsley en se dirigeant sur une petite table où trônait un échiquier.
Le sorcier se caressa le bas du visage avant de prendre un pion noir et de l'avancer sur le plateau.
— Votre dernière partie a duré plus de deux mois, railla James. Vous comptez battre un nouveau record ?
— Regulus est un bon joueur. Patient. Réfléchi. Fin stratège.
James regarda le jeu avec un léger reniflement.
— Tu es trop impulsif et pressé pour être un bon joueur d'échecs, déclara Shacklebolt avec un petit rire. Et tu n'es pas assez attentif.
— Je n'ai jamais eu de patience, avoua James. Mais tout de même... Je suis attentif !
Kingsley éclata franchement de rire en posant une large main sur son épaule.
— Tu es un bon Auror, James. Je suis juste meilleur que toi.
L'Antillais évita habilement le coup qui lui était destiné, démontrant cette fois encore qu'il avait un coup d'avance.
— Attentif, répéta-t-il un brin moqueur avant de retourner à son bureau.
James pesta contre son collègue, mais il appréciait beaucoup le sorcier et le tenait en haute estime. Calme, serein, il avait été un véritable mentor quand il était entré au bureau après Poudlard. Il l'avait aidé à canaliser son énergie, son impulsivité.
Son attention se focalisa à nouveau sur son affaire alors qu'il s'installait également à son bureau. Les paroles de Sirius résonnaient en lui, comme un écho lointain et multiple.
Dix ans... Après l'épuration, ils avaient passé dix ans en paix. Était-ce un meurtre isolé ? L'acte d'un fou ? Un simple sorcier qui avait évacué une pulsion trop longtemps contenue ? Il l'espérait... Mais au fond de lui, une boule d'angoisse se formait, lentement, mais sûrement.
⚕︎
La journée passa rapidement, entre la réunion de crise au Ministère, le rendez-vous avec un journaliste de La Gazette du Sorcier et leur enquête. Vers la fin de la journée, Sirius arriva au bureau.
— J'ai reçu une réponse de Dunkan. Il a bien reçu le cadavre, mais d'après sa lettre, ils risquent de le garder un moment. Apparemment, ils n'ont jamais rien vu de tel.
James siffla entre ses dents de mécontentement.
— Ça ne va pas nous aider à avancer, ni à étouffer l'affaire. Est-ce qu'ils peuvent se rendre compte de quelque chose ?
— James... Ça reste des moldus. Ils sont incapables de voir des choses qui sont sous leur nez. Regarde avec le Magicobus.
Il marquait un point.
— J'ai croisé Regulus en chemin. Il est en planque non loin. Apparemment, les lieux sont surveillés. Mais d'après ce qu'il a entendu, il y aura juste un policier en poste pour bloquer l'entrée aux gens curieux. Je lui ai prêté le miroir pour qu'il puisse nous avertir.
James hocha la tête en sortant le miroir de la large poche de sa cape.
— Des nouvelles de Remus ?
Sirius hocha la tête négativement.
— Non mais il ne devrait pas tarder, dit-il en montrant le cadran de sa montre.
Les aiguilles désignaient chacun d'entre eux. James et Sirius pointaient tout deux sur "au bureau" tandis que celle de Remus indiquait "en chemin". Et effectivement, quelques minutes plus tard, le loup pointait le bout de son nez.
— Je n'ai pas pu entrer dans le commissariat. Trop risqué ! La petite est restée un long moment dans les locaux puis elle a été prise en charge par les Services Sociaux. Elle a été confiée à une famille d'accueil provisoire.
— Il faudra qu'on trouve un moyen de l'approcher pour l'interroger.
Sirius appuya les dires de son meilleur ami. Kingsley intervint.
— Cela attendra demain. Je m'en occuperai ! Vous, allez sur place ce soir pour enquêter sur les lieux.
— À vos ordres, chef ! S'exclama Sirius en moment un salut militaire.
Kingsley leva les yeux au ciel. Puis, tous s'attelèrent à préparer le terrain et à régler des tâches administratives en attendant l'heure. Le signal fut donné par Regulus à travers le miroir.
— La voie est libre, dit-il à voix basse tandis que le reflet renvoyait l'image d'un jeune sorcier, dans l'ombre, capuche rabattue.
— Bien ! Vous avez carte blanche, dit-il à l'équipe. Mais je veux votre rapport demain matin. Oh Regulus, Pion D6 en F4.
Le jeune Black eut un petit rire avant de rétorquer aussitôt.
— Fou F1 en C4.
Kingsley pesta avant de tourner les talons et de retourner face à l'échiquier.
— Ne passe pas toute la nuit à réfléchir, railla Remus.
— La patience a beaucoup plus de pouvoir que la force, répondit le mage avec une certaine solennité.
— C'est de qui ça encore. Merlin ?
— Non James. Plutarque ! Prends en de la graine.
James eut un petit rire puis les Maraudeurs transplanèrent dans la sombre ruelle où les attendait Regulus. À peine furent-ils arrivés que le frère de Sirius leur intima le silence et la discrétion en posant un doigt sur ses lèvres avant de le pointer vers la maison.
Ou plutôt vers deux personnes qui s'avançaient vers la porte, vêtues de larges manteaux et casquettes vissées sur la tête. Le policier en poste fit un pas dans leur direction, mais ils virent aussitôt l'un d'eux lever la main et le dépasser, sans qu'il réagisse. Il resta planté, devant le seuil, l'air hagard.
— Nous ne sommes pas seuls sur le coup, souffla Regulus.
— Le meurtrier qui revient sur les lieux du crime ? Suggéra Sirius.
— Je ne sais pas, mais on va tout de suite le découvrir, déclara James d'un air décidé tout en avançant vers la maison.
.... .... .... .... .... ....
« Ainsi je m'arrêtai, et j'osai sonder d'un oeil affaibli ces profondeurs d'où jamais ne sortit un homme vivant »
-----------------
Le grand retour de nos maraudeurs. Cette fois-ci nous les découvrons après Poudlard, au coeur de leur profession. D'autres personnages apparaissent aussi, comme Kingsley.
Des hypothèses ? J'espère que vous avez apprécié la lecture. :)
À dimanche prochain.
Delphine
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro