Chapitre 59 : L'accident
De retour vers Redwood, murée dans son triste souvenir, la jeune femme ressassa une nouvelle fois les circonstances du drame, comment tout avait basculé et la culpabilité qui la rongeait encore aujourd'hui. Depuis ce jour tragique, le jour de l'accident, elle ne pouvait plus se transformer en ent rapidement, la culpabilité de son être l'avait enfermée dans une enveloppe elfique plus difficile à fissurer chaque jour. Aujourd'hui, elle ne pouvait que prendre sa forme végétale après un long processus qui lui prenait plusieurs minutes et nécessitait un calme absolu, ce qui lui faisait perdre son indispensable capacité de régénération entique rapide en cas de blessures graves. Fort heureusement, sa faille avait été gardée secrète et nul ne se doutait que Jaheira demeurait toute aussi fragile que tout autre elfe, si la vérité se savait, la reine serait en immense danger. Elle s'attachait donc à rester prudente, mais à garder la tête haute, comme si de rien n'était, pour sa propre sécurité.
Legolas et elle ne parlaient jamais de l'accident. Une nouvelle fois, pour ne pas importuner son époux avec ses torpeurs, elle préféra ne pas partager ce sombre ressassement avec lui. Une nouvelle fois, elle pleura en silence, dissimulée du regard de Legolas sous son capuchon.
Jaheira sentit le vide en son cœur comme si c'était arrivé hier. Sa douleur était d'un poids immense en comparaison à ce si petit être si fragile aujourd'hui disparu. Il était si jeune, les bleus yeux de son père, ses cheveux ondulés à elle. Jaheira crut le voir un instant courir entre les arbres et ressentit un grand serrement en son cœur. Pour elle l'immortelle, le temps passait une vitesse plus que lassante, et à la moindre pensée de son fils, son cœur semblait cesser de battre.
Ajantis avait été un fils merveilleux qui les avait comblés de bonheur dès sa venue au monde. Tout en lui, ses traits fins, son regard perçant, tout lui rappelait Legolas et l'amour qu'elle lui portait.
Son père était son héros. Pour devenir un jour comme lui, il s'était mis à tirer à l'arc alors qu'il tenait à peine sur ses jambes. Ainsi, Ajantis espérait un jour égaler son père à l'exercice. Legolas ne lui avait jamais avoué, mais Ajantis le surpassait déjà largement à âge égal, et l'elfe, préférant ne pas conforter son fils dans une orgueilleuse bataille d'égo, ne cessait de l'encourager dans son perfectionnement et lui transmettait toutes ses techniques avec délectation. Ajantis avait également appris à monter à cheval, espérant plus tard être capable d'intégrer une promotion de cadets de l'armée.
Ajantis n'était pourtant âgé que de quelques années, mais avait grandi à une vitesse folle, au grand désespoir de sa mère qui espérait l'avoir petit auprès d'elle pour toujours. À cette époque, ils étaient une famille heureuse. Ajantis était si beau avec sa petite figure angélique... Elle se rappela ses grands éclats de rire et de ses yeux brillants qui la faisait fondre, et crut l'entendre un instant dans la forêt de Fangorn pourtant dépourvue de sa joie de vivre depuis bien des années.
Jaheira se rappela d'une journée particulière où son fils s'entrainait. Elle avait profité d'une séance écourtée d'un de ses nombreux conseils de reine pour observer la nouvelle leçon de maniement de l'arc que Legolas lui dispensait. Bien que de silhouette frêle et encore petit pour un arc, le tout jeune prince réussissait déjà à tirer au cœur de sa cible, fait rare pour un enfant à peine en âge de lire. Sur le pas de tir, le garçon ressemblait traitrement à son père : tout dans sa posture et son attitude lui rappelaient son époux, telle une version miniature de l'elfe, mais avec les cheveux bruns et bouclés comme elle. Jaheira se reconnaissait aisément en sa progéniture, notamment à travers son goût plus que prononcé pour les originales et créatives postures d'équilibre et ses malicieuses ruses qui lui permettaient de mener à bien ses exercices de combat, à la barbe de ses instructeurs aux méthodes plus conventionnelles.
Ce matin-là, le jeune prince s'entrainait à volontairement glisser de Pura, le lynx gardien de Fangorn, son fidèle ami qui lui permettait de faire toutes sortes d'acrobaties sans danger. En ce jour, l'objectif était de se glisser de selle jusqu'au sol de sorte à ramasser une flèche et pouvoir de suite la tirer dans une cible. Jaheira regarda son fils s'exécuter, il manquait d'assurance lorsqu'il se hissait et perdait quelques fractions de temps pour se lancer, mais avait réussi l'enchainement avec brio et sa flèche s'était logée en plein cœur de la cible. Tout ceci n'était qu'un jeu pour le jeune garçon et son père, mais il était clair que cette dextérité lui servirait plus tard pour l'exercice militaire pour lequel il se préparait déjà. Jaheira avait applaudit. Son jeune fils qui ne l'avait pas vu, l'avait salué d'un large geste en riant :
- As-tu vu mère ?
- Oui, j'ai vu, c'est très bien mon fils !
- Viens t'entrainer avec nous !
Legolas s'était approché du tout jeune cavalier :
- Laisse Ajantis, ta mère a bien d'autres choses à faire..., avait-il dit en souriant. À moins que ça ne soit de la peur ?
Jaheira était apparue outrée et le jeune prince avait ri de la provocation de son père. D'un pas décidé, elle était descendue dans la cour pour répondre de ce défi. Étant bien trop grande pour Pura, un des encadrants lui avait amené un cheval sur lequel elle avait grimpé sans difficulté malgré son lourd jupon en velours. Son époux s'était approché d'elle :
- Es-tu sûre de vouloir faire cela ? Lui avait glissé Legolas avec une soudaine pointe d'inquiétude.
- Est-ce de la peur que je distingue en vous, Capitaine Eryn ?
- L'Académie est déjà loin... Sois prudente.
- Le ferais-tu avec moi ? L'avait-elle défiée.
Legolas avait souri d'une telle provocation, et avait accepté le défi. A son tour, il avait grimpé à cheval et s'était positionné bien en amont le pas de tir. Prêt à se lancer.
Jaheira avait teinté les brides du cheval pour se placer en sécurité derrière la cible du pas de tir, laissant la main à Legolas pour commencer l'exercice. Concentré, l'elfe s'était mis sur le marquage avec son cheval, face à la cible, sous le regard admiratif de son fils qui s'était posté un peu plus loin pour observer la scène. Pour les deux adultes, le niveau de l'exercice avait été adapté : il fallait désormais récupérer arc et flèche au sol depuis une hauteur de cheval adulte sur une distance très restreinte puis tirer dans la cible. Tous les deux devaient s'exécuter devant leur fils, il s'agissait de ne pas le décevoir. Après un instant, Legolas avait fait signe à son cheval de partir, il s'était élancé au galop vers l'arc et les flèches au sol, mais avait constaté en plein sprint que Jaheira s'était également élancée à cheval à contre-sens, fonçant vers lui, s'éloignant de la cible à toute vitesse.
Les deux cavaliers avaient tracé au galop l'un vers l'autre dans l'incompréhension générale. Legolas avait fait fie de la surprise de sa femme et avait continué sa course avec défi. Les deux montures s'étaient évitées de justesse au centre du pas de tir, tandis que les deux cavaliers étaient en train de basculer de leur selles respectives pour se retrouver presque face à face la tête en bas, à quelques centimètres du sol, pour ramasser arc et flèches posés là pour eux. Jaheira avait adressé un regard complice à son mari avant de tous deux se redresser sur leurs selles à la seule force de gainage. Legolas s'était remis en selle pour tendre sa corde et propulser avec une facilité déconcertante sa flèche en plein cœur de la cible. Mais juste après que sa flèche se soit logée au centre de son objectif, une autre flèche était venue atteindre le cœur de cible : la flèche tirée par Jaheira. Legolas s'était retourné vers sa femme, ne comprenant pas comment elle avait pu tirer de dos. En se retournant, l'elfe avait découvert sa femme allongée sur le corps du cheval avec son arc tendu à l'horizontal au-dessus de sa tête : Jaheira avait tiré à la renverse, allongée sur le dos de sa monture avec une précision toute aussi efficace. L'assemblée avait applaudit du spectacle et le jeune Ajantis en avait crié de joie.
Jaheira s'était alors rassise pour rejoindre son époux sur le pas de tir, à sa rencontre Legolas lui avait adressé un sourire admiratif :
- Tu n'as donc rien perdu de tes capacités.
- Avec toi comme époux, il faut savoir se renouveler !
Le roi et la reine étaient descendus de cheval. Galamment, Jaheira se rappela que l'elfe l'avait aidé à descendre pour ne pas qu'elle abime sa tenue. Probablement aussi par pur plaisir, lui qui s'était confié de ne jamais se lasser de porter ses mains à sa taille.
- Maman ! Comment as-tu fait maman ? Tu m'apprendras ? S'était écrié Ajantis en se jetant au cou de sa mère.
Elle lui avait souri, se sentant héroïque dans ses yeux :
- Dès que tu sauras lire les runes elfiques, je t'apprendrai, lui avait-elle promit.
Le prince s'était mis à bouder, car il détestait l'apprentissage des runes. Legolas avait ri de sa réaction totalement prévisible. Le garçon était un bien plus attaché à l'art de la guerre qu'à la lecture de poussiéreuses archives, simple trait de caractère.
Ajantis avait toujours voulu devenir un soldat comme son père. Jaheira se rappela la première fois qu'ils l'avaient emmené à l'Académie de la Garde Royale de East Bight, où ils s'étaient arrêtés le temps d'une étape sur le chemin du Mirkwood. Depuis ce jour où le garçon avait observé les militaires à l'entrainement, se battant au corps à corps et tirant à l'arc, le jeune Ajantis s'était prit de passion pour l'institution, vers laquelle il avait très vite manifesté son intérêt quant à rejoindre les rangs le plus tôt possible. Heureusement, l'enfant ignorait tout du rôle de son père à l'Académie ainsi que de la rencontre de ses parents en ces lieux, et ne savait pas que sa mère y avait également été diplômée. Cela n'aurait qu'attisé les attentes du jeune prince.
L'Académie avait tant plut à Ajantis qu'il avait insisté pour s'y arrêter à chaque voyage vers le Mirkwood. Alors, telle une promesse, Ajantis se retrouvait régulièrement au camp pour y accompagner ses parents, heureux de pouvoir observer les recrues s'exercer, et tentant de reproduire seul leur mouvement avec une petite arme en bois.
Pour Jaheira et Legolas, ces pauses à East Bight étaient l'occasion d'un retour au source au cours desquelles ils pouvaient bénéficier de la confortable politique d'anonymat des lieux qui leur redonnait un éphémère semblant de liberté. Le camp restait sous bonne garde, et tous deux se baladaient en uniformes d'encadrants, leurs sempiternels bandeaux d'anonymat recouvrant leurs yeux. Ajantis quant à lui, devait se faire discret afin que tous ici restent dans l'ignorance sur le fait que le jeune bambin de passage demeurait en fait l'unique héritier du trône des elfes.
Par solidarité et respect, Jaheira et Legolas s'accordaient sur place à recevoir le même traitement que toutes autres recrues lors de leurs visites, et profitaient du confort spartiate qu'impliquait le camp, avec pour seule différence qu'ils partageaient désormais une seule et même tente avec leur fils, toujours sous couvert d'anonymat. On les prenait pour des voyageurs de passage ou des commerçants et passaient totalement inaperçus.
Profitant de la nuit et du repos de leurs fils et des recrues, Jaheira et Legolas se faufilaient presque systématiquement hors du camp pour eux aussi se frotter à la rigueur de l'Académie, se défiant de nuit sur des exercices imaginés au gré de leurs inspirations. Ils l'avaient ignoré jusqu'à l'accident, mais une nuit Ajantis s'était malicieusement glissé sous sa toile de tente pour les suivre sans se faire remarquer. Le jeune garçon les avait alors observés à un exercice de réflexe où Jaheira, sous forme entique, devait rattraper Legolas qui se jetait silencieusement dans le vide depuis la hauteur des arbres. L'elfe était alors rattrapé in extremis par l'immense et puissant bras entique de sa femme juste avant qu'il ne touche le sol, amorti dans sa chute et reposé délicatement au sol en vue d'un nouveau saut.
Jaheira avait décidé de continuer à s'exercer et de mettre à profit cette compétence dès le lendemain matin, lorsque d'une épreuve finale de l'Académie qui se déroulait en forêt. Tandis que Legolas surveillait les recrues et qu'Ajantis regardait les postulants se démener entre les arbres, Jaheira prenait son invisible forme entique et veillait à la sécurité des recrues qui pouvaient chuter depuis les arbres où étaient plantés les flèches destinées à abattre trolls et autres créatures prévues au programme. Fort heureusement, Jaheira n'eut nul besoin d'intervenir pour ce jour qui couronna le succès de seulement deux recrues, dont une femme.
- Un jour mère, je rentrerai dans les rangs moi aussi, avait déclaré le petit Ajantis en joie, alors qu'il se jetait dans les bras de sa mère.
- Quand tu seras prêt, nous y veillerons, avait-elle répondu avec au fond d'elle-même le désir que le temps s'arrête et que jamais n'arrive ce jour où son fils quitterait le nid.
***
Sur son cheval à Fangorn, Jaheira souriait inconsciemment alors que la cité d'Argent se dessina devant eux. Fatiguée, elle partit directement dans ses appartements et se glissa dans ses draps pour se mettre dos à son époux qui lisait à la lueur d'une bougie.
Plusieurs joyeux souvenirs se succédèrent silencieusement dans sa tête. Puis, une nouvelle fois, cette journée revint la hanter. Ce merveilleux matin de printemps où toutes leurs vies avaient basculé.
Ils étaient revenus du Mirkwood et ne s'étaient arrêtés que brièvement à Fangorn. Jaheira et Legolas souhaitant rapidement rejoindre le port d'Edhellond à l'Ouest pour dire au revoir à un vieil ami hobbit qui partait pour les Terres Immortelles.
Après plusieurs jours de voyage, ils avaient atteint le port en fin de journée et Ajantis avait accouru jusqu'aux quais, extasié de voir la mer. Ce jour était la première et dernière rencontre d'Ajantis avec Sam Gamegie. Jaheira se rappela avoir passé une formidable soirée en sa compagnie, en vue de son départ dès le lendemain matin vers les terres d'Aman pour rejoindre Gandalf, ses amis Frodon et Bilbo.
Une fois le soleil levé, Ajantis, Legolas et Jaheira s'étaient rendus sur le port pour saluer une dernière fois leur ami Sam. Ils se promirent tous de se retrouver bientôt. Puis, le bateau avait levé les voiles et s'était éloigné, jusqu'à disparaitre à l'horizon.
Tristes, mais rassurés du départ de leur ami, les jeunes parents avaient alors décidé de passer quelques jours dans les environs, pour s'accorder un peu de repos bien mérité avec leur fils.
Cela faisait deux jours que la petite famille profitait des riches paysages des environs avec décontraction. Alors que leur départ était prévu au lendemain, Jaheira et Legolas s'étaient permis une dernière balade sur le port, où le jeune prince aimait déambuler près de l'eau, sauter sur les tonneaux et observer les poissons depuis le quai. Legolas et Jaheira eux, marchaient gentiment et laissaient leur fils se défouler à cœur joie.
- Comment te sens-tu, avec le départ de Sam ? Avait demandé Jaheira, sachant son époux très introverti.
Legolas l'avait regardé avec tendresse.
- Regarde où nous sommes Jaheira, cette terre est magnifique. Comment puissions-nous ne pas être heureux ?
- Nombre de nos amis sont à Valinor à présent, n'es-tu pas triste de ne pouvoir les rejoindre ? Si je n'étais pas un ent...
- Pourquoi partirai-je quand j'ai tout ce qu'il me faut ici, lui avait-il dit en lui prenant le visage dans les mains et en s'apprêtant à l'embrasser.
- Père ! Appela Ajantis au loin, rieur.
Legolas avait été stoppé dans son élan de tendresse et avait souri, depuis qu'ils étaient parents, les moments de romantisme étaient plus que rares.
- Mère ! Père ! Regardez !
L'elfe s'était retourné :
- Attention Ajantis, où il se pourrait bien que... Mais l'elfe ne vit pas son fils là où il était il y a un instant.
- Père ! Je suis ici ! Avait ri l'enfant.
Les deux avaient levé les yeux vers la voix d'Ajantis qui semblait venir du ciel. Ne fut pas leur choc quand ils aperçurent leurs fils confortablement assis sur la poutre qui culminait tout en haut d'un des mats du bateau, l'enfant les saluant des deux mains, les jambes dans le vide. Ajantis avait grimpé seul à plus de cinquante mètres du sol, et ce, sans protection aucune.
L'enfant riait de la mine déconfite de ses parents.
Sur le coup, Jaheira avait manqué de défaillir :
- Oh mon dieu va le chercher je t'en prie ! S'était-elle écriée en poussant Legolas.
- Aja ! Écoute-moi ! Ne bouge surtout pas ! Tu m'entends ? Ne bouge surtout pas et accroche toi ! Avait crié Legolas en courant sur le bateau pour s'élancer aux cordages.
- Regarde mère ! J'ai pu monter jusque-là grâce aux filets ! Je suis bien assez grand pour l'Académie à présent !
- Ajantis ! Ne bouge surtout pas, tu entends ? Accroche-toi !
- Je vais sauter. Pourrais-tu me rattraper comme papa ? Comme quand tu es en arbre !
Des badauds s'étaient approchés, alertés par les cris des parents et de l'enfant.
- Ajantis, ne bouge surtout pas ! Avait-elle crié.
Plusieurs marins et gardes s'étaient joint à l'assaut de Legolas pour eux aussi se précipiter à la rescousse du jeune garçon en équilibre, sur les talons de Legolas qui arrivait déjà au niveau de la première poutre.
L'enfant avait vu plusieurs hommes s'élancer vers lui avec empressement et en avait perdu de son sourire, sentant les ennuis arriver. Aussi, le poids de la dizaine d'hommes qui s'étaient assemblés sur le navire avait fait légèrement bouger l'embarcation, et l'espace d'un bref instant Ajantis avait perdu l'équilibre, après un cri d'effroi de sa mère.
Un peu plus bas, Legolas se dépêchait de grimper.
- Mère, si je saute, tu me rattrapes ? Avait demandé l'enfant, subitement inquiet.
Jaheira, restée au sol, était désemparée. Comment son fils pouvait-il être au courant de cet exercice ? Elle ne pouvait se révéler en ent ici, à la vue de tous, cela était plus que dangereux pour elle, pour son fils et son époux. En ce petit village, il n'y avait pas assez de soldats pour contenir un immédiat assaut ennemi envers la famille royale de Fangorn au complet. Même si elle avait voulu se transformer en ent, elle ne l'aurait pas pu, la jeune femme s'était sentie tétanisée, et son réflexe archaïque entique de se préserver sous forme humaine l'avait bloqué : l'enveloppe elfique était sa forme la plus rapide pour s'échapper lorsqu'elle était apeurée, pour son propre salut, son cœur refusait de se transformer.
- Mon chéri, ne bouge pas ! Papa vient te chercher ! Avait-elle crié de nouveau.
Le jeune garçon ne semblait pas l'entendre. Trompant l'ennui et cherchant un peu à s'échapper des hommes qui grimpaient vers lui, il s'était mis debout pour jouer à marcher en équilibre sur la mince poutre comme le faisait son père sur les branches des arbres de East Bight, espérant convaincre sa mère de son adresse. L'agilité de l'enfant et la petitesse de ses pieds lui avaient permis de facilement réussir son exercice et de s'éloigner un peu plus du mât. Ajantis arriva à l'extrémité de la poutre, il était désormais hors d'atteinte pour Legolas qui était enfin arrivé à son niveau et qui n'avait pas hésité une seconde à avancer sur l'étroite poutre de bois en parlant calmement à son fils. L'elfe contenait la peur qui l'avait envahie, ce n'était non pas le vertige, mais bien par l'idée que son fils ne bascule dans le vide qui le terrorisait :
- Ajantis, ne bouge pas, je viens te chercher, avait-il dit avec le plus de douceur possible dans la voix, ne détachant pas ses yeux de lui et lui tendant une main bienveillante.
- Maman va me rattraper !
- Ajantis, ne fais pas ça, elle ne le pourra pas. Reste là, j'arrive.
- Mais je l'ai vu faire avec toi ! Avait dit l'enfant avec une immense déception.
- Ajantis écoute moi ! S'était emporté Legolas.
En perdant son calme, Legolas avait perdu l'équilibre. D'habitude très agile, il avait basculé dans le vide à cause du stress et ne s'était rattrapé in extremis à la poutre qu'à la force de ses mains. Mais en se raccrochant, l'elfe secoua la poutre qui pivota autour du mât, faisant aussi perdre l'équilibre à l'enfant qui avait lui aussi basculé mais s'était rattrapé comme son père à bout de bras sur la poutre. Mais le jeune garçon, incapable de remonter et fatiguant de son propre poids, s'était alors mit à paniquer. Il avait crié, effrayé par le vide sous ses pieds. Devant l'urgence de la situation, Legolas avait entreprit de rejoindre son fils en se déplaçant à la seule force de ses mains, progressant à bout de bras sur la poutre jusqu'à atteindre son fils. L'elfe s'était exécuté rapidement et était à à peine un mètre de l'enfant lorsqu'Ajantis, cédant sous son propre poids, avait lâché prise. Legolas avait eut beau tendre la main, Ajantis lui avait échappé à une seconde près, tombant tout droit dans le vide dans un silence effroyable.
Jaheira avait hurlé en voyant son fils lâcher prise et s'était précipité vers l'enfant tombant, dans l'espoir de le rattraper au vol. Mais voyant qu'elle n'y serait pas à temps, voyant son fils tomber, en passe de s'écraser de tout son poids sur le pont, elle s'était transformée en arbre, et son bras entique avait plongé vers la trajectoire de l'enfant. Malgré son imposante taille qui lui avait fait gagner quelques précieux mètres et son long bras entique, elle n'avait pu l'atteindre entièrement, et n'avait réussi qu'à pousser, du bout des doigts boisés, le corps de son fils en chute libre par-dessus bord juste avant qu'il ne s'écrase sur la balustrade en bois. Grâce au poids de son être, Jaheira avait également fait pencher le bateau en leur faveur et avait tout juste eu le temps de sentir le contact de ses doigts d'ent avec la peau de son fils, qu'elle écorcha grandement en le poussant de toutes ses forces hors du bateau afin qu'il tombe à l'eau.
L'enfant poussé s'était alors enfoncé dans la mer, au très maigre soulagement de la reine qui s'était précipitée près de la balustrade en reprenant son enveloppe elfique. Le bateau avait alors reprit son équilibre. Et tandis que Jaheira se précipitait vers le rebord, Legolas plongea la tête la première pour s'enfoncer dans l'eau sombre, il s'était jeté sans hésiter depuis la très haute poutre de bois pour récupérer son fils.
Legolas avait disparu sous la surface et tous avaient guetté la remontée de l'elfe avec inquiétude. On ne vit là aucune silhouette remonter à la surface. La mer était très profonde à cet endroit, c'était la caractéristique des lieux qui permettait aux bateaux d'accoster très près des terres grâce à cette exception naturelle. La chute du petit, d'au moins quarante mètres, avait dû l'attirer très profond vers les bas-fonds.
Après plusieurs secondes d'insoutenable attente, une silhouette était apparue loin sous l'eau, puis on distingua des cheveux blonds, une lueur argent et enfin, Legolas qui émergeait de l'eau dans une douloureuse expiration, tenant le petit Ajantis inconscient à bout de bras.
Jaheira avait tenté de les rejoindre, mais les badauds l'avaient retenue de cette folie. Legolas et son fils avaient très vite été récupérés et ramenés sur le quai, où Jaheira se précipita sur son fils inanimé. Dans le port, le silence s'était abattu. Jaheira avait trouvé le pouls de son fils et avait tourné le petit corps de son jeune fils pour faire sortir l'eau contenue dans ses poumons. L'enfant avait recraché naturellement, mais ne s'était pas réveillée. Lorsque sa mère le retourna pour vérifier son état, ses pupilles étaient bien réactives.
- Il est vivant, avait-elle annoncé à son époux à bout de souffle. Emmenons-le.
- Gardes ! Protégez ces altesses ! Avait crié un anonyme.
Les gardes présents les avaient encadrer et les témoins du spectacle les avaient regarder s'éloigner. Legolas avait prit son fils dans les bras et accompagné Jaheira précipitamment en direction de leurs appartements.
Arrivés sur place, Jaheira avait ausculté son fils une nouvelle fois et avait constaté qu'il perdait du sang argent en quantité, la jeune femme avait alors découvert la plaie qu'elle n'avait pas vue auparavant sur son fils : une griffure, grossière et profonde, lui marbrait la mâchoire et une partie de son cou. Jaheira avait reconnu l'endroit précis où ses entiques doigts d'ent étaient entrés en contact avec l'enfant juste avant sa chute dans l'eau : c'était bien elle qui lui avait ça en le poussant hors du navire. La jeune mère en fut terrifiée et avait même fait plusieurs pas pour s'éloigner de son fils, sonnée, manquant de défaillir du dégout pour elle-même.
- Jaheira, calme-toi, avait dit son époux en la prenant pas les épaules, ton fils a besoin de toi !
- Regarde ! Regarde ce que je lui ai fait..., avait-elle bégayé, alors dévorée de culpabilité.
- Mais tu lui as sauvé la vie ! Jaheira s'il te plait, aide-le !
La guérisseuse avait reprit le dessus et s'était alors afféré pour soigner son fils. La blessure lui avait ouvert la gorge, ce qui avait ouvert l'accès de l'eau salée vers ses poumons avec plus de facilité encore. L'eau de mer, salée, comme pour toute plante terrestre, était très nocive pour les ents. Le corps du petit elfe était encore traumatisé de sa chute et de sa presque noyade, elle n'avait pu à l'époque user de ses pouvoirs sur lui, au risque de refermer la plaie avec l'eau salée à l'intérieur. Malgré de très nombreuses précautions, et même si le garçon respirait convenablement, que son cœur battait, la mer l'avait bel et bien empoisonnée comme le sel déshydrate une plante, et le toute jeune elfe, bien que vivant, ne se réveilla pas.
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