Chapitre 2 (2)
Il était déjà 20 h 30 lorsque Maxence poussa la porte du bar aux côtés de Phil. Une bonne douche froide après le boulot lui avait été salutaire. En ce jeudi soir, il n'eut aucun mal à repérer la tablée de ses amis. Ils étaient les seuls dans le petit bar du Tréport, petite ville normande de leur enfance... Il salua Rick, le barman en lui serrant la main avant de se retourner vers ses amis et de s'installer à table alors qu'Émilia l'ignorait obstinément. Il avait dû la mettre en conditions avec son petit contrôle, ce qui fit poindre un léger sourire sur ses lèvres.
- Ah Emy, voici Phil Moreau. Phil, c'est Emy, notre amie d'enfance, présenta Louisa.
- Oui j'ai eu l'occasion de faire sa connaissance, déclara Phil en riant. Enchanté, ajouta-t-il de son air charmeur, décochant par la même occasion, un regard réprobateur de la part de Max.
Il sentait Emy tendue. Elle serrait les doigts autour de son verre, accrochée comme à un radeau sur le point de couler. Sans compter sa façon de jeter des coups d'œil furtifs vers la porte en se demandant sans doute quand elle pourrait enfin fuir. Quant à lui, il ne pouvait s'empêcher de l'observer, de détailler chaque partie de son corps, chaque expression, dans le but impensable de comprendre ce qu'il avait manqué, sans participer réellement à la conversation, complètement passif.
- Hey Maxou, je te parle.
Sa soeur le dévisageait comme si elle attendait sa réponse depuis un bon moment, ce qui était sans doute le cas...
- Euh... quoi ?
- Laisse tomber, répondit-elle en le fixant de ses yeux perçants.
- Et sinon Émilia, comment c'est Londres ? demanda Charlie.
- Bruyant. Froid. Et sombre, plaisanta-t-elle en se détendant légèrement.
- OK. Va falloir nous faire un meilleur résumé de ces sept ans Emy, enchaina-t-il en la faisant rire.
- Que veux-tu que je te dise Charlie ? Métro Boulot Dodo ? Je me suis jetée dans les études. La 1ère année a été un enfer, pour les autres... j'ai survécu.
La mélancolie qu'il décela au fond de son regard océan passa inaperçue aux yeux du monde, mais pas de lui, et l'impression furtive le mit mal à l'aise.
- Ahh et j'ai aussi un super colocataire que tu trouverais ultra sexy !
Un colocataire ?
- Désolé, mais j'ai trouvé chaussure à mon pied demoiselle !
Emy lui décocha un sourire attendri, dont il fut presque jaloux.
Jaloux alors que Charlie est gay... pathétique...
Il saisit sa chope de bière et la porta à sa bouche.
- Pas de petit ami ? demanda soudainement Phil d'une voix suave.
Maxence arrêta son verre à moins de deux cms de ses lèvres. Son coéquipier commençait à franchement l'agacer... Pourtant il attendait avidement la réponse d'Emy. Suspendu à ses lèvres, il put deviner sa nervosité quand elle se mordilla la lèvre, le regard fixé au fin fond de son verre.
- Pas pour le moment, finit-elle par répondre en faisant tournoyer le verre qu'elle gardait entre les mains.
Max se demanda si le profond soupir qu'il venait de pousser avait été suffisamment discret, tout en se faisant violence pour arrêter de la dévisager.
La fin de la soirée approchait à grands pas quand ils décidèrent de lever leurs verres à la mémoire de Joe...
- À Joe, entonnèrent-ils tous en chœur, la gorge serrée...
Emy fut la première à saisir sa veste pour partir, prétextant un grand besoin de dormir, ce qui, au vu de ses traits tirés, n'était pas vraiment du luxe...
Maxence pesa le pour et le contre avant de quitter lui aussi la table et de la rejoindre en courant.
- Merde Max tu m'as fais peur ! s'exclama-t-elle la main sur le coeur.
- Désolé. Je n'ai pas vu la focus en arrivant, alors... je me suis dit que tu étais peut-être à pieds.
- Bravo Sherlock. Ma mère en avait besoin.
Elle reprit sa route, cherchant visiblement à abréger leur échange.
- Je te raccompagne.
En dehors du fait qu'il s'en sentirait rassuré, il voulait profiter de l'occasion pour passer du temps avec elle...
Emy s'arrêta tout net.
- Je n'ai pas besoin d'un chaperon. Je te rappelle que je vis à Londres ! Les gens qui vivent au Tréport sont des enfants de chœur en comparaison !
- Pas question que je te laisse rentrer seule à cette heure-ci, tu as au moins quinze minutes de route ! C'est non négociable.
- Sinon quoi ? Tu m'emmèneras vraiment au poste cette fois ?
- C'est une éventualité oui...
Elle leva les yeux au ciel, mais ne releva pas la remarque. La jeune femme s'enfonça dans un silence pesant tandis qu'il faisait route à ses côtés. De toute façon, il ne savait pas par où commencer. Parler de la pluie et du beau temps semblait exclu...
- Tu ne me faciliteras pas la tâche n'est-ce pas ? soupira-t-il faussement vexé.
Elle haussa les épaules en fuyant son regard. Son attitude l'amusait presque. Sa façon d'éviter tout contact physique, de rester éloignée comme si le toucher risquait de la calciner. Oui ça l'amusait presque, s'il faisait abstraction du désir lancinant qui pulsait entre ses jambes.
Bordel, j'ai juste envie de l'attraper pour l'embrasser. L'embrasser et...
Elle s'arrêta une fois de plus et il faillit la bousculer. Elle observait le panneau « À vendre » accroché à la maison aux volets bleus située sur sa gauche.
- Mme Bellart ? demanda-t-elle en osant enfin lui faire face.
Max hocha tristement la tête. La vieille dame représentait une sacrée figure de leur enfance, toujours une sucrerie pour les gamins du quartier, toujours un mot gentil...
- L'année dernière. Elle est morte paisiblement dans son lit... Arrêt cardiaque.
La plus belle des morts quand on a quatre-vingt-douze ans...
- Mr Hoch habite toujours au coin de la rue ? continua-t-elle, animée d'une vague de nostalgie contagieuse.
- Ohh que ouii, confirma-t-il en souriant.
- Foutez-moi le camp de mon terrain bande de chenapans ou j'appelle la police, imita Emy avec une grosse voix, ce qui les fit rire de concert à l'évocation du souvenir.
Elle le faisait replonger dans le passé, au temps révolu du bonheur innocent , et regarder la sublime femme qu'elle était devenue lui laisser le goût amer des regrets sur le bout de la langue. Peut être qu'il avait eu tort oui. Mais était-il trop tard ?
L'atmosphère s'était légèrement détendue entre eux, mais plus vite qu'il ne l'aurait souhaité, ils se retrouvèrent devant la maison des Andrews.
- Emy... murmura-t-il en lui saisissant la main.
Il frissonna au simple contact de sa peau, sa respiration s'accéléra et encore une fois, il se fit violence pour lutter contre ses pulsions.
Elle tressauta, mais finit par se tourner vers lui.
- Tu n'es là que pour une semaine, commença-t-il l'air incertain. Est ce qu'on... pourrait passer cette semaine sans s'étriper ? Juste une semaine Emy, s'il te plait...
- Je ne sais pas si c'est une bonne idée. Je veux dire... bien sûr qu'on ne va pas s'étriper, mais il vaudrait peut-être mieux s'éviter...
Sa voix cristalline doublée de tremblements laissait entrevoir toute la dualité qui s'affrontait en elle. Elle gardait sa main emprisonnée dans la sienne, sans la lâcher des yeux, le souffle court. Et l'hésitation de son ton renforça sa détermination. Il s'avança davantage, jusqu'à frôler sa tempe, et dévia jusqu'à son oreille.
- De quoi as-tu peur princesse ? De ne pas pouvoir me résister ?
Exaspérée, elle le repoussa, non sans qu'il ne repère le coup d'oeil furtif d'Emy vers ses lèvres. Oh oui, Emy était un véritable livre ouvert pour lui... Elle s'éloigna et s'apprêtait à pousser la porte de chez elle lorsqu'elle fit brusquement demi-tour.
- Je ne sais pas ce que tu essaies de faire Max, mais n'oublie pas que je te connais...
- Non. Tu me connaissais. Sept ans se sont écoulés. J'ai changé.
- Alors ça nous fait un point commun. Je ne suis plus la même non plus.
Qui donc essayaient-ils de berner ?
Il n'arriverait à rien s'il persistait dans cette voie. Alors il bifurqua à 180 degrés.
- Très bien. Mais on était amis avant. Alors on pourrait passer ces quelques jours en tant que tels.
Emy le fixa avec suspicions. À raison. Parce qu'il savait parfaitement bien ce qu'il désirait. Et qui il désirait. Il l'avait compris dès qu'il avait posé les yeux sur elle...
- En gros tu voudrais...quoi ? Qu'on soit amis comme... avant ?
- Je sais, dit comme ça, ça parait un peu utopique, mais on a vécu presque 18 ans côte à côte et... ça me manque princesse, avoua-t-il sans oser la regarder.
Était-il à ce point désespéré ? Sans doute. Mais il sentait qu'elle n'était pas aussi hostile à cette idée qu'elle voulait bien le laisser paraître...
- J'ai besoin de dormir Max, j'aurais les idées plus claires demain.
Elle avait besoin de temps, sauf que le temps, ils n'en avaient pas le luxe...
******
- Bon sang Lou, qu'est ce que tu fous là ? hurla Maxence en refermant la porte de son appartement, la tension au plafond.
Assise dans le noir, à l'attendre, sa soeur avait risqué sa vie. Il avait failli sortir son flingue !
- Tout va bien ? ajouta-t-il plus calmement.
- C'est à toi que je devrais demander ça. À quoi tu joues ? l'agressa-t-elle les bras croisés et les yeux rétrécis.
L'attitude typique de la mère sur le point d'engueuler son fils.
Il soupira.
- Dis-moi ce que tu as à me dire et rentre chez toi Lou ! Je suis crevé !
- Ne me prends pas pour une quiche, ou pour une aveugle ! Je ne t'ai pas posé de questions il y a sept ans, mais...
- Louisa...gronda-t-il, soudain de mauvaise humeur.
- Tu veux que je te dise ce que j'ai à te dire. Alors écoute. Toi et moi on sait très bien qu'on a besoin d'elle dans nos vies, tu l'as laissé partir il y a sept ans, et j'ai bien vu à quel point ça t'avait détruit. Maintenant c'est à toi de la faire rester !
Maxence se mit à rire doucement. Habituellement, il aimait les raccourcis de Louisa. Et sa franchise. Mais Émilia, c'était plus qu'un sujet sensible...
- D'abord, ce n'est pas à moi de décider, ensuite, tu m'accordes plus d'importance que je n'en ai...
- Tssss ! Foutaises Max ! Ose me regarder dans les yeux et me dire que tu n'as pas envie qu'elle reste !
Il baissa spontanément les yeux. C'était précisément ce qu'il ne souhaitait pas découvrir. S'il en avait envie ou pas. La désirer, la posséder, ohh ça oui. Mais plus ? Peu importait pour le moment. Et Emy se leurrait bien en espérant de l'amitié de sa part...
- C'est bien ce que je pensais ! Merde ! Laisse ton foutu complexe d'infériorité de côté ! C'est ta seconde chance, alors saisis-la ! conclut-elle en sortant magistralement de la pièce.
- J'y travaille, chuchota Maxence après qu'elle eut refermé la porte, les poings serrés et la mâchoire sous tension.
*****
Coucou !
Il a l'air un peu paumé le Maxou, non ?
Que pensez-vous de ce début ? Et de leur relation ?
Que cache Emy ?
La suite au... prochain épisode ^^
Bisous !
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