2 : Le nouvel élève
— Oh... bonjour. Désolé, je crois que je me suis trompé de chambre.
Je le détaille des pieds à la tête sans rien dire. C'est sans doute très impoli de ma part, mais j'ai été si surpris qu'il me faut plusieurs secondes pour reprendre mes esprits.
— Je m'appelle Kim Taehyung, se présente le nouveau venu. Pardon d'avoir surgit comme ça dans ta chambre.
Le fait qu'il me tutoie d'emblée avant même de connaître mon nom me fait sourire. Personne ne le fait parmi les autres disciples de mon père. Ils m'adressent le même respect qu'à lui alors que certains d'entre eux sont plus âgés que moi... non, à bien y penser, ils sont tous plus vieux sauf Jungkook.
— Park Jimin, je réponds en hochant la tête.
— Oh...
Il écarquille les yeux en grand et s'agenouille avant de se pencher en avant pour me saluer avec plus de respect, le corps à moitié dans la chambre recouverte de tatamis et à moitié dans le couloir en parquet.
— Excusez-moi, Maître Park, je ne savais pas que c'était vous !
"Maître Park" ? Ne me dites pas qu'il me prend pour...
— Je ne suis pas Maître Park, je suis son fils, je réponds en riant.
Il relève la tête, les joues rouges de confusion. Ce jeune homme est incroyablement beau. On le croirait sorti tout droit d'une des peintures les plus finement réalisées de mon père. Son visage rassemble des traits masculins et féminins ponctués ça et là de petits grains de beauté. Ses cheveux noirs sont épais et retombent en boucles sur son front et ses tempes. Il a tout d'un artiste libre de pensées et de corps, ce qui me fait sourire. Les autres élèves de mon père arborent tous une coupe de cheveux très droite, rasés de frais dans la nuque et aux tempes. Namjoon a même complètement rasé ses cheveux l'été dernier après une visite au temple. Depuis il les laisse repousser mais aucun n'a le même genre de coiffure que ce Taehyung.
— Je suis désolé, s'excuse-t-il encore. J'ai cru que vous étiez le Maître.
— Non, ce n'est pas moi, je réponds en me levant avant de m'approcher.
Il en fait de même et nous nous retrouvons face à face. Moi dans la chambre et lui dans le couloir, un baluchon sous un bras et une boîte laquée dans l'autre, sans doute son matériel de dessin. Il est plus grand que moi, mais cela ne m'étonne pas. Tout le monde l'est, sauf Yoongi.
— Je suis son fils, je répète, mon père est sorti pour se rendre à la Cour tout à l'heure. Il sera de retour en milieu d'après-midi. Nous avons fait porter vos effets personnels dans votre chambre, si vous voulez je peux vous y conduire ? je propose.
— Oh, je ne voudrais pas vous déranger, répond-t-il, confus.
— Vous ne me dérangez pas, je n'arrivais de toute façon pas à me concentrer.
Je sors tout à fait de la chambre, enfilant les chaussons disposés à l'entrée et ferme la porte coulissante avant de lui adresser un sourire rassurant, qu'il me rend. Ses lèvres s'écartent pour dévoiler des dents d'une blancheur éclatante, signe de son appartenance à la haute société. La forme de son sourire est originale, je n'ai jamais rencontré personne qui sourie comme lui.
— Les chambres des disciples sont par-là, j'explique en le précédant dans le couloir.
Nous avançons doucement jusqu'au bout avant de tourner à l'angle et de continuer un peu plus loin. Nous dépassons les chambres de Namjoon, Yoongi, Jungkook, Seokjin et Hoseok pour nous arrêter à hauteur de la dernière. Ces pièces sont plus petites que la mienne mais fonctionnelles et équipées de tout le mobilier nécessaire.
J'ouvre la porte et m'écarte pour le laisser entrer en premier, après tout, c'est sa chambre.
Taehyung s'avance de deux pas et s'extasie presque tout de suite :
— Oooh... j'ai une fenêtre qui donne sur les jardins ! C'est vraiment joli !
Il dépose ses affaires et s'approche pour contempler la vue depuis sa fenêtre. Ses yeux sont grands ouverts et brillent de contentement. Si je ne le savais pas, je ne pourrais pas imaginer que ce jeune homme est l'enfant d'un riche diplomate. Il a l'air d'être le genre de personne à s'émerveiller de tout, même des choses les plus simples, comme la vue depuis sa fenêtre.
Ses malles ont été rassemblées dans un coin et je lui propose l'aide d'un domestique pour ranger ses affaires.
— Oh, c'est gentil mais je peux m'en occuper tout seul, répond-t-il en se tournant vers moi.
— Très bien, je préviendrai mon père que vous êtes arrivé, vous pourrez le rencontrer tout à l'heure.
— Merci beaucoup Jimin-ssi, répond-t-il en s'inclinant avec respect.
— Je vous laisse, à tout à l'heure.
Je le salue à mon tour et sort de la pièce en fermant la porte derrière moi, l'entendant déjà ouvrir ses bagages et farfouiller dans ses affaires.
✦
Le lendemain matin, je me lève plus tôt que d'habitude pour me rendre au marché. Je sais que la plupart des gens y vont dans le milieu de la matinée, alors pour éviter la foule je décide de sortir de la maison un peu après le lever du soleil.
En sortant de ma chambre, je croise Ha-neul qui s'affaire déjà à ouvrir les volets et à aérer les salles communes.
— Bonjour Maître, dit-elle en s'inclinant.
— Bonjour Ha-neul. Je vais au marché ce matin, je serai de retour dans un peu moins d'une heure normalement. Tu pourras servir mon petit-déjeuner dans ma chambre à mon retour.
— Bien Maître. Dois-je prévenir vos parents ?
— Tu peux, je réponds en haussant les épaules.
— Avez-vous besoin que quelqu'un vous accompagne pour porter vos achats ? demande-t'elle en me suivant dans le couloir jusqu'à l'entrée du bâtiment.
— Non, je vais juste chercher une nouvelle cage pour l'oiseau que mon père m'a offert.
— Très bien, Maître.
Elle ouvre une armoire en bois sculptée et en sort mes souliers de ville, plus solides que ceux que j'utilise dans la maison ou les jardins. Je les enfile tout seul, même si elle ronchonne un peu, me faisant comprendre par là qu'avec mon statut social, je devrais la laisser faire. Mes parents le font, mais je préfère m'occuper de moi-même seul. Je n'ai pas besoin d'assistance pour m'habiller ou me laver. Je ne juge pas mes parents, mais ces habitudes sont à mon sens d'un autre temps.
Je vérifie dans mes manches que j'ai bien mes papiers d'identité et ma bourse avec quelques wons pour mes achats avant qu'elle ouvre la porte à double battant qui donne dans la cour devant la maison.
— Whonga !
Elle interpelle le domestique qui se trouve près de la fontaine en train de remplir les bouilloires de la cuisine et lui demande de m'ouvrir la porte qui donne sur la rue. Ce dernier s'incline rapidement, laissant là sa tâche et se précipite à petits pas pressés pour me devancer, tourner les verrous et ouvrir la grande porte.
— Bonjour Maître Jimin.
— Bonjour Whonga.
— Avez-vous besoin de quelqu'un pour venir avec vous ?
— Non merci. Je serai bientôt de retour. A tout à l'heure.
— A tout à l'heure, Maître.
Je descends les deux marches qui séparent la porte de la terre battue de la rue et il m'observe m'éloigner, s'assurant par là que je n'ai rien oublié et que je ne fais pas demi-tour.
Moins d'une dizaine de rues séparent la maison du grand marché, je les traverse d'un pas assuré, saluant les quelques artisans et travailleurs que je croise sur mon chemin. Plusieurs charrettes à bras me dépassent, se dirigeant dans le même sens que moi et je débouche bientôt sur le vaste espace découvert où les cris des marchands se font déjà entendre alors que le soleil n'éclaire pas encore tout à fait les lieux.
De part la direction par laquelle je suis arrivé, je me trouve près des enclos à bestiaux, où l'odeur âcre du purin et de la paille humide me prend à la gorge. Je sors un mouchoir de ma manche et le maintien sur ma bouche et mon nez, prenant à gauche pour longer les enclos et me diriger vers l'autre côté de la place où se trouvent les couturiers, chausseurs et vanneurs, entre autre.
Heureusement que je suis venu assez tôt, le chemin est plus ou moins propre et il n'a pas plu depuis plusieurs jours, sinon mes chaussures auraient été dans un sale état. Je saute par-dessus quelques flaques odorantes s'écoulant des parcs où se trouvent les boeufs et les chevaux et une poignée de minutes plus tard je peux ôter le mouchoir qui me permettait de respirer sans tourner de l'oeil.
Je passe enfin entre les étals présentant tissus, chaussures, bijoux et autres objets, salués par tous. Certains essaient de me vendre quelque chose mais je refuse poliment avant de continuer mon chemin.
J'arrive à la hauteur de quelques vanniers et me dirige tout droit vers l'échoppe du plus réputé d'entre eux. Ji-wha est un véritable artiste, créant paniers, cages et autres objets de ses mains expertes pour toutes les classes sociales. C'est son épouse qui s'occupe des clients pendant que lui est installé à l'arrière sur une paillasse, ses doigts agiles déjà occupés à tresser et tordre des brins de bambou.
— Bonjour Maître Park ! me salue sa compagne.
— Bonjour Ji-eun, je cherche une cage pour un oiseau.
— Bien sûr, elles sont de ce côté, dit-elle en m'invitant à m'avancer un peu plus loin ou effectivement plusieurs cages de très belle facture sont suspendues à des piquets fichés dans le sol. De quelle taille est votre oiseau ?
— De la taille d'un moineau commun. Je voudrais qu'il ait assez d'espace pour ouvrir ses ailes en grand et voler un peu. Pour l'instant celle que j'ai est très étroite, je réponds en lui mimant la taille approximative de mes mains.
— Oh, oui effectivement c'est un peu petit si elle fait cette taille, répond-t'elle en observant mes gestes. Voulez vous une porte pour qu'il puisse sortir ou pour que vous y passiez la main ?
— Si possible oui.
— Bien sûr, clair ou foncé ?
— Plutôt foncé.
— Alors j'ai ce qu'il vous faut.
Elle prend un bâton surmonté d'un crochet de métal et vise habillement l'anneau qui orne une cage de belle taille. Ji-eun la décroche et la pose devant moi pour mieux me la présenter.
— La forme est inspirée des bourgeons de lotus, large à la base avec un espace plat et une petite balançoire au milieu. Il pourra voler en cercle et s'installer quand il le voudra. Il y a une porte sur le côté fermée par une cordelette, mais vous pouvez remplacer celle-ci par une attache en métal si vous préférez.
J'admire le travail soigné de l'objet et sa couleur brun sombre dûe au vernis appliqué sur les barreau, souriant.
— Parfait, je la prend.
— Je vais vous attacher un ruban pour le transport, l'anneau de métal pourrait vous blesser.
J'acquiesce et la regarde faire, saluant au passage son époux qui m'a reconnu et adressé un signe de la main entre deux noeuds.
— Cela fera quinze wons* s'il-vous-plaît, Maître Park.
— En voilà vingt et garde le reste.
— Oh... merci, merci beaucoup Maître Park ! s'exclame-t'elle en s'inclinant.
Je leur adresse encore un salut avant de reprendre le chemin du retour en passant par un autre quartier pour éviter les enclos à bestiaux qui à présent grouillent de monde.
Il me faut un peu plus longtemps pour retourner jusqu'à la maison, la cage n'est pas très lourde mais assez volumineuse. Quand je suis devant la porte, deux coups de heurtoir indiquent aux domestiques que je suis rentré et Wongha s'empresse de m'ouvrir la porte.
— Votre promenade a-t-elle été agréable Maître ?
— Très, j'ai ce que je cherchais, dis-je en lui montrant ma trouvaille.
— Oh, elle est très belle ! s'exclame-t'il en admirant la cage flambant neuve.
— Peux-tu la donner à Josung pour qu'il l'amène dans ma chambre ? Mais qu'il n'installe pas encore l'oiseau dedans, je voudrais le faire moi-même. Je vais me débarbouiller avant de petit-déjeuner.
— Bien sûr, Maître, dit-il en me la prenant des mains avec précautions avant de se diriger vers l'aile des domestiques.
Je gravis rapidement les marches menant à la porte d'entrée déjà ouverte sur le couloir principal, laissant ainsi l'air du matin rafraîchir l'atmosphère et m'installe sur le siège à côté de l'armoire pour ôter mes souliers. Ha-neul n'est pas là, mais ce n'est rien je peux les ranger moi-même à leur place. Au moment où je referme les portes du meuble, une voix que je ne connais pas encore assez bien retentit juste à côté de moi :
— Bonjour !
C'est Taehyung, qui me regarde avec son grand sourire à la forme si originale qui a déjà attiré mon attention.
— Oh... bonjour, Monsieur Kim.
Il fronce légèrement le nez et ses yeux se ferment un peu. Est-ce qu'il n'aime pas que je l'appelle ainsi ? Je ne m'y arrête pas et demande :
— Etes-vous bien installé dans votre chambre ?
— Oui, j'ai presque terminé de tout déballer.
— Vous avez été rapide ! je m'exclame en me souvenant de la quantité de malles et paquets qui sont arrivés la veille.
Il hausse les épaules, me souriant toujours.
— Venez-vous en salle d'étude avec nous aujourd'hui ? Je ne vous ai pas vu hier, demande-t'il.
— Oh... j'y vais assez rarement, en général je travaille dans ma chambre. Je ne veux pas déranger les étudiants de mon père.
Je ne sais même pas pourquoi j'ai dit cela. Pourquoi je cherche à me justifier devant ce jeune homme qui la veille encore m'était totalement étranger...
— Je suis sûr que vous ne nous dérangerez pas ! Joignez-vous à nous aujourd'hui, j'ai déjà fait un peu connaissance avec les autres, ce serait agréable que tous les jeunes de la maison soient ensemble, vous ne pensez pas ?
Pourquoi insiste-t'il autant ? Les autres ne m'ont jamais exhortés ainsi...
— Et bien... d'accord, je viendrai, je réponds.
Son visage s'illumine littéralement à mes paroles et il semble presque sur le point de sautiller de joie.
— Je suis très heureux de l'entendre ! Je suis certain que nous allons tous bien étudier ensemble ! s'exclame-t'il sur un ton qui me fait penser qu'il a l'air de vouloir s'amuser et discuter plutôt que de travailler sérieusement à la peinture.
— Nous verrons cela, je réponds en souriant. Je vous laisse, je dois encore prendre mon petit-déjeuner et j'ai des choses à faire ce matin.
— Oh, bien sûr !
Il s'écarte d'un pas sur le côté pour me laisser passer et je le dépasse, les yeux toujours rivés sur son sourire qui me semble renfermer les plus belles promesses.
Je suis presque à l'angle du couloir quand je l'entends m'appeller à nouveau :
— Jimin-ssi !
Je me retourne, amusés par son ton presque enfantin.
— Monsieur Kim ?
Il s'approche de moi à grands pas et me regarde dans les yeux avant de me demander :
— Pouvons-nous être amis ?
Sa requête m'interpelle pendant une demi-seconde. Ce garçon est décidément très enthousiaste et sociable... tout à mon contraire. Pourtant je m'entends lui répondre chaleureusement :
— Bien sûr, soyons amis.
Il trépigne presque et ses yeux se ferment de contentement avant qu'il reprenne encore :
— Alors tutoyons-nous ! Vous êtes mon Hyung, puis-je également vous appeler ainsi ?
Complètement sous le charme, mon sourire s'écarte encore un peu plus et je réponds :
— Tutoyons-nous dans ce cas.
— Merci !
Taehyung saisit mes mains des siennes, dont les doigts sont beaucoup plus longs que les miens et les serre doucement plusieurs fois avant de les lâcher et de faire demi-tour pour se rendre en salle d'étude.
Pour ma part, je reste figé, complètement immobile, sentant une chaleur jusque là inconnue parcourir ma peau depuis mes doigts qu'il a serrés entre les siens jusqu'à mes joues qui sont tout à coup plus chaudes que quelques secondes plus tôt.
★
*Le prix des marchandises étaient beaucoup moins élevé à l'époque, mais la valeur de la monnaie était également différente.
★
J'ai un grand sourire en relisant ce chapitre... Taehyung est toujours si adorable !
J'espère qu'il vous a plu ! A demain !
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