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Initiation - 1-



Sans l'intervention de Fel, Remus aurait pu deviner avant même de se réveiller qui pouvait porter sur lui une telle odeur de boule à mite. Il était là, en soutane, l'air sombre et songeur. Une infirmière passant dans la chambre aurait pu croire Remus à l'aube de la mort, recevant les derniers sacrements. Père Jacques, (pour Remus c'était plutôt oncle Jacques) ne dormait pas des masses et rêvait peu. Sa discipline de fer et son attitude studieuse et exigeante du Texte l'avait autant éloigné de la spiritualité qu'un mineur de fond des étoiles.

Jacques était profondément tellurique, et il était entré en religion comme sa sœur Catherine en littérature, la différence étant qu'il consacrait sa vie à un seul texte, et qu'il croyait en la moindre de ses syllabes.

Aucune femme n'est venue le sauver de son recoin de pensée. Le père Jacques n'était pas un bon client pour les miracles. Il était loin d'être aussi brillant que Catherine, mais c'était un janséniste dans l'âme : il serait sauvé par sa foi, et non par ses œuvres. Il ne participait à aucune manifestation d'aucune sorte. Il était profondément contre le mariage homosexuel, mais considérait qu'il était très vulgaire pour un membre de l'église comme lui de porter une banderole et de vociférer des mots d'ordres. C'était s'éloigner du Texte. Et puis la foule, ça fait peur. Le frère de la Louve était un chiot. Un chiot avec une mission.

- Remus, Remus... qu'est-ce que tu as encore fait ?

- Je... ne sais pas

Il ne savait pas où il était ni ce qu'il y faisait, pourquoi Frère Jacques ne le laissait pas dormir, et pourquoi il le regardait avec tant d'insistance, comme en attente de quelque chose qu'il ne pourrait pas lui donner.

- Comment je suis arrivé ici ?

- Tes camarades de classe t'ont vu tout habillé dans la piscine. Ton prof t'a secouru. Tu as perdu connaissance.

Ça pouvait expliquer la perfusion et le masque à oxygène près du lit.

- Ils ont débranchés l'oxygène. Il y a une heure.

Le puzzle de la mémoire collectait les pièces et commençait à les assembler : Cul de Mélanie + Christian + Aziz = plouf ! L'éclair de lucidité n'était pas passé inaperçu chez tonton.

- À ton tour.

Et merde.

- Je ne me souviens pas dit-il, et si je te disais tout je risque de ne pas m'en sortir la prochaine fois.

Mais la fin de sa phrase resta dans sa tête, qui lui faisait très mal d'ailleurs.

- Tu me prends pour un imbécile ?

Non, j'en ai acquis la certitude quand tu m'as dit que les dinosaures et les homosapiens ont vécu ensemble il y a dix mille ans pensa-t'il

- Je te demande pardon ? dit Remus.

- Tu étais seul à la piscine, on te retrouve noyé, toi, alors que tu ne peux même pas entrer dans un petit bassin.

- Et ta conclusion ?

L'oncle Jacques ne voulait pas la donner tout de suite.

- Tu as pensé à ta mère ? À ce qu'elle pouvait ressentir ?

- Tu me dis ça comme si c'était de ma faute.

- À qui la faute alors ?

- Je ne sais pas, je ne me rappelle plus.

Remus mentait mal. Même un être aussi crédule que Jacques le savait.

- Bon, manifestement tu ne veux pas me parler dit son oncle en se levant.

- Tu sais quand je sors d'ici ?

- Ils te gardent la nuit en observation, tu devrais sortir demain.

Ça lui ferait gagner la fin de la semaine. Il retrouverait ses problèmes lundi. Ça lui laisserait le temps de réfléchir.

- Maman va venir ?

La colère dans le regard du curé donnait la réponse avant qu'il n'ouvre la bouche.

- Tu crois qu'elle en a la force ?

Soit, un peu de solitude ne me fera pas de mal se dit-il pour se consoler.

- Je viendrais te chercher demain.

- Pas la peine, Je sais prendre le bus.

- Tu es mineur, ils ne te laisseront pas partir comme ça, surtout avec ce qui se passe en ce moment.

Jacques faisait références au mystère qui faisait les choux gras de Courrier Picard. La disparition de deux adolescents. On avait placardé des affiches dans chaque bureau de poste, sur chaque réverbère, cadavre de cabine téléphonique, les panneaux d'affichage de la ville donnaient le numéro vert pour toute personne qui possédait des éléments.

Cédric Gravier et Kevin Sénéchal ne se connaissaient pas, ne fréquentaient pas le même lycée, n'avait jamais fréquenté les mêmes écoles. Ils avaient quelques amis d'amis en commun. Dans une ville microcosme comme Beauvais, les gens n'ont pas plus de deux degrés de séparation entre eux. La seule chose qui les reliait était leur disparition, à la sortie d'une soirée pour l'un, d'un cinéma pour l'autre, à deux mois d'intervalle, tous deux après avoir quitté leurs copines. Aucun d'entre eux n'avait fait de fugue, ou n'avait manifesté l'envie de le faire. Après trois semaines de disparition, on avait rangé les hélicoptères, on en était à visiter chaque bois, chaque bosquet à l'aide de chiens, et à draguer le Thérain, cette rivière qui traverse Beauvais, et dont Aragon disait qu'elle était « trop peu profonde pour le désespoir ». On cherchait des cadavres.

- Tu viens avec ta papamobile ?

- Avec ma papamobile.

C'était une Renault 14. Personne dans l'Oise n'avait une Renault 14. Remus ne connaissait personne qui connaissait quelqu'un qui avait une Renault 14. La rareté de ce modèle en faisait une voiture rare, un véhicule de légende, une papamobile.

- Tu m'as déçu Remus, tu nous a tous déçu, encore plus que d'habitude, ajouta Jacques.

Et c'est sur cette dernière phrase qu'il mit sa veste et ouvrit la porte de la chambre d'hôpital.

- De quoi tu m'accuses encore ? Qu'est-ce que j'ai fait ?

Un claquement de porte fut sa seule réponse. Jacques ne pouvait pas prononcer ce mot. Les mots sont puissants pour ceux qui leur ont dédiés leur vie. Dire un mot c'était énoncer une action, énoncer une action c'était la provoquer, du moins en pensée.

Même demain dans la voiture, il ne pourrait pas parler de suicide.

Remus le détestait pour ça. Même pas de l'accuser de ce geste (après tout, toutes les circonstances n'étaient-elles pas contre lui ?), mais pour cette incapacité, inscrite dans les gênes des De Clercy, d'appeler les choses par leur nom quand ça fait mal.

Romulus n'était pas mort, il avait « disparu », d'accord on n'avait pas retrouvé le corps, mais il n'avait pas « disparu » ! On ne « disparait » jamais comme par magie. On arrive tout au plus à ne plus être vu de nos semblables. Le corps de Romulus n'avait jamais « disparu » on n'arrivait pas à la retrouver.

Assis dans son lit d'hôpital, dans son hideux pyjama vert, à entendre les infirmières s'affairer dans le couloir, être passé de la piscine à cet endroit (presque) sans transition, tout ça donnait le vertige, et le rendait triste. Une tristesse orgueilleuse qui n'appartenait qu'à lui, il vivait avec elle, l'observait, et surtout, la cachait. Sa tristesse était trop précieuse pour être donné en spectacle au monde. Remus n'avait aucun contrôle sur sa tristesse. Il n'en était pas maître.

- Je suis Fel de Bingen ! Souviens-toi de moi et tu seras un maitre des rêves !

Quel rêve bizarre... En général, les rêves dont on se souvient sont ceux qui marquent par leur réalisme, leur merveilleuse concordance avec le monde réel et le psychisme du rêveur. C'était tout le contraire ; Remus se souvenait de ce rêve parce qu'il était en toc. L'océan atlantique de son enfance avait l'air d'une piscine à vague genre Aqualand. Les mouvements de l'eau étaient trop simple, presque réguliers. Les rochers sur la plage semblaient être posées sur des trous préalablement creusé, ils ne pesaient pas le poids des siècles de présence. Le sable lui-même était parfaitement uniforme, aucunes traces de pas en dehors des siennes. Les traces de vents étaient sculptées, linéaires, symétriques.

Remus énumérait dans mentalement les erreurs de ce rêve. Il convenait que ce rêve était un des seuls de sa vie dont il se souvienne avec précision, même plusieurs minutes après son réveil, et que pour une fois il n'avait pas été acteur mais spectateur plus ou moins actif de ce spectacle. Car c'était un spectacle. Il était comme dans un train fantôme ou chaque virage était censé provoquer une réaction, si possible, la peur.

Il était à l'extérieur de ce rêve. Il était bien dans le wagon et le chemin le menait bien aux surprises prévues, mais son absence de réaction avait causé un déraillement. Tout ça avait commencé avec le seul élément réel de ce rêve : Ce jeune homme.

Il sentait encore la pression de ses mains et la chaleur de son souffle.

Son mal de tête reprenait de plus bel, stoppant toute pensée. Il s'allongea et regarda le plafond blanc et sale de sa chambre d'hôpital. Il ferma les yeux, écouta les bruits du couloir : voix, roues de brancards sur le carrelage sonneries de téléphone, pas de course. Il ne pouvait pas identifier tous les bruits et n'en fit pas l'effort, de peur de relancer sa migraine.

Remus n'avait pas l'esprit scientifique et faisait bêtement un lien de cause à effet entre ses pensées qui s'entrechoquaient et sa douleur. Il se laissait bercer par les bruits, il regardait le plafond et ses taches. Il ne s'était plus senti aussi seul et aussi triste depuis bien longtemps. Ce qu'il détestait plus que tout, était ce sentiment de manque de contrôle sa situation. Il avait envie d'être maitre de son destin, ou de n'importe quoi d'autre, pour une fois.

- Fel de Bingen.

Le son de sa propre voix lui semblait étranger. Il répéta plus doucement, dans un murmure.

- Fel de Bingen.

Mais ce nom ne lui apporta aucun réconfort.


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