Chapitre 32 : Doeron
Kevin se réveilla parmi les draps d'un lit situé dans une pièce ressemblant à un dortoir. Étonnamment, il s'aperçut qu'il n'avait plus aucune douleur à l'épaule. Pourtant, le souvenir de cette blessure, de son épaule transpercée par une flèche, était encore bien frais.
Il tenta de se relever et de se mettre en position assise, mais fut prit d'un léger vertige. Une main apparut et se positionna le long de son dos pour ralentir sa chute. Son demi-frère était là et le regardait en souriant.
— Alors on est réveillé la moche au bois dormant ?
— Où sommes-nous ?
— Au palais d'Aldane. Les hommes du roi nous ont légué cette pièce pour nous servir d'appartement le temps de notre séjour ici. Ton épaule ?
— Plus rien, mais j'ai bien cru mourir quand il m'a versé son foutu liquide.
— Tu as toujours été douillet. Dépêche-toi de te lever, faut qu'on aille voir le roi. Tu peux marcher ?
Kevin reprit rapidement ses esprits et se leva. Après quelques secondes à s'assurer de son équilibre, il fit un rapide signe de tête à son frère, récupéra son équipement et suivit Ethan hors de la salle.
Ils pénétrèrent dans un long corridor où s'étaient installés provisoirement les autres membres du groupe. Shauna était assise en tailleur et se massait nerveusement l'épaule pendant que Joshua et Eirin entretenaient une conversation animée.
— ... tu ne peux pas continuer à jouer à ce jeu longtemps ! Regarde dans quelle situation, on se trouve ! Si ça continue Anna ...
Joshua se retourna, entendant les tenants de la porte s'ouvrir sur Ethan et Kevin.
Voyant les deux derniers membres de l'équipe entrer, Shauna se releva subitement tout en restant silencieuse.
— Bien ! annonça Ethan. Il serait peut-être temps de nous annoncer officiellement auprès du roi, non ?
— Est-ce seulement possible ? demanda Eirin. Vu l'état actuel du pays, je doute qu'obtenir un entretient soit aussi facile.
— Et bien, nous n'avons qu'à essayer, avança finalement Kevin, sortant de derrière la silhouette de son demi-frère.
— Le seigneur Doeron vous attend déjà.
Les Paladins se retournèrent vers Meryl qui, semblant mené par une étrange habitude, était discrètement entré dans la pièce.
— Comment se porte votre épaule ? demanda-t-il alors à Kevin.
— Il n'y a plus rien. Je vous remercie.
— Je dois dire que je suis assez fière de ma découverte concernant cette potion. Ceci étant dit, suivez-moi, je vais vous présenter au bras droit du roi.
Meryl, les bras croisés dans le dos, tourna les talons invitant le groupe à le suivre. Alors que Kevin allait se mettre en chemin, la main de Shauna se posa sur son épaule.
— Pour ce qui s'est passé, je ... je suis désolée.
Kevin s'arrêta brutalement laissant les autres les distancer de quelques pas et se tourna vers Shauna qui baissait honteusement la tête.
— Pourquoi me dis-tu ça ?
La jeune fille, honteuse, osait à peine regarder son ami dans les yeux.
— C'est de ma faute, ce qui est arrivé. L'archer me visait et je n'ai pas bougé. Je ... tu n'aurais pas dû faire ça, tu as été blessé.
Aux mots de sa camarade, Kevin resta muet. Le silence entre les deux devint ainsi pesant, presque gênant. Kevin finit par le rompre en éclatant de rire. Il s'essuya quelques larmes qui coulaient près de ses yeux et regarda Shauna en tentant de reprendre son calme.
—Ça doit être la première fois que je te vois comme ça ! Ou que je te vois t'excuser tout court d'ailleurs !
Il sourit à la vue de sa camarade qui rougissait peinant à dissimuler sa honte.
— Maître Garth serait-il parvenu à t'inculquer un peu de sagesse ?
Il s'approcha de Shauna et lui ébouriffa affectueusement les cheveux.
— Tu sais très bien que tu n'as rien à te reprocher. Tu étais en danger et je t'ai protégé comme tu l'aurais fait pour moi. On a tous des moments de faiblesse et c'est dans ses moments que servent les amis.
Il tourna le regard vers le reste du groupe qui s'était éloigné et finit par dire :
— Bon, on rejoint les autres ?
Shauna fut plus que surprise par les mots de son ami et l'observa quelques instants, perplexe. Elle ne savait pas comment prendre les mots du jeune noble. Sans rien dire de plus, elle se contenta de hocher la tête et suivit Kevin pour rattraper leurs camarades.
Meryl conduisit le groupe devant une grande porte. Il toqua et attendit qu'on l'autorise à ouvrir avant de faire entrer le groupe dans un bureau élégamment décoré où un homme, installé sur un luxueux bureau orné d'argent, écrivait d'un air consciencieux des lettres.
— Monseigneur Doeron, voici les envoyés de l'Académie.
L'homme s'immobilisa dans son geste puis déposa la plume dans un encrier.
— Des enfants ? L'Académie n'avait donc pas mieux à nous envoyer que des nouveaux-nés ?
—Des nouveaux nés qui, à peine ont mis pieds dans votre royaume, ont subi votre incapacité à y maintenir l'ordre.
Eirin venait d'entrer dans la salle et s'installa dans l'un des sièges face au bureau.
Meryl s'approcha de cette personne impétueuse, mais fut arrêté d'un geste silencieux de la part du seigneur Doeron. Ce dernier soupira et invita le reste de la troupe au sein du bureau puis intima à Meryl de refermer la porte derrière eux.
Une fois les deux lourds pendants de la porte ornée d'or et de cuivre refermés, l'homme prit finalement la parole :
— Je ne puis malheureusement, dans l'état actuel de notre beau pays, vous donner tort.
Il croisa ses deux mains et plongea son regard dans celui d'Eirin.
— Cependant, je vous prierais de tenter de ne pas embraser inutilement un feu déjà bien trop destructeur.
Kevin s'avança :
— Nous sommes ici au nom de l'Académie qui nous envoie nous assurer de la bonne tenue des négociations avec le Conseil et nous ...
— Je sais pourquoi vous êtes là, mais je tiens à vous dire que votre présence, si elle n'est pas dangereuse, est au mieux inutile.
— C'est vrai que vous avez l'air de bien vous débrouiller, railla Ethan.
— Il me semble que vous n'avez rien à dire quant à la raison de notre présence et sa légitimité, observa Eirin sillonnant du regard la salle, nous sommes ici au nom de l'Académie et seulement en son nom et votre autorité n'y changera rien.
Elle accompagna ses paroles d'un regard froid et d'un léger sourire. Alors qu'une tension grandissait de plus en plus entre Eirin et le bras droit du Roi, la voix de Shauna se fit subitement entendre.
— Je ne comprends pas. Nous avons été attaqués tout à l'heure par des types de votre ville parce qu'ils sont contre le fait qu'Aldane se joigne au Conseil. Si c'est la guerre civile dans votre ville, c'est qu'une bonne partie des sujets doivent penser comme eux. Pourquoi le roi a accepté alors d'être annexé au Conseil si la moitié de sa ville y est contre ?
Joshua, n'appréciant guère que l'apprentie prenne la parole, répondit avant que le concerné en face autant.
— Rejoindre le Conseil est un très grand bénéfice pour Aldane. Le roi a fait une très bonne décision en acceptant enfin d'y rallier sa ville.
— Tu dis ça parce que tu es un Freymir et que l'un des tiens fait partie du Conseil, lui répondit alors Kevin, si la moitié de la ville y est contre c'est peut-être parce que pour eux ce n'est pas une bonne chose.
Sans s'occuper de cette nouvelle chamaillerie qui les mettait dans une position délicate vis-à-vis de leur hôte, Eirin poursuivit sa conversation avec le conseiller du roi.
— D'où vient cette décision ? Du roi ou de vous ? Quel est votre rôle au sein du royaume ?
— Que voulez-vous dire Dame Freymir ?
Eirin, qui terminait tranquillement son inspection volontairement peu subtile des lieux, releva son attention sur Doeron et sourit :
— Je vois que les présentations ne sont plus à faire. J'en déduis que vous avez déjà pris contact avec le Conseil, vous un simple bras droit ? Ministre ? Conseiller ? Seigneur ? Malgré mes connaissances en politique, votre rôle m'apparaît des plus "trouble".
Le Seigneur Doeron se pinça légèrement les lèvres et prit la parole.
— Je ne suis que le conseiller du roi. Cependant, comme vous l'avez vu, le pays n'est pas sécurisé et le roi ne peut se permettre d'entreprendre des voyages diplomatiques. Je me suis donc proposé de le représenter et c'est votre père qui s'occupe du dossier au nom du Conseil d'où ma connaissance de votre identité.
Eirin croisa les jambes :
— Quelle gentillesse de votre part ! Heureusement que des personnes pures et non intéressées comme vous existent. Pouvons-nous rencontrer le roi ? La question de ma camarade n'est pas sans fondement et nous devons nous assurer de la tenue monarchique de la demande d'annexion du Conseil.
— Je ne peux vous permettre de rencontrer le roi dans l'immédiat. Sa majesté a encore beaucoup de paperasse à préparer en vue de la signature du traité, et l'arrivé de l'émissaire du Conseil est dans trois jours. Le temps presse.
Le seigneur Doeron se leva de son fauteuil et fit un geste vers Meryl qui silencieusement ouvrit la porte.
— Maintenant, si vous permettez jeunes gens, je dois envoyer des arrêtés pour retrouver ceux qui vous ont attaqué, reprit-il sur un ton calme. Nous ferons appel à vous dès que l'organisation sera terminée. Meryl, si tu veux bien raccompagner les envoyés de l'Académie dans leur appartement.
Meryl se positionna devant le bras droit et invita les Paladins à le suivre d'un geste.
— Si vous voulez bien me suivre, le seigneur Doeron a besoin de temps pour finir ses papiers.
Sans plus insister, et comprenant très bien que Doeron souhaitait à tout prix clore cette conversation qui le dérangeait, le groupe sortit du bureau.
Traversant de longs corridors, les Paladins en profitèrent pour observer les lieux. La Palais d'Aldane était simple au regard des autres édifices jonchant le Continent. C'était d'ailleurs voulut. Aldane était une ancienne colonie de l'empire de Naka, son indépendance fut une réussite, mais également le signe de l'émergence d'un territoire étroit et relativement pauvre. Le pays n'ayant jamais vécu dans l'opulence, la famille royale, descendante des premiers opposants, avait accepté de vivre dans la modestie. Cela n'empêchait pas pour autant le château d'être paré de somptueuses draperies, principale production de la cité dont le vert symbolisait la paix tant recherchée par ses habitants. Une paix loin de la violence et de l'impérialisme, mais également la reconnaisse envers une indépendance obtenue dans l'harmonie et le dialogue.
En poursuivant leur chemin, le groupe remarqua le peu de soldats qui occupaient les lieux. Ce fait apparaissait d'autant plus étrange que le pays se trouvait apparemment en guerre civile et que la protection du château devrait être une priorité.
Ils finirent par arriver devant les appartements mis à disposition des membres de l'Académie.
— Je vous laisse vous installer, annonça Meryl en se retirant, je dois aller m'enquérir d'affaires importantes. Vous vous doutez bien que gérer cette cité n'est pas de tout repos. Nous nous reverrons plus tard.
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