Chapitre 23 : Échec
Un lourd silence planait au sein de la salle. Aucune personne, élève, professeur comme invité n'osait parler. La scène en était devenue presque irréaliste. Pourtant, c'est au sein de cette confusion silencieuse que Maître Garth reprit rapidement la parole :
— Apprentie Paladin, il me semble que ce moment ne soit pas propice à une telle réclamation.
Alors que Shauna allait répliquer, le directeur la coupa dans son élan sur le ton le plus calme possible.
— S'il ne vous apparaît pas possible de garder votre calme et votre sang-froid, il semble que vous justifiiez de vous-même ce qui vous semble pourtant si injuste.
Quelques rires de la part des invités s'élevèrent au sein de la salle à l'entente des paroles du directeur.
Jetant des regards à l'assemblée, Shauna finit par se retourner, emplie de rage et de colère, pour finalement traverser la salle et prendre la grande porte.
Si cette "interruption" fut éclatante, elle fut pourtant rapidement écartée par Maître Garth. Ce dernier jeta un rapide regard vers Lesja, sa directrice adjointe, qui comprit rapidement et se dirigea à la poursuite de Shauna silencieusement.
Il reprit son discours bien vite sachant pertinemment que se jouait, à cet instant, la réputation entière de son école.
— Comme je le disais, certains apprentis ont connu l'échec, mais il ne s'agit là que d'une défaite provisoire qui démontre non pas une incapacité, mais une capacité qui demande simplement plus de temps pour se développer. En tant que directeur, je ne vois pas l'Homme comme un assemblage de qualités ou de défauts, mais comme un ensemble de possibilités. Certaines de ces possibilités demandent plus de temps et d'investissement, mais représentent également une richesse insoupçonnée.
La remise des diplômes se poursuivie ainsi durant un certain temps. Maitre Garth parla énormément et Eirin devina que la cérémonie représentait pour lui en réalité une occasion de s'adresser aux dirigeants et grands influents de la société. Finalement, l'école prenait les enfants de nobles en otage pour obliger leurs riches parents à l'écouter.
Pour autant, Eirin ne parvenait pas à réfléchir correctement. Elle le savait et maintenant, grâce à cette personne égoïste qui ne pensait jamais plus loin que sa propre personne, lui aussi savait.
— Eirin, souffla Joshua.
— Je sais ... ce n'est pas grave ... je suis habituée.
— Il faut que ...
— Ne me dis pas quoi faire !
Eirin haussa le ton tout en continuant de chuchoter afin de ne pas attirer l'attention sur eux durant le discours interminable de Maître Garth.
— Tu n'y étais pas ! reprit-elle. Et en aucun cas, je ne tolérais que tu n'oses ne serait-ce que me juger.
Joshua blêmit à l'entente de ces mots. Eirin avait dit ces derniers d'un ton froid et méprisant. Il ne l'avait jamais vu comme ça, du moins pas avec lui.
La jeune Freymïr se tourna et continua d'écouter le discours de Maître Garth qui touchait à sa fin :
— Sur ce, la cérémonie se termine, je vous propose mes chères élèves et invités de vous retrouver et de féliciter ceux pour qui vous êtes venus. Je vous convie par la suite à rejoindre de nouveau la grande salle afin de profiter d'un copieux repas et d'un bal.
Sur ces mots, le directeur partit rejoindre certains invités pour les saluer et discuter avec ces derniers de sujets, Eirin s'en doutait, de la plus haute importance.
La jeune Paladin se tourna et se dirigea rapidement vers la sortie. Peut-être qu'avec un peu de chance, elle parviendrait à sortir de cet enfer avant que ...
— Tu ne salues pas ton père ? Alors que ce dernier est venu juste pour te féliciter ? Je pensais t'avoir mieux éduqué que cela ma fille ...
Elder Freymïr se rapprocha de sa progéniture, le pas assuré, habillé d'une tenue sobre ornée du symbole de la famille Freymïr, un sourire sur son visage habituellement impassible.
— Je ne me permettrais jamais d'une telle offense. Je suis très heureuse et emplis de gratitude de votre venue, répondit Eirin d'un ton se voulant calme.
Le sourire d'Elder disparut rapidement de son visage et un regard menaçant le remplaça.
— Ne joue pas à ce jeu avec moi, je n'ai pas ton temps, il sourit, quoique je dois bien l'avouer cette cérémonie s'avère bien plus intéressante que je ne le pensais.
— Maître Garth est en effet un homme plein de sagesse.
— La sagesse du directeur de ton école ne fait aucun doute, il marqua une légère pause, l'inverse en serait des plus étonnants. Non, je pensais plus à l'interruption d'une de tes camarades.
— Pour être sincère, il ne s'agit pas vraiment d'une camarade ...
— Pourtant, apparemment, elle l'est suffisamment pour que tu la laisses user de ton arme.
— Il s'agissait d'une décision purement stratégique. Nous faisions face à une menace et elle avait ... j'avais des blessures trop importantes datant de ma deuxième épreuve pour venir à bout de l'ennemi. D'ailleurs, cette blessure, je la dois à l'un de vos anciens camarades ... Cordell, je crois ?
— Cordell ...
Il regarda quelques secondes sa fille, semblant perdu dans ses pensées, mais se reprit rapidement.
— Cordell a trahi notre royaume et son châtiment fut des plus justes, il fut cependant un très fort guerrier et je suis persuadé qu'il a été choisi comme ennemi de par sa grande puissance guerrière. Dans tous les cas, en tant que Freymïr, je serai mort à ta place, mais ma dignité elle serait devenue immortelle. Apparemment, tu n'as pas fait ce choix.
— La vie possède une richesse insoupçonnée, n'avez-vous pas écouté le discours du directeur ? dit Eirin d'un ton des plus innocents.
— La vie est ce qui nous rapproche le plus de la population que nous dirigeons, c'est par nos talents et nos valeurs comme la dignité que nous nous en différencions bien heureusement.
— Cette lance est une arme et rien d'autre. Elle n'a même aucune valeur pour la famille ! Je n'ai pas signé un pacte, mais simplement prêté mon arme afin qu'elle puisse donner le coup de grâce à l'ennemie rien de plus. La victoire par n'importe quel moyen, c'est pourtant ce que vous m'avez appris, n'est-ce pas ?
— Je t'ai également appris à ne compter sur personne. Si je comprends ton raisonnement, lorsque tu hériteras de la lance Guignir, d'Odin lui-même, tu la donneras, non "prêtera", à n'importe quel péquin ? De plus, pourquoi es-tu partie à la recherche de ce que tu refuses de nommer camarade ? Pourquoi n'as-tu pas poursuivie ta mission au lieu de cela ? Peut-être sur ces sujets, tu peux m'éclairer également ?
— Non, je ...
Tentant de se défendre, Eirin tarda à remarquer sa mère, qui ayant terminé sa discussion avec Maître Garth, se rapprocha d'eux et dit :
— Malgré mon immense fierté pour toi mon enfant, il semble que ton père attende toujours plus de toi. Je suis heureuse de voir que tu t'es fait des amis. Cependant, ces fréquentations ne doivent pas t'éloigner de ton devoir.
— Je fais attention à mes fréquentations. Ce n'est pas moi qui ai choisi les équipes pour chacune de mes missions jusqu'à maintenant ! Je ...
Sa mère lui coupa la parole d'un simple et élégant geste.
— Ce n'est pas ce que Joshua nous a appris, dit-elle avec un sourire chaleureux et bienveillant.
Eirin pesta en son for intérieur, apparemment cette école était remplit d'égoïstes et de traîtres. Elle sourit doucement à ses parents avant de reprendre calmement :
— ll semblerait que vous ayez raison. Je me dois en effet au vu de mon avenir de faire attention à mes fréquentations.
Oui, finis les mauvaises fréquentations se dit-elle pour elle-même.
***
Suite à ce qu'il venait de se passer durant la cérémonie, Shauna avait couru dans un endroit où il n'y aurait personne et où, personne ne pourrait la trouver. Cet endroit n'était rien d'autre que l'étable des moutons. L'Académie des Paladins tenait à tout prix à garder une indépendance, et ce même dans le domaine de la réserve de nourriture. C'est pour cette raison que la guilde avait ses propres cultures et son propre bétail.
C'est derrière un tonneau et un tas de pailles que l'orpheline s'était cachée, assise sur le sol. Elle serrait dans ses bras ses genoux, et versait des larmes de rages.
Ce que Garth lui avait fait, devant tout le monde, c'est-à-dire l'humilier, lui apparaissait comme étant injuste. Elle ne comprenait pas pourquoi il lui avait refusé le diplôme, et l'avait ainsi rabaissé devant tout le monde, alors qu'il lui avait dit lui-même d'assister à la cérémonie. La jeune fille avait l'impression qu'il avait fait tout cela dans l'unique but de la ridiculiser devant tous ces nobles.
Il lui avait, par son geste, fait comprendre qu'une gamine des rues sans famille ni sous ne pouvait pas devenir quelqu'un, contrairement à ceux qui étaient nés avec une cuillère d'argent dans la bouche, et c'est bien pour ça qu'il l'avait ridiculisé devant les eux.
— Je le déteste ... murmura-t-elle en serrant aussi fort que possible une poignée de paille dans sa main.
Elle n'avait désormais qu'une envie, c'était de partir d'ici. Après tout, rien ne servait de rester ici, elle n'y avait aucune attache et jamais elle n'aurait son diplôme. Toutefois, dehors, rien ne l'attendait non plus. Qu'est-ce qu'elle pourrait faire pour survivre à part voler ? Pourtant, cette idée lui paraissait plus que plaisante que de rester dans ce nid de vipères ...
***
Resté dans la grande salle, Kevin écoutait d'une oreille distraite les félicitations de son père et de sa mère. Après ce qu'il s'était passé lors de la remise des diplômes, il était difficile de savourer ce moment présent. Pourtant, malgré ces nombreuses pensées qui l'assaillaient, son père ne tarda pas à le ramener à la réalité par un violent coup dans le dos.
— Cette école aura fini par faire remuer les puces d'un fainéant tel que toi ! T'y avoir envoyé était une bonne idée.
— Voyons, notre fils a tout de même obtenu de bons résultats, murmura la femme du seigneur de Galaad.
— Moyen, vous voulez dire, son frère a obtenu de biens meilleurs résultats selon le directeur ! D'ailleurs où est-il ?
— Il est avec ses amis, père, répondit Kevin, épuisé par le sermon.
La mère de Kevin, qui s'était mordu violemment les lèvres à l'entente de la nomination "frère", se reprit d'un coup d'éventail qu'elle secoua devant son visage et dit :
— Sa présence n'est pas importante, nous sommes venu pour notre fils je vous le rappelle.
— Mais si vous le désirez, je peux aller le chercher, coupa rapidement Kevin.
Sans même attendre une réponse de son père, Kevin tourna les talons et alla chercher Ethan, ravie de trouver une échappatoire.
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