Chapitre 22 : La cérémonie
Bientôt l'heure de la cérémonie ...
Eirin regardait son uniforme posé sur son lit dans le dortoir. Ces vêtements étaient offerts aux apprentis au début de leur dernière année en vue de l'obtention de l'examen final. Le but était de les motiver et de rendre tangible la future obtention de leur titre de Paladin.
L'uniforme était le même pour tous, que ce soit pour les garçons ou pour les filles. Le haut était d'une couleur bleu sobre et les manches, légèrement retroussées, étaient ornées de rayures cousues d'or. Le bas était un pantalon blanc montrant les mêmes rayures d'or sur le flanc. La veste était destinée à se voir décorée à la fin de la cérémonie d'une médaille, symbole de l'obtention du rang de Paladin : le croisement de deux épées sur un bouclier blanc. La première épée symbolisait la force physique et la deuxième les capacités magiques. Enfin, le bouclier blanc signifiait à la fois la vocation des Paladins de défendre tous les êtres, mais également de par sa couleur blanche, leur neutralité.
Eirin regardait cet uniforme sans oser le porter. La plupart des élèves l'avaient déjà enfilé et le dortoir s'était rapidement vidé la laissant seule face à ses doutes.
Elle finit pourtant par se décider, enleva ses vêtements et mit le bas de son uniforme. Au contact du tissu, elle fut prise d'un violent frisson, mais continua son mouvement sachant pertinemment que si elle s'arrêtait elle ne parviendrait jamais à reprendre et finirait par abandonner.
Une fois habillée, elle contourna son lit, prit son étui posé sur sa commode et se saisit de sa lance. À la remise des diplômes, chaque étudiant était autorisé à prendre son arme. Cette décision d'apparence inutile voir dangereuse était pourtant loin d'être anodine comme chaque action de la part du directeur de leur chère école.
La cérémonie de remise des diplômes signifiait la présence de nombreux invités parmi le haut gratin de la société : rois, ambassadeurs, diplomates, nobles, artistes ou encore intellectuels. Toutes ces personnes avaient une influence politique, culturelle et bien entendu militaire extrêmement puissante. Or, l'Académie bien qu'elle se trouvait au sein du territoire neutre d'Oscia restait l'objet de nombreuses convoitises. De cette façon, sa sécurité même si garantie par de nombreux traités et par l'influence de Maître Garth pouvait à tout instant être remise en cause.
Alors comment un territoire neutre pouvait faire valoir sa défense autrement que par des traités ? Tout simplement par ses propres apprentis. Ces derniers en venant armés représentaient, même si durant le court temps de la cérémonie, la milice privée de l'Académie malgré eux devant l'ensemble des hautes sphères de la société. Durant un cours instant aux yeux de tous, l'Académie se servait de ses propres élèves comme des "armes" dissuasives pour se protéger de toutes attaques.
Finalement, cette société se résumait assez facilement malgré sa grande diversité : la manipulation et l'image.
L'image est ce qui compte le plus : un lieu, une personne, un pouvoir aura beau être habité de toutes les plus belles et justes volontés, si son image indique le contraire alors il apparaîtra comme le plus vil des démons.
Notre être ne nous appartient pas, nous ne sommes pas ce que nous sommes, mais simplement tels que nous apparaissons aux yeux des autres et notamment aux yeux des plus influents.
Eirin soupira et regarda par la fenêtre ... il était temps. Elle allait fixer sa lance dans son étui, mais s'immobilisa dans son geste pour ramener son arme devant elle et la regarder. Au sommet de cette dernière était gravé le symbole des Freymïr. Porter cette lance signifierait ainsi son consentement à appartenir à la fois à l'Académie et à sa famille.
— Je ne pense pas pouvoir trouver meilleur message ...
Elle posa sa lance sur son lit et garda son étui vide. Puis, elle se dirigea vers la grande salle ou aurait lieu la cérémonie.
En chemin, elle croisa de nombreux camarades. Certains étaient excités de recevoir leur diplôme, d'autres de revoir leur famille.
En descendant les marches elle croisa Ethan assit au beau milieu de l'escalier. Il semblait littéralement en train de mourir et présentait un teint des plus pâles.
— Est-ce que tu vas bien ? demanda Eirin en se mettant à la hauteur d'Ethan.
En entendant cela, Ethan sursauta et finit par relever la tête, il était totalement perdu.
— Euh ... Oui ! Oui oui ! Ha ha ! Il s'ébouriffa ses cheveux et sourit. Je suis juste un peu stressé d'obtenir mon diplôme ! Attention, je suis content hein ! Mais stressé ... oui c'est ça stressé.
— C'est la première fois que tu vas revoir ta famille ?
— Quoi ? Comment ... ?
— Ah arrête Ethan ! On sait tous dans l'Académie que tu n'as jamais était stressé ou ne serait-ce sentit concerné par tes études ... Recevoir une récompense pour quelque chose dans lequel tu ne t'es jamais investi ne peut pas te stresser ! En plus tu n'avais pas vraiment l'air contrarié quant à la réprimande du directeur concernant notre lamentable échec ...
— Non ce n'était pas très utile dans les cas où les grands de ce monde te réprimande, il vaut mieux acquiescer et rester silencieux, Ethan releva la tête et lança un sourire moqueur vers Eirin, par contre toi en te regardant, on aurait dit que c'était la fin du monde. Comme quand tu nous as comparés à des « plantes vertes ».
Eirin donna un coup de coude à son camarade en ruminant des mots incompréhensibles. Elle finit par s'asseoir à côté d'Ethan et commença à réfléchir.
— Si ce ne sont pas tes études ni la colère du directeur ... la seule chose qui peut te perturber et qui sort de l'ordinaire de ce lieu, c'est la venue de nos charmants invités.
Ethan, à l'entente de ses mots fit la moue et se tourna vers Eirin :
— Tu sais tu aurais dû travailler au Tribunal au lieu de suivre la formation des Paladins.
— Ah ! Parce que tu me vois toi dans une grande toge à ne vivre "qu'au nom de la vérité" ? Ce serait un peu ennuyant non ? Bon qu'est-ce qu'il se passe avec ta famille ?
— Eh bien toi on peut dire que t'es quelqu'un de direct..., il soupira, Ce n'est pas ma famille, c'est mon géniteur et crois-moi, il ne vient pas pour moi ...
— Tu n'es pas ...
— Je suis un bâtard ... pardon, un fils illégitime à qui un noble frivole a donné naissance.
— Ils viennent pourquoi s'ils ne viennent pas pour toi ?
— Pour leur véritable fils ...
— Attend, ton demi-frère est là ?
Ethan soupira et finit par se lever.
— Oui et le pire dans toute cette histoire, c'est que je ne peux même pas le détester, il est beaucoup trop gentil !
— Mais c'est qui ? Je suis peut-être trop curieuse ...
Ethan se leva, remit correctement son uniforme et tendit sa main vers Eirin.
— Ne t'en fais pas. Disons que je laisse l'enquêtrice que tu es le deviner ! Comme ça, ça t'occupera et t'empêchera de penser à ta propre famille. Je crois savoir que tu n'es pas mieux lotie que moi n'est-ce pas ? Bon, on y va ?
La jeune apprentie sur le point d'être adoubée sourit et se saisit de la main d'Ethan.
— Oui, allons-y.
Les deux jeunes gens se dirigèrent vers la salle en passant devant Shauna appuyée contre l'un des murs de la grande salle. Ils lui firent un léger salut de tête auquel elle répondit par un énième bâillement, provoqué par l'ennui qu'elle éprouvait par l'attente du début de la cérémonie. L'ennuyée continua d'observer discrètement devant elle ses camarades discuter avec les divers invités. Chacun des invités était habillé de somptueux habits, qui leur permettaient de bien étaler leur richesse. Lorsqu'elle traînait encore dans les rues, elle avait passé beaucoup de temps à essayer de voler à la tire de précieux médaillons et autres bijoux que ces riches utilisaient pour se pavaner. À cette époque-là, elle était loin d'imaginer qu'elle se retrouverait entourée de toutes ces personnes de la haute société, pourtant, comme lorsqu'elle était enfant, ces gens continuaient encore de l'ignorer.
Kevin, qui était venu la réveiller ce matin de peur qu'elle ne se lève pas pour la cérémonie, était en train de discuter avec ses parents. L'orpheline découvrait alors en observant de loin qu'il avait hérité des cheveux blonds de sa mère. Shauna pouvait entendre quelques brides de la conversation, et visiblement, la mère de Kevin était peu convaincu de l'uniforme que portait son fils qui selon elle "ne mettait pas en valeur son rang de noble". Shauna ne comprenait pas ce type de remarque, elle, n'avait jamais porté de vêtement aussi beau.
La jeune fille trouva finalement Isaak, l'autre gamin des rues, avec qui elle espérait raccourcir ses minutes de solitude. Hélas, lui aussi était en compagnie de sa sœur. Celle-ci avait fait un effort vestimentaire, et avait troqué ses habits de servante pour une jolie robe de sortie, afin de faire honneur à la remise du diplôme de son jeune frère. Cependant, Shauna pouvait très bien voir qu'eux deux étaient aussi mal à l'aise qu'elle l'était au milieu de tous ces nobles.
Arriva finalement le moment où les élèves durent se rassembler devant l'estrade où Maître Garth se trouvait déjà attendant patiemment. Kevin vint se mettre à côté de Shauna et lui chuchota avant que le directeur commence son discours.
— Désolé, je ne savais pas que mes parents allaient autant me retarder.
La jeune fille, haussa les épaules.
— Pas de soucis, j'ai l'habitude d'être laissée planté.
— Tu fais la tête ? Tu aurais pu me venir me rejoindre, ça m'aurait fait une diversion.
— Ils n'auraient même pas tourné la tête pour me regarder, un peu comme tous les invités.
— À la fin de la cérémonie, quand tu auras fini de faire ton vilain petit canard, je te présenterai à mes parents.
— T'es sûr ? Ils vont croire que je leur demande l'aumône.
Ils furent interrompus par le directeur qui s'avança dans la salle en vue de commencer à réciter son long discours. Shauna regarda quelques instants le mage puis se tourna vers Kevin.
— Tu as vu ses cernes ? À croire qu'il est encore plus stressé que nous et qu'il n'a pas dormi de la nuit, chuchota-t-elle alors à son voisin.
— Quand je suis sorti avec Isaak après le couvre-feu, on l'a vu discuter très tard avec des personnes dans son bureau, souffla Kevin.
— Des Paladins ?
— Pas du tout, on les a jamais vu, mais la fenêtre était fermé, on n'entendait pas ce qu'ils disaient, mais ils avaient l'air de se disputer ...
Les deux amis se dirigèrent vers la grande salle. Les deux tenants de la grande porte étaient ouverts et laissés entrevoir l'immense salle qui avait était redorée à l'occasion de la cérémonie. De grands draps étaient fixés au plafond, se laissaient tomber élégamment et représentaient chacun les sigles des principaux royaumes. Celui représentant l'Académie était fixé au bout de la salle. Eirin sourit : il s'agissait bien de souhaiter la bienvenue avec humilité aux invités en les mettant à l'honneur tout en soulignant bien qu'ils n'étaient pas chez eux.
La salle avait totalement été vidée de ses meubles. Des larges bancs décorés étaient positionnés de chaque côté de la salle sur lesquels s'installaient progressivement et à la hâte les invités. Au centre, les élèves se tenaient en rang, séparés en quatre groupes et faisaient face à l'estrade du directeur qui présentait seulement un pupitre où il ferait sûrement son discours.
À peine entrée, Eirin se tendit. Elle ne savait même pas s'il était là, mais déjà la pression devenait insupportable.
— Regarde simplement devant toi, se dit-elle à elle-même.
Elle trouva finalement une place au cinquième rang. Les élèves se plaçaient chacun comme ils le souhaitaient. Elle reconnut certains d'entre eux. Elle vit Shauna se positionner quelques rangs devant elle accompagnée de son ami, Kevin. Ethan avait trouvé une place parmi quelque uns de ses amis sur sa gauche.
Elle se demandait ou pouvait se trouver Joshua quand ce dernier arriva et se mit à côté d'elle :
— Salut, dit ce dernier essoufflé
— Alors comme ça on arrive en retard ?
— C'est plutôt cette cérémonie qui commence beaucoup trop tôt !
Eirin leva les yeux au ciel :
— Dans tous les cas espérons qu'elle se termine bientôt.
— Au fait, ta famille est arrivée.
— Je m'en doute ...
— Ton père m'as fait comprendre qu'il était déçu que tu ne viennes pas le saluer.
— La famille Freymïr est connu pour faire preuve de patience, je ne m'inquiète pas pour lui.
Elle tourna la tête et finit par croiser des yeux qu'elle ne pouvait que reconnaître froid et métallique, ornant un visage à la barbe fine et assidûment taillée. Son père Elder Freymïr était donc bien présent, accompagné de sa mère Rahel Freymïr.
Alors que leur regard se croisait, la voix de Maître Garth retentit finalement lui donnant une excuse parfaite pour détourner la tête et mettre fin à cette conversation silencieuse. Le directeur commença son discours sa voix profonde et forte concentrant rapidement toute l'attention sur lui.
— Je vous souhaite à tous la bienvenue. Cette cérémonie nous permet de récompenser nos élèves, mais représente en réalité bien plus. Elle nous montre qu'au travers de nos différences, il nous est possible de nous rapprocher tous, de nous retrouver au travers d'une cause commune. Cette cause n'est autre que la défense de nos amis, de notre famille, de notre nation, mais surtout de nos idées et de nos valeurs. Même si de nos jours les actions du Conseil et la diplomatie nous ont permis de vivre en paix, nous devons nous souvenir de notre passé et nous préparer à la possibilité que cette paix puisse être remise en périls par des forces inconnues, mais aussi et possiblement par nous-même. Nous ne devons pas oublier que de nombreuses guerres ont eu lieu à cause de notre propre faiblesse en tant qu'être humain et ce quelle que soit notre origine.
Il jeta un regard à l'assemblée puis reprit :
— C'est la raison pour laquelle malgré la paix, nous devons nous préparer au pire. Nous devons nous préparer à défendre cette paix à l'aide de nos armes comme de notre parole. Voilà ce pourquoi j'ai fondé cette académie et ce pourquoi nous sommes aujourd'hui réunis. Nous sommes réunis pour féliciter une nouvelle génération de Paladins. Nous sommes réunis pour leur souhaiter la bienvenue dans leur nouvelle vie. Pour certains, le chemin fut plus difficile que prévu, mais ils sont malgré tout ici et si pour d'autres ce titre leur échappera, il n'en est pas moins de penser que l'année suivante sera leur année et qu'un grand pouvoir demande parfois plus de temps pour éclore. Nous allons donc commencer cette cérémonie. Cette dernière sera suivie comme la tradition le veut d'un bal qui permettra à nos jeunes Paladins de profiter d'une dernière soirée en compagnie de leurs amis et de leur famille avant de s'offrir corps et âme à leur mission.
Le directeur écarta les bras et finit d'une voix forte son long discours :
— La cérémonie peut dès à présent commencer !
Sur ces mots, il descendit de son estrade et commença à appeler, un par un, le nom de chaque apprentis. Ces derniers, à l'entente de leur nom, relevèrent humblement la tête, se dirigèrent sous les regards de l'assemblée vers leur directeur pour finalement s'agenouiller devant lui et réciter un serment qu'ils avaient dû apprendre par cœur.
— De par mon épée, je promets de protéger. De par ma sagesse, je promets d'instruire. De par mon statut, je promets de guider. Nul autre que moi ne pourra accomplir ma destinée et c'est cette destinée que j'embrasse aujourd'hui, promettant de part ce serment de ne jamais lui tourner le dos.
Et c'est sur cette promesse, cette soumission à l'ordre des Paladins que le directeur leur remettait le symbole de l'Académie, ce pourquoi ils s'entraînaient depuis tant d'années.
Quand ce fut le tour de Kevin, le garçon poussa un soupir avant de murmurer
— Allez ...
— Évite de trébucher surtout, lui murmura Shauna avec un sourire moqueur.
Deux passèrent ensuite après Kevin, et alors que l'orpheline se préparait à se diriger enfin à son tour vers le flambeau, un élément la stoppa.
Contrairement à tous les autres, Maître Garth n'appela pas prénom, pire, il se tourna vers les apprentis diplômés et commença de nouveau un discours pour les féliciter et leur annoncer que leur nouvelle vie commençait.
Shauna resta là, abasourdi, la bouche grande ouverte, croyant à peine ce qui était en train de se passer. C'était une blague ? Pourquoi le vieux ne l'avait-elle pas appelé ? Pourquoi tout le monde sauf elle ? Ne pouvant se contenir, elle interrompu le discours du directeur d'une voix forte.
— C'est une blague ?
Le directeur s'immobilisa immédiatement, et comme les personnes de la salle, tourna la tête vers l'orpheline.
— Pourquoi vous ne m'avez pas appelée ?!
Des murmures commencèrent alors à se propager le long de la salle, Garth voulu interrompre le malaise qui commençait à naître.
— Shauna, tu ...
— Non ! Ce n'est pas la peine de commencer un nouveau long monologue avec moi ! J'ai pas plus échoué aux épreuves que d'autres ! Dans la forêt, j'ai battu le paladin et j'ai tué le Gaadrima toute seule avec l'arme d'Eirin ! Lors de la mission d'escorte, j'ai fait exactement ce qu'il fallait ! Alors qu'ils étaient plantés dans l'auberge, je suis allée à la recherche d'Amositruc ! J'ai fouillé le village et je ne voulais pas abandonner la quête ! Si Eirin ne m'avait pas ramenée dans l'auberge, je l'aurais trouvé et sauvé !
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