Chapitre 20 : Patience est maître mot
Au petit déjeuner, personne n'est très frais sauf moi ! Je me sens super bien, Claire me sert un café en me souriant alors que je m'installe sur la terrasse.
Je saisis une brioche que je dévore avidement, avant de m'intéresser à une boîte pleine de macarons au citron.
- Jules ! M'interpelle Adrien en s'asseyant à côté de moi.
- Adrien, fis-je mi- amusé, ça va ?
- Tu étais au courant ? Me demande-t-il abruptement.
- Précise ta pensée... Le sollicité-je en réprimant un fou rire.
- Matthieu est gay ! Me dit-il en clignant plusieurs fois des yeux.
- Ah ça, fis-je, oui je l'ai appris récemment... Pourquoi ?
- Ben du coup, leurs petits jeux avec Maude de « je te regarde et je suis gêné et tout ». Moi je croyais qu'ils couchaient ensemble ! Mais non puisqu'il est gay !
- En effet Sherlock, m'amusé-je.
- Et en plus ! Crie-t-il presque, Maude sort avec ton frère !? Truc de fou !!!
Il est tellement surexcité qu'il tient à peine sur sa chaise.
- Oui ça j'avoue que je n'étais pas au courant et ça m'a beaucoup surpris. Mon frère m'avait dit qu'il était amoureux alors du coup je...
- Lilian a dit quoi ?! Me coupe une voix blanche.
Je relève la tête alors qu'un lourd silence s'installe, j'aperçois Maude dans l'ouverture de la porte-fenêtre de la cuisine. Vu sa tête, je pense que c'est elle qui a parlé et on dirait qu'elle n'est pas vraiment... au courant... Mon frère qui se trouve juste dernière elle, me jette le regard : Bien joué Julian !
- Euh... est le seul son qui sort de ma bouche.
- Lil, interpelle Maude en se tournant vers lui.
- Oui, répondit-il simplement les joues légèrement roses.
- C'est vrai ce qu'il a dit ? Demande-t-elle incrédule.
Plus personne ne parle, je crois même que certaines filles ont retenu leurs souffles. Du coin de l'œil, je vois Valérie poser une main sur son thorax, les yeux remplis d'émotion, comme au cinéma.
Lilian met les mains dans ses poches, il observe le sol un instant puis regarde Maude avec tendresse :
- Oui, c'est vrai.
Maude ouvre grand la bouche comme un poisson hors de l'eau pendant qu'il poursuit :
- Je voulais attendre pour te le dire mais... Je crois bien que : je t'aime.
- Mais... Ça doit faire quoi, genre un mois et des bananes qu'on se voit ? Dit-elle abasourdi.
- Et alors ? Demande Lilian de sa voix de séducteur.
Fébrile, elle l'attire vers elle, il se plie pour être à sa hauteur et elle l'embrasse. Je ne sais pas trop qui a commencé mais on se met à les applaudir et à siffler.
Adrien, dont les convictions ont été mises à rude épreuve, suit le mouvement avec un sourire un peu crispé.
Alors qu'ils se séparent, Maude est écarlate, elle rit nerveusement en se frottant les yeux. Lilian de son côté, brandit son poing en signe de victoire.
J'éclate de rire puis ils nous rejoignent pour déjeuner.
Maude s'assoit à côté d'Adrien en se ruant sur le pain et la confiture. Lilian dévisage Adrien qui la regarde avec un peu trop d'insistance.
- Oui, Adrien ? Dit-elle avant que la situation ne se dégrade.
- Maude ?
- Oui, dit-elle d'une voix douce.
- Tu sors avec le jumeau de Julian, affirme-t-il les sourcils froncés, ça te fait pas un peu bizarre.
- Non, répond-t-elle détachée, il ne se ressemble pas du tout.
Lilian explose de rire et Maude redevient immédiatement écarlate.
- Oh ça va, s'agace-t-elle.
- On ne se serait jamais rencontré si je n'avais pas ressemblé à mon frère, s'étouffe Lilian.
- Je ne parlais pas du physique ! S'indigne-t-elle.
- Non, c'est sûr que mon physique ne t'a pas plu de suite, s'étrangle-t-il.
- Lil ! Le réprimande Maude.
Ça me fait bizarre, de les voir se chamailler comme ça mais je pense que je vais m'y habituer. De son côté, Adrien, oubliant toute bienséance, demande :
- Mais, c'est genre, Julian te plaisait et comme ce n'était pas possible...
- Ah non ! Répond abruptement Maude, Julian ne m'a jamais attiré !
- Aoutch, fis-je en feintant d'avoir mal dans la poitrine.
Lilian ne tient plus, je ne sais pas s'il trouve la situation aussi drôle que ça mais il a les nerfs qui lâchent. Il tape son pied par terre et se met à pleurer de rire.
- Vous êtes trop cons ! S'offusque Maude.
- Ça c'est bien vrai ! S'exclame Claire.
Son intervention, aussi intrusive soit-elle, ne manque pas de déclencher un fou rire général.
On passe la journée à nettoyer et à ranger, certains sont gentiment restés pour nous donner un coup de main.
Vers le milieu de l'après-midi, alors que la situation est sous contrôle, on organise un tournoi de mölkky avec ceux qui restent pour décompresser.
Je vois mon frère et Maude évoluer du coin de l'œil. Bien qu'ils soient en couple, je suis soulagé de voir qu'ils ne font pas partis de ces gens qui sont tout le temps collés ou trop démonstratifs.
- Ils sont mignons, non ? Me demande Lola alors que Lilian apporte un verre de soda à Maude.
- Mm... Fis-je.
- C'est ce que je veux, affirme-t-elle.
- Je te l'ai déjà dit : tu l'auras ! Dis-je sans détour.
- Tu crois ? Me questionne-t-elle pleine d'espoir.
- Bien sûr ! Tu le mérites et tu es une fille cool, conclus-je comme si c'était l'argument infaillible.
Elle rit doucement et me sourit :
- On verra. En tout cas, je te souhaite d'être aussi heureux avec celle qui occupe ton cœur.
Face à ce sous-entendu, je sens la chaleur me monter au visage. Ma réaction semble l'amuser mais elle ne relève pas.
- D'ailleurs, elle ne devait pas venir ?
- Elle a eu un empêchement de dernière minute, expliqué-je le plus neutre que possible.
- Ah merde, lâche-t-elle, j'aurais bien aimé la rencontrer.
- Et moi donc, soupiré-je. Elle m'a offert des billets pour un match de basket. On va y aller ensemble...
- Non Jules, me coupe-t-elle rudement, elle t'a offert un rencard. M'explique-t-elle avec un air espiègle avant de partir jeter le mölkky.
Ces mots tournent dans ma tête et je me sens étrangement bien : comme dans un bain chaud en hiver.
D'ailleurs, je trouve que le fond de l'air s'est un peu rafraîchit tout à coup. Il y a un petit vent qui s'est invité alors qu'il n'était pas là hier...
On dit au revoir aux derniers invités puis je me rappelle que je n'ai pas répondu à Rym :
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Mm... En fait, je n'ai pas de fantasmes sur les sulfureuses maghrébines donc pas d'inquiétude blanche neige (rire).
C'est sympa de t'avoir donné un prénom qui, visiblement, te va si bien (méga rire).
Oui, oui, bien sûr, tu as hâte « pour le match ». Ta maman ne t'a jamais dit que mentir était un très vilain défaut (rire).
Alors aujourd'hui, il s'est passé pleins de trucs ! Bon déjà au petit déj, Adrien m'a sauté dessus, choqué parce que Mathieu est gay et que Maude sort avec mon frère.
Et là, j'ai fait ma boulette devant tout le monde en disant que Lilian m'avait dit être amoureux. Maude n'était pas au courant, c'était gênant mais tout c'est bien fini.
Puis on a rangé et j'ai fini ex aequo au tournoi de mölkky avec mon frère.
Et d'ailleurs, comment va le tien ? Toujours en vie ? Il s'est expliqué pour hier soir ? J'espère que tu lui as passé un savon !
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J'envoie le message et je fouille dans mes mails à la recherche du billet pour le match.
C'est vendredi prochain ! Nickel, je rentre la date dans l'agenda de mon téléphone en me dirigeant vers la cuisine.
Maude est restée pour le dîner, Lilian a insisté. Maintenant que tout le monde est au courant, je crois qu'il veut profiter pleinement de sa compagnie.
Étrangement, je suis beaucoup plus à l'aise que je ne l'aurai imaginé. Le fait que j'ai toujours considéré Maude comme une lointaine parente doit y jouer.
On passe une bonne soirée tous les quatre. Claire essaye de me provoquer deux ou trois fois en frôlant mon genou ou ma main, mais je ne réponds pas à ses provocations.
Bien que Claire soit toujours fortement à mon goût, j'ai décidé de rester concentré sur Rym et de voir ce que ça donne. J'ai également l'image d'elle et de la femme d'hier soir en tête. Je me demande bien à quoi elle joue.
A la fin du repas, Lilian passe au salon avec Maude. Je l'entends s'installer au piano alors que je débarrasse avec Claire.
Je décide de la confronter :
- Qu'est-ce que tu m'as fait là ?
- Comment ça ? Dit-elle innocemment.
- Ben ton petit cinéma pendant le dîner ? Demandé-je.
- Je voulais voir si tu étais devenu sérieux depuis notre dernière explication.
- Mêle-toi de tes affaires, m'agacé-je, t'aurais fait quoi si j'étais rentré dans ton jeux, hein ? Et la fille d'hier, elle en aurait pensé quoi ?
- Qui ça... Ah, Amandine !?
- Sûrement...
- Ça ne la regarde pas.
Je serre les mâchoires mais je ne dis rien. Claire continue :
- Je te fatigue, c'est ça ?
- Un peu...
- Je m'en doutais.
Bim ! Dans ma face ! Devant tant de perspicacité, je me calme et je sens naître en moi un petit sentiment de culpabilité.
- Je... Commencé-je.
- Non c'est bon. Ne dis rien, me dit-elle en me souriant. On est copain, tu te souviens, affirme-t-elle.
Je hoche la tête puis on finit de nettoyer la cuisine au doux son du piano de Lilian.
De retour dans mon espace, je m'affale dans mon canapé, heureux de voir que j'ai reçu un message de Rym :
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« Blanche neige », c'est tout ce que tu as trouvé (méga rire) ! Tu te doutes bien qu'on me l'a déjà fait un nombre incalculable de fois ! Je te pensais plus originale que ça (rire).
« Mentir » ? Pourquoi ? C'est vrai que j'ai hâte de voir le match. Ne me dis pas que tu as écrit ça parce que je ne t'ai pas mentionné (rire). Désolée j'oublie tout le temps que tu es sensible (méga rire).
Attends, attends ! QUOI ?!? Maude sort avec ton frère ? Qui est Maude ? C'est Madame Waouh aux chaussures rouges ? Tu la connais ? Je crois que tu as oublié un bout de ton histoire (méga rire) parce que je ne comprends rien. Et d'ailleurs c'est quoi le rapport avec Matthieu ? Matthieu c'est lequel déjà ?
Ah oups...
Non t'as pas fait ça !? T'as dit que ton frère était amoureux de Maude alors qu'il ne lui avait pas dit ! Il me faut plus de détails, je sens que je vais me régaler (rire).
Alors, oui mon frère est toujours en vie, surtout grâce à toi (rire).
Aujourd'hui on ne peut pas dire qu'il soit très frais et pas très fier de lui non plus.
De ce que j'ai compris, il s'est disputé avec son mec. Il reproche à mon frère un manque d'engagement/ vision de leur couple sur le long terme. Ils en sont arrivés à se dire des choses pas cool. Du coup mon frère pensait qu'ils allaient rompre et a décidé de se taper une cuite pour noyer son chagrin ; bref rien de bien original en somme.
Je lui ai passé un savon de l'espace !!!
Ce matin, son mec l'a appelé, apparemment très inquiet parce qu'il n'arrivait plus à le joindre depuis hier soir. Ils se sont rabibochés au déjeuner et ils vont emménager ensemble après la visite de nos parents. J'avoue que j'ai vraiment peur de leurs réactions...
Cela dit, je lui ai parlé de ton anniversaire et il te présente ses plus plates excuses.
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Sans réfléchir, je me mets à écrire :
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Oui, « mentir » parce que ça s'appelle un mensonge par omission mais tu dois savoir ça... En tant que juriste (rire).
En réalité, je ne suis pas si sensible que ça rassure toi (rire).
Ah oui, je suis peut-être allé un peu vite lors de mon dernier message (rire). Alors, au travail, je partage mon bureau avec Matthieu, Adrien et Maude. Adrien était persuadé qu'il y avait un truc entre Maude et Matthieu. Moi, je savais depuis peu, que Matthieu était en couple avec Jo, celui du badminton. Mais Adrien l'a découvert à la fête hier.
On savait que Maude voyait quelqu'un, dans mon esprit bizarre (rire) je croyais que c'était Rémi, mais non ! Maude est madame Waouh aux chaussures rouges ! Je te dis pas le choc (rire). Apparemment, ça fait un peu plus d'un mois qu'ils se voient en douce.
Un soir, Maude n'était pas bien, elle avait trop bu et elle m'a appelé pour que je vienne la chercher. Je n'avais pas pu répondre et me demande pas comment Lilian l'a ramenée...
Et si (rire) ! J'ai dit devant tout le monde que mon frère était amoureux de Maude alors qu'il ne lui avait pas dit. Du coup, il lui a fait sa déclaration officielle et ils se sont embrassés donc c'est bon.
Ah bien : ton frère est toujours en vie et les choses se sont arrangées. Tant mieux même si bon... J'aurais préféré te voir hier soir... Donc pour ses excuses, je ne sais pas trop... Il sait faire des gâteaux aux citrons ?
Ça va être long d'ici vendredi...
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J'appuie sur envoyer et je vais me coucher. Je bosse demain et de toute façon, je n'ai rien suivi au film qui défile devant moi.
Le lendemain, c'est lundi, J-4, c'est trop loin, ça m'énerve ! Pour ne rien arranger, le ciel s'est voilé de gris.
Je passe la journée dans mon coin, ma mauvaise humeur fait fuir tout le monde sauf Maude. Bizarrement avec elle, j'arrive à rester correct.
En milieu d'après-midi, on prend une pause rien que tous les deux. On s'assoit sur nos bancs préférés et Maude ouvre les hostilités :
- Alors ? Quoi de neuf ? Dit-elle innocemment.
- Rien, lâché-je abruptement.
- Mm... Tu as reparlé avec ta mystérieuse inconnue ? R, c'est ça ?
- Elle s'appelle Rym.
- Ah Rym... C'est mignon ! M'encourage-t-elle.
- C'est arabe en fait. Oui, on s'est parlé. On se voit vendredi. Affirmé-je sans détour.
- Cool...
- C'est loin ! M'exclamé-je agacé.
Elle se met à rire et devant l'immaturité évidente de la situation, je ne tarde pas à la suivre.
- Je suis désolé, fis-je en me reprenant.
Elle me sourit en me faisant non de la tête. Je pousse un long soupir de Caliméro puis je fais semblant de céder :
- Je te ferai des meringues pour me faire pardonner.
- A la framboise ?
- A la framboise si tu veux, dis-je avec un petit sourire en coin.
- Ok, tu seras donc pardonné... A la livraison, cela va sans dire.
Je ris doucement puis on part sur un sujet plus léger.
Je passe le reste de la journée tranquillement dans mon coin.
Le soir alors que je mets la table pour Lilian et moi, je reçois un sms de Lola. Je suis un peu déçu qu'il ne soit pas de Rym :
Coucou, comment ça va depuis hier (rire) ? Euh je me demandais : tu le connais bien Sven ?
Je lui réponds aussitôt :
Sven ? Ça ne me dit rien... Je vais demander à Lilian pourquoi ?
Sa réponse est instantané :
Parce que je l'ai rencontré chez toi (rire) !
Lilian arrive pile à ce moment-là et je m'empresse de lui demander :
- Tu connais un Sven ?
- Ouais, il est hétéro, désolé pour toi. Me charrie-t-il.
- Ça tombe bien, moi aussi ! Non, c'est Lola qui demande, apparemment elle l'aurait rencontré chez nous, dis-je sans rentrer dans son jeu.
- Ah ouais. Il était là samedi mais il n'est pas resté dimanche. Je l'ai rencontré à l'école d'architecture. Il a fait que la première année et il est parti. Elle a dit pourquoi ? Me questionne-t-il.
- Non mais je n'ai pas demandé non plus, répondis-je avec flegme.
- Ok, alors ? Quoi de neuf ? T'as parlé à « R » ? T'as vérifié que c'est bien une femme ? M'interviewe-t-il.
On passe à table et je lui réponds :
- Ouais, elle s'appelle Rym et on se voit vendredi. Affirmé-je le plus calmement possible.
- Cool !
- On va à un match de basket.
- Ah bon je ne savais pas que ça t'intéressait !?
- Ben je n'y connais pas grand-chose. C'est elle qui voulait aller voir le match et elle m'a offert la place.
- Sympa.
- Ouais après j'imagine qu'on ira dans un bar ou un truc du genre pour prolonger la soirée...
- Mm... Dit-il d'un ton lourd de sous-entendu.
- Quoi ?
- Rien. Fit-il innocemment.
Sentant la connerie arrivée, je décide de ne pas creuser plus loin et Lilian change de sujet :
- C'est bizarre de se retrouver tous les deux comme ça... Ça fait longtemps que ça ne nous est pas arrivé.
- Ouais avec Claire et tout...
- Ouais...
- Ça te dérange si Maude « passe » de temps en temps ? Me demande-t-il gêné.
- Non.
- Cool.
Il a l'air soulagé, c'est bizarre, je lui découvre une facette de sa personnalité que je ne lui connaissais pas. Il a l'air vraiment sérieux avec Maude. Ça me fait plaisir pour elle. Maude mérite tellement un homme bien ; qui aurait cru que ce mec pouvait être mon frère ?!
De retour dans mon espace, je zappe sur la télé mais il n'y a rien d'intéressant. Je sors mon téléphone pour vérifier mes messages et je vois qu'il est éteint.
Agacé, j'essaye de le rallumer mais rien n'y fait. La batterie doit être morte, dégoûté, je le branche au secteur avant de me mettre un film.
Le lendemain en rallumant mon téléphone, j'envoie à Lola les maigres informations que m'a donné Lilian sur ce Sven.
Les journées de mardi et mercredi passent trop lentement à mon goût : j'ai l'impression d'être dans une faille spatio-temporelle où le temps s'est élargi comme un élastique tiré. En plus, il fait de plus en plus frais. Heureusement qu'il y a les messages de Rym pour les rendre plus supportables.
Mercredi soir, je passe à la boutique de Rémi pour me changer les idées. J'ai la surprise d'y trouver Lola qui vient de passer une commande.
- Julian ! M'interpelle-t-elle dès que je passe le pas de la boutique.
- Salut.
- Salut, ça va ?
- Bien et toi ?
- Bien, me dit-elle, quelle surprise de te voir ici.
Je la trouve bien enthousiaste, je jette un coup d'œil à Rémi qui me fait signe que tout va bien.
- Il faut qu'on se fasse une bouffe ! S'exclame-t-elle. Je connais un petit bistrot sympa dans le coin...
- Et si je ne veux pas manger avec lui ? Demande une voix traînante.
Je découvre Ethan dans un coin du magasin.
- Salut, lui dis-je sobrement.
Il se contente d'un signe de tête.
- Mais je croyais que tu mangeais avec des copains ce soir et qu'on se retrouvait à la voiture ? S'étonne Lola.
- Les plans ont changé, fit-il sans me quitter du regard comme pour m'évaluer.
En tant qu'adulte supposé mature et responsable, je fais comme si de rien n'était alors qu'il plisse les yeux pour essayer de lire en moi.
Lola pouffe de rire avant de commenter :
- Tu es ridicule !
Ethan prend une vilaine couleur rouge, Lola l'ignore superbement et se tourne vers Rémi :
- Tu viens avec nous ?
- J'adorerai, surjoue-t-il, mais j'ai rencard ce soir avec ma copine, ajoute-t-il avec un grand sourire.
- Julian ?
- Euh...
Je suis tiraillé : j'ai bien envie d'énerver Ethan mais je n'ai vraiment pas envie de manger avec ce sale gosse...
- Ok, lâché-je.
- Super ! S'extasie Lola.
On sort de la boutique avec Monsieur Ronchon sur les talons. On discute de la pluie et du beau temps tout en marchant. Je prends un malin plaisir à me mettre en mode gentleman ultime : je laisse passer Lola devant moi, je fais mine de la protéger des dangers de circulation. Sans la toucher bien sûr pour qu'elle ne se rende compte de rien.
Ethan fulmine en silence les mains dans les poches.
Alors que je croyais que l'on marchait sans but précis, Ethan s'indigne :
- Tu m'emmènes où là ?
- A ton point de rendez-vous avec tes copains, répond innocemment Lola.
- Je t'ai dit que les plans avaient changé ! S'écrit-il.
- Bon c'est quoi le problème ? S'agace-t-elle en lui faisant face.
Aussitôt, la situation ne m'amuse vraiment plus, je me mets légèrement en retrait, histoire de bien rester en dehors de ça.
- Ce type veut te...
- Ethan ! Fais attention à ce que tu vas dire ! Le réprimande-t-elle.
- Tu crois quoi qu'il est sympa c'est tout !? Tu es trop naïve !
- Tu ne parles pas comme ça. Le coupe-t-elle froidement sans élever la voix.
Aussitôt, Ethan prend une vilaine teinte un peu grise. Un petit silence s'installe puis finalement Lola reprend la parole les dents serrées :
- Tu vas aller manger avec tes copains, ça va te faire du bien.
- Mais maman...
- Fin de discussion et excuse-toi auprès de Julian. Dit-elle d'un ton ferme.
L'ado se tourne vers moi, une grosse veine palpite dans son cou :
- Désolé mec mais....
- Ethan ! le coupe-t-elle. Tu t'excuses correctement sinon je te fais un câlin devant tes copains pour te punir ! Tu sais que je le ferai.
Ethan fait la grimace et se reprend en accentuant chaque syllabe :
- Dé-so-lé.
- Pas de problème, me contenté-je.
Une fois Ethan laissé à son point de rendez-vous, Lola extériorise sa colère :
- Non mais t'as vu ça !? Quel sale gosse ce môme !
- Mm...
- Je sais ce que tu vas dire que je l'ai beaucoup trop gâté et tu as sans doute raison mais...
- En fait, je voulais savoir où on allait manger ?
- Hein ? Ah... Fit-elle en rougissant, oui, manger... Euh, on est à deux rues... Tu connais le « Fusion » ?
- Non... Dis-je en priant pour que ça ne soit pas trop avant-gardiste.
Nous arrivons devant une petite devanture noire discrète qui ne me donne aucun indice sur le type d'établissement. Lola ouvre la porte, une délicieuse odeur de viande grillée vient me titiller les narines et une ambiance festive me chatouille les oreilles.
Il s'avère que le « Fusion » est un pub aux allures un peu décalé.
Il y a des marqueurs traditionnels du pub : un grand bar surmonté d'énormes tireuses à bière, tables et chaises en bois vernis, jeux de fléchettes, une ambiance tamisée...
Mais aussi des vieux vélos suspendus au plafond, de vielles affiches du tour de France, des maillots de cyclisme sous verres et d'anciens téléphones lumineux dispersés çà et là.
On passe commande d'un repas qui s'annonce tout sauf léger en discutant de tout et de rien.
Nos assiettes arrivent et la conversation prend un tournant plus sérieux à l'évocation de Rym.
- Mais je ne comprends pas, pourquoi vous continuez à vous envoyer des messages ? S'étonne-t-elle, vous devriez vous appeler, c'est plus sympa non ?
- Euh... L'idée ne m'est pas venue...
- Moi c'est ce que je ferai. Comme ça tu entends sa voix, son intonation, tu peux mieux l'imaginer et tout... Et l'attente pourrait même paraître moins longue !
- Oui ben ça va, j'ai compris maman. Dis-je gentiment.
- Excuse-moi, me demande-t-elle en rosissant.
- Et toi ?
- Quoi moi ?
- Sven, lâché-je simplement.
- Oh ! S'exclame-t-elle en rougissant cette fois, euh... Il est sympa...
- Mm je vois...
- Je lui ai donné mon numéro, m'avoue-t-elle les joues bien roses.
- T'es une folle toi, hein ?
- Te moque pas, ça doit bien faire 20 ans que je n'ai pas laissé mon numéro à un gars comme ça.
- Non, ça doit faire un peu plus d'un mois : quand tu l'as écrit sur la voiture de Lilian.
- Ah... se rappelle-t-elle en devenant écarlate.
Je ris avant de la mettre à l'aise :
- On va dire que ça ne compte pas. Tu n'étais pas fraîche.
- Oui...
- Alors Sven ? L'encouragé-je.
- On s'écrit, beaucoup.
- Cool !
- Ouais tu crois ? On a rendez-vous la semaine prochaine.
- Bien ! Au moins, il ne te fera pas autant patienter que Rym avec moi, me moqué-je.
- Oh mais moi, je ne sais pas comment tu fais ?!
- Bon ok, je vais te dire mon secret.
Je me penche vers elle d'un air conspirateur, elle fait de même et je lui glisse :
- Je ne sais pas non plus, j'en peux plus.
On part en fou rire et le reste de la soirée se déroule tranquillement.
En bon gentlemen, je raccompagne ensuite Lola à sa voiture en me faisant fusiller du regard par sa progéniture.
Sur le chemin vers ma voiture, je me frotte les mains pour les réchauffer un peu, il ne fait pas chaud ce soir.
Dans la voiture, je frissonne. J'allume la radio en prenant la direction de la maison.
A mi-parcours, un bulletin météo exceptionnel interrompe la transmission :
La vague de froid qui submerge le nord depuis plusieurs semaines maintenant, commence à s'abattre sur le sud ! Des vents et pluies violentes sont à craindre dans certaines zones. Veuillez-vous rendre sur notre site internet pour avoir le détail des secteurs concernés.
Faites bien attention à vous ! Ceci est un message de prévention du...
Je n'écoute pas la fin. Cette annonce a fini de me donner froid.
Lilian ne m'a pas envoyé de message donc on ne doit pas être dans les lieux à risque. Ce n'est quand-même pas cool pour ce début de saison, il va peut-être falloir que je protège le potager.
De retour à la maison, tout est bien silencieux. Sans Claire et avec Lilian en vadrouille, la maison me semble bien triste.
Je m'empresse de la traverser pour me rendre dans mon espace rassurant. Une fois en haut, j'allume toutes mes lumières avant de m'échouer sur mon canapé.
Sans y penser, je sors mon téléphone et j'appelle Rym. Au bout de la troisième sonnerie, je me sens un peu bizarre, j'hésite à raccrocher. C'est alors qu'elle décroche :
- Julian, chuchote-t-elle.
- Euh oui... Je te dérange peut-être...
- Euh c'est que je suis de sortie là... Je te rappelle demain ? Me propose-t-elle.
- Oui, enfin si ça te dit.
Elle échappe un rire nerveux :
- Bien sûr que ça me dit, je suis contente que tu m'aies appelée. A demain ! Fait-elle enjouée.
- A demain, répondis-je.
Elle semble hésiter et rajoute :
- Bisous...
Puis elle raccroche abruptement.
Je souris en l'imaginant, gêné et légèrement rose. Lola avait raison : c'est beaucoup mieux de vive voix.
Je me surprends à rassembler les indices qu'elle m'a laissé pour essayer de l'imaginer. Il me semble qu'elle m'ait dit être châtain. Elle a la peau blanche et au vu des sports qu'elle pratique, je l'imagine plutôt athlétique... En soit, je n'ai pas grand-chose mais ses mots m'ont laissé entrevoir une personnalité pétillante et taquine. Sa voix douce et chaude me laisse penser que c'est quelqu'un de doux.
Mes pensées s'égarent en fantasmant sur cette femme que je rencontrai dans deux jours.
Au petit matin, je n'ai aucun souvenir de m'être endormi ni même d'être allé dans mon lit.
Je prends une bonne douche pour me réveiller avant de descendre.
A ma grande surprise, Lilian est sur la terrasse, un journal à la main :
- Tiens, tu t'es fait mettre dehors cette nuit ? Le taquiné-je.
Il sort la tête de son journal et me fait un signe de tête vers la cuisine avec un sourire radieux.
Je me retourne et j'aperçois Maude vêtu d'un t-shirt à Lilian. Il est tellement grand pour elle qu'il la couvre jusqu'au-dessus du genou.
- Tu passes devant les gens sans dire bonjour !? Me réprimande-t-elle gentiment, la cafetière à la main.
- Euh... Bonjour...
- On est rentré tard, s'amuse Lilian.
- Mm... fis-je à cours d'idée.
Le reste de la journée se déroule sans accro. Il semblerait que la promesse de parler à Rym ce soir et de la rencontrer demain me rendre d'humeur particulièrement joyeuse.
Je solde plein de tâches que j'avais paresseusement laissé de côté au boulot. Je prends mon tour de course sans broncher. Même la petite pluie fine qui s'est invitée ne me déstabilise pas.
Alors que je suis rentré et que les courses sont rangées, je commence à tourner en rond. J'entends Lilian qui travaille avec Claire dans l'annexe, l'idée d'aller les embêter me traverse l'esprit mais je me retiens.
Ne tenant plus en place, j'enfile une tenue de sport et je sors courir malgré la pluie.
**********
Chapitre dédicacé à Madinoche, je te remercie d'avoir suivi fidèlement Julian jusque là et pour toutes tes étoiles qui m'encourage à continuer ^^
Xoxoxoxo
Cam
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