Chapitre 18 : Coup de massue dans la salle de bain
Par chance, j'arrive en même temps que mon frère. Il m'aide à décharger la voiture et on entrepose tout dans le sous-sol. En passant, je vois Claire dans la salle de sport sur le vélo avec un casque sur la tête. Elle sue à grosses gouttes en pédalant de toutes ses forces.
On dirait moi, quand j'ai quelque chose à évacuer.
Mon frère commente :
- Les travaux ont commencé pour remettre l'eau chez Claire.
- C'est une bonne chose non ?
- Si, oui, c'est juste que la voisine fait peur aux ouvriers. Me dit-il à moitié en riant.
- Pourquoi ?
- Oh... Elle... Elle leur fait des propositions indécentes... Très indécente. Me dit-il entre deux fous rires.
J'éclate de rire alors que mon frère tente de continuer :
- Du coup ils ne veulent pas aller sur le chantier !
D'un coup, Claire tourne la tête vers nous et nous lance un regard d'assassin. On rejoint le rez-de-chaussée d'un pas vif en la laissant sur son vélo.
Une fois dans la cuisine, on reprend notre souffle.
Lilian prend soudain un air grave, il ouvre la bouche pour parler quand son téléphone sonne bruyamment. Il pousse un juron.
- Tu devrais décrocher, dis-je.
- C'est rien, c'est Carl. Ça doit être pour samedi...
- Vas-y prend le, on aura tout le temps de parler après ou demain...
Hésitant, il finit par décrocher.
Je commence à mettre la table et réchauffer des pizzas.
Attirée par l'odeur, Claire fait son apparition :
- Je suppose que Lilian t'a raconté, me dit-elle froidement.
- Oui... Ce n'est vraiment pas de chance, dis-je sans pouvoir m'empêcher de sourire.
- Elle commence à m'énerver la vieille !
Devant mon absence de commentaire, elle demande :
- On mange quoi ?
- Pizzas.
- Temps ?
- 5 min.
- Ok je finis de mettre la table, j'irai à la douche après.
- Ok...
On arrange la tablée dans un silence de mort.
Après, de longues minutes gênantes à se regarder dans le blanc des yeux, le four sonne. Claire sort les pizzas, elle s'en coupe un bout qu'elle englouti avidement.
Je coupe le reste des pizzas quand Lilian arrive.
Voyant la scène, il décide de détendre l'atmosphère. Nous partons donc dans une discussion légère au sujet de la soirée de samedi.
Rapidement, la nourriture aidant, Claire semble se détendre.
Mon frère nous informe qu'il n'y avait pas grand monde de disponible vendredi soir. Par conséquent, on ne sera que tous les trois finalement.
- Ça sera notre dernière soirée ensemble. Enfin si tout se passe bien, annonce Claire.
- Ah ? Fis-je.
- Oui, je devrais avoir de nouveau de l'eau vendredi dans la journée. Je pensais rester pour vous donner un coup de main pour samedi. Je partirai dimanche dans la journée.
- Comme tu veux, lui dit Lilian, il n'y a rien qui presse. Tu le sais ?
Elle me jette un petit coup d'œil timide avant de répondre :
- Oui, oui, je sais...
Après manger, je passe au salon pendant que Claire se douche et que mon frère nettoie.
Confortablement installé dans le canapé, je reçois une réponse de « ma chère R » :
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J'avoue que si, ça me stresse un peu mais l'envie de te rencontrer est plus forte...
Waouh ! Elle attaque fort ce soir !
Ah mince... Bah je comprends ton ex : j'ai bien aimé aussi...
Hé ouais ! Tu crois quoi !? J'écoute quand tu me parles, enfin je lis quoi (rire) !
Tu penses jouer contre lui (Rémi) du coup ? Ou tu restes avec Valérie ? Tu me diras hein ?
Ah... Euh... Non mais je ne juge pas. C'est juste que par message comme ça... C'était difficile de... J'ai eu peur sur le coup... Excuse-moi si je t'ai blessé...
Ah mince ! J'étais plus froide dans mon dernier message ? Désolée, je ne m'en suis pas rendue compte... C'est difficile pour moi de m'exprimer pleinement par message. Je ne suis pas très douée avec les mots.
Hihihi mais non je n'oublie pas ton petit cœur d'homme sensible (rire).
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Je m'apprête à répondre alors que mon frère sort un jeu d'énigmes. On commence à installer le jeu quand Claire arrive :
- J'ai fait aussi vite que j'ai pu, nous annonce cette dernière en rejetant en arrière ses longs cheveux humides.
- Tu es pile à l'heure, dis-je.
On joue jusqu'à une heure avancée, avant que Claire ne déclare avoir mal aux abdos. Je la comprends : voir Lilian mimer le poulpe était des plus divertissants.
Alors que je regagne mon espace, je vois que mon frère ne bouge pas. S'il n'était pas si tard, je l'inviterai bien à me parler mais je n'ai qu'une envie : regagner mon lit. Aussi je fais comme si je n'avais rien remarqué en regagnant ma chambre. De toute façon, je suis sûr qu'il fait tout ce cinéma pour pas grand-chose.
Une fois au lit, je réponds à mon interlocutrice préférée :
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Quel joli aveu, tu m'en vois ravi.
Oui, c'est vrai qu'ils font de la bonne cuisine indienne... Mais je prendrais plutôt à emporter pendant quelques temps (rire jaune). J'évite encore quand c'est possible ses endroits préférés.
Mais je vois ça ! « Madame R » prend note de tout ce que je dis (rire).
Je ne sais pas pour demain, on verra... Je ne t'ai pas raconté ! Je suis allé chez le caviste prendre de quoi boire pour samedi et j'ai croisé Valérie ! Bon elle a nié en bloc mais je suis sûr qu'elle venait acheter un cadeau pour Lilian et moi. Je l'ai mise un peu en rogne et du coup, elle veut faire alliance avec Jo pour me mettre la misère demain (rire) ! Je sens que je vais bien m'amuser ! Enfin pour ça, il faudrait que je me couche un peu.
Non, non, pas de soucis. Je comprends... De ton côté, tu as des vices dont je devrais être au courant ?
Œil pour œil, dent pour dent ma petite !
Tu n'es pas très douée avec les mots... Dois-je en conclure que tu es plus... ?(Rire)
Je ne suis pas sensible ! Juste un homme avec un cœur (méga rire).
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Une fois le message envoyé, je pose mon téléphone avant de sombrer.
La matinée de jeudi passe à une vitesse grand V. Malgré le peu d'heures de sommeil, je suis en excellente forme.
Il règne une bonne ambiance au bureau, tout le monde est détendu. Néanmoins, Maude m'a lancé quelques regards suspects, comme hier.
Vers midi, je reçois un message de « ma chère R » :
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Mm je comprends pour ton ex... Moi j'ai carrément fui à l'autre bout du pays pour éviter de croiser de nouveau quelqu'un (rire jaune). Donc je ne pense pas être la mieux placée pour te dire quoique ce soit...
« Madame R » ? (Méga rire) tu m'appelles toujours comme ça ?
Je ne sais pas pourquoi mais ça ne m'étonne pas de toi (méga rire) ! Pauvre Valérie ! Enfin j'espère qu'elle pourra se venger (rire) ! Je compte sur Jo pour avoir analysé tes matchs et construit une stratégie (rire) !
T'as dormi du coup ou pas (rire) ! Non mais je me répète : c'est quoi ces heures pour envoyer des messages ?! (Méga rire) qu'est-ce que tu fabriques de tes soirées ?!
Mm des vices... Non je ne pense pas... A moins que, aimer courir après les vaches à la frontale en soit un (rire). Non, je ne fais pas ça... Enfin je l'ai fait une fois seulement... Promis (méga rire).
Je ris de bon cœur à cette anecdote. Surpris mes collèges se tournent vers moi dans un même mouvement. Après m'être rapidement excusé, je continue ma lecture.
Non, comme dit précédemment : je ne suis pas douée avec les mots donc oui je suis plus autre chose (rire). Tu pensais à quoi exactement ? Non parce que tu as oublié de taper le mot (méga rire) !
Cette fois-ci, je souris pour plus de discrétion.
Ah la la ! Désolée si je ne suis pas claire. Je suis à un pot de départ à la retraite et je n'ai encore rien mangé de solide. Je ne sais vraiment pas ce que je fais là : je connais quasiment personne ! Mise à part le futur retraité bien sûr.
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Je suis sur le point de répondre quand Matthieu lance le classique :
- J'ai faim, on y va ?
- Ouais ! S'écrie Adrien avec joie.
Maude ne répond pas mais elle se lève et enfile sa veste prestement.
Je fais de même en me disant que je répondrai plus tard.
A la pause déjeuner, avec les gars on se lance dans une discussion sur les pronostics des prochains résultats sportifs.
Rapidement Maude sort son téléphone et elle se met à pianoter joyeusement sur l'écran.
Ça me fait plaisir de la voir si épanouie.
A la voir comme ça, je ne peux qu'approuver sa relation. Tout le monde mérite d'être comme ça, même Rémi...
- Tu dis si on te dérange Maude ? Demande subitement Adrien.
- En effet, ça serait sympa si vous pouviez faire moins de bruit, répond l'intéressée sans quitter des yeux son portable.
- Passe le bonjour pour nous, dit Matthieu en riant.
- Je n'y manquerai pas, affirme-t-elle en lui souriant.
- Ah Julian, reprend-il en se tournant vers moi, on peut amener les tentes comme l'an dernier ? Pour samedi, je veux dire ?
- Ouais, ouais, pas de soucis. Il y a toujours le dégagement à côté du garage, fis-je.
- Cool !
- Vous restez dormir sur place ? Questionne Maude étonnée.
- Seulement si on se sent pas de prendre le volant après, répond Adrien. Tu peux rester aussi avec ta/ ton accompagnant si tu veux.
- Mon petit copain, déclare-t-elle fermement, les joues légèrement rouges.
- Ah... Commente Adrien, avant de se prendre un regard noir.
Alors qu'on quitte le self, Maude est interpellée par un homme que je ne connais pas. Ils se lancent dans une grande conversation contrôle -qualité. Avec les gars, on fuit en direction du bureau.
De retour dans notre petit open-space et en attendant Maude, je prends le temps de parcourir la pièce que je connais par cœur.
L'espace est tout en long, mon bureau est le plus loin de la porte, le plus près de la fenêtre. Ça me permet d'avoir une issue de secours. Quand j'ai un petit coup de mou, j'aime m'évader en regardant les arbres à travers l'ouverture. Le mouvement des feuilles et des branches dû au vent à quelque choses de relaxant.
Je longe le bureau de Maude pour retrouver le mien. Je me laisse retomber lourdement sur ma chaise avant de répondre à « ma chère R » :
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C'est un bon point, au moins tu ne risques pas de croiser cette personne. Ça doit être ultra gênant comme situation.
Oui, quand je parle de toi je dis « madame R ». Pourquoi ? Tu préfères Rolande (rire) ?
Je passe volontairement sous silence l'évolution de son nom dans mon répertoire, en fonction de mon ressenti.
Ah ok, je vois qu'on est de leur côté ! Très bien, je note (rire) ! Je te raconterai ça ce soir ! J'espère que tu ne seras pas trop déçu si je gagne (rire).
Oui, oui, j'ai dormi et je me sens en super forme pour l'instant ! Espérons que ça dure (rire).
Hier soir, on a joué à un jeu d'énigmes et de devinettes avec Lilian et Claire, c'est pour ça que je me suis couché tard mamie.
(Méga rire) je ne crois pas que ce soit un vice à proprement parler mais... T'as vraiment fait ça !? C'est énorme ! On se croirait dans un dessin animé (rire).
(Rire) je ne pensais à rien du tout, c'est pour ça que j'ai mis « ... ». C'est à toi de me dire : si tu n'es pas très douée avec les mots alors tu es plus ? (Rire) Je suis innocent madame du juridique (méga rire) !
Ne soit pas désolée, j'aime quand tu m'écris sans retenue comme ça. C'est si frais (rire).
J'espère juste que tu es arrivée à te tenir à ton pot. Ça reste pro...
Mais si tu ne connais personne, comment tu as atterri là ?
Ne t'inquiète pas, je suis sûre que tu vas rencontrer plein de monde (rire).
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Une fois le message envoyé, je contemple un instant les feuilles de mon arbre préféré.
Maude ne tarde pas à faire son entrée et à me rappeler la tache désagréable qui nous attend.
On se dirige vers la pièce de stockage au fond du couloir et j'en ai déjà marre.
Alors que l'on entre dans cette pièce sans fenêtre, éclairée par une pauvre ampoule au plafond, je regrette clairement de ne pas être resté avec mon arbre.
La pièce est pleine de rayonnages sur rails coulissants pour gagner de la place.
Je pousse un long soupir et Maude se veut rassurante :
- J'ai imprimé le listing. On doit juste regarder ceux qui ont plus de 3 ans.
- Ça fait combien ? Demandé-je.
- Oh... Euh... pas grand-chose.
- Combien ?
- Ce n'est pas le chiffre qui compte et puis à deux ça sera rapide !
- Maude, combien s'il te plaît ?
- Deux cent vingt...
- Deux cent vingt !
- Six... Deux cent vingt-six... Allez c'est bon fait pas ta tête de Caliméro ! S'indigne-t-elle. T'avais un rencard ?
- Ça se pourrait bien, répondis-je acide.
- Et ben il ou elle attendra !
Sans plus attendre, Maude ouvre les hostilités.
Le principe est simple : les prototypes sont classés par catégories ; flacon, flacon pompe, tube, poche, spray... Dans chaque catégorie, nous devons trouver ceux qui ont plus de 3 ans grâce à un numéro qu'on leur a attribué. S'ils ne sont plus proposés aux clients, si les clients ne sont plus intéressés par ce type de produits ou si on a fait mieux depuis, on prend une photo puis on les jette.
On avance rapidement et on ne perdons pas notre temps en bavardage inutile.
Vers la moitié du listing, Maude déclare la pause :
- Ça me saoule d'être enfermé ici, j'ai besoin de prendre l'air !
- J'ai cru que tu ne le proposerais jamais ! M'exclamé-je radieux.
On sort de notre placard ; en passant devant le bureau, on voit que les autres sont occupés.
Une fois dehors sur notre banc préféré, je décide d'engager la conversation :
- Alors quoi de neuf ?
Elle me sourit timidement avant de répondre :
- Rien de spécial, pourquoi ?
- Je sais pas... Tu vas me prendre pour un parano mais depuis hier j'ai l'impression que tu m'observe.
- Ah ouais, dit-elle en plissant les yeux, et pourquoi ça à ton avis...
- J'en sais rien... Arrête de te moquer ! M'écrié-je alors qu'elle fait semblant de me regarder à travers un monocle.
Elle rit avant de m'avouer :
- Je me pose des questions à ton sujet c'est tout ?
- Ah... Comme quoi ? Demandé-je en priant pour que la réponse ne soit pas trop en ma défaveur.
- J'ose pas...
- Maude...
- Tu sais comment je suis, j'ose pas me mêler de la vie des gens ! Mais en même temps je suis curieuse !
J'attends quelques secondes sans rien dire pour qu'elle continue.
- Je me demandais qui était la personne qui te faisait sourire quand elle t'envoie des messages... Me confesse-t-elle écarlate.
- Oh ! M'étonné-je, C'est tout ?
- Non, mais répond d'abord, me réclame-t-elle les yeux brillants.
- Euh, ben c'est une femme...
- Je m'en doutais en fait... Affirme-t-elle avant de pouffer de rire.
- C'est celle dont j'avais le numéro sur une serviette au printemps dernier...
- Je le savais ! J'ai gagné ! Proclame-t-elle toute joyeuse.
- Gagné ? Questionné-je sans comprendre.
- On a fait un pari dans le bureau et j'ai gagné, admet-elle avec un grand sourire.
- T'as gagné quoi du coup ?
- Un resto.
- Cool, je peux venir aussi ?
Elle se met à rire et je la suis de bon cœur.
- Je vais la voir samedi ?
- Probablement...
- J'ai hâte de voir à quoi ressemble la femme qui arrive à te supporter.
- Euh... Seul son qui sort de ma bouche ; gêné par son sous-entendu.
- Quoi ?
- Je ne l'ai jamais vue encore.
- Ah... Fit-elle sans trop savoir comment réagir, c'est peu banal...
- Oui comme tu dis. Toi, ça à l'air d'aller par contre !
- Comment ça ? M'interroge-t-elle sans comprendre.
- Tu as l'air super épanoui, ça fait plaisir.
- Merci c'est gentil, chuchote-t-elle d'une petite voix alors qu'elle devient progressivement cramoisie.
- Petite tête va... Dis-je en lui tapotant la tête comme le faisait parfois mon père.
Elle se dérobe, je crois voir une lueur de défi dans son regard puis elle s'éclaircit la voix :
- On ferait mieux d'y retourner, déclare-t-elle
- Pas envie... Expliqué-je simplement.
- Moi non plus mais je veux finir tôt.
- Pourquoi ?
- Je sors ce soir m'annonce-t-elle fièrement.
- Avec Monsieur ? Avancé-je amusé.
Pour toute réponse elle me fait un clin d'œil avant de prendre la direction de notre cagibi.
On finit en fin d'après-midi. Maude est satisfaite de voir toute la place qu'on a fait. On apporte tout ce qu'on ne garde pas aux bennes de recyclage avant de retourner au bureau.
Sur le chemin, Maude m'informe qu'elle a pris sa journée demain, je ne la reverrai donc pas avant samedi.
Ma journée se termine et je prends la direction du gymnase universitaire pour le badminton.
Dans les vestiaires je tombe sur Rémi. Dès qu'il me voit, il rentre en mode chien fou prêt à en découdre.
- Je suis là pour Val à la base, lui dis-je amusé.
- Allez, rien qu'un tout petit set, comme au bon vieux temps, me supplie-t-il alors qu'on entre sur le terrain.
Valérie et Alice m'attendent de pied ferme. Cette dernière est guérie et, en nous voyant avec Rémi, propose rapidement un double : Rémi et elle vs Valérie et moi.
Le combat fait rage sur le terrain. Après un premier set que nous remportons à quelques points d'écart ; je profite d'une courte pause pour briefer ma partenaire sur la stratégie à adopter.
A l'autre bout du terrain, je constate que nos adverses semblent faire de même. Il va falloir la jouer fine !
Par conséquent, à la dernière minute, nous changeons de tactique. Jusqu'à présent nous étions dans un jeu à dominance offensive : ma partenaire à droite et moi à gauche. Nous nous mettons en jeu défensif avec Val à l'avant et moi à l'arrière.
Si Rémi n'a pas réagi, Alice ne cache pas son étonnement. Elle sait que ce n'est pas mon meilleur jeu. Ma stratégie est simple : nous devons tenir le plus longtemps possible nos défenses, le temps que nos adversaires se fatiguent un peu, avant de revenir en attaque fulgurante.
Je sais que Rémi est un adversaire parfait pour ce genre de tactique : il est bon en explosivité. Comme beaucoup, il est donc peu endurant. Peu de gens sont bon dans les deux d'ailleurs. Personnellement, je suis un peu plus explosif mais, je ne tiens pas trop mal la distance, à force d'aller courir.
Comme je l'avais envisagé nous perdons le deuxième set mais j'ai la joie de constater que nous sommes moins fatigués que nos adversaires !
Effectivement, en un rien de temps nous gagnons le dernier set très haut la main après nous être remis dans la position initiale.
Rémi fulmine mais ne dit rien, Alice est à bout de force et Valérie rayonne.
Jo, qui nous a servi d'arbitre lors de ce dernier set, semble un peu confus. N'ayant pas assisté aux deux premiers échanges, il doit se dire que nos adversaires ont un problème.
- Bien joué, nous lance Alice en reprenant sa respiration.
- J'ai faim, affirme Valérie.
- Val, ça n'a rien à voir, s'agace Rémi.
- Oui et donc ?
Rémi se contente de lever les yeux au ciel, Valérie reprend :
- Bon ben je vais me doucher rapide. J'attendrais devant le gymnase ceux qui ont faim, dit-elle avant de tourner les talons.
Amusé, je prends également la direction des vestiaires.
Je me trouve un box de douche vide et commence à me passer sous l'eau. Je me demande vaguement si quelqu'un a prévenu Rémi pour la panne d'eau chaude quand j'entends crier :
- Bordel de merde !
J'en conclue donc que non...
Je ris à gorge déployée en sortant rapidement de ma douche glacée.
- Tu le savais chacal !? Me cris Rémi sans que je le voie.
- A qui tu parles ? Lui demandé-je en riant.
- A toi, chacal ! Il y a pas d'eau chaude !?
- Ah... Euh non en effet, dis-je en me rhabillant en vitesse.
Je l'entends s'activer et je sais qu'il va essayer de se venger. Je sors en premier des vestiaires et je hâte le pas.
Je suis presque à la sortie quand la porte des vestiaires s'ouvre en grand fracas. Je me retourne et je le vois foncer vers moi. Je me mets à rire en sprintant vers la sortie.
Une fois dehors, je vois Alice appuyée contre un poteau. Elle me regarde avant étonnement, je cherche une cachette mais il ne reste pas beaucoup de voiture sur le parking.
Rémi arrive sur moi et me saute sur le dos. Il me frotte le haut du crâne avec son poing alors que je ris à l'éclat.
Sans la voir, je devine Alice qui lève les yeux au ciel. Valérie ne tarde pas à nous rejoindre alors que je bascule Rémi vers l'avant.
- Vous avez fini ? Nous demande-t-elle, j'ai vraiment faim.
- A cette heure-ci, il n'y a pas grand-chose d'encore ouvert, commente Jo en regardant sa montre.
Il a dû arriver en même temps que Val.
- Fast-food alors ? Demande Rémi toujours au sol.
- Mon cousin tient un kebab pas loin si ça vous dit ? Propose Alice.
- Ah ouais ! M'exclamé-je.
- Je ne savais pas que ton cousin avait un kebab, commente Valérie.
- C'est récent, répond simplement Alice.
Tout ça me rappelle nos années lycée : badminton, coup monté entre copains et kebab.
L'établissement du cousin étant sur le point de fermer, nous prenons ce qui lui reste alors que son employé commence à nettoyer la salle. Comme de vrai ados, on s'installe sur un trottoir pour manger nos kebabs. Je regarde le snack du coussin illuminé en ce début de soirée. L'endroit est propre simple : mur blanc, chaise et table noir. Il n'y a aucune décoration, juste la vitrine et la caisse. Alice explique que ça fait moins d'une semaine qu'ils sont ouverts ce qui explique l'effet minimaliste du lieu.
Après avoir dévoré notre dîner, on se dépêche de regagner nos voitures avant la fermeture du parking pour la nuit.
On se salue en vue de se retrouver samedi à ma fête.
Je sors ma voiture du parking et trouve rapidement une place en créneau le long de l'avenue. Je ne tiens plus : il faut que je vérifie mon téléphone.
J'ai reçu un message de « ma chère R » :
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Rolande !? (méga rire) tu pourrais pas essayer des prénoms moins ringard !
Alors ce badminton ? T'as joué contre qui ? T'as perdu ? Ou tu t'es écroulé sur le terrain ? (Rire)
Un jeu d'énigmes ! Trop cool, j'adore ça ! Ah j'en conclue que Claire est toujours chez vous... Toujours pas de petit déjeuner en caleçon du coup ? (Rire)
Eh ! Je ne suis pas une mamie !! Je fais juste le plein d'énergie pour mon week-end (rire).
(Méga rire) Oui j'ai vraiment couru après des vaches à la frontale ! On s'amuse comme on peut quand on est ados dans un petit village avec plus d'animaux que d'êtres humains au mètre carré.
(Méga rire) « madame du juridique » au lieu de « madame le juge » excellent ! Surtout la façon dont tu as éludé brillamment ma question (rire) !
Ravie que ça t'ait plu... J'ai fait de mon mieux pour rester professionnel à ce pot. Déjà après t'avoir envoyé le texto, je me suis mise à l'eau et au fromage ; pour éponger bien sûr (rire). Dans l'ensemble, j'ai plutôt bien géré il me semble. Le gars qui part à la retraite est celui qui partage mon bureau, tu sais celui qui a un fils de mon âge et qui aime le basket ?
Un type super sympa : lors du pot il m'a présenté plein de gens qui pourront m'aider pour reprendre son travail, le temps qu'il soit remplacé...
Donc en fait, oui, tu avais raison : j'ai rencontré plein de monde ! Mais bon... La personne que j'ai le plus envie d'approcher n'était pas là...
J-2 (rire)
^^^^^^^^^^^^^^^^^^^
Bouillonnant après la lecture de ce message, je réponds immédiatement :
- - - - - - - - - - - - - -
Ah !? Dois-je en conclure que Rolande n'était pas un bon choix ? (Rire) Je te trouve bien susceptible aujourd'hui Rhonda (rire).
Alors le badminton... On a joué en double, en équipe quoi. J'étais dans l'équipe gagnante... Je me doute que ta déception doit être grande mais ne t'inquiète pas... Je suis là pour te consoler (rire).
On a fait Valérie et moi contre Rémi et Alice en deux sets gagnants et après on a mangé des kebabs. C'était sympa ! On se serait cru au lycée de nouveau, l'acné et les appareils dentaires en moins (méga rire) ! Donc non, je ne me suis pas écroulé sur le terrain... Je suis encore jeune et vigoureux (rire) ! On verra demain, il y a des chances que je fasse moins le malin (rire). Je pense même faire une petite journée, il faut que je sois en forme pour samedi !
Oui, Claire part dimanche. Elle reste encore un peu pour nous filer un coup de main. Ses ouvriers ont mis un peu de temps à finir le chantier à cause de la voisine en chaleur.
Donc non, toujours pas de petit déjeuner en caleçon.
Mm... Et c'est pour racheter tes fautes auprès de la gent bovine que ton frère est devenu véto ? (Rire)
Oui j'avoue madame du juridique, vous m'avez percée à jour... De toute façon, je saurai bien assez tôt comment vous êtes...
Ah oui, je me rappelle de ce collègue... Je ne l'imaginais pas aussi vieux... C'est dommage qu'il s'en aille, tu vas te sentir seule sans lui.
En tout cas, belle stratégie : eau + fromage ! Du vrai génie (rire).
Ah oui... Et qui est cette personne que tu veux tant voir (rire) ?
En effet J-2... Voir même J-1,75 (rire)
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J'envoie mon message avant de prendre la direction de la maison. Je suis détendu, je chantonne les airs qui s'échappent de la radio, vitre descendue, je prends mon temps. Il fait vraiment bon ce soir.
Une fois à la maison, je ne croise personne, bien que les deux voitures soient garées devant.
Je file directement vers mon espace pour me prendre une vraie bonne douche avant de me coucher.
Mes vêtements de sport à la main, j'entre dans ma salle de bain dans l'intention de les mettre dans ma panière à linge.
A ma grande surprise, lorsque j'ouvre la porte, la lumière est allumée dans la pièce. Claire me fait face. Debout près du lavabo, elle me regarde d'un air énigmatique.
Ne sachant pas trop que me vaut cet honneur, je me contente de lui sourire calmement. Lentement, sans rien dire, elle se dévêtit avec grâce.
Lorsque le dernier vêtement tombe au sol, elle tourne sur elle-même pour que je puisse la détailler. Je m'exécute avec plaisir, repérant chacune de ses formes, scrutant ses gestes, contemplant le charme qu'elle dégage, humant son parfum...
D'un petit signe de tête, elle me sort de mon songe, elle me fait comprendre que c'est à mon tour.
Je laisse tomber mon paquet dans la panière à linge puis je me mets nu à mon tour, sous l'œil gourmand de mon intruse. Elle me toise lentement d'un œil appréciateur. Une fois l'opération terminée, je me rapproche en lui demandant :
- Alors ?
- Pas mal, me répond-elle, ne le prends pas mal mais je préfère toujours un peu les femmes. Elles ont ce petit truc en plus qui les rend plus agréable à regarder.
J'avance mon visage à quelque centimètres du sien. Raccourcissant un peu plus l'espace entre nos lèvres et je lui chuchote :
- Alors pourquoi tu reviens vers moi en m'aguichant comme ça, hein ?
Elle rougit furieusement et fronce les sourcils. C'est mauvais signe... Aussi je m'éloigne prudemment alors qu'elle me crie presque dessus :
- Parce que moi aussi je veux qu'on me regarde comme ça !
- De quoi tu parles ? Demandé-je complètement abasourdit.
Elle respire bruyamment en ramassant ses vêtements qui jonchent le sol. Puis elle essaye calmement de m'expliquer :
- L'autre soir... Quand on a... Couché ensemble... C'était très bien, s'empresse-t-elle d'ajouter, mais dès que tu fais un truc comme ça avec moi. Ou même quand tu me regardes avec désir, je sais que ce n'est pas vraiment moi que tu regardes. Dit-elle dans un soupir.
- Je suis désolé, je ne comprends pas...
- Julian, dit-elle avec tristesse, il ne se passe jamais rien avec personne. Je veux dire, avant que tu viennes me voir. Je ne sais pas genre : tu ne parles pas avec une femme ? Elle ne te met pas dans une humeur particulière ?
Elle marque une pause, laissant à mon cerveau le temps de se mettre en marche. Puis elle reprend :
- Et ce n'est pas avec elle que tu voudrais faire toutes ses choses ?
- Je ne... Dis-je avant d'ouvrir la bouche pour qu'aucun autre son n'en sorte.
Elle hoche la tête en me regardant avec indulgence :
- C'est bien ce que je pensais... Dit-elle dans un soupir, moi aussi je veux être cette femme pour quelqu'un. Et ça a été un plaisir de la personnifier quelque temps.
Elle s'avance vers la porte aussi je m'écarte pour la laisser passer. Elle sort en trombe de la salle de bain, les bras chargés de ses vêtements.
Je me retrouve seul à regarder le sol, les fesses appuyées sur la vasque de la salle de bain. Il est vrai que de lire ou d'écrire à « ma chère R » me met particulièrement en joie mais... Disons que je n'ai jamais vu les choses sous cet angle...
Je crois que je n'ai plus le choix : je vais devoir faire le tri dans toutes ses idées que j'ai mis de côté depuis trop longtemps. Et surtout : je dois rencontrer « ma chère R ».
Je rentre dans la douche, je me passe sous l'eau, en espérant je ne sais quelle illumination. Je commence à me laver les cheveux lentement puis avec plus de vigueur : je suis vraiment un couillon !
En sortant de la douche, je me sens toujours un peu sale... Ou peut-être que j'ai juste honte de moi... Je vois que j'ai reçu une réponse de « ma chère R ». Je n'ai pas le cœur à la lire maintenant, je passe un boxer et je me couche, de toute façon il est tard.
Je tourne et vire dans mon lit avant de finir par m'endormir.
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Je dédicace ce chapitre à hirokishimoto63 pour s'être jetée sur mon histoire, pour tous tes gentils commentaires et pour notre discussion qui m'a reboosté à bloc ^^
XOXOXOXO
Cam
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