Chapitre 27 - Interlude #2 - Partie 1
Chapitre 27 - Part 1 - Puisque tout ne tient qu'à un (coup de) fil - Jeudi 14 Novembre - 19h30 - Arnaud
Arnaud renifla attentivement le morceau de fromage râpé qu'il inspectait depuis une bonne minute. L'aliment avait réussi le test visuel -aucune moisissure apparente malgré la date de péremption qui remontait au mois dernier-, et l'étudiant le soumettait à présent à un test olfactif qui s'avéra concluant. Il éloigna le produit laitier de son nez et lança un regard dubitatif à son plat de coquillettes qui refroidissait à vue d'œil. Il ne lui restait plus qu'à goûter pour être sûr de ne pas ruiner une très bonne assiette de pâtes natures avec une garniture rance.
"On a qu'une vie." Pensa Arnaud en déposant l'emmental sur sa langue.
Ses papilles gustatives ne se mirent pas à crier à l'affront et Arnaud considéra que si ces dernières ne voyaient pas inconvénient à l'échantillon durci par l'âge, son estomac se rangerait certainement derrière leur décision. Sans plus d'hésitation, il versa avec un sourire satisfait le reste du paquet de fromage râpé sur son assiette. Le ratio fromage/pâtes aurait pu être qualifié de hasardeux par les plus généreux et de criminel par les adeptes des arts culinaires, mais Arnaud n'avait pas le temps pour les critiques, constructives ou non. Il avait faim.
Prenant garde à ne pas se brûler, il s'installa confortablement sur son canapé et déposa son assiette sur ses jambes pliées en tailleur. Le brun avait été obligé de sacrifier le confort d'un repas à table, n'ayant absolument aucune envie de déranger les piles de documents qu'il étudiait actuellement. Les premiers examens approchaient, et Arnaud ne pouvait qu'essayer de se préparer au mieux et effacer de ses souvenirs l'air grave de sa marraine de cohorte, qui lui avait gracieusement offert un petit carnet de mini marques pages post-it pour préparer ses révisions.
Son système de classement était à peu près aussi chaotique que ses talents de chef cuisinier, mais le jeune homme s'y retrouvait parfaitement -il était bien le seul d'ailleurs : dès qu'il s'agissait de réviser en groupe, sa promotion l'évitait comme la peste... quelque-chose à propos de sa tendance à retenir les informations essentielles de ses cours en les chantonnant sur l'air de sa dernière chanson coup de cœur du moment-. Quoi qu'il en soit, il était hors de question qu'il mélange deux sujets en les poussant négligemment pour poser son assiette.
Alternativement, il aurait tout aussi bien pu annoter correctement ses cours pour s'y retrouver sans problème par la suite... mais où était le fun dans tout ça ?
L'écran de son smartphone s'illumina d'un appel et le brun se hâta d'avaler sa bouchée disproportionnée pour décrocher à temps. Il aurait sans doute ignoré tout autre appel que celui-ci: Arnaud détestait interrompre son repas et quiconque le connaissait un minimum ne lui ferait pas l'affront de le contacter à l'heure du dîner. Pourtant, il déposa son assiette à coté de lui sur le canapé et attrapa son portable, souriant légèrement devant la photo associée à l'appel. Personne n'ayant plus d'importance à ses yeux que sa mère. Pas même un plat de coquillettes bien cuites.
— Coucou maman !, Lança-t-il joyeusement, Alors comme ça on ne peut plus se passer de moi ?
— Tu me manques tout les jours, scoiattolo.
La réponse de sa mère avait été donnée du tac au tac, sa voix chantante dissimulant mal l'amusement qu'elle éprouvait devant les salutations typiques de son fils. Le sourire d'Arnaud s'élargit davantage, comme à chaque fois qu'elle utilisait son surnom. Dès qu'il fut en âge de marcher, Arnaud s'était mis en tête de causer une crise cardiaque à sa pauvre mère en explorant sans peur son environnement. Elle l'avait trouvé un jour perché au-dessus d'une commode, prêt à se lancer sur l'armoire d'en face si ses petites jambes le lui permettaient. Malgré les mesures de prévention qu'elle s'empressa de mettre en place, sa mère ne réussi jamais entièrement à inhiber la grande passion de son fils pour l'escalade urbaine. Ceci, additionné à la tendance du brun à faire des réserves de goûters dans son sac à dos, lui avait valu le doux surnom d'écureuil, que sa mère murmurait toujours avec tendresse dans sa langue maternelle.
— Toi aussi mamma, Répondit l'étudiant doucement, sincèrement, Comment tu vas ? Je suis désolé, je voulais t'appeler le week-end dernier mais j'ai...
— Oublié ? Proposa-t-elle en riant
— J'allais dire que j'étais concentré sur mes études, et que donc j'ai...
— Oublié. Confirma-t-elle
— Oui, c'est ça.
Sa mère fit claquer sa langue en signe d'exaspération, ne tardant pas à suivre son rabrouement d'un petit rire.
— J'ai été jeune aussi mio caro, je sais ce que sais d'effacer ses vieux parents de sa mémoire.
— Je vais le dire à grand-père, fait attention.
Un gloussement lui répondu et Arnaud se lança dans un petit exposé de ses révisions du moment. Sa mère l'écouta de longues minutes, ne l'interrompant que brièvement pour lui demander de lui expliquer l'un ou l'autre terme qu'il employait, et plus généralement pour parler un brin moins vite.
— Tu as l'air bien occupé. Commenta sa mère lorsque la conversation se tarie naturellement, Je ne sais pas si je veux te déranger encore plus...
Sentant le sérieux qui se dissimulait sous l'excuse de sa mère, Arnaud se redressa inconsciemment.
— Tu ne me dérangeras jamais !, S'exclama Arnaud, presque outré qu'elle puisse simplement insinuer cela, Dis-moi ! C'est de nouveau internet qui plante ? Je t'ai déjà dit plusieurs fois de tout débrancher et d'appeler le service client en leur affirmant que tu suivais bien leurs instructions mais en ne faisant absolument rien.
— Cette box fait partie de notre famille, comment oses-tu ?
Arnaud gloussa devant la réponse faussement indignée.
— Non, internet fonctionne parfaitement. J'aimerais juste que tu appelles les Morin demain. Expliqua doucement sa mère, Demande-leur s'ils peuvent me laisser une semaine de plus pour ton loyer ce mois.
— Qu'est-ce qui s'est passé ?, Demanda Arnaud brusquement, Tout va bien ?
— Oui. Oui, oui, bien sûr. S'empressa-t-elle de le rassurer, Ma dernière mission s'est terminé plus tôt que prévu. J'ai enchainé sur la suivante mais la paie n'arrive pas au même moment que l'ancienne et j'ai mal calculé mon coût. Ne t'en fais pas, tout va bien.
Arnaud avait beau accorder toute sa confiance à sa mère, il peinait à croire qu'elle disait vrai. Elle travaillait dans l'assistanat, enchainant les contrats d'intérim pour venir en aide aux entreprises qui avaient besoin de renforts. Elle était débrouillarde, effrayante d'efficacité et de ressources, et Arnaud n'aurait pas pu espérer meilleur modèle que sa mère en grandissant. Malheureusement, elle était aussi travailleuse qu'elle était fière. Arnaud savait parfaitement que son organisation dépendait entièrement des projections qu'elle faisait de la durée de ses missions. Si l'un de ses contrats avait pris fin avant l'heure... Inconsciemment, il se grattait la cuisse en sélectionnant soigneusement ses mots.
— Mamma, tu sais, je pourrais payer l'intégralité de mon loyer pour ce mois. Proposa-t-il légèrement.
— Scoiattolo. Murmura-t-elle, une exhalation pleine d'affection, C'est hors de question. On s'était mis d'accord.
— Non mais c'est bon ! Je te jure !, Plaida Arnaud, Je me suis fait un joli pourboire, c'est pas un souci, vraiment.
Le regard d'Arnaud s'arrêta sur les sachets de course qui trainaient sur le parquet. Il ravala un rire jaune. Son joli pourboire, courtoisie de Benjamin et de son don insoupçonné pour l'érotisme téléphonique, avait été dilapidé en boites de conserves, sachets de pâtes et autres plats cuisinés.
— Cet argent est pour toi. Déjà que tu travailles en plus de tes études, je ne peux pas..., Un soubresaut colora le discours de sa mère, qui continua sa pensée en ignorant au mieux sa voix cassée, Comment ça se passe au bar ? Ils sont gentils avec toi ? Tu ne t'épuises pas au moins ?
— T'en fais pas ! Le patron est génial. Menti Arnaud entre ses dents avec une aisance née de la répétition, Je m'entends super bien avec toute l'équipe !
— Haha, c'est tout toi !
La joie de sa mère était contagieuse et l'espace d'un instant Arnaud se complait à s'imaginer vivre la vie qu'il s'inventait auprès de sa mère. Étudiant le jour, mixologiste la nuit. C'était tout lui. L'Arnaud qui faisait la fierté de sa mère ne s'abaisserait pas à vendre ses services sexuels à une audience d'anonymes.
— Tu es sûr, mio caro ? Je ne veux pas te priver d'une sortie...
— Ah ! Comme s'il y avait quelque-chose d'intéressant au ciné en ce moment !
Un autre demi-mensonge. Il n'était pas comme Alice et Florence qui géraient leurs études et leur vie sociale avec efficience et s'offraient des sorties dès qu'elles sentaient que les études commençaient à les étouffer. En plus de gérer un budget serré, Arnaud n'avait pas autant de facilités d'apprentissage que ses deux amies. Il soupira intérieurement et repris la parole posément.
— Je t'assure.
— Merci.
Arnaud grogna en guise de réponse. Il avait horreur que sa mère le remercie, estimant qu'elle se pliait déjà assez en quatre pour le soutenir financièrement dans son choix d'études. Il pouvait, sans mauvais jeu de mot, lui rendre la monnaie de sa pièce de temps en temps. Le sentiment risquait d'être difficile à honorer, mais ils n'étaient que le 14 novembre. Il réussirait à trouver une solution... et au pire, il gèrerait la situation avec les Morin.
Ses logeurs habitaient le même immeuble que lui et Arnaud ne leur avait jamais causé de problème. Du peu de temps qu'il les connaissait, Arnaud était sûr qu'ils étaient incroyablement bienveillants. Le couple, tout deux nouvellement retraités, s'était assuré qu'il soit bien installé. Il arrivait même parfois à madame Morin d'accrocher à la poignée de sa porte un sachet de gâteaux qui ne manquait pas de le faire sourire. S'ennuyant fermement, la jeune retraitée avait décidé de pimenter sa retraite en mettant au défi son titre de reine des pâtisseries, se risquant à tester des recettes de plus en plus compliquées. Elle ne manquait jamais d'offrir une partie de ses réalisations, notamment à Arnaud qu'elle estimait être bien trop maigre.
S'il ne trouvait pas de solution avant la fin du mois, il irait leur rendre visite. Il n'avait pas de souci à se faire, ils pourraient s'arranger.
— Je t'ai raconté l'histoire du chien qui avait avalé un soutien-gorge et causé un divorce ? Demanda soudainement Arnaud
Sans manquer un battement, l'étudiant se lança dans un résumé de la dernière anecdote amusante qu'un intervenant leur avait raconté pour les sortir de leur léthargie de fin de journée, et ce n'est qu'une bonne heure plus tard qu'il raccrocha son téléphone, annonçant qu'il devait vraiment se remettre au travail. Avec un soupire, il attrapa son assiette refroidie et la déposa au frigo pour le lendemain. Il avait toujours autant faim, mais l'heure avait tourné. Il n'allait pas tarder à rentrer dans la peau de Dicky, l'animateur de téléphone rose qu'il incarnait trois soirs par semaine. Il devait se dépêcher.
Mettant ses soucis de côté, Arnaud s'installa devant son ordinateur. Il se connecta à Ridemyphone et fit défiler machinalement les nouveaux posts sur son fil d'actualité Instagram, les yeux rivés sur son smartphone et l'oreille tendue à l'écoute d'un appel qui tardait à arriver. Ses clients étaient des créatures d'habitudes mais comme bien souvent, la misère appelait la misère. Maintenant qu'il avait à tout prix besoin d'argent, aucun poisson ne mordait à l'hameçon.
Les heures passaient et aucune sonnerie ne retenti : il était maintenant 23h, bien plus tard que les horaires habituels de ses clients. Arnaud posa son menton au creux de ses bras, replié sur un coin du bureau. Il souffla longuement et ferma les yeux pour réfléchir, juste quelques instants. S'il décalait ses révisions, peut-être pourrait-il se connecter cinq jours dans la semaine à la place de trois ? De cette manière, il élargirait son panel de clients et n'aurait aucun souci à rassembler suffisamment d'argent pour s'éviter des ennuis avec les Morin.
Oui... il allait y réfléchir.
...
La sonnerie de son téléphone le réveilla en sursaut deux heures plus tard. Les yeux embués de sommeil et la voix roque de fatigue, il décrocha machinalement avant de se rendre compte que ce n'était pas son portable personnel qui avait sonné, mais bien son numéro associé à Ridemyphone.
— Âllo ?
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Chapitre écrit par Sinsiliniai
Bonsoir, bonsoir mes petites tulipes ! J'espère que ce chapitre un peu particulier vous aura plus !
Vous aurez remarqué que le chapitre n'est pas publié le bon jour... et encore moins la bonne heure ! 😅
Votre humble servante a pas mal d'huile sur le feu avec l'après CONFINEMENT, donc elle pense à vous avant de se faire MANGER par les réunions cette fin de semaine.
...On se demande qui pourrait bien être au bout du fil, uh ?? Vous n'avez le droit qu'à un essai ! :D
J'espère que vous êtes prêt pour leur rencontre ! À votre avis, qu'est-ce que ça va bien pouvoir donner ?
...Je suppose qu'on se retrouvera la semaine prochaine pour connaitre la réponse ! 😈
A tout bientôt, prenez soin de vous !
Sins & Miru
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