Chapitre 1
Premier déséquilibre - Jeudi 7 Novembre 2019 16h31 - Benjamin
Recroquevillé derrière un pan de mur, Benjamin passait en revu son équipement, fébrile. Une explosion s'était déclenchée quelques mètres devant lui et il s'était jeté de côté par pur instinct quelques secondes avant de commettre une erreur qui aurait bien pu lui coûter la vie. Sans l'avertissement de son coéquipier, il y serait sans doute resté.
Son coeur battait la chamade, l'adrénaline clarifiant sa vision malgré la poussière environnante. Il risqua un coup d'oeil en direction de son camarade, à couvert à ses côtés, et lui fit signe qu'il était prêt à avancer. Une série de tintement aigus lui parvenait vaguement aux oreilles à travers son casque, mais le jeune pompier n'y prêtait aucune attention. Seule comptait sa mission, et Benjamin était déterminé à la réussir. Il s'élança vers la droite alors que son camarade pris un virage serré à gauche, prêt à en découdre.
Evidemment, c'était sans compter sur l'intelligence des joueurs adverses qui n'avaient eu aucun mal à le repérer sur la carte et à le prendre en revers. Un ennemi surgit d'une ruelle et une salve de projectils s'écrase sur son avatar. Il disparu dans un éclat de pixels.
Benjamin poussa un grognement de frustration en enlevant son casque. Un écran de fin de partie l'accueilli sans cérémonie, lui annonçant sa mort au bout de 20 minutes de match. Son équipe avait été si près de remporter la victoire ! Déçu et plus qu'irrité de s'être fait avoir comme un bleu, le jeune homme retourna à l'écran titre et passa rapidement sa console en veille. Il déposa sa manette sur la table basse et l'éloigna du bout des doigts en la fusillant du regard.
Un gloussement s'éleva à sa droite et il releva les yeux vers sa fiancée, installée à côté de lui sur le canapé, des fiches de révision étalées sur ses genoux, autour d'elle, et même par terre. Encore un peu, et elle risquait de commencer à coller des post-it sur les murs. Benjamin fronça les sourcils face à l'apparente joie d'Alice, ce qui ne manqua pas de la faire surenchérir.
- Tu mets ta manette au coin ?, Questionna la brune avec un grand sérieux, Elle est aussi privée de dessert ?
Le trait d'humour maladroit de sa petite-amie fit sourire Benjamin.
- Non, mais toi, tu vas finir par l'être si tu continues à te moquer du pâtissier.
- Chéri je ne suis pas sûre qu'on puisse parler de pâtisserie dans ton cas. Plutôt d'expérimentation culinaire. De test gustatif.
Benjamin secoua la tête, un large sourire se peignant sur ses lèvres. C'était de la faute de la jeune femme s'il ne s'était jamais intéressé à l'art de la confection de gâteaux avant son anniversaire, le mois dernier. Alice raffolait de ses smoothies et ils le savaient tout les deux. Benjamin n'avait jamais eu à s'embêter à faire de la pâtisserie jusqu'à lors et, vu le résultat, il préférait laisser cette discipline à d'autres.
- Tout de suite les grands mots. C'était mangeable ! Se défendit-il, le rouge aux joues, Ce que tu peux être méchante !
- Dit-il après avoir abandonné sa chérie dans ses révisions pour jouer à la console.
La brune prit un air triste, secouant une poignée de feuilles pour illustrer son propos. Elle jura entre ses dents lorsqu'un stabilo tomba et s'écrasa sur sa chaussette blanche, y imprimant un trait vert pomme. En se baissant pour le rattraper, elle fit glisser de ses genoux une bonne partie de ses cours et soupira lourdement.
- Bien fait ! S'exclama Benjamin en riant.
La jeune étudiante vétérinaire avait horreur qu'on lui parle pendant qu'elle révisait. Il avait vite appris à se faire petit pendant qu'elle donnait son maximum pour retenir ses cours et ils avaient fini par s'accorder pour passer de tels après-midi sur le canapé; lui plongé dans un jeu en réseau, coupé du monde par un casque dernier cri, elle perdue dans ses cours.
Taquin mais pas cruel, Benjamin se pencha pour l'aider à ramasser ses feuilles et les déposa pêle-mêle sur la table basse, à côté de son téléphone qui tinta, affichant une vingtaine de messages en attente d'être consultés. Le pompier haussa un sourcil et attrapa son smartphone pour vérifier qu'il avait bien vu.
- Il a déjà sonné avant ?
- Uh-hu. Répondit Alice en classant ses cours avec l'efficacité d'une jeune femme qui avait l'habitude de les mélanger par inadvertance, ça fait bien quelques minutes qu'il bip comme ça.
Comme pour illustrer son propos, le smartphone entre ses mains bipa à nouveau, le tintement d'un carillon faisant vibrer son tympan. Le jeune pompier grimaça.
- Il faut vraiment que je change d'alerte. Marmonna Benjamin, ça a dû te déranger. Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
- T'étais occupé à sauver le monde, j'allais pas t'ennuyer pour ça.
Une bouffée d'affection monta en lui et Benjamin déposa un baiser léger au coin des lèvres de sa fiancée. Son téléphone choisi ce moment précis pour sonner à nouveau, s'attirant un grognement de la part d'Alice.
- Oui, oui, je suis la meilleure, tout ça, tout ça, mais par pitié regarde qui c'est.
Benjamin dévérouilla l'écran et grimaça en notant les vingt notifications qui réclamaient son attention. Elles provenaient toutes de sa messagerie, et plus particulièrement d'Arnaud. Alice se lova contre lui pour lire ce qui poussait son camarade de promotion à harceler Benjamin, une ride d'inquiétude se creusant entre ses sourcils en notant le nombre de supplications qui se succédaient. L'étudiant suppliait son ami de l'appeler au plus vite, ce que Benjamin s'empressa de faire, tout aussi angoissé qu'Alice. Arnaud décrocha dès la deuxième sonnerie, le souffle court et la respiration sifflante.
- Benji ! Dieu merci, tu décroches enfin !, Souffla son ami qui, comme à son habitude, ne manqua pas un battement, J'ai besoin de toi !
- Arnaud ! Arnaud, tout va bien. Dis-moi ce qu'il t'arrive.
Benjamin revêtait un air sérieux, localisant déjà sa veste, jetée nonchalamment sur le dos d'une chaise. Autant le rouquin se laissait contrôler par ses émotions en pleine partie de jeu vidéo, autant dès que la menace potentielle était réelle son entrainement de soldat du feu prenait le dessus. Il était prêt à agir.
- J'ai besoin que tu viennes chez moi ce soir. Expliqua rapidement le jeune homme qui reniflait à présent, J'ai la crève, je peux pas assurer au taff, il faut que tu me remplaces.
- Attend, attend. Stop. Quoi ?
Le jeune pompier qui s'était levé en vitesse, laissant son téléphone sur haut-parleur entre les mains d'Alice pour chercher ses clés de voiture, s'arrêta net. Il cligna des yeux et sentit le rouge lui monter aux joues alors que sa fiancée étouffait un gloussement surpris.
- Je pourrais pas décrocher. Mec, j'ai besoin de toi.
- Tu bosses pour une plateforme gay de téléphone rose !
- Justement ! Tu penses que j'arriverai à garder qui que ce soit au bout du fil avec ma voix de canard ? Quand ils fantasment d'être médecin et de m'avoir comme patient, je pense pas que c'est ce qu'ils attendent, même si ça ajoute une touche de réalisme.
Alice, qui se retenait jusqu'à présent de glousser, éclata de rire face au commentaire frustré de leur ami commun. Arnaud avait été son ami avant d'être celui de Benjamin, et la jeune femme appréciait grandement la désinvolture de l'unique étudiant ouvertement gay de sa promotion.
- Oh Alice ma caille !, S'exclama Arnaud d'un ton joyeux, Tu es là aussi !
- Eh oui. Mais je t'en pris, ne t'occupe pas de moi, continue à supplier mon fiancé de faire jouir des inconnus par la seule force de sa voix de velour.
- Aliiiice..., Siffla Benjamin, gêné, avant de reprendre plus fort, Tu ne peux pas laisser tomber pour ce soir ?
- Benji, Benji, Benji. Le réprimande doucement le jeune homme fiévreux, Le nerf de la guerre, c'est l'assiduité. Si je ne suis pas régulier, mes clients iront voir ailleurs. J'ai même pas besoin que tu les écoute vraiment, quelques soupires, un gémissement, et la plupart finissent en quelques minutes !
Benjamin adorait son cercle d'amis, vraiment. Il avait la chance de partager sa vie avec une jeune fille qui avait accepté sa bisexualité sans broncher lorsqu'il avait enfin osé lui en parler, et qui partageait son ouverture d'esprit sur toute chose qui pouvait concerner le sexe. Alice et lui s'enorgueillaient de ne pas avoir de tabou, s'entourant par proxy d'amis qui partageaient cette vision de la vie. Vraiment, Benjamin avait de la chance d'être entouré de ces personnes... Mais parfois, leur spontanéité le heurtait un peu trop dans sa timidité sensible. Il se couvrit le visage en grognant.
- Voilà, comme ça c'est parfait !, S'exclama son ami joyeusement, Tu en finiras plus d'un avec ça, crois-moi !
- Oh, fas cagat Arnaud !
Derrière lui, Alice s'étrangla de rire en l'entendant retourner à son patoi toulousain. Il lança un regard faussement blessé à sa fiancée avant de soupirer lourdement. Il appréciait beaucoup Arnaud; c'était l'un des meilleurs amis d'Alice et il n'était pas loin de devenir l'un de ses meilleurs amis hors de la caserne. Sa mère, qui l'avait élevé seule, ne roulait pas sur l'or et il cumulait plusieurs petits jobs pour se payer ses études et son studio au loyer exorbitant en périphérie de Paris. Sa combine de téléphone rose l'aidait à arrondir ses fins de mois à hauteur de quelques centaines d'euros, ce qui était loin d'être négligeable pour lui.
- S'il te plait Benjamin. L'utilisation de son prénom informa le jeune pompier de la réelle gravité de leur conversation, J'ai eu du mal à me faire un réseau de clients fidèles. C'est juste un jeu ! Penses-y comme si c'était une de tes parties en ligne !
- Je chauffe pas les mecs avec qui je joue en réseau !
- Hum, désolée chéri, L'interrompit Alice avec un sourire en coin, Mais parfois à t'entendre gémir, il y a de quoi se poser des questions.
Les deux étudiants en soin vétérinaires éclatèrent de rire et Benjamin se demanda maussadement s'ils s'étaient tournés vers cette profession à cause de leur visible mépris pour la souffrance humaine. Ils ne semblaient pas se rendre compte du malaise qui lui nouait l'estomac. Benjamin se mordit l'intérieur de la lèvre. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu Alice rire aussi franchement.
- Aller Ben. Tu sais que je le ferais si je pouvais me faire passer pour un mec. L'encouragea doucement Alice, Je sais que tu m'aimes. Et tu pourras me raconter quels fantasmes tordus circulent; qui sait, ça nous donnera peut-être même des idées !
- Alice mon poussin. Au risque de te décevoir, dans la plupart des cas on se rapproche plus du coup tiré en vitesse dans une chambre d'hôtel que d'un scénario de roman Harlequin.
- Non sérieusement ? Et les gens paient pour ça ?, S'étonna la brune, Aller Benji ! Ca a pas l'air bien compliqué ! De toute façon je dois réviser ce soir.
La jeune fille rit de plus belle et le coeur de Benjamin se serra. Il avait perdu la partie et il le savait. Levant les yeux au ciel, il attrapa son téléphone et s'efforça de prendre la voix la plus monotone qui soi.
- Je peux être là à 18h, c'est bon pour toi ?
Arnaud s'écria de joie, récoltant une quinte de toux pour sa peine. Benjamin ricana malgré le rouge qui lui teintait les joues. Le karma finissait toujours par rattraper ceux qui jouaient un peu trop avec le feu. Une fois en capacité d'aligner trois mots consécutifs sans s'étrangler avec sa propre salive, Arnaud confirma l'heure d'arrivée de son ami et ils réglèrent les derniers détails avant de raccrocher.
Benjamin passa une main sur son visage en constatant qu'il était déjà presque 17h. Il allait devoir se mettre rapidement en route s'il voulait honorer sa promesse.
Des mains fraîches se posèrent sur ses épaules, imprimant de petits cercles entre ses omoplates, l'invitant à se détendre.
- Merci de faire ça pour lui. Souffla Alice à son oreille, le faisant frissonner, Tu sais à quel point il est fier. S'il te demande un coup de main...
- Je sais. Murmura Benjamin. Il posa sa main sur celle d'Alice et caressa sa bague de fiancaille, Il doit vraiment être dans la merde.
Arnaud était de ceux qui refusaient de montrer leurs faiblesses. S'il faisait appel à ses amis pour le relayer, surtout pour une activité que beaucoup jugent dégradante, c'est que l'étudiant ne pouvait vraiment pas se permettre de louper une seul appel. Evidemment, pour lui qui gagnait en moyenne 5€ par client, cela représentait pratiquement un repas. Benjamin n'était pas dûpe; si Arnaud était si fin, ce n'était pas uniquement par choix. Le jeune homme ne mangeait pas tous les jours à sa faim.
Un silence s'installa dans le living room, heureusement rapidement brisé par la voix tranquille d'Alice.
- Aller Ben, ne fait pas attendre ces messieurs !
- Pour un peu on pourrait croire que tu ne m'aimes pas.
Alice déposa un baiser sur son crâne et lui sourit, ne remarquant pas la note d'incertitude dans la voix de son amant.
- File maintenant, ma microbiologie ne va pas s'apprendre toute seule !
Avec un rire exaspéré mais doux, Benjamin attrapa ses affaires et se dirigea vers la porte d'entrée.
- Oh et si jamais tu trouves y prends goût... On pourra toujours en faire un jeu plus tard dans la soirée, juste toi et moi !
Benjamin grimaça. Il secoua la tête, chassant de son esprit les images de sa chère et tendre dans la peau d'un looser obligé d'avoir recours à un téléphone rose pour prendre son pied, et lui envoya un baiser à la volée avant de s'engouffrer hors de son appartement.
___________________________________________________________________________
Chapitre écrit par Sinsiliniai
Encore et toujours, merci d'avoir lu ce chapitre !
Premier vrai chapitre ! On rentre dans le vif du sujet, avec un chapitre entièrement centré sur notre jeune pompier Benjamin !
Est-ce que Mathias vous manque ? J'espère car vous le retrouverez Jeudi prochain pour s'avoir ce qu'il fait au même moment !
N'oubliez pas de voter : c'est notre seul salaire avec vos commentaires !
Amour sur vous!
Sins et Miru !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro