Dix-septième morsure : Routine entravée
Ou
Vérifier plusieurs témoignages et alibis avant de découvrir quelque chose d'essentiel
Aujourd'hui, Aludra devait aller vérifier plusieurs choses dans l'entourage de David de Rosideau.
Bien avant de partir et dans la voiture qui démarrait puis encore pendant tout le trajet, Mikhail entendit la vampire, bras croisés, râler et affirmer son mécontentement quant à tout cela.
-Ça me retarde dans mon horaire de routine, prétextait-elle.
Mikhail se demanda bien quel était son horaire de routine...Avait-elle réellement des choses à faire autres que s'asseoir dans un fauteuil pour siroter un thé chaud en lisant un livre, seule dans son grand château ?
Avant tout, Aludra retourna sur la scène de crime, avec Mikhail qui la suivait à la trace, mais elle lui demanda bien de ne troucher à rien. Elle réexamina les traces de la baignoire, ne sut toujours pas identifier le deuxième sang, pas plus que la vampolice scientifique qui avait fait part des résultats ce matin à la grande vampire en lui disant que le sang n'était pas fiché dans leurs archives criminelles et comme sur ses propres constations, pas de possible identification au goût ou à l'odeur. Aludra avait froncé les sourcils, mais seul Mikhail semblait l'avoir vue. Ce dernier devenait fort pour déceler puis décrypter les signes du langage corporel qui se dégageait de sa logeuse. Cette dernière avait fini par se diriger à nouveau dans la chambre de la victime où David de Rosideau reposait sur le lit, toujours mort. Les vampires, aux corps froids, ne se décomposaient pas comme les humains, donc la vampolice pouvait le laisser ici sans problème ultérieur.
Aludra remarqua alors que le drap de lit avait été bougé depuis sa dernière visite et tous les vampoliciers affirmèrent n'avoir rien touché à la scène. Aludra eut alors une lubie et leur demanda de rassembler tous les serviteurs qu'elle n'avait pas sous la main actuellement, donc tous, excepté Thokmah qui logeait chez elle. Inutile de le faire venir jusque-là, elle l'interrogerait plus tard une fois de retour à la maison.
Pendant que les vampoliciers s'exécutaient suite à sa demande, elle ôta les draps du lit qu'elle tira un mètre et demi plus bas et vit alors gravé à même la chair du corps sans vie de David de Rosideau un signe encore rouge de sang où s'entremêlait un serpent, une chauve-souris et un loup avec une lettre distincte en majuscule.
Un R...
Plus bas, sous cette blessure ne pouvant se régénérer à cause de la mort du vampire, se trouvaient quatre roses attachées ensemble par un ruban violet très foncé, presque comme les rideaux de la chambre de David. Mikhail vit alors sa logeuse froncer les sourcils et plisser les yeux, de la colère emplissant ses beaux iris. Puis, Aludra prit les roses sur le corps et les cacha sous sa robe sans que les vampoliciers ne la voient. Mikhail allait immédiatement lui demander ce qu'elle faisait comme acte, vu qu'elle-même lui avait demandé de ne rien toucher, mais elle posa un doigt sur ses lèvres pour lui imposer un silence total.
Le jeune humain lui montra avec ses mains qu'il ne dirait rien mais il garda la question dans un coin de sa tête et Aludra comprit bien que le jeune garçon lui poserait la question dès qu'ils seraient seuls loin de là. Elle continua son exploration en replaçant le drap à sa place et en camouflant la marque au beau milieu du torse de David de Rosideau avec sa robe de chambre jaune crème au préalable.
Elle sentait dans l'air et dans ces draps une odeur familière, mais autre que celle de David de Rosideau qui s'éteignait de plus en plus sa date de mort qui commençait à s'éloigner d'aujourd'hui et celle de Mikhail à ses côtés. La suspicion qu'elle éprouvait monta encore d'un cran, alors que sa colère et sa frustration augmentèrent d'au moins trente crans...
Quand les serviteurs arrivèrent tous sur leur ancien lieu de travail, à l'exception de Thokmah, à la maison, probablement encore en train de laver un couloir ou faire la lessive une énième fois, ce qui constituait une déformation professionnelle due à son métier de majordome, Aludra commença par écouter l'intendant, Maxime Rivet.
-Je voudrais savoir, la tasse à son chevet. Elle était propre quand je suis arrivée la fois passée, après le meurtre de David de Rosideau. Et Filipe Grotor m'affirme ne rien avoir changé et que cette tasse n'a pas bougé. En savez-vous quelque chose ?
Maxime toussota. Il commençait à se faire vieux mais n'était en aucun cas sénile et il apporta rapidement sa réponse :
-Filipe n'est pas au courant. Je ne crois pas qu'il ne m'ait vu...Le matin, quand il est descendu après la fin de la nuit, je suis monté comme à mon habitude pour changer la tasse de mon maître. Il aimait avoir une tasse sur sa table de chevet en se réveillant avant de se faire servir le thé par Thokmah quelques minutes après mon passage, qui n'arrivait qu'avec la théière sur son plateau, et je me suis dis que ce n'était pas une bonne chose d'en laisser une là sale. Celle que j'ai reprise était remplie au quart, mon maître n'avait pas fini sa tisane la veille au soir avant de s'endormir.
-Une habitude que tu as depuis ? demanda Aludra, les yeux légèrement plissés.
-Depuis que je suis à son service.
-C'est-à-dire ? le poussa Aludra.
Maxime toussota encore une fois, la main devant la bouche. Il hésita à voix haute avant de se décider :
-Depuis quatre cents trois ans, vampirique maîtresse Aludra.
Elle se racla la gorge.
-Depuis en effet très longtemps. Merci.
Elle rajouta avec un petit sourire en lorgnant un regard sur Mikhail qui la regardait lui aussi :
-Aucun de mes propres serviteurs n'a duré aussi longtemps...Je me demande pourquoi...
Mikhail déglutit. Il ne tenait pas à savoir ce qui était arrivé à ces pauvres gens...Aludra reprit l'interrogatoire :
-J'imagine que ça ne part pas aussi facilement, une si ancienne habitude...Ne t'es-tu pas dit que pour l'enquête, cela pouvait être important ?
-Pour quelle raison ? s'enquit le vieux vampire.
-Car quelqu'un aurait pu mettre une substance louche dans la tisane que Thokmah a préparé. Quelqu'un d'autre que lui a-t-il eu accès à cette tasse de tisane ?
-Bien sûr, fit catégoriquement l'intendant avec des yeux écarquillés, ne sachant trop où la surpuissante vampire voulait en venir. Le temps qu'elle infuse, elle reste en bas en cuisine et tout le monde y a accès. N'importe qui aurait pu y toucher avant que Thokmah ne l'apporte à notre maître.
-Je vois, merci, fit Aludra en fermant ses yeux avant de les rouvrir quelques secondes plus tard. Mais dis-moi, qu'as-tu fait de la tasse le matin ? Après l'avoir un peu stupidement changée ?
-Et bien, comme toujours. Je l'ai lavée puis rangée.
-Bien lavée ? insista Aludra.
-Avec de l'eau, tout bêtement, dit Maxime en ne sachant pas trop sur quel terrain Aludra comptait l'emmener.
-Peux-tu me montrer ce service à thé et si possible, la bonne tasse ?
-Bien évidemment, vampirique maîtresse.
Ils descendirent dans les cuisines et Aludra, accompagnée de Mikhail, fut amenée devant une armoire avec des portes en verre qui contenait les plus beaux services à thé de la maison. Elle renifla toutes les tasses mais aucun n'attira son attention. L'une d'entre elle sentait un peu plus que les autres mais pas de quoi pouvoir trouver quoi que ce soit comme substance quelconque anormale. Aludra remonta, déçue de cette situation.
-On ne touche pas à une scène de crime ! Qui a donc bien eu cette idée grotesque ? songea la vampire en remontant dans la chambre de David de Rosideau avec les deux hommes sur ses talons.
Elle congédia l'intendant et fit venir le jardinier qui avait déplacé le corps de feu leur maître avec Filipe le veilleur, Maxime l'intendant et Thokmah le majordome. Elle n'en tira rien. Il était majoritairement dans le jardin, il n'avait rien vu, rien entendu donc elle se dit qu'elle pouvait se passer de plus de témoignages de sa part.
Quand elle eut auditionné tous les serviteurs avec une rigueur digne de la vampolice, elle soupira et s'affala presque sur sa chaise, pour montrer son degré de fatigue, elle qui restait toujours noble dans son attitude. Mikhail fut très surpris mais au final, ils n'avaient pas grand-chose de plus. Ils ne savaient même pas si David de Rosideau avait bu une substance louche avant de mourir ou pas. En apparence, non pas vraiment, car il ne s'était levé que vers l'aube. Une substance empoisonée dans sa boisson ne provoquerait pas une réaction si tardive et elle aurait tué David de Rosideau, pas juste donné encore plus mal au ventre de son propriétaire. Et surtout que le sang qu'elle avait goûté dans sa salle de bains dans la grande flaque ne contenait pas de goût ou d'odeur particulière propre à un poison ou autre substance du même genre. Elle soupira encore.
Elle pouvait laisser tomber cette piste.
Surtout que tout le monde pouvait y avoir accès, avant et après aussi, le meurtre...
Elle décida de quitter les lieux, tout en congédiant les serviteurs qui purent rentrer chez eux ou retourner sur leur place de travail actuelle. La vampire alla ensuite, en compagnie de Mikhail, vérifier plusieurs témoignages des proches de la victime.
Les deux rencontrèrent beaucoup de vampires de l'entourage plus ou moins proche et plus ou moins direct de David de Rosideau. Certains se prétendirent même outrés de se retrouver sur la liste des ennemis et rivaux du personnage que Thokmah avait ramenée à Aludra. Pour eux, il était incompréhensible que le bon, gentil et doux David de Rosideau les ait considérés comme des rivaux, ou pire, des ennemis...
C'est aussi avec ces courts entretiens que Mikhail vit combien sa logeuse était respectée dans le milieu vampirique. Tout le monde s'adressait à elle avec un respect gigantesque et demesuré, même s'ils s'énervaient beaucoup, ils gardaient toujours une part de retenue, de peur de faire un faux pas devant la grande et effrayante Immortelle Ensanglantée, de ne pas lui plaire ou encore de la froisser par mégarde.
Mikhail lui-même avait ces craintes, car il savait qu'Aludra pouvait être extrêmement dangereuse mais au vu de son statut, il se sentait moins concerné par les affaires de vampires. Lui étant humain et ayant été élevé autre part que dans ce monde avec Aludra, il la respectait depuis leur rencontre mais n'ayant jamais entendu quoi que ce soit sur elle avanr de la rencontrer en vrai, il ne pouvait pas avoir de préjugé. Absolument aucun.
Et c'est justement cela qui plaisait beaucoup à Aludra...Le fait qu'il n'ait jamais entendu aucun préjugé sur elle avant leur rencontre. Pour elle, c'était important.
Aludra ne put que dresser des soupçons envers un vampire, Nils de Riuguido, un marquis un peu louche qui n'avait pas d'alibi vérifiable et qui ne manifestait pas une grande tristesse après la mort de David de Rosideau. Après tout, il était sur la liste des ennemis et rivaux du défunt. Pourquoi pas tomber sur un vrai, pour une fois ? Était-il possible que les deux hommes se soient confrontés et que David ait gagné, attisant la colère et la haine de ce Nils ?
Mikhail, très porté sur l'instinct à défaut de ne pouvoir pas parler avex un langage trop soutenu, ne pensait pas cet individu trop dangereux mais par sécurité, il le surveillerait. En tout cas, chez les humains, c'était un peu près ainsi.
Quand le soir, ils rentrèrent, Thokmah les accueillit avec un grand sourire, ayant préparé le repas du soir alors qu'Enula sauta au cou de Mikhail pour l'étreindre avec force.
-Enfin de retour, mon beau petit ! fit-elle avec une voix nasiarde à la limite de la niaiserie.
Aludra les sépara avec un geste brusque qui fit un peu mal à Mikhail mais elle jeta un regard noir à Enula à qui elle lança avec rage :
-Pas de niaiseries devant moi, Enula.
-Par...Pardonnez-moi, Immortelle Ensanglantée, Reine du Mal...se rétracta Enula, avec un air un peu penaud mais à la fois provocateur alors qu'elle baissait les yeux vers le sol.
Aludra et Mikhail se mirent à table et peu après le début, la vampire s'absenta pour aller interroger Thokmah, dans les cuisines, seule à seul. Mikhail eut un frisson en voyant l'air sérieux et toujours en colère de la femme qui partit pour quelques instants.
Malgré la courte durée de cet entretien, Enula trouva le temps de venir à table dans le salon privé d'Aludra où seuls elle et Mikhail avaient le droit de pénétrer et elle se rua sur Mikhail.
-Mon beau petit ! Comme tu es mignon ! Comme tu es beau !
Elle caressa une joue au jeune humain, toujours assis, en proie à un malaise naissant intenable et affreusement insupportable. Il commençait à suer à grosses gouttes devant l'interminable monologue d'Enula auquel Mikhail ne donna que de petits hochements de tête sans vraiment écouter, quand la jeune, ou supposée jeune, vampire s'assit sur ses genoux.
-Ex...Excusez-moi, mais vous êtes lourde...
Un vampire pesait toujours son poids. Mais Enula ignora la remarque, lui sourit et prit son visage entre ses mains fines aux ongles longs de cinq centimètres au moins avant de le regarder dans les yeux. Elle lui dit sur un ton cette fois badineur, mais aussi presque charmeur :
-Petit taquin que tu es, espèce de petite chose...
Elle approcha son visage de celui de Mikhail, de plus en plus, avec un effroi bel et bien en Mikhail qui sentait une boule dans son ventre, ne sachant quoi faire et suant à grosses gouttes.
Quand soudain, un couteau vola à travers la pièce et se ficha dans les deux bras asses rapprochés d'Enula qui hurla de surprise et un peu de douleur.
Aludra se tenait sur le seuil de la porte, très droite, très noble, mais aussi...Menaçante et terrifiante...
Surtout avec ses yeux rouges qui brillaient dans l'ombre de son visage, ses arcades sourcilières masquant une partie de ses yeux.
-Enula, ne m'énerve pas, n'essaie même pas.
La vampire descendit des genoux de Mikhail, lentement mais avec crainte puis se releva sur ses deux jambes, tout en retirant le couteau de ses bras. Elle se régénéra presque immédiatement.
-Enula, ici, où sommes-nous ?
-Dans le salon, dit la vampire apeurée.
-Non, la corrigea Aludra en la toisant de son regard de braise. Mon salon privé. Tu n'as rien à y faire et aucun pied à y mettre ni aucun autre membre de ton corps. Si je ne t'y ai pas invitée, tu n'entres pas, point final. Est-ce clair ?
-Mais pourquoi cet humain a-t-il le droit d'y...
-Est-ce clair ? tonna Aludra avec un ton qui ne donnait pas envie de rentrer en confrontation ni de se fâcher avec elle.
Même l'instinct de survie de Mikhail lui soufflait qu'Aludra pouvait tuer la vampire à tout moment si elle dérapait encore une seule petite fois...
-Oui, finir par dire Enula en baissant les bras, honteuse, et en sortant de la pièce.
Aludra revint vers Mikhail après avoir fermé la lourde porte de bois vernis.
-Elle ne t'a rien fait ? demanda-t-elle, radoucie.
-Non, rien, admit l'humain. À part me mettre très mal à l'aise...
-Je comprends. Elle n'a pas à faire ça. Repousse-la, la prochaine fois. Un vampire force parfois ses victimes mais pas tous.
-D'accord, merci, dit le jeune humain.
Aludra se pencha vers lui, elle debout, lui toujours assis dans son fauteuil. Elle toucha sa joue de sa main fraîche.
-Sache que je ne te partagerais pas, pas même pour ton sang.
Cette déclaration surprit Mikhail autant qu'elle ne le surprit pas. Il avait compris que la surpuissante vampire était un peu possessive une fois fortement attachée à une personne. Il l'avait aussi un peu constaté dans sa relation avec Graviila.
-Et vous ? lui sourit-il presque arrogamment alors que ce n'étair pas son but. Faites-vous partie des vampires qui forcent leur proie ?
Il avait employé ces termes forts exprès pour secouer un peu la vampire. Elle lui sourit de tous ses corcs, ses yeux brillants. Elle empoigna son col de chemise et, en tirant dessus, arracha le premier bouton. Elle le recoudrait plus tard.
-Oui, bien évidemment ! dit-elle avant de planter ses crocs dans le cou de Mikhail qui se trémoussa une seconde de douleur, lui prouvant ses dires.
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