Chant 4-Partie 2
Mais les dieux heureux ne t'oublièrent point, Ménélaos ! Et la terrible fille
de Zeus se tint la première devant toi pour détourner la flèche amère. Elle
la détourna comme une mère chasse une mouche loin de son enfant
enveloppé par le doux sommeil. Et elle la dirigea là où les anneaux d'or du
baudrier forment comme une seconde cuirasse. Et la flèche amère tomba
sur le solide baudrier, et elle le perça ainsi que la cuirasse artistement ornée
et la mitre qui, par-dessous, garantissait la peau des traits. Et la flèche la
perça aussi, et elle effleura la peau du héros, et un sang noir jaillit de la
blessure.
Comme une femme Maionienne ou Karienne teint de pourpre l'ivoire
destiné à orner le mors des chevaux, et qu'elle garde dans sa demeure, et
que tous les cavaliers désirent, car il est l'ornement d'un roi, la parure du
cheval et l'orgueil du cavalier, ainsi, Ménélaos, le sang rougit tes belles
cuisses et tes jambes jusqu'aux chevilles. Et le roi des hommes,
Agamemnôn, frémit de voir ce sang noir couler de la blessure ; et
Ménélaos cher à Arès frémit aussi. Mais quand il vit que le fer de la flèche
avait à peine pénétré, son cœur se raffermit ; et, au milieu de ses
compagnons qui se lamentaient, Agamemnôn qui commande au loin,
prenant la main de Ménélaos, lui dit en gémissant :
: Cher frère, c'était ta mort que je décidais par ce traité, en t'envoyant seul
combattre les Troiens pour tous les Akhaiens, puisqu'ils t'ont frappé et ont
foulé aux pieds des serments inviolables. Mais ces serments ne seront point
vains, ni le sang des agneaux, ni les libations sacrées, ni le gage de nos
mains unies. Si l'Olympien ne les frappe point maintenant, il les punira
plus tard ; et ils expieront par des calamités terribles cette trahison qui
retombera sur leurs têtes, sur leurs femmes et sur leurs enfants. Car je le
sais, dans mon esprit, un jour viendra où la sainte Ilios périra, et Priamos,
et le peuple de Priamos habile à manier la lance. Zeus Kronide qui habite
l'aithèr agitera d'en haut sur eux sa terrible Aigide, indigné de cette
trahison qui sera châtiée. Ô Ménélaos, ce serait une amère douleur pour
moi si, accomplissant tes destinées, tu mourais. Couvert d'opprobre je
retournerais dans Argos, car les Akhaiens voudraient aussitôt rentrer dans la terre natale, et nous abandonnerions l'Argienne Hélénè comme un
triomphe à Priamos et aux Troiens. Et les orgueilleux Troiens diraient,
foulant la tombe de l'illustre Ménélaos :
: Plaise aux dieux qu'Agamemnôn assouvisse toujours ainsi sa colère ! Il a
conduit ici l'armée inutile des Akhaiens, et voici qu'il est retourné dans son
pays bien-aimé, abandonnant le brave Ménèlaos !'
: Ils parleront ainsi un jour ; mais, alors, que la profonde terre
m'engloutisse !
Et le blond Ménélaos, le rassurant, parla ainsi :
: Reprends courage, et n'effraye point le peuple des Akhaiens. Le trait aigu
ne m'a point blessé à mort, et le baudrier m'a préservé, ainsi que la
cuirasse, le tablier et la mitre que de bons armuriers ont forgée.
Et Agamemnôn qui commande au loin, lui répondant, parla ainsi :
: Plaise aux dieux que cela soit, ô cher Ménélaos ! Mais un médecin
soignera ta blessure et mettra le remède qui apaise les noires douleurs.
Il parla ainsi, et appela le héraut divin Talthybios :
: Talthybios, appelle le plus promptement possible l'irréprochable médecin
Makhaôn Asklépiade, afin qu'il voie le brave Ménélaos, prince des
Akhaiens, qu'un habile archer Troien ou Lykien a frappé d'une flèche. Il
triomphe, et nous sommes dans le deuil.
Il parla ainsi, et le héraut lui obéit. Et il chercha, parmi le peuple des
Akhaiens aux tuniques d'airain, le héros Makhaôn, qu'il trouva debout au
milieu de la foule belliqueuse des porte boucliers qui l'avaient suivi de
Trikkè, nourrice de chevaux. Et, s'approchant, il dit ces paroles ailées :
: Lève-toi, Asklépiade ! Agamemnôn, qui commande au loin, t'appelle,
afin que tu voies le brave Ménélaos, fils d'Atreus, qu'un habile archer
Troien ou Lykien a frappé d'une flèche. Il triomphe, et nous sommes dans le deuil.
Il parla ainsi, et le cœur de Makhaôn fut ému dans sa poitrine. Et ils
marchèrent à travers l'armée immense des Akhaiens ; et quand ils furent
arrivés à l'endroit où le blond Ménélaos avait été blessé et était assis, égal
aux dieux, en un cercle formé par les princes, aussitôt Makhaôn arracha le
trait du solide baudrier, en ployant les crochets aigus ; et il détacha le riche
baudrier, et le tablier et la mitre que de bons armuriers avaient forgée. Et,
après avoir examiné la plaie faite par la flèche amère, et sucé le sang, il y
versa adroitement un doux baume que Khirôn avait autrefois donné à son
père qu'il aimait.
Et tandis qu'ils s'empressaient autour de Ménélaos hardi au combat, l'armée
des Troiens, porteurs de boucliers, s'avançait, et les Akhaiens se couvrirent
de nouveau de leurs armes, désirant combattre.
Et le divin Agamemnôn n'hésita ni se ralentit, mais il se prépara en hâte
pour la glorieuse bataille. Et il laissa ses chevaux et son char orné d'airain ;
et le serviteur Eurymédôn, fils de Ptolémaios Peiraide, les retint à l'écart, et
l'Atréide lui ordonna de ne point s'éloigner, afin qu'il pût monter dans le
char, si la fatigue l'accablait pendant qu'il donnait partout ses ordres. Et il
marcha à travers la foule des hommes. Et il encourageait encore ceux des
Danaens aux rapides chevaux, qu'il voyait pleins d'ardeur :
: Argiens ! ne perdez rien de cette ardeur impétueuse, car le père Zeus ne
protégera point le parjure. Ceux qui, les premiers, ont violé nos traités, les
vautours mangeront leur chair ; et, quand nous aurons pris leur ville, nous
emmènerons sur nos nefs leurs femmes bien-aimées et leurs petits enfants.
Et ceux qu'il voyait lents au rude combat, il leur disait ces paroles irritées :
: Argiens promis à la pique ennemie ! lâches, n'avez-vous point de honte ?
Pourquoi restez-vous glacés de peur, comme des biches qui, après avoir
couru à travers la vaste plaine, s'arrêtent épuisées et n'ayant plus de force
au cœur ? C'est ainsi que, glacés de peur, vous vous arrêtez et ne combattez
point. Attendez-vous que les Troiens pénètrent jusqu'aux nefs aux belles poupes, sur le rivage de la blanche mer, et que le Kroniôn vous aide ?
C'est ainsi qu'il donnait ses ordres en parcourant la foule des hommes. Et il
parvint là où les Krètois s'armaient autour du brave Idoméneus. Et
Idoméneus, pareil à un fort sanglier, était au premier rang ; et Mèrionès
hâtait les dernières phalanges. Et le roi des hommes, Agamemnôn, ayant
vu cela, s'en réjouit et dit à Idoméneus ces paroles flatteuses :
: Idoméneus, certes, je t'honore au-dessus de tous les Danaens aux rapides
chevaux, soit dans le combat, soit dans les repas, quand les princes des
Akhaiens mêlent le vin vieux dans les kratères. Et si les autres Akhaiens
chevelus boivent avec mesure, ta coupe est toujours aussi pleine que la
mienne, et tu bois selon ton désir. Cours donc au combat, et sois tel que tu
as toujours été.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro