Chant 2-Partie 3
Il parla ainsi, et les Argiens, par des cris éclatants, applaudissaient la
harangue du divin Odysseus. Et, à ces cris, les nefs creuses rendirent des
sons terribles. Et le cavalier Gérennien Nestôr leur dit :
: Ah ! certes, ceci est une agora d'enfants étrangers aux fatigues de la
guerre ! Où iront nos paroles et nos serments ? Les conseils et la sagesse
des hommes, et les libations de vin pur, et les mains serrées en gage de
notre foi commune, tout sera-t-il jeté au feu ? Nous ne combattons qu'en
paroles vaines, et nous n'avons rien trouvé de bon après tant d'années.
Atréide, sois donc inébranlable et commande les Argiens dans les rudes
batailles. Laisse périr un ou deux lâches qui conspirent contre les Akhaiens
et voudraient regagner Argos avant de savoir si Zeus tempétueux a menti.
Mais ils n'y réussiront pas. Moi, je dis que le terrible Kroniôn engagea sa
promesse le jour où les Argiens montaient dans les nefs rapides pour porter
aux Troiens les Kères de la mort, car il tonna à notre droite, par un signe
heureux. Donc, que nul ne se hâte de s'en retourner avant d'avoir entraîné
la femme de quelque Troien et vengé le rapt de Hélénè et tous les maux
qu'il a causés. Et si quelqu'un veut fuir malgré tout, qu'il saisisse sa nef
noire et bien construite, afin de trouver une prompte mort. Mais, ô roi,
délibère avec une pensée droite et écoute mes conseils. Ce que je dirai ne
doit pas être négligé. Sépare les hommes par races et par tribus, et que
celles-ci se viennent en aide les unes les autres. Si tu fais ainsi, et que les
Akhaiens t'obéissent, tu connaîtras la lâcheté ou le courage des chefs et des
hommes, car chacun combattra selon ses forces. Et si tu ne renverses point
cette ville, tu sauras si c'est par la volonté divine ou par la faute des
hommes.
Et le roi Agamemnôn, lui répondant, parla ainsi
: Certes, vieillard, tu surpasses dans l'agora tous les fils des Akhaiens. Ô
père Zeus ! Athènè ! Apollôn ! Si j'avais dix conseillers tels que toi parmi
les Akhaiens, la ville du roi Priamos tomberait bientôt, emportée et
saccagée par nos mains ! Mais le Kronide Zeus tempétueux m'a accablé de
maux en me jetant au milieu de querelles fatales. Akhilleus et moi nous
nous sommes divisés à cause d'une jeune vierge, et je me suis irrité le
premier. Si jamais nous nous réunissons, la ruine des Troiens ne sera point
retardée, même d'un jour. Maintenant, allez prendre votre repas, afin que
nous combattions. Et que, d'abord, chacun aiguise sa lance, consolide son
bouclier, donne à manger à ses chevaux, s'occupe attentivement de son
char et de toutes les choses de la guerre, afin que nous fassions tout le jour
l'œuvre du terrible Arès. Et nous n'aurons nul relâche, jusqu'à ce que la nuit
sépare les hommes furieux. La courroie du bouclier préservateur sera
trempée de la sueur de chaque poitrine, et la main guerrière se fatiguera
autour de la lance, et le cheval fumera, inondé de sueur, en traînant le char
solide. Et, je le dis, celui que je verrai loin du combat, auprès des nefs
éperonnées, celui-là n'évitera point les chiens et les oiseaux carnassiers.
Il parla ainsi, et les Argiens jetèrent de grands cris, avec le bruit que fait la
mer quand le Notos la pousse contre une côte élevée, sur un roc avancé que
les flots ne cessent jamais d'assiéger, de quelque côté que soufflent les
vents. Et ils coururent, se dispersant au milieu des nefs ; et la fumée sortit
des tentes, et ils prirent leur repas. Et chacun d'eux sacrifiait à l'un des
dieux qui vivent toujours, afin d'éviter les blessures d'Arès et la mort. Et le
roi des hommes, Agamemnôn, sacrifia un taureau gras, de cinq ans, au très
puissant Kroniôn, et il convoqua les plus illustres des Panakhaiens, Nestôr,
le roi Idoméneus, les deux Aias et le fils de Tydeus. Odysseus, égal à Zeus
par l'intelligence, fut le sixième. Ménélaos, brave au combat, vint de
lui-même, sachant les desseins de son frère. Entourant le taureau, ils
prirent les orges salées, et, au milieu d'eux, le roi des hommes,
Agamemnôn, dit en priant :
: Zeus ! Très glorieux, très grand, qui amasses les noires nuées et qui
habites l'aithèr ! puisse Hélios ne point se coucher et la nuit ne point venir
avant que j'aie renversé la demeure enflammée de Priamos, après avoir brûlé ses portes et brisé, de l'épée, la cuirasse de Hektôr sur sa poitrine, vu
la foule de ses compagnons, couchés autour de lui dans la poussière,
mordre de leurs dents la terre !
Il parla ainsi, et le Kroniôn accepta le sacrifice, mais il ne l'exauça pas, lui
réservant de plus longues fatigues. Et, après qu'ils eurent prié et jeté les
orges salées, ils renversèrent la tête du taureau ; et, l'ayant égorgé et
dépouillé, ils coupèrent les cuisses qu'ils couvrirent deux fois de graisse ;
et, posant par-dessus des morceaux sanglants, ils les rôtissaient avec des
rameaux sans feuilles, et ils tenaient les entrailles sur le feu. Et quand les
cuisses furent rôties et qu'ils eurent goûté aux entrailles, ils coupèrent le
reste par morceaux qu'ils embrochèrent et firent rôtir avec soin, et ils
retirèrent le tout. Et, après ce travail, ils préparèrent le repas, et aucun ne
put se plaindre d'une part inégale. Puis, ayant assouvi la faim et la soif, le
cavalier Gérennien Nestôr parla ainsi :
: Très glorieux roi des hommes, Atréide Agamemnôn, ne tardons pas plus
longtemps à faire ce que Zeus nous permet d'accomplir. Allons ! que les
hérauts, par leurs clameurs, rassemblent auprès des nefs l'armée des
Akhaiens revêtus d'airain ; et nous, nous mêlant à la foule guerrière des
Akhaiens, excitons à l'instant l'impétueux Arès.
Il parla ainsi, et le roi des hommes, Agamnemnôn, obéit, et il ordonna aux
hérauts à la voix éclatante d'appeler au combat les Akhaiens chevelus. Et,
autour de l'Atréiôn, les rois divins couraient çà et là, rangeant l'armée. Et,
au milieu d'eux, Athènè aux yeux clairs portait l'Aigide glorieuse,
impérissable et immortelle. Et cent franges d'or bien tissues, chacune du
prix de cent bœufs, y étaient suspendues. Avec cette aigide, elle allait
ardemment à travers l'armée des Akhaiens, poussant chacun en avant, lui
mettant la force et le courage au cœur, afin qu'il guerroyât et combattît sans
relâche. Et aussitôt il leur semblait plus doux de combattre que de
retourner sur leurs nefs creuses vers la chère terre natale. Comme un feu
ardent qui brûle une grande forêt au faîte d'une montagne, et dont la
lumière resplendit au loin, de même s'allumait dans l'Ouranos l'airain
étincelant des hommes qui marchaient.
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