Je ne savais quoi répondre. Les mots se bousculaient dans ma tête et tout était mélangé, confus, bien trop embrouillé.

Est-ce que j'en étais sûre ? Oui. Enfin je crois...

-Oui, j'en suis sûre.

Si j'étais dans le doute, autant faire ce que mon père et tout le monde pensait être le mieux...

Le docteur Stemitson me conduisit dans la salle en question et me fit allonger sur la table d'opération. Bien entendu, j'avais du revêtir une blouse spéciale.

Pour détendre l'atmosphère il commença à me poser des questions sur moi et ma vie. Je répondis sans hésiter, de toute façon je n'avais rien à cacher... du moins presque rien.

J'appris par la suite que mon père, Amber et Sean étaient partis rejoindre la salle d'attente, le temps de la procédure.

-Bon Rose, je vais te demander de décompter à partir de dix...

Tandis que je faisais le décompte comme il me l'avait demandé, il approcha un masque anesthésiant -comme il m'avait dit tout à l'heure- de mon visage et le posa sur mon nez et ma bouche.

Mes paupières se firent lourdes, puis d'un coup ce fut le trou noir.

***

«Vous pensez que ça a marché ?

... Je ne sais pas mais j'espère que oui, c'était notre seul espoir »

Je n'entendais ce que ces voix sourdes et indistinctes, tout se mélangeait dans mon esprit.

«Oh regardez elle se réveille ! »

Je battis des paupières pour vaincre la lumière de la salle et laissai place aux personnes présentes.

Mais au moment même où mes yeux furent ouvert totalement, je découvris immédiatement qu'il y avait eu un problème durant l'opération.

Les larmes coulèrent alors d'elles-même et je ne pus m'empêcher d'éclater en sanglots.

Mon père voyant ça, s'approcha de moi et me prit dans ses bras en disant :

-Chut ma chérie, ça va aller, le docteur va venir faire les examens post-opératoires et tout sera fini.

Je ne fus capable que d'hocher la tête positivement et négativement, les deux à l'affilée.

Tout était embrouillé dans mon esprit, si je ne voyais plus en couleur, la maladie était-elle soignée ? Je l'espérais quand même...

-Tu te sens comment ? Sur une échelle de un à dix ? Tu n'as pas mal aux yeux ? Tu entends bien ? lança mon père.

-Papa, je ne vois plus en couleur.

J'avais dit ceci en même temps que Sean et le médecin étaient entrés. Ce qui m'avait value des bouches ouvertes et des mines attristées, voire paniquées.

-Tu es sûre de ce que tu avances là Rose ? me questionna le docteur Stemitson.

-Oui oui, je ne vous vois qu'en noir et blanc et je perçois légèrement des nuances de couleurs mais rien qui ne se détache trop du blanc.

-Comment est-ce possible ? l'entendis-je se murmurer à lui-même.

Il reprit plus fort :

-Nous allons te faire une batterie d'examens et on verra ce qui ne va pas. Je vais faire tout mon possible monsieur, fit-il à l'intention de mon père.

Sur ce, il partit prévenir une infirmière et nous laissa tout les quatre dans un silence des plus total.

Deux heures après environ, nous avions finit et le verdict était rendu. Il y avait une bonne nouvelle et une mauvaise.

D'après le docteur, je ne recouvrerai jamais une vue en couleur.

En apprenant cette nouvelle je n'avais pas su comment réagir, j'étais restée comme tétanisée de l'intérieur mais je n'avais fait part de mes émotions à personne.

La bonne nouvelle était que l'opération avait réussi, j'étais enfin guérie ! Sean en apprenant ceci fut comme soulagé d'un lourd poids. Il m'embrassa et me prit dans ses bras. Moi aussi j'étais heureuse, après ces mois de souffrance et de peur à l'idée d'oublier jusqu'au dernier des moments de ma vie. Maintenant c'en était fini et j'allais pouvoir continuer de vivre normalement.

Actuellement nous étions dans la voiture en direction de l'aéroport, nous rentrions chez nous !

Durant tout le trajet je ne fis que rire, chanter et danser pour essayer d'oublier que plus rien ne serais jamais pareil à cause cette fichue opération qui avait eu un effet néfaste sur ma vue.

Le trajet se passa relativement bien si on enlevait la bataille de guilis entre Amber et moi. En sortant de l'avion et après avoir récupéré nos valises, on se rendit à la maison en déposant Sean chez lui au passage, sans que je n'eu oubliée de lui faire un bisou et de le remercier de m'avoir accompagnée.

Une fois la porte d'entrée passée, je montai avec ma meilleure amie jusque dans ma chambre et nous nous mîmes à parler durant de longues heures avant que je ne tombe de fatigue.

Ce deux derniers jours avaient été éprouvants de tous les points de vue, que ce soit physique ou moral.

***

«Cher Journy,

Les semaines ont passé depuis l'intervention et l'éradication de mon Alzheimer.

J'ai appris à reprendre le cours des choses normalement.

Si tu ne vois pas ce que je veux dire, c'est que j'ai tenté de vivre avec cet effet indésirable que l'opération a eu sur moi à Stockholm.

Si tu savais comment c'est dur de vivre avec...

Moi qui aime tant la photographie.

Plus rien n'est pareil. Je n'ai plus la possibilité de voir la vie en couleur.

Je suis mal, je ne me reconnais pas. D'habitude je suis heureuse et toujours la première à rire, mais là c'est différent. Je ne ressens même plus cette envie de rire. Non, même pas. Ce dont je rêve là maintenant, c'est de retourner en arrière et ne pas faire cette opération. Car si je ne l'avais pas faite, je n'en serais pas là. Si je n'avais pas accepté, je n'en serais pas là à pleurnicher. Si je ne l'avais pas faite, je pourrai encore faire ce que j'aime.

Journy tu n'imagines même pas à quel point c'est horrible...

La photographie c'est toute ma vie et maintenant je ne peux même plus continuer.

Nan, ce n'est pas ce que je voulais dire...

Je continue les cours et la photographie avec ma prof et Amber, mais je ne réussis plus rien.

Malgré ce que me disent tous les élèves et les professeurs, je n'y arrive plus. Mes photos sont moins belles qu'avant.

Et Journy, si tu savais comment je le vis mal.

Je rêve de retrouver ma vue en couleur et continuer ma passion, la photographie.

Journy, Sean ne comprend pas. Il pense que c'est un bonne chose, que je ne suis plus malade. Il dit même que j'ai de la chance de ne pas avoir perdu la vue après l'opération. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que j'aurai préféré devenir aveugle plutôt que de voir tout en noir et blanc.

Je pense que je vais arrêter de me plaindre... Après tout je suis en vie alors que des dizaines et des dizaines de personnes meurent chaque jour dans le monde entier.

Journy, papa m'appelle pour manger, je te laisse. 

Rose.»