ROSE

«Une nouvelle fois, je t'écris mon Journal favori.

Je devrais peut-être songer à te donner un autre nom, plus affectueux que ce simple "Journy", mais je n'en ai pas la courage. À quoi bon de toute façon ? Je vais sûrement bien vite oublier.

Sean est venu hier, il a parlé avec papa. Et j'ai écouté toute leur conversation. Et je me souviens de tous les mots qui fusaient.

Oui je me souviens. J'ai peut-être un Alzheimer précoce, mais je me rappelle de choses comme celles-ci, surtout quand elles datent de la veille. Je ne suis pas non plus au dernier stade de la maladie.

Bref, revenons-en à nos moutons.

Papa et lui parlaient de ma participation à ce programme, comme si je n'avais pas mon mot à dire. Et cela m'a clairement énervée.

J'avais mon mot à dire dans tout cela ! Après tout c'était de moi, ma maladie et ma vie dont on parlait. Ce n'était nullement un choix simple et rapide à faire comme choisir entre prendre une pizza ou une salade composée lorsque l'on a des amis à la maison.

Ça non, ce n'était nullement la même chose.

Mais Journy, ce que tu ne dois sûrement pas comprendre, c'est que je n'ai pas envi de guérir.

Enfin non, bien sûr que j'ai envie de guérir. Mais le fait que ce ne soit basé que sur des "à peu près" et des "il y a des chances que" comme l'énonce ce magasine et ces médecins dans leur rapport, cela me fait peur.

Oui. Extrêmement peur. J'ai peur que leur traitement ne marche pas sur moi, que j'ai les gènes trop défaillant pour que ça fasse effet.

Alors c'est pour cela que je rumine dans ma chambre depuis hier soir, n'en sortant que pour manger et boire.

Tu penses que je devrais aller là-bas et accepter le traitement que Sean a trouvé pour moi ?

Oh mon journal ! Si seulement tu savais parler... Tu pourrais me donner ton avis, toi qui connaît le moindre des événements des deux dernières années, qui connaît mieux ma vie que n'importe qui... et que moi-même maintenant.

Journy, trêves de bavardages.

J'ai un choix à faire et je ne sais pas ce qui est le mieux.

Dois-je accepter et tenter ce traitement, même si on est pas sûr du résultat, ou qu'il y en est seulement un ? Ou dois-je abandonner dès le début et laisser la maladie m'emporter ?

Il y a longtemps, alors que je n'étais qu'une gamine de douze ans ou aux alentours, maman m'avait dit :

«Dans les moments de doutes, souviens-toi du plus important. Tu as une famille, des amis qui te soutiennent. Alors quel que soit le choix que tu feras, ce sera toujours le bon et nous, serons toujours là pour t'épauler et t'accompagner. Mais n'oublie surtout pas, ne baisse jamais les bras.»

Si ma maman avait été là, peut-être qu'elle aurait pu choisir pour moi ...

Mais elle n'est pas là. Alors... que choisir ?

Journy, c'est enfin le déclic dans ma tête !

T'écrire m'a été d'une grande aide. J'ai pu mettre mes idées en place et faire mon choix. Mais maintenant je vais te laisser et aller préparer mes affaires, car je pars. Oui je pars pour Stockholm dès que possible et je vais prendre ce traitement, qu'il réussisse ou non.

Car j'ai plus à y gagner non ?

Retrouver ma vie d'avant et vivre normalement sans avoir peur d'oublier le prénom de ma meilleure amie, de ce celui que j'aime ou même de mon père, serait un vrai bonheur.

Je te salue et te dis à bientôt.

La prochaine fois que j'écrirai, ce sera en tant que "guérie".

Comme disait ma grand-mère, "crois en toi et tout te réussiras".

Rose.»