« 11 juin 2017.

Cher journal,

Aujourd'hui, et comme chaque jour depuis l'année précédente, je passe mes journées à t'écrire, à laisser l'encre de mon stylo te parcourir.

Assise sur mon rocher comme chaque soir depuis cette fameuse nuit qui a détruit ma vie, je te raconte mes journées, plus banales au fur et à mesure que le temps avance.

Le docteur Martins m'a appelée ce matin pour fixer un rendez-vous de routine; vérifier que je ne vais pas m'effondrer à tout moment ou je-ne-sais plus quoi d'autre. Papa m'a dit qu'il m'y emmènerait.

Au moment même où je rédige ces mots, une douce brise tiède me fouette le visage et l'écume des vagues vient s'écraser à mes pieds. Tu sais, je me sens soudainement libre, comme si le temps s'était arrêté, que je n'avais jamais été malade, que j'avais une vie un tant soit peu normale.

Mais je sais que ce n'est qu'un stupide rêve irréalisable. La vérité, est que je suis malade, que je vais bientôt tout oublier.
Tu sais, pas dans le sens d'oublier de faire quelque chose, non. Je vais oublier mes amis, ma famille, et que je vais devoir relire ces mots, ces pages entières, chaque jour, pour pouvoir seulement me rappeler qui je suis.»

- Salut ! lança joyeusement un jeune homme à ma droite.

«Journal, je te laisse, j'ai de la compagnie. Ta très chère, Rose.»

Je ne répondis rien et refermai seulement mon journal.

- Tu t'appelles comment ? continua-t-il.

- Rose.

- Moi c'est Sean, enchanté, sourit-il.

- Si tu le dis, soupirai-je.

- Dis, tu ne m'as pas l'air très bavarde ! Ça ne va pas ?

Si seulement tu savais ...

- Si si, ça va.

- Alors pourquoi tu fais cette tête là ?

- C'est pas la joie en ce moment, voilà tout.

Mais pourquoi est-ce que je me confie à un inconnu ? Bon même s'il est très sexy...

- Aller, viens avec moi, dit-il en me tendant sa main pour quoi je l'attrape.

- Qui me dit que tu n'es pas un dangereux criminel en cavale ?

- Je n'ai pas une tête de criminel, je suis un beau gosse moi, pourquoi gâcher un tel spécimen ?

Je ris puis finis par attraper sa main.

- On va où ? demandai-je curieusement.

- Tu verras, c'est une surprise.

Je le laissai faire. À cet instant précis, j'étais peut-être folle de le suivre alors que mon père m'avait toujours défendue de faire confiance aux inconnus. Mais ce garçon m'inspirait confiance, et .. j'en avais besoin.
Il me mena sur la plage, mais à l'opposé d'où nous nous trouvions précédemment.

Ce petit cachottier se prenant pour un dieu vivant, m'avait conduite devant une planche de surf. Je devinai alors ses intentions et lui expliquai :

- Ne crois même pas que je vais monter sur cette chose là.

- Je ne crois pas t'avoir posé la question, répliqua-t-il malicieusement.

Je me mis à sourire. Et étrangement, je n'avais pas ressenti ça depuis quoi ? Deux mois ?
J'ai toujours eu tendance faire confiance aux gens rapidement, les laisser m'entraîner. Mais cette joie je ne l'avais pas connue depuis des décennies. Alors pourquoi m'en priver ? Si je peux être heureuse dans ma vie si malheureuse ?

- Bon alors tu viens ? fit-il.

Je le suivis. Il avait sa planche à la main, et moi, mon précieux journal serré contre mon coeur.

Je posais ce dernier sur le sable, bien protégé par mon pull, avant de monter sur la planche qu'il me montrait.

- Alors pour commencer, tu te positionnes comme cela, dit-il en me montrant tel un vrai professeur, ce qui me fit légèrement rire.

J'en perdis l'équilibre et tombai de la planche pour atterrir sur le sable mouillé.

Il me tendit sa main et me releva rapidement avec douceur.

- Tu veux essayer ?

- Tu seras à côté de moi ?

- Oui, me réconforta-t-il, ayant lu la peur sur mon visage.

- Alors qu'est-ce qu'on attend pour se jeter à l'eau ? ris-je, ma peur s'étant envolée.

Je l'entendis soupirer derrière moi tandis que je courrai pour rentrer dans l'eau, encore chaude à cette heure-ci de la journée.

Oui, je change d'humeur tres rapidement. Je n'aime pas me prendre la tête pour des futilités. Surtout avec ce que je vis en ce moment.

Nous avions été surfer pendant une bonne trentaine de minutes avant de retourner sur la terre ferme. Ce petit moment avec Sean, m'avait changée les idées et remontée le moral. Je me coucherai heureuse ce soir, pour une fois, du moins je l'espère.

Tandis que je me séchais avec une serviette qu'il m'avait prêté, il me demanda, hésitant :

- Tu marques quoi dans ton carnet ?

- Rien de très important, t'inquiète pas, lui souris-je.

Juste mes pensées, ma vie, rien de plus, pensai-je.

- Pourtant tu m'avais l'air absorbée dans tes pensées quand je suis arrivé.

- C'est vrai, mais ça va, c'est juste un cahier à dessins, et comme je trouve que je dessine pas super bien, je le garde pour moi tu vois ?

- D'accord, dit-il, peu convaincu, mais malgré tout il n'insista pas.

- Je vais devoir y aller, à une prochaine fois peut-être !

Je commençai à partir quand il me retint par le bras :

-Comment je te revois ? T'as pas un numéro ?

- Je sais pas, je serais sûrement au même endroit demain. Et non, je n'ai pas de téléphone, lui expliquai-je toute souriante en m'en allant, pour de bon cette fois-ci.

***

- Papa je suis rentrée !

- Ah ma chérie ! Je t'attendais justement ! Va te laver les mains, on passe à table, me dit-il en m'embrassant le front.

Je fis ce qu'il m'avait demandée et le rejoignit devant un plat de pâtes à la carbo.

- Alors comment s'est passée ta journée ?

- J'ai été en cours et après je suis allée à la plage.

- Tu ne t'approches pas trop des rochers j'espère ?

- Ne t'inquiètes pas, je vais bien.

Comme si j'allais lui dire que je m'assois carrément dessus, sur ces stupides rochers ! pensai-je intérieurement.

- Si tu le dis. Bon et qu'est-ce que vous avez fait aujourd'hui en cours ?

- Bah j'ai eu seulement photographie le matin et on a fait été en ville, j'ai repris Amber comme modèle.

- Génial ! Et la prof a dit quoi ?

- Que notre duo de photographe-modèle s'améliorait de jour en jour ! J'étais tellement contente, tu peux pas imaginer...

- Et le prochain exercice ce sera sur quoi ?

- Une série avec des photos de famille, et la mère est... indispensable, soufflai-je.

- Ah...

- Tu pourras voir avec maman si elle est d'accord ? Après je la laisserai tranquille, tu peux lui promettre, mais là j'en ai vraiment besoin. Sinon je n'aurai pas mon année en photographie...

- Je ferais ce que je peux, mais je ne te promets rien.

- Merci papa t'es le meilleur ! Bon je vais aller me coucher je suis fatiguée !

- N'oublie pas tes médicaments !

- Je sais, tu me le répètes depuis quoi... un an si ce n'est pas plus ?

- C'est pour ta santé ma puce, souffla-t-il, inquiet comme à son habitude.

Je n'ajoutai rien et montai me coucher, fatiguée par cette journée bien remplie en émotions.