Lorsque vous vous rendez compte que les cours de sport, ça peut toujours servir.
Lorsque vous vous rendez compte que les cours de sport, ça peut toujours servir.
Sarna avait froid. Elle se recroquevilla en remontant ses jambes le plus haut possible sous la couette. Elle replaça sa tête sur l'oreiller et tira un peu plus sur la couverture. La jeune fille s'y emmitoufla. Pendant quelques secondes.
Elle se redressa d'un coup sec en toussant, les yeux larmoyants. Elle regarda autour d'elle, aperçut la veste qui lui tenait lieu de couverture et la jeta loin d'elle. L'odeur était insupportable. Mais où avait-elle traînée pour sentir pareil ? Les souvenirs de la veille lui revinrent d'un coup et Sarna examina avec minutie l'endroit où elle se trouvait. Hier, trop perdue et désemparée, et du fait de l'heure tardive, elle n'avait pas pris le temps d'étudier les lieux.
La grotte était plutôt spacieuse et la lumière filtrait à travers un épais feuillage qui bouchait une partie de l'entrée. Adossé à un des murs de la caverne, le jeune homme qui disait s'appeler Moscan, dormait profondément. Sa tête reposait sur son épaule et ses bras étaient enroulés autour de lui. Ses longues jambes détendues bloquaient la sortie. Sarna se pencha et prit le sac du jeune homme. Elle y plongea la main pour y saisir un bout de viande ou toute autre chose susceptible de combler son appétit. Mais, elle eut beau fouiller et plonger son bras jusqu'à son épaule, elle ne trouva rien. De dépit, elle jeta le sac dans un coin. La jeune fille enjamba le corps endormi de Moscan et, relevant légèrement le feuillage, jeta un coup d'œil au dehors. Le soleil venait d'apparaître à l'horizon et le ciel orangé offrait un magnifique spectacle aux yeux de la jeune fille. En contrebas, la forêt s'étendait à perte de vue. L'épaisse frondaison empêchait d'apercevoir le sol.
Sarna retourna dans la grotte, prit la veste du jeune homme à contrecœur, tant l'odeur était forte et jetant un dernier coup d'œil derrière elle, elle commença à descendre.
Malgré ses pieds nus, l'air frais du matin la rendait euphorique. Elle s'écorcha plusieurs fois les pieds sur les rochers mais son impatience lui faisait oublier ces petites douleurs. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle allait faire mais une chose était sûre, elle ne pouvait pas rester dans cette grotte avec un parfait inconnu. Elle allait bien finir par atteindre une route et trouver ainsi de l'aide. Dans peu de temps, elle serait à nouveau chez elle, elle pourrait rassurer ses parents et son frère qui devaient se faire un sang d'encre. Elle devait avoir reçu des dizaines de messages sur son téléphone et avait hâte de retrouver ses amies pour leur raconter ses péripéties. Et elle avait encore plus hâte de revoir James Cumbatch pour savoir ce que ce baiser signifiait pour lui.
Toute à ses pensées, Sarna ne remarqua pas qu'elle était suivie. Pas plus qu'elle ne remarqua que ses écorchures laissaient des traces de sang sur le sol caillouteux. La jeune brune avançait prudemment, un seul faux pas et c'était la chute assurée. Elle atteignit enfin l'orée de la forêt et se retrouva au pied des grands arbres qui ne lui rappelaient aucune espèce connue. Dans les sous-bois, le silence était assourdissant et Sarna sentit son courage et sa décision faiblir. Peut-être aurait-elle dû rester à l'abri dans la grotte. Elle ne connaissait pas cette forêt, ni les bêtes qui y vivaient.
D'ailleurs, il lui semblait avoir entendu des brindilles craquer et là-bas, n'était-ce pas des branches qui bougeaient doucement alors qu'il n'y avait pas le moindre souffle de vent ? La jeune fille se réprimanda à voix basse :
- Ne stresse pas ! C'est ton imagination qui te joue des tours ! Tu es fatiguée et complètement paumée ! Tu rêves ! Tu... Oh mon dieu !! Oh mon dieu !!
Sarna n'avait pu s'empêcher de crier ses derniers mots. Car, les branches n'avaient pas remuées seules. Un... monstre se trouvait là. Elle ne trouvait pas de mots pour décrire l'immense bête qui lui faisait face. Il était impossible qu'un animal pareil existe. Cela ressemblait à un très curieux mélange de loup mixé avec un ours et un elle-ne-savait-pas-trop-quoi : un genre de griffon sans ailes. Bref, le monstre velu de plus de deux mètres qui lui faisait face paraissait avoir faim. La bave coulant le long de ses crocs glissait dans sa fourrure noire et marron. Tout en lui, n'était que puissance et force.
La jeune fille n'avait aucune chance mais se retourna et commença à courir. Elle n'était pas vraiment sportive et regrettait, là, maintenant, tout de suite, d'avoir séché les cours de sport, notamment les cours d'endurance et de sprint qui lui auraient bien servi, là, maintenant, tout de suite. Elle sentit plus qu'elle ne vit la bête se mettre en branle. Le sol parut trembler sous ses pieds. Le tapis de mousse qui recouvrait la terre amortissait les chocs mais les brindilles qui étaient tombées ça et là, vibraient à l'unisson sous l'assaut du monstre. Sarna courait, slalomant entre les arbres pour tenter de perturber son poursuivant. Qui ne semblait pas vouloir lâcher sa proie de sitôt.
Le problème lorsqu'on court pieds nus dans une forêt sombre, poursuivit par un monstre, on ne regarde pas vraiment où on met les pieds. Et ce qui devait arriver arriva : le pied droit de Sarna fit connaissance avec une racine qui sortait du sol et décida de rester là tandis que le pied gauche continuait sa route. Le cerveau de la jeune fille reçut l'information en même temps que la douleur. Elle venait de chuter violemment, son front heurtant le tronc de l'arbre qu'elle voulait éviter. Le choc l'assomma presque, l'étourdissant suffisamment pour que le monstre la rattrape.
Il s'arrêta et la domina de toute sa hauteur, soufflant par ses naseaux un air brûlant et pestilentiel. Il s'approcha lentement de sa proie, sûr de lui et du dénouement de la situation. Ses yeux rouge sang fixèrent la jeune fille. Le fauve ouvrit sa gueule pleine de crocs. Elle grogna en reniflant Sarna et redressa soudainement la tête. Ses oreilles semblaient écouter un message inaudible pour l'oreille humaine, car la jeune fille ne percevait aucun son.
La panique de Sarna redescendit d'un cran. Tout ce qui pouvait distraire la créature lui était favorable. Malheureusement pour elle, en jetant un coup d'œil derrière la bête qui continuait à écouter le silence, Sarna vit arriver une meute de monstres.
Mais, en plus gros.
Beaucoup plus gros.
La jeune fille sentit son rythme cardiaque repartir dans une danse effrénée. Pourquoi n'était-elle pas restée dans la grotte, à l'abri ? Qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Encore une fois, elle n'en n'avait fait qu'à sa tête, ne réfléchissant pas aux conséquences.
La bête, plus petite, qui l'avait poursuivie, se tourna vers ses sept congénères, tournant ainsi le dos à Sarna. Celle-ci en profita et se réfugia derrière le tronc. Elle renonça à courir, d'une part parce qu'elle était déjà essoufflée et que son cœur battant la chamade n'arrangeait pas les choses et d'autre part, parce que courir avec une meute de monstres de trois mètres de haut à ses trousses, n'allait certainement pas lui servir.
Elle continua donc d'observer ce qui se passait. Le premier fauve grognait et les autres grognaient en retour. Ils semblaient... communiquer entre eux. Sarna ne voyait pas très bien de quoi pouvaient discuter les bêtes immenses, mais elle préféra se faire toute petite et tenta de se faire oublier. Elle s'accroupit et ce faisant, fit craquer une brindille. Le bruit retentit comme un son de cloche dans la forêt silencieuse. Toutes les bêtes braquèrent leurs yeux sanglants sur elle.
Bon, pour la discrétion, elle reviendrait. Le monstre le plus proche détourna le regard et observa attentivement ses congénères. Qui s'approchèrent lentement, doucement, sûrement. Le monstre gronda sourdement.
Sarna regarda autour d'elle cherchant une échappatoire à cette situation de folie. Peut-être en hauteur ? Elle contempla les magnifiques arbres alentours dont les branches les plus basses se trouvaient à presque deux mètres de haut. Même en comptant sur une quelconque agilité, elle n'était pas sûre d'atteindre la première branche. Pourtant, en levant les yeux sur le tronc de l'arbre derrière lequel elle se tenait, elle remarqua des sortes de trous plus ou moins grands, qui offraient des prises relativement simples pour grimper à l'abri. Enfin, à l'abri, c'était vite dit au vu de la taille des monstres.
Mais, elle décida de tenter le coup, après tout, à ce stade, elle n'avait plus rien à perdre. Elle se releva doucement, observa les fauves qui continuaient de gronder ensemble, comme une discussion sans fin et s'agrippa à la première prise. D'un coup de rein, elle se hissa d'un mètre.
Toute à son ascension, la jeune fille ne se rendit pas compte que les grondements des monstres avaient changé. Ils étaient plus graves, plus bas et surtout, plus près.
Sarna en était maintenant à presque trois mètres de hauteur. Elle jeta un coup d'œil en contrebas et retint un gémissement : les monstres s'étaient regroupés autour de son arbre et les plus grands d'entre eux pouvaient encore l'atteindre. Seule la première bête restait éloignée, comme indécise quant à la suite des événements. Sarna accéléra et grimpa d'un niveau supplémentaire, mais restait en équilibre instable, collée au tronc de l'arbre.
Soudain, elle sentit une brûlure lui traverser le mollet. Elle faillit lâcher prise et se retint de justesse. Elle cria quand une deuxième brûlure lui lacéra la cuisse.
Les fauves passaient à l'attaque et n'allaient pas la laisser monter plus haut. Certains, plus agiles, sautèrent et lui griffèrent le dos. Les pieds de Sarna glissèrent de leur prise et la jeune fille se retrouva suspendue au dessus du vide (et des gueules béantes des monstres, par la même occasion), raccrochée par la force de ses bras à l'arbre.
Les larmes coulant le long de ses joues, Sarna s'agrippait à sa prise. Sa vie en dépendait. Mais, elle ne se faisait plus beaucoup d'illusion. Elle allait périr, ici, dévorée vivante par des créatures qui n'existaient normalement pas. Elle était en plein cauchemar.
Elle entendit un rugissement retentissant qui calma subitement les monstres. La jeune fille tourna la tête, s'égratignant la joue sur le tronc au passage. Et, écarquilla les yeux.
Le premier monstre s'était redressé et défiait ses semblables de toute sa hauteur. Ancré sur ses pattes arrière, les griffes labourant le sol, le spectacle était impressionnant. Trois autres bêtes, au pied de l'arbre, se tournèrent vers lui.
L'attaque fut fulgurante. Les griffes griffèrent, les crocs croquèrent et le sang jaillit. La première bête se battait et se débattait. Sarna ne comprenait pas ce revirement de situation. Elle réajusta sa position sur l'arbre tandis que deux autres créatures se dirigeaient vers le combat en cours. À cinq contre un, le combat était inégal. La bête qui semblait vouloir qu'elle reste en vie (peut-être pour mieux la manger plus tard) allait mourir.
C'est alors qu'un feu bleuté jaillit et toucha un des monstres. Celui-ci se contorsionna comme pris de convulsions. Il hurla à la mort pendant qu'une nouvelle flamme bleue surgissait des sous-bois. Elle cueillit une autre créature à la gorge et l'envoya valser quelques mètres plus loin. Le combat continuait mais Sarna sentit la peur et l'inquiétude des grands fauves. Elle tentait d'apercevoir la provenance de cette nouvelle étrangeté pour savoir quel danger elle allait devoir affronter après ce qu'elle venait de vivre
Elle plissa les yeux et lorsqu'un nouveau trait de feu jaillit, elle vit nettement le visage de Moscan à l'ombre d'un arbre. Celui-ci, extrêmement concentré, projeta ses mains vers les monstres et les étincelles jaillissant du bout de ses doigts s'élancèrent, formant un arc bleu qui frappa. Les fauves, touchés par la flamme bleutée, se tordaient de douleur et s'éloignaient en rugissant de colère.
Au final, il ne resta plus qu'un monstre : le premier que Sarna avait vu et qui avait défié ses congénères. Elle vit Moscan projeter ses mains et devant l'urgence de la situation, passant au tutoiement, elle hurla :
- Non ! Moscan ! Pas lui! Laisse-le ! S'il te plaît, laisse-le !
- Quoi ? Et comment fait-on après pour partir ? Il ne nous lâchera pas, il nous traquera. Je dois le tuer !
- Non ! Il m'a défendu ! Il s'est opposé aux autres !
- Il t'a déf... Mais, ça ne va pas ou quoi ? Tu as perdu la tête ? Ce sont des monstres assoiffés de sang. Il va te dévorer si tu t'approches !
- Laisse-lui une chance, Moscan ! supplia-t-elle, en descendant le long du tronc.
Moscan se rapprocha lentement de la bête au sol qui semblait souffrir et leva les mains. Sarna se précipita devant le fauve qui avait fermé les yeux sentant sa fin venir.
- Moscan, s'il te plaît, écoute-moi ! Il m'a protégé, tu ne peux pas le blesser plus qu'il ne l'est déjà. Ça va le tuer.
- Éloigne-toi Sarna !
La jeune fille se retourna vers la bête et surmontant sa crainte et sa répugnance, elle se jeta sur le corps à terre.
Qui de la bête ou de Moscan avait l'air le plus ahuri par le geste de la jeune fille, on ne saurait dire, mais en voyant la tête du jeune homme, Sarna commença à rigoler. Le stress de la situation, la peur qu'elle avait ressentie et la fatigue accumulée eurent raison de la brune qui, affalée contre le corps du monstre qui grognait sourdement, pleurait de rire. Son cerveau était comme déconnecté, elle riait à en perdre haleine et étrangement, elle se sentit bien. Enfin, mieux que quelques minutes plus tôt.
Merci Sar... Sarna.
La voix avait jailli, claire et pure dans la tête de la jeune fille qui s'arrêta de rire et pâlit subitement. Elle se redressa et s'éloigna vivement de la bête.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? lui demanda anxieusement Moscan. Elle t'a blessée, c'est ça ? Tu aurais dû me laisser faire !
- Non, s'écria la jeune fille, je crois... je crois qu'elle vient de me parler. Dans ma tête. Elle m'a remerciée. C'est impossible !
- Euh... Sarna, sans vouloir te vexer, tu délires un peu, là. Tu as dû te cogner la tête plus fort que tu ne le crois et tu saignes encore, d'ailleurs.
La jeune brune ne quittait pas la bête du regard. Les yeux vert flamboyant de Sarna affrontaient les yeux sanglants du fauve étendu par terre. Aucun des deux ne se souciait du jeune homme qui continuait de parler dans le vide.
Soudain, une barrière s'effondra dans l'esprit de la jeune fille et elle se précipita sur le monstre. Moscan tenta de l'en empêcher mais trop tard. Sarna serrait le cou de la bête avec force. Or, ce que Moscan voyait comme une tentative d'éliminer la bête, n'était autre qu'une étreinte chaleureuse.
Sarna se recula et, un étrange sourire aux lèvres, elle déclara d'une voix douce :
- C'est incroyable ! Elle s'appelle Linéa et elle est désolée de ce qui s'est passé. Elle salue ton courage. Les affronter avec autant d'ensorcellements en si peu de temps, c'était dangereux de ta part.
Sarna sembla reprendre ses esprits et se renseigna :
- Qu'est qu'un... ensorcellement ? Enfin, je veux dire, ça n'est pas possible. Ça n'existe pas !
Moscan la regarda du même air ahuri qui ne semblait plus le quitter.
- Vous vous... parlez ? Ça, ça n'existe pas ! Les sorts, l'ensorcellement, ça existe, depuis des millénaires. Mais communiquer avec un Loup, enfin, un Titan, ça, non, définitivement ça n'existe pas !! Sarna, il faut qu'on parte, je t'expliquerai tout plus tard. Pas de problème. Mais ne restons pas là. Laisse la bête et allons-nous en d'ici.
- Moscan, je ne comprends rien, vraiment. Je suis paumée là. Alors explique-moi un minimum !
Et elle ajouta doucement, avec un sourire innocent :
- S'il te plaît ?!
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