Lorsque les monstres de vos cauchemars existent, pour de vrai.
Lorsque les monstres de vos cauchemars existent, pour de vrai.
Les premiers rayons du soleil passèrent entre les interstices des planches de bois clouées aux fenêtres et vinrent lécher le visage de Sarna qui sommeillait doucement, rêvant, ou plutôt cauchemardant, de monstres à longs crocs et de poursuites infernales dans des bois sombres. En sentant la lumière filtrer à travers ses paupières closes, elle croisa fortement ses doigts, espérant de tout cœur se réveiller dans sa chambre, ou même dans les bras du jeune garçon qui l'avait embrassée mais dont elle avait du mal à se rappeler le nom.
Aussi fut-elle déçue, lorsqu'en ouvrant les yeux, elle ne vit ni ses posters accrochés au-dessus de son lit, ni le visage fin et mystérieux du beau garçon qu'elle avait embrassé. Sarna avait des difficultés à saisir tout ce qui se passait depuis qu'elle s'était réveillée dans cette grotte. Quand elle s'éveillait, elle avait toujours la curieuse impression de ne pas savoir faire la part des choses. Comme si son esprit ne pouvait faire une mise à jour et la raccrocher au présent.
En s'étirant, la jeune fille constata qu'elle se sentait en forme. Enfin, pas au point de déplacer des montagnes mais, suffisamment pour se lever, marcher, peut-être même courir. Ses blessures s'étaient totalement refermées et seule une très fine ligne blanche témoignait de ce qu'elle avait vécu.
Elle rejeta la couverture et ôta la veste de Moscan de ses épaules. Celui-ci dormait toujours, assis sur la seule chaise de la pièce, les bras entourant son torse et les jambes posées sur la table. Les rayons du soleil jouaient dans ses cheveux bruns et des millions de particules de poussières flirtaient ensemble dans une danse infinie et aérienne.
Sarna resta contempler le jeune homme plus longtemps que nécessaire, s'attardant sur ses longs cils, sur son menton carré mais délicat, sur son cou et sur la naissance de son torse musclé. Elle ne savait pas ce qu'elle ressentait pour Moscan, mais une certaine forme de désir venait de naître en elle, bien qu'elle ne s'en aperçoive pas encore.
Évidemment, ce calme relatif ne pouvait durer et la doucereuse réalité se rappela à elle sous la forme d'une gigantesque ombre qui vint cacher les rayons du soleil et assombrir la seule pièce de l'abri.
Sarna se pétrifia, n'osant plus bouger, ni faire le moindre bruit. Elle voulait prévenir Moscan du danger mais ne savait comment faire, sans bouger, ni parler. Elle regarda Linéa qui venait de redresser la tête et plongea ses yeux verts dans ceux étoilés de la jument.
Linéa ? Linéa, ne fais pas de bruit, si tu m'entends, réponds-moi.
L'animal pencha la tête sur le côté, les oreilles dressées comme à l'écoute de l'inaudible.
Pense plus fort, Sarna. Tu dois penser comme si tu me parlais normalement.
La jeune fille fit la moue et réitéra, criant presque dans sa tête.
Linéa, tu dois prévenir Moscan, il faut le réveiller sans faire de bruit. Tu comprends ? Le monstre est là.
Ouch ! Oui, je t'entends parfaitement, un peu trop même. Je vais essayer de le réveiller doucement.
La jument coucha ses oreilles, sentant enfin la menace du maître des Titans autour d'elle.
Je ne l'ai pas entendu arriver, je suis désolée Sarna, j'aurais dû être plus vigilante.
Linéa se concentra et tenta de percer l'esprit de Moscan. Elle lui envoya des images d'urgence qui forcèrent le jeune homme à s'éveiller. Il avait faillit tomber de la chaise lorsqu'il avait senti la même douleur que la veille lui traverser le crâne. Mais, son esprit entraîné avait vite pris le dessus et il en avait conclu que Linéa essayait de le contacter.
La première chose qu'il vit en s'éveillant fut le regard terrifié de Sarna. Elle était d'une pâleur effrayante et ses yeux faisaient des allers-retours entre la fenêtre et lui.
Il tourna la tête et aperçut ce qui effrayait la jeune fille. La gueule monstrueuse du maître des Titans apparaissait entre les interstices de la fenêtre. La bave dégoulinait le long des plaques de bois et plusieurs fois, les crocs crissèrent entre eux, provoquant un bruit déchirant pour les oreilles.
Moscan sentit des nœuds se former dans son estomac. Ils n'avaient aucune chance. Le monstre était bien plus gros et plus impressionnant qu'il ne le pensait. Jamais ils ne pourraient lui échapper.
L'énorme bête se recula et colla son œil rouge sang à la fenêtre. Elle observait ses proies, se délectant de leur peur. Car, oui, elle sentait leur peur, une peur sournoise et profonde, une peur qui faisait naître en elle des désirs de mort.
Sarna eut un hoquet de frayeur en réalisant qu'elle n'était pas dans un cauchemar. Elle avait déjà eu des hallucinations dans ses rêves, où les monstres prenaient vie et déchiquetaient tout sur leur passage. Ses monstres à elle n'étaient pas aussi...monstrueux. Ils n'avaient pas autant de crocs, ni autant de haine dans le regard. Mais, jamais, jamais dans ses cauchemars les plus horribles, les plus sombres, elle n'avait vu pareille bête.
Le monstre se jeta sur le mur principal de la maisonnette en y mettant toute sa force. Le mur oscilla dangereusement et un bout du toit s'effondra. Le monstre continua ses assauts et Sarna en profita pour sauter jusqu'à Moscan, cherchant un semblant d'espoir dans son regard. Ce qu'elle y vit la conforta dans son idée de mort imminente.
- Bonne idée la maison, Moscan, mais maintenant, on fait quoi ? Non, parce que là, on ne peut pas sortir vu que l'unique sortie est bloquée par un monstre affamé.
- Chut ! Je réfléchis ! On peut sortir tous les trois, mais il faudra faire vite. Par contre, pour la suite, je ne sais pas. Mon ensorcellement peut le blesser mais pas le tuer. Enfin, je peux essayer mais il est trop puissant.
- Ah oui, c'est vrai ! Tu ne peux pas faire apparaître une arme, là, tout de suite, histoire qu'on puisse se défendre un minimum ?
- Oui, je peux même si je ne pense pas que cela nous servira beaucoup. Tu veux quoi ? Un couteau ? Un arc ? Un sabre ? Un poignard ? Ça ne lui fera pas grand-chose mais bon, au moins on ne mourra pas sans s'être battu.
- Euh... J'avoue que là, je ne dirais pas non à un petit lance-roquettes !
-Un quoi ? Mais qu'est-ce que c'est, encore ? Bref, un sabre et un poignard ? Ça t'ira ?
Sarna haussa les épaules. Pour elle, rien ne valait un bon lance-roquettes pour tuer ce monstre. Elle regarda Moscan prendre son sac (vide d'après ses souvenirs) et y plonger la main. Il parut farfouiller pendant quelques secondes avant d'en ressortir un magnifique sabre dont le tranchant étincelait. La poignée bleutée était tressée dans un bois spécial, inconnu de Sarna. Elle tendit timidement la main pour prendre l'arme.
Elle leva la lame devant ses yeux, admirant le travail incroyable. Elle n'en n'avait jamais vu d'aussi près. La lame parut vibrer légèrement et la poignée jusqu'alors bleue, prit une teinte dorée. La lame argentée scintilla plus fortement et en s'approchant, la jeune fille pu y apercevoir des milliers de particules d'or.
Moscan resta stoïque devant le spectacle. Il commençait à croire que l'impossible devenait possible aux côtés de la jeune fille. Il reprit son sac et en sortit deux poignards qu'il garda pour lui avant de les coincer dans sa ceinture.
- Sarna, il faut y aller. Il est en train de chercher un moyen de nous atteindre plus rapidement qu'en détruisant l'abri.
En effet, le monstre avait stoppé ses assauts et semblait s'éloigner à la recherche d'une quelconque aide. Il poussa un rugissement qui fit trembler les arbres autour de lui. Linéa piaffa et coucha ses oreilles, les yeux écarquillés de terreur.
Il les appelle. Il nous appelle tous.
- Quoi ? Il appelle qui ? demanda Sarna, tenant fermement l'arme dans sa main pour l'empêcher de trembler.
- Il appelle les Titans, lui répondit Moscan, il veut leur montrer qui est et restera le chef de cette forêt. Et en nous tuant, il assure sa place à la tête de la meute.
- Alors partons, il s'est éloigné, on peut sûrement atteindre la ville.
- Non Sarna, je suis désolé mais nos chemins s'arrêtent ici. A moins que le pouvoir que t'ont confié tes parents ne subsiste en toi, rien ne pourra nous sauver de la folie de ce monstre.
- Mais quel pouvoir ? Arrête avec tout ça, toutes ces histoires ! Je ne sais pas où je suis tombée mais je n'y crois pas. Rien de tout ce que je vis ici n'est réel. Ma vie n'est pas ici. Je veux juste rentrer chez moi.
Moscan s'approcha de la jeune fille dont les larmes menaçaient de la submerger, tandis que le monstre dehors continuait de rugir, appelant ses congénères.
- Sarna, regarde-moi ! Il leva le menton de la jeune fille et rencontra son regard vert flamboyant qui lui fit comme un pincement au cœur. Sarna, je ne sais pas où tu étais avant que je ne te trouve. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Mais je sais une chose : tu as en toi un pouvoir qui pourrait nous sauver. A nous deux, enfin, à nous trois, on pourrait s'en sortir. Mais, il faut que tu me fasses confiance. Regarde-moi ! Est-ce que tu me fais confiance ?
Sarna sentit ses larmes refluer. Elle voulait lui faire confiance mais elle avait peur. Elle ne savait rien de lui, elle ne comprenait pas ce qui se déroulait en ce moment. Elle ne souhaitait qu'une chose : sortir de ce cauchemar sans fin. La jeune fille redressa les épaules et répondit à Moscan, d'un ton déterminé :
- Oui, oui je te fais confiance. Tu m'as sauvé plusieurs fois. Mais ne brise pas ma confiance. Jamais.
- Sarna, maintenant, concentre toi ! Cherche en toi, dans ton esprit, il y a quelque chose en plus. Comme une petite bulle, une bulle qui palpite doucement.
Mais Sarna ne pouvait pas se concentrer. Pas avec les rugissements des monstres qui arrivaient en masse. Elle secoua la tête et s'éloigna du jeune homme.
Moscan grimaça. Il avait cru pouvoir aider la jeune fille. Mais, elle semblait trop perdue et trop effrayée par tout ce qu'elle avait vécu depuis la grotte. Tant pis, il n'avait plus le choix. Il prit ses poignards qui pendaient à sa ceinture et jetant un dernier coup d'œil à la jeune fille, il ouvrit ce qui restait de la porte.
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