Lorsqu'un gymnase, c'est quand même mieux qu'une grotte pour faire la fête.
Lorsqu'un gymnase, c'est quand même mieux qu'une grotte pour faire la fête.
La jeune fille ouvrit un œil. Et le referma. Ouch ! Sa tête la lançait et tout son corps semblait perclus de courbatures. Elle bougea lentement les jambes mais n'y parvint pas. Elle avait le souffle court et saccadé. Sa respiration était irrégulière et elle avait peur d'être sous le coup d'une crise d'angoisse. Après tout, c'était son troisième malaise de la journée et peut-être que son corps avait des difficultés à récupérer. Elle hésita à rouvrir les yeux puisqu'elle venait de s'évanouir au plus mauvais moment. Elle imaginait déjà les regards railleurs de ses camarades. La honte la saisit et elle sentit ses joues rougir sous l'effet de la gêne. Mais elle ne pouvait tout de même pas rester allongée là. Chose étrange, elle n'entendait aucune voix autour d'elle.
Sarna, car c'était bien elle, se décida à affronter le regard de ses camarades. Elle ouvrit donc ses beaux yeux verts et fixa le plafond du gymnase. Qui avait disparu et avait laissé place à de la roche. De la roche ? Elle tenta de se redresser mais un poids mort l'en empêchait. Elle souleva la tête et regarda ce qui commençait à l'étouffer. Un corps était allongé sur le ventre, en travers de son propre corps. Elle aperçut des cheveux bruns qui encadraient un visage fin en une couronne de mèches folles. Le visage appartenait à un jeune homme d'une vingtaine d'années. Jeune homme qu'elle ne connaissait absolument pas.
Sarna repoussa vivement le corps du garçon et alla se blottir dans un coin de la caverne. Elle observa attentivement les alentours mais il n'y avait rien à observer. Elle était dans une grotte. Point. Elle n'avait aucune idée d'où elle se trouvait. À sa connaissance, il n'existait pas de grotte aux alentours de Foley, excepté l'antre rocailleuse de Juwa, située à deux kilomètres au nord de la ville, qui servait de lieu de rendez-vous aux jeunes amoureux. Mais elle était équipée de coussins, de bougies, de quelques paquets de gâteaux entamés, bref, tout le contraire de la caverne dans laquelle elle se trouvait actuellement.
Son cerveau carburait à toute allure. Premier point, elle ne savait pas qui était le jeune homme présent avec elle. Il ne venait pas de Foley car elle connaissait tous les habitants, de près ou de loin. Deuxième point, elle ne connaissait pas cette grotte. Troisième point, elle n'avait aucun souvenir de son voyage depuis le gymnase jusqu'ici. Quatrième point et non des moindres, elle portait une robe blanche vraiment courte. Or, aux dernières nouvelles, elle était vêtue de sa robe de soirée noire avec des perles argentées. Et dernier point, elle n'avait pas pu être enlevée. Pas au milieu de la foule rassemblée pour la fête de fin d'année. On n'enlevait pas un corps inerte devant tout le monde sans que personne n'intervienne. Conclusion : il allait falloir qu'elle réveille le jeune homme pour avoir des réponses à ses questions.
Elle s'approcha doucement du garçon qui ne bougeait pas. Sarna eut peur qu'il soit mort mais un ronflement sonore la rassura. Elle le tapota du bout du pied. Il ne bougea pas d'un iota. Elle recommença, plus fort cette fois-ci. Le jeune homme grommela mais persista dans ses ronflements. Sarna se pencha au-dessus de lui, le souleva difficilement et le retourna sur le dos. Elle détailla son visage et son corps. Ses vêtements qui n'étaient pas de première jeunesse, dessinaient les muscles de son torse et de ses bras. Il paraissait tranquille dans son sommeil. Mais Sarna n'avait pas l'intention de le laisser roupiller plus longtemps. Rarement sujette à toute forme de violence, elle l'agrippa par le col de son t-shirt et lui colla une gifle monumentale.
Il ouvrit brusquement les yeux et grogna en touchant sa joue. Il tourna la tête et aperçut la jeune fille qui flottait dans les airs quelques minutes (ou heures, il n'avait aucune idée du temps qu'il avait passé par terre, mi-évanoui, mi-assoupi) plus tôt. La jeune brune se tenait la main et le regardait suspicieusement.
- Qui êtes-vous ? lâcha-t-elle hargneusement. Où est-ce que vous m'avez emmenée ? Pourquoi je suis ici, avec cette robe qui n'est pas à moi ? Et qu'est-ce qui s'est passé ? Où sont mes am...
- Woooh wooh woooh ! On se calme, là ! Laissez-moi répondre au moins ! Je m'appelle Moscan, vous êtes dans une grotte sur une des Montagnes d'Argent. Pour cette robe, je n'en n'ai aucune idée, vous étiez comme ça quand je vous ai trouvée et ce qu'il s'est passé, eh bien, pour résumer, vous flottiez, là, dans les airs, avec des je-ne-sais-pas-trop-quoi tout brillant autour de vous. Je vous ai touchée et pouf, plus rien ! Jusqu'à ce que vous me réveilliez avec une baffe colossale. Dites donc, vous avez quoi dans les mains ? Des os en fer ?
- Montagnes d'Argent ? Je flottais dans les ai... Mais qu'est-ce que vous racontez ? Il y a dix minutes, j'étais dans le gymnase en train d'embrasser James Cumbatch et je me retrouve ici, à moitié nue dans une robe blanche, avec un parfait inconnu qui me débite des choses improbables ! Dites-moi ce que vous m'avez fait !
Moscan regarda la jeune fille d'un air ahuri. Mais qu'est-ce qu'elle racontait, elle aussi ? Qui était ce James Machin ? Et qu'est-ce qu'elle avait avec sa foutue robe (qui soit dit en passant, mettait ses jambes en valeur) ? Il prit une profonde inspiration et tenta de la rassurer :
- On se calme, on respire et tout ira bien. Je ne sais absolument pas de quoi vous parlez, ni qui est ce James que vous avez embrassé mais je sais que vous ne pouvez pas rester ici. C'est trop dangereux. Les Loups sont encore proches et il faudra qu'on parte demain à la première heure pour tenter de les semer.
Le jeune homme s'était rendu compte qu'elle n'avait aucune idée de qui elle était. Il ne le précisa pas car la jeune fille avait l'air suffisamment choquée et il préférait éviter une nouvelle crise et surtout une nouvelle gifle. Celle qu'il avait reçue était encore incrustée dans sa joue. Et puis, il ne savait pas vraiment quoi faire dans une telle situation. Ce n'était pas son boulot d'annoncer pareille nouvelle. Il n'était pas formé pour. Encore que, qui avait une formation pour ce genre de chose ? Il revint à la jeune fille qui le regardait d'un air perplexe et perdu. Il soupira et passa sa main dans ses cheveux fous.
- Comment vous appelez-vous ? demanda-t-il, calmement. Vous avez un avantage sur moi, vous connaissez mon prénom.
- Je... Je m'appelle Sarna. Sarna McGan de Foley, en Alabama. Je suis en dernière année au lycée de Baiton et je pars bientôt pour l'université et... et... Je ne comprends rien !
Sarna éclata en sanglot. Ça n'était pas vraiment le moment, mais le trop plein d'émotion venait de la submerger. Et puis, ça faisait du bien de relâcher la pression. Moscan regarda la jeune fille et soupira à nouveau. Il prit son sac et tournant le dos à Sarna, en sortit plusieurs bouts de viande sèche et, soufflant dessus, les réchauffa doucement, comme il l'avait fait la veille au sommet de son arbre. Il se redressa et lui tendit les morceaux de viande.
Sarna hésita mais les gargouillements de son estomac eurent raison de son hésitation. Elle mordit dans une lamelle de viande, constata avec étonnement qu'elle était chaude et dévora le reste du morceau. Elle n'avait jamais rien mangé d'aussi bon. Enfin, cette sensation venait sûrement de l'étrange impression qu'elle avait de ne pas avoir mangé depuis des mois. Elle continua son repas, mâchant savoureusement la viande. Moscan la regardait faire et remarqua que les joues de la jeune fille rosissaient petit à petit.
- Ça va mieux ?
Sarna hocha la tête, manger quelque chose lui faisait du bien.
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Vous allez me ramener chez moi ? implora-t-elle.
- J'en serais bien incapable. Enfin, je ne peux pas vous ramener là d'où vous venez. C'est impossible.
- Mais pourquoi ? Il suffit de rejoindre une route. Il doit bien y en avoir une au pied de la montagne. On arrêtera la première voiture qui passe et je pourrai rentrer chez moi.
- Euh... une voiture ? Sérieusement ? C'est une blague ? Il n'y a plus de voitures depuis...oh, une centaine d'années, au moins.
Moscan eut un sourire sarcastique. Si les voitures avaient encore existé, il n'aurait pas perdu son temps à chercher les moindres chemins qui permettaient de rejoindre les routes principales qui conduisaient à la ville la plus proche.
- Mais, c'est quoi ce délire ? Ce n'est pas le moment de vous moquer de moi !
- Je n'oserais pas, croyez-moi. Après la baffe que vous m'avez collée, je vais même éviter pendant un bon bout de temps. Je vous expliquerai tout, mais demain. Il faut que vous vous reposiez. Vous avez l'air d'avoir reçu un sérieux choc émotionnel et il faut que vous soyez en forme demain.
Tout en lui parlant calmement, il s'était rapproché de Sarna. Il la fixa intensément et d'un mouvement doux, il frôla son front.
- Qu'est-ce qu...
La jeune fille n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'elle s'effondra dans les bras de Moscan, endormie. Il l'allongea au sol et lui fit une sorte d'oreiller à l'aide de son sac. Puis, il retira sa veste chaude et la déposa sur les épaules délicates de la jeune fille.
Une bonne chose de faite. Il allait pouvoir réfléchir tranquillement aux événements de la soirée. Et essayer de se sortir de cette catastrophe/bouleversement majeur, bref, de ce cataclysme qui lui tombait sur les bras. C'était incroyable. Que ça lui arrive. Qu'il la trouve. Après toutes ces années.
Il prit sa tête dans ses mains et ferma les yeux. Il allait devoir contacter quelques Anciens et certains membres de l'opposition. Moscan contempla la jeune fille endormie. Son sommeil était agité, ses jambes bougeaient, ses paupières tremblaient et elle laissait parfois échapper un gémissement. Il se cala contre un des murs de la grotte et tout en gardant un œil sur la jeune fille, il continua à réfléchir une bonne partie de la nuit, avant que le sommeil ne le rattrape.
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