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Chapitre 26 : Rallumer les étoiles

Et nous sommes lundi donc me voici ! La semaine dernière, je m'étais dit que j'aurais une info à vous donner aujourd'hui mais impossible de me rappeler ce que c'est haha ! J'aurais dû le noter rah ! 

Breeef ! Long chapitre aujourd'hui et un de mes préférés je pense parce qu'il a une vibe noël qui fait du bien en septembre haha ! 

Vous le verrez, mais lors du passage entre Théa et Julian dans la nurserie, je vous invite à écouter la chanson "Loin du froid de décembre" de Anastasia parce que je trouve qu'elle colle parfaitement et c'est juste mon dessin-animé préféré avec de superbes chansons ! (Je ne vous raconte pas notre duo avec Perri sur "La rumeur de Saint-Petersbourg" accapela, vraiment on est prêtes pour The Voice haha). 

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&t=73s (et je le mets en commentaire pour que vous puissiez cliquer dessus ^^)

"Je me souviens il me semble 

Des jeux qu'on inventait ensemble 

Je retrouve dans un sourire 

La flamme de mes souvenirs 

Et au loin, un écho

Comme une braise sous la cendre 

Un murmure à mi-mots 

Que mon coeur veut comprendre 

Une ancienne ritournelle

Loin du froid de décembre"

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Chapitre 26 : Rallumer les étoiles

« C'est Noël : Il est grand temps de rallumer les étoiles... »

-Guillaume Apollinaire -


// 24 décembre 1979 //

Julian devait avouer qu'il ne s'était pas attendu à grand-chose de ce premier noël avec les Grims. Il n'y avait même pas trop réfléchi, évitant de s'attarder sur la pensée que ça serait surtout le premier noël sans sa mère. C'est sans doute pour cela qu'il ne s'était pas attendu à l'immense sapin qui trônait dans le salon ce matin du 24 décembre quand il descendit et il s'arrêta dans l'embrasure, surpris.

Il avait été placé dans un coin de la pièce mais était si énorme qu'il en prenait quand même un espace conséquent, vert et triomphant. Et certainement très lourd au vu de la grimace de Théa qui s'efforçait de l'installer, ployant sous le poids de l'arbre avec Charlotte perchée sur un escabeau qui tentait de le tirer.

- Mais qu'est-ce que vous fabriquez ? s'exclama-t-il.

- Elles installent le sapin, ça ne se voit pas ? répondit Leonidas qu'il n'avait pas vu, tranquillement assis dans un fauteuil en train de fumer sa cigarette.

- Si, je le vois. Mais pourquoi toutes les deux ?

- Tu dormais, espèce de fainéant ! lui lança Théa.

- Non mais je pensais à Tikky ou Archer ou n'importe qui d'autres ! A toi, par exemple, ajouta-t-il en direction de son parrain.

Leonidas sourit.

- Ah mais moi je suis l'adulte qui supervise, voyons. Et c'est une sorte de tradition familiale : les enfants installent toujours le sapin. Bon, Archer est encore enfermé dans sa chambre donc les filles sont toutes seules pour l'instant, je le reconnais.

- On a qu'à mettre le portrait d'Elizabeth à la place de l'étoile, ça le ferait peut-être venir...

- Théa, sois compatissante.

- Je le suis ! Je trouve ça vraiment injuste qu'il ne puisse plus la voir. Mais il s'en sert comme excuse pour ne pas nous aider !

- Et bien heureusement que Julian est là maintenant !

Trahi, il fusilla Leonidas du regard. Il venait de se réveiller, il n'avait pas envie de se faire piquer par les branches d'un sapin.

- On ne peut pas utiliser la magie ? suggéra-t-il. Le MACUSA ne remarquerait rien dans une maison de sorciers !

- Et où serait le sens de l'effort dans tout ça ? opposa Lysandra en arrivant soudain, deux tasses de café dans les mains.

Elle en passa une à Leonidas et s'assit dans le fauteuil près de lui.

- Merci, ma chérie, dit-il. Elle a raison, un sapin ça se mérite ! Celui de 1945 est tombé sur la tête de Robert par exemple. Bien que je ne sois pas encore totalement certain que Cordelia ne l'ait pas poussé sur lui, il l'a d'autant plus apprécié quand il a terminé.

- Le premier qui pousse ce sapin sur ma tête reçoit un sort, menaça Charlotte, tanguant sur son escabeau.

Julian décida qu'il n'avait pas envie de passer son noël à l'hôpital à cause d'une cheville cassée et il se précipita pour l'aider. Il retint un juron en sentant les épines du sapin lui piquer la peau, mais il continua à tirer avec sa sœur pendant que Théa poussait de toutes ses forces de l'autre côté. Dans un dernier effort, le sapin se hissa ainsi à la verticale, ballotant quelques secondes avant de se stabiliser. Leonidas et Lysandra applaudirent.

- Pas mal, apprécia son parrain. Vous pouvez êtes fiers de vous !

- On sera fiers quand il sera décoré, corrigea Charlotte en tirant deux grands cartons vers eux. Tout est là-dedans !

- Je m'occupe des guirlandes ! dit Théa.

Elle se mit à genoux devant le premier carton et en sorti une grande guirlande rouge parcourue de traits lumineux. Elle était visiblement enchantée pour scintiller sans arrêt et Théa l'enroula autour de son cou comme un boa de carnaval.

- Alors ? fit-elle en redressant le menton. De quoi j'ai l'air ?

- D'une aristocrate ruinée qui prend des guirlandes de noël pour s'habiller, jugea Lysandra d'un ton neutre.

Julian éclata de rire en même temps que les autres et Théa se contenta de rouler des yeux avant de mettre la guirlande à sa place, à savoir sur le sapin. A eux trois, ils se mirent donc à fouiller dans les cartons pour trouver les meilleurs décorations. Les Grims en avaient accumulé une bonne collection : il trouva des fées en cristal, des petites baguettes magiques ouvragées, des boules peintes à la main, des véritables flocons figés par magie pour ne pas fondre... La moitié des guirlandes scintillaient de toutes les couleurs et même si l'ensemble formait un tout fantasque, c'était étrangement bien assortis. A un moment, Leonidas se leva de son fauteuil pour mettre un disque sur le gramophone qui trônait sur un guéridon près de la fenêtre. Des notes de gospel retentirent et Lysandra se mit à battre la mesure sur sa tasse de café.

- Oh non, pas encore The Soul Magic, râla Théa.

- Meilleur groupe américain des années 50, un peu de respect, lui rétorqua Leonidas avant de tendre la main à Lysandra.

Cette dernière soupira, mais accepta. Tout en continuant à accrocher les boules de noël, Julian sourit devant le spectacle qu'offraient son parrain et sa femme : il la faisait tournoyer au milieu des meubles du salon au rythme de la musique cadencée et entraînante alors qu'elle essayait de se retenir de sourire. Charlotte poussa un cri d'encouragement, souriant si fort que son visage s'éclaira. Elle se mit à se déhancher sur place et lui glissa un regard évocateur. Il secoua la tête immédiatement.

- Non, Lottie !

- Allez !

- Non... J'ai dit non...

- S'il te plaît, plaida-t-elle avant de lui prendre les mains pour le tirer loin du sapin.

Théa se mit à se moquer de lui.

- Allez, Julian ! lui lança-t-elle.

- Je ne sais pas...

- Mais si tu sais, coupa Charlotte. C'est noël !

- Et les miracles ont des limites.

Mais sa sœur ne l'écouta pas. Elle continua à le tirer et ils se retrouvèrent à côté de Leonidas et Lysandra. Il tenta de copier leur mouvement du mieux qu'il put, mais ni lui ni Lottie n'avait leur talent. Ils se contentèrent de danser au hasard et il la fit tourner sous son bras tendu pendant qu'elle riait à gorge déployée. Il n'arriva pas à refreiner son sourire. Il revoyait son visage baigné de larmes chez leur grand-mère Jeanne le soir où il était venu la réconforter à cause du déménagement. Elle était complètement transformée et il voulait la voir comme ça tous les jours : heureuse, souriante, amusée.

- Ne me marche pas sur les pieds ! cria-t-elle en riant.

- C'est toi qui marche sur les miens !

- Oh Morgane, s'amusa Théa. C'est un désastre.

- T'as qu'à venir pour voir, lui rétorqua-t-il.

Elle sourit d'un air malicieux et leva sa guirlande.

- Je m'occupe du sapin, désolée.

Il allait lui répondre qu'elle prenait un peu trop ce fichu sapin comme excuse lorsque Leonidas fit tourner Lysandra trois fois avant qu'elle ne revienne vers lui et qu'il la soulève quelques secondes dans une chorégraphie parfaite. Il resta bouche-bée.

- Ok, j'abandonne ! déclara-t-il.

Charlotte le laissa s'échapper de leur piste de danse improvisée de bonne grâce et il retourna fouiller dans les cartons. La première boule qu'il tira était différente des autres : la peinture dessus était mois maîtrisée et un nom s'inscrivait sur sa surface.

- Robert... lut-il. Eh pourquoi il y a le nom d'oncle Robert sur celle-ci ?

Son parrain, qui pouvait apparemment parler et danser en même temps, releva la tête tout en continuant à tourner sur place, une main enroulée autour de la taille de Lysandra.

- Oh, ça, dit-il, surpris. Je ne savais même qu'on les avait encore ! C'est une des boules qu'on avait faites nous-mêmes en noël. Chacun avait fait la sienne et signé de son nom.

- J'ai la tienne ! annonça Théa en leur présentant une boule entièrement peinte en rouge et bordée de motifs indigo. Elle est jolie !

- Je crois qu'on a cassé celle de Cordelia quelques années plus tard...

- C'est moi qui l'ai cassé, intervint Lysandra. Sans faire exprès, bien sûr.

Leonidas lui jeta un regard dubitatif.

- Bien sûr, répéta-t-il.

Elle se contenta de lui adresser un sourire innocent qui ne lui allait pas du tout. Julian réalisa qu'elle avait un peu le même que Matthew quand il tentait de mentir à des professeurs : ça tenait plus du rictus qu'autre chose et ça les trahissait directement.

- Oh Ju', regarde ! s'exclama soudain Charlotte. J'ai trouvé celle de maman !

Il se retourna. Assise en tailleur devant le second carton, sa sœur tenait entre ses mains une boule verte avec un corbeau et un rouge-gorge peints dessus. Il reconnut le style de sa mère en un coup d'œil : il était certes moins élaboré que ce qu'il avait été une fois adulte, mais sa touche était là. Une boule se forma dans sa gorge.

Instinctivement, il tendit la main et Charlotte lui céda la boule. Du bout du doigt, il traça les lettres noires qui formaient son prénom : Aurélia. Il tenta de se l'imaginer plus jeune, assise à la table du salon avec un air concentré sous son rideau de cheveux blonds et un pinceau à la main entourée de Robert, Cordelia et Leonidas. La boule aux creux de sa gorge se serra.

- Elle était plus douée que nous tous pour la peinture, commenta Leonidas en s'approchant.

- Oui, elle était douée pour tout ce qui était artistique... Mais elle préférait l'aquarelle.

- Elle faisait des tableaux ? interrogea Lysandra qui s'était rassise dans son fauteuil.

- Pas souvent... dit-il. Elle disait toujours qu'elle n'avait pas le temps.

- Ah la vie de mère. Un travail à plein temps.

- Qu'est-ce que t'en sais ? fit Théa, perchée sur l'escabeau à enrouler une énième guirlande. (Elle se figea en plein mouvement et parut réaliser la dureté de sa question). Pardon, je ne voulais pas le dire dans ce sens-là...

Lysandra balaya ses excuses de la main.

- Oh crois-moi j'ai l'habitude. Et je le sais parce que j'ai vu ma sœur avec ses trois enfants.

Julian tiqua. Il ne voulait pas causer de disputes et se retint de commenter, mais il savait que Cassiopée Bones, tout honorable qu'elle soit, ne pouvait pas être appelée une mère présente. Pas plus que son mari. Il avait assez écouté Matthew s'en plaindre à mots couverts pour le savoir. Il savait que c'était un sujet douloureux pour son meilleur ami et que son orgueil l'empêchait de s'étendre dessus. Il avait simplement deviné, au cours des années, que Matthew en voulait surtout à son père de pas avoir été assez présent pour lui quand il était petit, lui le premier enfant arrivé par surprise. Ce n'était pas un hasard si les Bones avaient ensuite attendu presque dix ans pour ravoir des enfants.

Il n'eut de toute façon pas à répondre car grand-mère Isadora entra à cet instant. Ses yeux perçants se posèrent immédiatement sur leur sapin.

- Et bien, beau travail ! Il n'avait pas été aussi beau depuis longtemps.

- C'est parce qu'Archer a un sens de la décoration proche du niveau d'un strangulot, rétorqua Théa. Cette année, j'avais de meilleurs coéquipiers.

Du pouce, elle le désigna lui et Charlotte et il lui jeta un regard indigné.

- « Coéquipier » ? répéta-t-il.

- Déjà t'es arrivé en retard, Julian, t'as rien à dire.

Il se retint de la pousser dans le sapin.

- Bon allons les enfants, rappela à l'ordre grand-mère Isadora. C'est une journée chargée, je dois aider Tikky à préparer le repas de ce soir et à installer les décorations. (Elle pivota, sa canne fermement à la main). Leo ! Ne pense pas partir comme ça, tu vas m'aider. Ça te maintiendra occupé en ce noël difficile. Lysandra, bien entendu, tu es la bienvenue pour te joindre aux préparations.

- C'est aimable à vous, Mrs Grims.

Lysandra inclina la tête poliment même si ses lèvres pincées indiquaient clairement qu'elle aurait préféré ne pas être convié à une telle tâche. Julian faillit lui rappeler sa formule du « sens de l'effort », mais il s'attarda sur le visage de son parrain qui s'était fermé. Il se demanda ce que sa grand-mère entendait par « noël difficile ». Il faillit poser la question, mais Théa le tira par la main.

- On va vous laisser à l'organisation, dit-elle en se dirigeant vers la porte. A plus tard !

Ils sortirent donc tous les trois de la pièce au son des dernières notes de gospel que laissaient échapper le gramophone. Dès que la porte se referma sur eux, sa sœur se mit à bondir sur place.

- Je vais aller chercher papa et tante Cordelia, on doit aller faire une balade pour voir New York à noël ! Ils m'ont promis ! Vous voulez venir ?

- Avec cette neige ? s'exclama-t-il en même temps que Théa.

Charlotte éclata de rire.

- Surtout avec cette neige ! Mais c'est pas grave, restez-là, je pourrais vous trouver des cadeaux.

- Charly, tu n'as pas besoin de...

- Arrête Lottie, tu ne vas pas...

Mais avant d'entendre leurs protestations, Charlotte était parti avec un signe de la main vers le petit salon où Julian entendait son père et sa tante terminer leur petit déjeuner. Il soupira.

- Laisse-la, conseilla-t-il à Théa tandis qu'ils commençaient à remonter les escaliers, elle n'écoute jamais rien.

- Et pourtant, c'est pas faute d'avoir essayé, je me trompe ?

Il grimaça.

- Lottie a gagné une certaine... indépendance depuis deux ou trois ans, admit-il.

- Elle n'a plus quatre ans, c'est tout.

Sans bien réussir à déterminer pourquoi, la remarque de sa cousine – qui n'était pas plus méchante que celles de d'habitude sur l'échelle de Théa Grims – le piqua d'agacement et il crispa sa mâchoire avant de répondre :

- Je sais, merci. Tout le monde n'arrête pas de me le rappeler.

- Parce que tu as l'air de souvent l'oublier, c'est tout, dit-elle en passant le premier pallier. Ça aussi on te l'a déjà dit. Je ne suis pas souvent d'accord avec Liam et pourtant je...

- C'est bon, Théa, s'exaspéra-t-il. J'ai compris ! Tu vas continuer à me dire comment je dois être avec ma sœur longtemps ?

Surprise, Théa ralentit et il la dépassa de plusieurs marches avant de s'en rendre compte. Il se retourna. Le visage impassible – ce masque si déroutant qu'il l'avait abordé tant de fois les premières semaines aux Etats-Unis –, elle le fixa plusieurs secondes avant de se reprendre.

- Eh, ne t'en prends pas à moi juste parce que quelqu'un ose enfin te dire la vérité ! Charly a peut-être explosé une fois, mais clairement t'as besoin de rappels plus constants.

- Mais qu'est-ce que t'en sais même ? Tu la connais depuis deux mois !

- Julian, il faut être aveugle pour ne pas voir qu'elle demande à ne plus être couvée par la mère poule que tu es avec elle !

A nouveau, il se crispa. Ils s'étaient tous les deux arrêtés en plein milieu de l'escalier désormais et il s'en voulut presque d'avoir laisser transparaître son agacement. Théa était le genre de personne à s'échauffer en une seconde, comme le montrait parfaitement cette conversation. Pourtant, pour une fois, il n'eut pas envie de la laisser gagner en balayant sa remarque de côté. Il voulait qu'elle comprenne.

C'était bien beau pour les autres : ils ne voyaient Charlotte que comme Charly, la nouvelle personnalité joyeuse et fonceuse de sa sœur. Ils ne connaissaient pas la petite fille qui s'était accrochée à lui le jour de sa rentrée à Poudlard, celle qui venait le voir les larmes aux yeux parce qu'une fille de son dortoir n'arrêtait pas de l'exclure des conversations, ou encore celle qui s'était éreintée à faire du sport tout un été parce qu'un garçon de sa classe lui avait dit qu'elle était trop grosse. Lui, il avait été là pour chacune des étapes. Et même s'il savait que Lottie avait gagné en assurance, il savait aussi que ses insécurités n'étaient pas loin sous la surface.

Avant, leur mère aidait souvent Charlotte à surmonter ses peurs et à l'apaiser. Elle lui faisait aussi garder les pieds sur terre en lui rappelant l'importance de sa réussite scolaire. Aujourd'hui, comme le rappelait Théa, il n'y avait plus que lui pour endosser ce rôle et il eut l'impression de sentir une corde se rompre dans sa poitrine.

- Qu'elle demande à ne plus être couvée par la mère poule, hum ? répéta-t-il en haussant la voix sûrement trop fort. Mais Théa, si je ne le fais pas, qui le fera ? Au cas où si t'as échappé, on n'a plus de mère ! Et notre père commence tout juste à remonter la pente ! Alors Lottie peut faire ce qu'elle veut, mais elle ne s'en plaignait pas cet été quand je répondais à chacune des lettres de condoléances qu'on recevait au nom de toute la famille ; elle ne se plaignait pas non plus quand je gérais la plus grande partie du déménagement alors qu'elle passait ses journées avec ses amies ! Je n'ai rien dit, je l'ai laissé faire ! Je voyais qu'elle en avait besoin pour aller mieux et je l'ai laissé faire. Mais ça ne veut pas dire qu'elle peut faire tout ce qu'elle veut ici. Si personne n'est là pour lui rappeler, elle se concentrait seulement sur le Quodpot ou les acrobaties sur balai alors qu'elle a un examen à rattraper en janvier ! C'est bon, vous comprenez maintenant ?

Et dans un accès d'irritation, il donna un coup sur la rampe d'escalier pour ponctuer sa tirade avant de se remettre à monter les marches. Il se sentit brusquement plus léger, comme si un poids avait été levé de sa poitrine. Il aurait sans doute encore pu continuer pendant de longues minutes sur cette lancée, mais sa colère était apaisée pour le moment. Il avait pu l'extérioriser, au moins dans une infime partie, et il espéra que Théa comprenait mieux. Malgré tout, il laissa les mots de sa cousine tourner dans sa tête : il devait mettre sa mauvaise foi de côté et reconnaître qu'elle avait raison. C'est juste qu'il avait du mal à s'adapter à l'évolution de sa sœur...

- Julian ! Attends !

Il se retourna. Deux par deux, Théa montait les marches au pas de course pour le rattraper. Elle le rejoignit en quelques enjambées, ses cheveux bruns se balançant en rythme.

- Quoi ? fit-il un peu trop sèchement.

- Désolée, d'accord ? Marque-le bien, je ne le répéterai pas, mais je suis désolée. Je n'avais pas à te dire ça, surtout pour si peu... C'était plus une remarque générale mais ce n'était clairement pas le moment et... je n'avais même pas à le faire. Donc désolée.

Pris au dépourvu par ce changement radical, il dévisagea sa cousine. Elle garda ses yeux bleu cobalt plantés dans les siens.

- Il est où ? lâcha-t-il.

- Il est où quoi ? rétorqua-t-elle, sourcils froncés.

- Le polynectar que vous avez pris pour imiter Théodora Grims.

Ce fut à son tour de le dévisager, puis un sourire étira son masque froid, révélant la Théa qu'il avait appris à connaître. Elle éclata de rire.

- T'es un idiot, Julian. Vraiment.

Il lui fit un simulacre de révérence.

- Ravi de vous divertir, Votre Altesse.

- Mais arrête avec ça ! Je vais tuer Liam Cooper !

Elle roula des yeux. Puis, aussi vite qu'il était arrivé, son sourire se réduisit avant de s'évanouir et elle resta songeuse face à lui. Il se fit la remarque qu'elle avait les traits étonnements expressifs. Elle ne les tenait certainement pas de sa mère, toujours si composée, même si elle partageait ensemble leurs yeux et la forme de leur nez retroussé. Soucieux de ne pas relancer une dispute, il la laissa chercher ses mots alors qu'elle hésitait visiblement à lui dire quelque chose.

- Tu sais ce que tu disais... commença-t-elle, le regard dans le vague. Sur le fait que ta mère n'était plus là maintenant...

- Oui... ?

- Ca ne t'a pas fait... bizarre de quitter votre apparemment à Londres ? De quitter l'endroit où vous viviez avec elle ?

Il ne s'était pas attendu à cette question. Avec un coup au cœur, l'image de leur salon à Londres s'imposa à lui dans une image presque déformée. Ce n'était pas la dernière vision qu'il en avait eu, c'était celle que son esprit conservait où toute la famille y était réunie pour fêter noël. Il déglutit pour essayer de ravaler la boule familière dans sa gorge.

- Si, évidemment... répondit-il. Pour l'instant, l'appartement est loué à un couple sorcier donc je sais qu'on pourra le récupérer en rentrant mais ça fait quand même bizarre. Pourquoi ?

- Parce que ça m'a fait penser à quelque chose... Au fait que les gens ne sont plus là, mais que leur souvenir est partout dans un lieu.

Incertain, il commençait malgré tout à avoir une petite idée de ce dont elle parlait. Il retourna les mots plusieurs fois dans sa tête avant d'avancer prudemment :

- Et tu le sais à cause de Théo ?

Théa tressaillit.

- En quelque sorte... Je pensais aussi à grand-père Gerbert. En fait, je pensais surtout à une pièce dans la maison... (Elle hésita encore une seconde avant de se remettre en marche). Viens avec moi.

Sans l'attendre, elle continua à monter l'escalier, le dépassant d'un pas volontaire. Il lui emboîta le pas sans protester, curieux. Arrivés au troisième étage, ils s'engouffrèrent dans le couloir qui donnait sur les chambres de Théa et de tante Cordelia. Il ne s'y était jamais aventuré, se contentant de regarder depuis le pallier pour ne pas empiéter sur leur espace personnel. Cette partie de la maison n'était de toute façon pas bien différente de la sienne : même boiseries, même tapis qui recouvrait le parquet ancien, même lustre en cristal pour éclairer... Ils dépassèrent plusieurs portes avant de s'arrêter devant celle au fond du couloir. Il la contempla, perplexe.

- Pourquoi tu... ?

- Attends, coupa-t-elle d'une voix tremblante. Laisse-moi deux minutes. Je ne suis plus rentrée ici depuis des années.

Il se tut. Il comprenait le besoin de Théa de s'armer pour faire face à ce qui se cachait derrière ce battant, peu importe ce dont il s'agissait. Il se mit à compter dans sa tête. Il était presque arrivé à cinquante quand elle hocha finalement la tête.

- On peut entrer, déclara-t-elle.

Et sans attendre, comme pour s'empêcher de partir en courant, elle ouvrit la porte. Le ruban rouge qu'elle portait au poignet accrocha un rayon de soleil venu de la fenêtre à leur gauche et il se concentra sur la nuance vermeille avant de lever les yeux vers la pièce nouvellement dévoilée. Il passa le seuil, le souffle coupé. Il ne s'était pas attendu à ça.

Plongée dans l'obscurité, il distingua d'abord la silhouette d'un berceau en plein milieu de la pièce qui était visiblement une chambre d'enfant. Des cubes avec des petits sorciers gravés dans le bois s'alignaient sur un grand tapis et un cheval à bascule, presque fantomatique, se découpait juste derrière. Il avança un peu plus. Contre le mur, une grande armoire en bois s'élevait presque jusqu'au plafond et il plissa les yeux pour tenter de lire l'inscription latine qui recouvrait les portes. Théa se chargea de traduire :

- « Il faut être enfant dans l'enfance pour être raisonnable dans l'âge de la raison », murmura-t-elle d'une voix atone.

Julian déglutit. Il remarqua soudain les dessins sur le papier peint délavé : des fées dans un jardin qui voletaient autour de gnomes, des géants autour d'un feu, un chaudron qui explosait en milles couleurs... Au début, il crut que l'obscurité lui jouait des tours mais il se rendit compte que les dessins se mouvaient lentement, comme au ralenti. Le sortilège à l'œuvre devait s'être estompé au fil du temps et personne n'était venu le relancer.

- C'était...

- La nurserie, oui, dit Théa en confirmant son intuition. La chambre pour jouer... Tous les enfants de la famille commencent leur vie ici. Théo ne l'a jamais quitté.

Du bout des doigts, elle traça un sillon de poussière sur une petite table où reposait une dînette complète, figée dans une mise en scène presque angoissante.

- Je ne voulais plus revenir ici après... après l'enterrement. Ma mère a essayé, mais je me mettais à pleurer. Grand-père a eu pitié. A ce qu'il parait, il m'a sorti en m'arrachant au bras de ma mère et la nurserie a été fermée à clé pendant des années. Même Tikky avait interdiction d'y entrer.

- Théa...

- Je ne sais pas pourquoi je voulais te montrer ça... Je me suis dis que tu comprendrais, même si c'est différent...

Elle avait raison. Leur situation était différente. Elle avait perdu un frère il y a plus de dix ans, il venait de perdre une mère. Et pourtant, il comprenait la douleur qu'elle ressentait : elle était universelle, transcendait le temps et dépassait les liens familiaux.

- Je comprends, Théa, souffla-t-il. Vous étiez souvent ensemble ici ?

- Tout le temps. Je m'en souviens à peine, mais j'ai des flash parfois... Tu vois le cheval juste-là ? dit-elle en le désignant d'un geste de la main. Il adorait monter dessus et je me mettais derrière pour le faire bouger, comme s'il galopait. Enfin, je ne sais même plus si je m'en souviens ou si on me l'a raconté...

Il hocha la tête. C'était souvent le problème avec l'enfance. Les souvenirs finissaient par se brouiller avec les récits racontés. Prudemment, il s'approcha du cheval et toucha les poignées sur le côté. Le jouet se mit à se balancer doucement d'avant en arrière.

- De quoi tu te souviens ? De Théo, je veux dire ? osa-t-il demander.

- Hum... Je ne sais pas, c'est assez flou comme je te dis... Je me souviens surtout de l'enterrement et de Leonidas qui me tient la main. Je me souviens d'entendre ma mère hurler quand le cercueil descend en terre.

Julian grimaça. Pas étonnant que le souvenir de Théo reste si douloureux pour Théa si elle n'avait que le traumatisme de sa disparition en tête. Lui au moins pouvait penser aux bons moments avec sa mère. Il s'accrochait à ça même. Sur une idée soudain, il s'assit sur le tapis en tailleur et il fit signe à sa cousine de le rejoindre.

- Viens, on va essayer quelque chose, suggéra-t-il.

- Quoi ?

- Tu vas regarder tous les objets ici : les cubes, la dinette, le cheval, l'armoire, les poupées... Peu importe. Et tu vas essayer de te souvenir d'un moment avec Théo.

- Mais je t'ai dit, je ne m'en souviens pas...

- Pas grave : invente.

Elle haussa un sourcil.

- A quoi ça sert ?

- A tenter de le retrouver... A tenter de te souvenir de lui pour autre chose que sa mort.

- Mais...

- Allez, essaye.

Théa soupira. Peut-être que le ton de défi de sa voix la fit plier, mais elle s'exécuta. Elle promena ses yeux sur l'ensemble de la pièce avant de s'arrêter sur la dinette.

- Je crois... je crois qu'il détestait y jouer avec moi. Il disait que c'était un jeu de filles. Archer et lui ont rempli toutes les tasses de terre un jour et j'étais furieuse.

- Archer venait souvent ?

- Oui. Il avait juste un an de plus que nous donc il était aussi beaucoup dans la nurserie. Il pouvait passer des heures là-bas à jouer avec des figurines de sorciers et à inventer des combats magiques. Il piquait une crise si Théo ou moi on y touchait.

Julian sourit. Il arrivait parfaitement à se l'imaginer.

- Quoi d'autre ? pressa-t-il.

- En fait, il y a une chose dont je me souviens... avoua-t-elle avec prudence. Je suis pratiquement sûre que je ne l'ai pas inventé au moins. (Elle leva son bras et désigna son ruban rouge). C'est Théo qui me l'a offert, révéla-t-elle après quelques secondes. C'était sur une de mes tenues pour un mariage d'un ami de la famille. Nos parents nous avaient demandé d'être sages, mais on avait quatre ans... Ma robe s'est prise dans les ronces du jardin où avait lieu la réception et je me suis mise à pleurer quand mon ruban s'est déchiré parce que j'étais sûre que j'allais être grondée. Théo a dit qu'il était joli même comme ça et il l'a noué à mon poignet.

- Et alors ? Ta mère a dit quelque chose ?

- Oh oui, elle a crié dès qu'on est rentrés. Mais j'aimais bien le ruban comme ça alors je le remettais souvent. (Soudain, elle eut les larmes aux yeux et il lui laissa le temps de se reprendre avant qu'elle ne poursuive). Quand Théo a été hospitalisé, il portait un bracelet d'identification. Il le détestait, il n'arrêtait pas de vouloir l'enlever... Alors je lui ai mis mon ruban à l'autre poignet pour faire plus joli.

Avant même qu'elle ne termine son histoire, Julian comprit où elle voulait en venir. Ce ruban avait représenté son lien avec son jumeau malade avant que la maladie ne l'emporte et elle l'avait récupéré à sa mort. Son estomac se contracta en songeant que c'était encore un objet qui la rattachait au destin tragique de Théo.

- Théa...

- Je suis désolée, murmura-t-elle en battant furieusement des cils pour retenir ses larmes. Je sais que ce n'est pas vraiment ce que tu veux entendre. Je suis sûre qu'on t'a dit que la douleur finit par s'estomper avec le temps, que ça finira par aller mieux... C'est vrai en un sens. Il y a des jours où tout va bien. (Elle serra les poings sur ses genoux). Mais Théo... C'était la moitié de moi. Sur les photos de nous bébés, on n'arrive même pas à nous distinguer avant que mes cheveux commencent à pousser. Et j'ai l'impression que... qu'on m'a volé la moitié de ma vie depuis dix ans. Mon frère, mon père...

- Je sais... Moi aussi, j'ai l'impression que c'est toute ma vie qui a été arrachée. Mais... j'ai aussi gagné autre chose en échange.

Théa émit un ricanement étranglé.

- Quoi ? Un vieux manoir et une famille timbrée ?

- Un patrimoine immobilier et une cousine sur laquelle me défouler, corrigea-t-il avec pragmatisme.

Cette fois, l'éclat de rire de Théa vint du fond de sa gorge et elle rejeta la tête en arrière en riant. Il l'imita. C'était étrange de rire dans un endroit pareil qui portait tout le poids du deuil d'une famille, mais il eut l'impression que les couleurs du papier peint en étaient déjà plus vives. Dans un geste spontané, Théa lui attrapa soudain la main et la serra avec force.

- Merci Julian...

- Je n'ai vraiment rien fait.

- Non, c'est vrai, reconnu-t-elle. Mais tu es le premier à comprendre que j'ai peut-être juste besoin d'en parler sans qu'on me dise grand-chose en retour.

Il hocha la tête, touché.

- Enfin, ne t'inquiète pas, reprit-elle avec son assurance plus coutumière. Ça ne veut pas dire que je vais te faire des faveurs au Club de Duels. Tu vas continuer à mordre la poussière.

- C'est ça, n'y compte pas, je vais finir par comprendre ton style. Et ce jour-là, tu n'auras même plus le temps d'attraper ta baguette avant d'être désarmée.

Théa roula des yeux en faisant une moue dubitative. L'air plus léger, elle se releva finalement et l'imita avant de se diriger vers la porte. Elle fit bouger une dernière fois le cheval à bascule avec un air nostalgie, puis elle le rejoignit avant de refermer le battant sur la nurserie de son enfance. Il espéra qu'elle arriverait à y entrer à nouveau le cœur plus léger.

Ils retraversèrent le couloir en silence, encore habités par l'étrange atmosphère de la chambre d'enfants, et aperçurent au dernier moment Leonidas qui montait les escaliers.

- Ah vous êtes là, s'exclama-t-il. Je vous cherchais. Ethan, Charly et Cordelia sont partis faire des courses de dernière minute. Ça vous dérange de nous aider à terminer d'installer les décorations ?

- Je croyais que vous n'aviez justement pas besoin de nous ?

- Isadora a sous-estimé la charge de travail. Surtout que nous aurons... des invités en plus.

Julian sentit une once d'espoir s'allumer en lui.

- Quoi ? Qui ?

- Pas d'Angleterre, s'empressa de préciser son parrain d'un ton désolé. Mais il faut aménager un peu le salon pour accueillir tout le monde. Théa, tu peux aller chercher la couverture rangée dans l'armoire de la chambre de ta mère ?

- La couverture ? Mais pourquoi ?

- Je vous explique après.

Théa soupira, mais obtempéra. Elle repartit en arrière dans le couloir et il attendit qu'elle s'engouffre dans la chambre de sa mère avant de poser la question qui était restée dans un coin de sa tête à son parrain :

- Eh Leo ? Pourquoi grand-mère a parlé d'un noël difficile ?

- Oh... Hum... D'habitude, je ne fête pas noël avec les Grims, avoua-t-il, l'air soudain triste. Je viens autour des fêtes bien sûr, mais je le passais le réveillon dans ma maison d'enfance à Boston. Cette année est un peu différente... Je voulais être là pour toi et Charly, bien sûr, mais surtout... Ma mère est malheureusement décédée le mois dernier. Ça n'aurait pas eu de sens de rester seul avec Lysa à Boston dans une grande maison vide.

Choqué, Julian garda le silence. Il n'avait eu aucune idée que la mère de Leonidas était morte récemment et personne ne l'avait prévenu. Il se sentit mal pour son parrain. Même adulte, perde une mère restait une épreuve et il eut l'impression que le lien entre eux se renforçait étrangement. Il songea une seconde à lui adresser ses condoléances, puis il se rappela qu'il avait lui-même détesté ce genre de paroles vide de sens. Il se contenta d'être sincère.

- Je suis désolé...

- Merci... Tu sais, elle était malade depuis longtemps. Ses poumons n'arrivaient plus à suivre. Elle s'est endormie et ne s'est pas réveillée. Finalement, c'est peut-être ce que je lui souhaitais. Mais allons, c'est noël et il vaut mieux tenter de penser à autre chose. Je ne voulais pas vous le dire tout de suite pour justement éviter de vous rappeler des sentiments douloureux pour ces vacances.

- Ouais... Ca fait bizarre de fêter noël sans elle.

Leonidas sourit à nouveau tristement et il passa un bras autour de ses épaules.

- Je sais... Crois-moi, je sais. Mais ça va bien se passer. Allez, viens. Le sapin attend toujours en bas, Isadora veut le déplacer.

- Oh non...

- Le sens de l'effort, Julian ! Le sens de l'effort ! lui rappela son parrain d'un dramatique.

**

*

Julian devait le reconnaître : leurs efforts avaient payé. Le salon était métamorphosé. Les meubles avaient été poussés contre les murs et le sapin trônait maintenant en bonne place à côté de la cheminée. Un sort avait été jeté pour le rendre inflammable juste au cas où. La table était aussi somptueusement dressée. Elle faisait presque la moitié de la longueur de la pièce et une grande nappe blanche la recouvrait. Plusieurs chandeliers en cuivre jetaient des lueurs et des ombres sur les assiettes en porcelaine décorées de fils d'or et même l'argenterie avait été sorti des tiroirs. Mais le plus impressionnant restait le plafond. Isadora et Lysandra avaient accroché une cinquantaine de petites étoiles scintillantes qui flottaient dans l'air en se déplaçant doucement. Le tout donnait un air de fête chaleureux et ils se retrouvèrent tous à observer avec émerveillement dans leur tenue de soirée que grand-mère Isadora avait exigé. Inutile de préciser que Julian avait dû demander de l'aide à Leonidas pour son nœud de cravate.

- C'est remarquable, complimenta son père en détaillant le salon du regard. Isadora, vous vous êtes surpassée !

- Merci Ethan, mais j'ai été aidée.

- Le sapin, c'est nous ! revendiqua Théa. Nous sauf Archer.

Elle lui lança un regard entendu. Accoudé au buffet, l'air renfrogné, il la toisa avec froideur.

- Je m'en fiche de ton sapin, Théa, grommela-t-il.

- Archer, voyons, réprimanda oncle Robert. Ne parle pas à ta cousine sur ce ton et arrête de te comporter ainsi. C'est Noël par Morgane !

- Justement, intervint grand-mère avant qu'Archer ait pu répondre. C'est Noël et tout le monde devrait le passer en famille ou avec des proches autour d'un repas chaud. C'est pour cela que j'ai pris une décision.

- Une décision ?

- Oui, Robert, tout à fait. Ce n'est que pour ce soir et demain, puis les choses retourneront à la normale. Mais nous nous devons d'être humains. Rester fermement sur mes positions m'a un jour coûté une fille, ça ne me coûtera pas un petit-fils. (Elle leva sa canne). Tikky, faites-les entrer.

- Bien, ma Dame.

Perplexe, toute la famille se tourna vers la porte. Julian écarquilla alors les yeux en découvrant Elizabeth Yaxley dans une magnifique robe verte, les cheveux soigneusement relevés, tenant dans ses bras son bébé avec un sourire. Le visage d'Archer s'éclaira.

- Elizabeth !

- Mère, protesta immédiatement oncle Robert, vous ne pouvez pas...

- Je le peux parfaitement, je suis chez moi, coupa-t-elle, catégorique. Cette jeune femme est notre invité, vous l'accueillerez avec égard. Nous avons convenu elle et moi que cet arrangement n'était que temporaire, le temps de fêter Noël ensemble. Cet enfant a le droit à un vrai soir de fête, vous ne croyez pas ?

Vu la tête de l'oncle Robert de la tante Dilysa, ils n'étaient pas ravis – même avec les meilleures intentions – de voir leur fils encourager dans son idylle avec une fugitive accusée de magie noire. Archer, lui, les ignora et guida Elizabeth jusqu'à la table avant de prendre le petit Archibald dans ses bras pour le déposer sur la couverture que Théa avait ramené tout à l'heure.

- Est-ce que c'est la couverture qui me sert de couvre-lit ? s'indigna tante Cordelia.

Personne ne daigna lui répondre. Ils étaient tous occupés à regarder le bébé se mettre à rouler sur lui-même en babillant joyeusement.

- Il fait son intéressant, déplora Elizabeth. Il arrive tout juste à se mettre debout maintenant, il pourrait faire un effort.

- Il le fera quand personne ne le regardera, prédit Lysandra en allumant une cigarette. Matthew faisait ça, ce chenapan.

- Il nous faisait surtout trébucher tout le temps en voulant s'accrocher à nos jambes...

Et juste comme ça, la tension se brisa un peu et les conversations emplirent l'espace. Leonidas se chargea à nouveau de la musique, comme ce matin, et Théa se fit un devoir de râler quand il remit du gospel américain. Julian sourit en voyant sa sœur s'agenouiller près du bébé pour jouer avec lui tandis que son père – qui avait retrouvé leur vieil appareil – prenait des photos. Il s'approcha de lui.

- Il fonctionne encore ? s'enquit-il en désignant l'objet.

- Oh ce truc ? Oui, il faut croire. Cordelia a trouvé une pellicule sorcière cette après-midi quand on a été se promener. Elle m'a dit que ça serait mon cadeau en avance et je dois dire que c'est une bonne idée.

- Est-ce que tu peux prendre en photo la tête d'oncle Robert ? chuchota-t-il. Pour la postérité ?

Son père lui jeta un regard d'avertissement, mais pivota malgré tout pour avoir son beau-frère dans l'angle de l'appareil.

- Je vais voir ce que je peux faire, dit-il d'un ton neutre.

- Merci. Et dit, j'ai oublié de te demander, mais tes recherches ? Ça avance ?

- Oh oui, oui. J'arrive beaucoup mieux à me concentrer ici. J'ai décidé d'en faire un livre pour tout te dire. Ça fait longtemps que je n'avais pas publié et j'ai passé un coup de cheminette à mon éditeur à Londres. La période est compliquée, mais il m'a assuré qu'il serait ravi de voir mes nouveaux travaux.

- C'est génial !

- N'est-ce pas ? Ca me permettra de rembourser en partie Isadora pour son hospitalité.

- Elle refusera ton argent, Ethan, je te l'ai déjà dit, intervient soudain Leonidas en s'approchant.

Julian se tourna vers lui. Il avait un verre de champagne dans une main et une cigarette dans l'autre. Il fit signe à Lysandra d'approcher à l'autre bout de la pièce.

- Tu en veux un peu ? proposa-t-il en lui tendant le verre.

- J'ai seize ans.

- Bonne réponse, c'est ce que je voulais entendre. Ah Lysa, merci. (Il passa sa cigarette à sa femme qui en échange lui donna un paquet emballé maladroitement). Tiens, je dois te donner ça.

Etonné, il prit le paquet par réflexe. Il était mou et malléable sous ses doigts.

- A moi ? Mais Noël, c'est demain.

- Pas à Londres, corrigea Lysandra avec un sourire énigmatique. On est déjà le 25 décembre là-bas et nous avons été missionnés par un garçon embêtant qui a de la chance que les envoies transatlantiques continuent à fonctionner alors qu'il s'y prend à la dernière minute pour envoyer ses cadeaux.

Matthew, comprit-il avec excitation. Sans attendre, il se mit à déchirer le papier. Il faillit éclater de rire en constatant que le paquet en contenait trois autres plus petits, comme des poupées russes. Patiemment, il déballa le premier : c'était un carnet spiral aux pages épaisses à grain. Un carnet parfait pour dessiner au fusain, sa nouvelle obsession. Il n'arrivait pas à croire que Matthew l'ait retenu.

- Ouvre la première page, conseilla son parrain.

Il s'exécuta. Immédiatement, il reconnut l'écriture de son meilleur ami : « Ce carnet est la propriété de Matthew Leo Bones. Il me reviendra quand Julian Shelton aura eu l'obligeance de le couvrir de dessins qui se vendront des millions dans quelques années : je pourrais alors le revendre et devenir riche, ce qui était mon plan de carrière depuis notre rencontre. Joyeux Noël, Ju' ». Il éclata de rire à nouveau.

- Quel idiot... Comme s'il n'était pas déjà plus riche que nous tous...

- Ça reste à débattre, nuança Lysandra en tirant une bouffée de sa cigarette, à moins que ça ne soit celle de son mari. Leo, appelle ta banque demain pour voir qui gagne entre les Bones et les Grims.

- Je pense qu'on connait la réponse à cette question.

Laissant Leonidas et Lysandra se chamailler, il continua à déballer ses cadeaux en avance. Le deuxième paquet était un peu plus grand et il découvrit une jolie boîte ouvragée dont il souleva le couvercle : elle contenait des bonbons anglais, des feuilles de thé, et des gâteaux. Un mot était glissé à l'intérieur, mais ce n'était plus l'écriture de Matthew. C'était celle de Hanna. « Pour compenser ton mal du pays, autant remplir ton estomac ! J'avoue, je profite honteusement du fait que Matthew paye le voyage outre-Atlantique pour te donner mon cadeau. J'espère qu'il te plaira. Tu me manques, Hanna ».

Touché, il fixa le mot quelques secondes. Il réalisa que sa dernière lettre à Hanna datait maintenant de deux semaines. Heureusement, il avait prévu un cadeau pour elle. Jusqu'à présent, il n'était pas sûr de la façon dont il allait le lui remettre, mais il décida qu'il ferait comme elle : il le glisserait avec son cadeau pour Matthew qui se chargerait de faire le message.

- C'est gentil de la part de Hanna, commenta son père en se permettant de piocher dans un bonbon. Ça fait une éternité que je l'ai pas vu, je ne savais pas que tu étais encore son ami.

- Ah... Hum, si...

Il se rendit brusquement compte qu'il n'avait jamais mis son père au courant de sa relation avec Hanna. Ils s'étaient mis ensemble en début d'année et les mois avaient défilé sans qu'il ne prévienne ses parents, voulant d'abord voir si Hanna et lui arrivaient à passer la transition difficile d'amis à couple. Puis, l'attentat des Archives avait eu lieu et annoncer quelque chose d'aussi trivial lui avait paru ridicule, surtout dans l'état dans lequel avait été plongé son père.

A sa gauche, Leonidas haussa un sourcil. Lui connaissait la vérité sur Hanna puisqu'il lui avait dit lors de leurs retrouvailles au Village à Halloween. Gêné, il sentit le regard de son parrain pesé sur lui et il soupira.

- En fait, papa...

- Oui ?

- Je vois encore Hanna... Elle... Enfin, elle et moi on...

Il fit un geste de la main qui ne voulait absolument rien dire et se retint de faire volte-face pour aller rejoindre Charlotte dans une échappée misérable. Lysandra étouffa un rire dans son verre de champagne.

- On sort ensemble, lâcha-t-il finalement avec toute la conviction dont il était capable.

Son père cligna des yeux, surpris.

- Toi ? Avec Hanna Faucett ?

- Quoi ? C'est si surprenant ?

- Oh non, non ! C'est juste que... je ne m'en étais pas douté. Mais je ne suis pas le plus perspicace pour ces choses-là. (Il fronça les sourcils). Mais tu es avec elle depuis longtemps ?

- Presque un an...

Cette fois, son père écarquilla les yeux.

- Un an ? répéta-t-il, étonné. Mais... Charly le sait ?

- Tout se sait à Poudlard.

- Et Aurélia ?

Pendant une seconde, il eut l'air blessé que sa femme ait su sans qu'il ne soit au courant et Julian s'empressa de secouer la tête, les mains crispés sur la boîte en fer d'Hanna.

- Non, elle ne savait pas... Je n'ai pas eu le temps...

- Oh...

Il se trouva à court de mots pendant quelques secondes, puis parut se rendre compte qu'on attendait une réaction de sa part et il se râcla la gorge.

- Bien. C'est bien, dit-il avec ferveur. Je suis content pour toi. Et désolé de nous avoir fait déménager si précipitamment, je sais que ça n'a pas dû être facile. Encore plus maintenant que je sais que... que tu as dû laisser Hanna. (Il se racla la gorge à nouveau et joua avec le bord de l'appareil photo). Je suppose que j'ai beaucoup à rattraper. Par Merlin, toi et moi on n'a jamais eu la conversation sur... Si ça fait un an que tu fréquentes cette amie, je veux dire, on devrait...

Il mit une seconde à comprendre ce que son père insinuait et encore une avant qu'un sentiment d'horreur ne le frappe. Lysandra et Leonidas durent se détourner pour cacher leur rire.

- Papa, non, c'est bon ! assura-t-il d'une voix soudain trop aigue. Sérieusement, elle est littéralement de l'autre côté de l'océan !

Tout aussi mal à l'aise que lui, son père parut ravi de saisir cette excuse et il opina du chef.

- Oui, oui, tu as sans doute raison, acquiesça-t-il avant de désigner grand-mère Isadora. Bon, je vais... je vais remercier encore une fois ta grand-mère. Je reviens, d'accord ?

Et sur ce mensonge éhonté, il fuit presque jusqu'à la cheminée où se trouvait la matriarche de la famille. Julian fusilla son parrain qui était en train de rire sans aucune subtilité avec sa femme.

- C'est bon, marmonna-t-il. Vous pouvez arrêter !

- Je pensais que rien ne surpasserait le jour où Edgar a compris qu'il devait avoir la conversation avec tous ses enfants quand Simon est né et s'est avéré être un autre garçon, mais j'avoue que ce moment était proche de le détrôner, s'exclama Lysandra.

- Très amusant...

En vérité, il devait bien avouer que l'idée de voir Edgar Bones – si impressionnant et stoïque – paniquer en réalisant ce qu'il attendait avait quelque chose de drôle et il sourit. Puis, il se souvint brusquement qu'il lui restait un cadeau à ouvrir. Il se remit à déchirer le papier.

- C'est le deuxième cadeau de Matthew, l'informa Lysandra. Il a insisté.

Une seconde plus tard, Julian comprit pourquoi Matthew avait insisté. Il retint un juron.

- C'est officiel, c'est un crétin, déclara-t-il. Je vais le tuer.

- Pourquoi ? héla Charlotte depuis la couverture où elle était assise. Il t'a offert quoi ?

Pour toute réponse, il leva le pull qu'il venait de déballer. Sa sœur éclata de rire tandis que Lysandra levait les yeux au ciel. Même Elizabeth laissa échapper une exclamation et son père se permit de prendre une photo pile à cet instant, sûrement pour immortaliser son air outré.

- Quoi ? Je ne comprends pas ! protesta Théa qui s'était visiblement aussi intéressée à la conversation en entendant tout le monde y prendre part. Il est très bien ce pull !

- Un peu criard, commenta Archer, mais ça pourrait être pire.

- Il est aux couleurs de Gryffondor, voilà ce qu'il a ! expliqua Charlotte en riant. Merlin, il a osé !

- Et cet affront sera vengé, crois-moi. Gryffondor, non mais vraiment...

Avec une grimace, il replia le pull qui devait être d'origine moldu mais qui présentait une similitude troublante avec l'esthétique de ceux de la maison des rouge et or.

- Il aurait été mieux en jaune et noir, affirma Charlotte.

- Ou en vert et argent, glissa Elizabeth.

- Certainement pas.

- Ca y est, grommela Théa, ils reparlent en britannique, je ne comprends plus rien !

- Vive la mère patrie !

- Les enfants, calmons-nous, enjoignit leur grand-mère. Venez, passons plutôt à table. Le dîner vous fera un peu taire.

Ils éclatèrent de rire devant la remarque revêche et obtempérèrent. Julian s'installa entre sa sœur et Théa qui fit mine de le menacer de sa fourchette. Il se contenta de donner un coup dans le pied de sa chaise. Derrière eux, Archibald babillait toujours, étendu sur le dos en agitant ses petites mains vers le plafond.

- Ah oui, j'allais presque oublié, dit grand-mère Isadora. Heureusement que ce petit est observateur.

Elle sortit alors sa baguette, longue et gravée à la base, avant de la pointer vers le haut. Et soudain, les étoiles scintillantes suspendues dans l'air au-dessus d'eux se mirent à briller de mille feux, les éclairant avec chaleur. Il y eu des exclamations ravies tout autour de la table. 

La tête renversée pour observer le spectacle, Julian songea qu'il suffisait parfois de rallumer les étoiles pour se remettre à rêver...

*******************************

Verdict ? 

J'ai vraiment adoré écrire de chapitre, j'étais tour à tour mélancolique et joyeuse, et je pense que ça se ressent. J'espère que vous l'avez aimé autant que moi ! 

Prochain post : 11 octobre - Chapitre 27

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