Chapitre 2 : Mettre sa vie en cartons
Alors... Je sais, ce chapitre était prévu pour dans une semaine mais il se trouve que Perri le voulait et que le timing collait en plus avec son bonus donc... J'ai lamentablement craqué. Réjouissez-vous et remerciez Perripuce, vous avez donc ce chapitre en avance et je posterai certainement le 3e mercredi prochain également. Mais retour aux choses sérieuses avec un mercredi sur deux après hein!
WARNING A LIRE IMPERATIVEMENT !!!
(Imaginez ça en rouge avec des paillettes et des éclairs!!!)
Je précise dans cette intro une chose essentielle. Pour ceux qui lisent Ombres et Poussières de Perripuce, vous remarquerez dans ce chapitre des références et des personnages de son histoire. Notre univers partagé prend forme haha ! Pour ceux qui ne lisent pas Ombres et Poussières, pas de panique, on peut parfaitement comprendre sans (quelques mentions de personnages vous sembleront peut-être un peu floues mais n'hésitez pas à me demander si besoin).
Pour ceux qui reconnaîtront les clins d'oeil, je vais vous demander une chose: vous pouvez exprimer votre fangirlisme (Perri et moi on le fait h24 ^^) mais je vous en supplie NE SPOILEZ PAS. Il y a notamment un fait qui constitue un plot-twist majeur chez Perripuce et j'ai fait exprès de laisser vague ce point pour que seuls ceux qui ont déjà lu son histoire comprennent sans que cela soit explicite. Donc même si vous reconnaissez ce fait, je vous en conjure : PAS UN MOT EN COMMENTAIRE! Ca ne serait ni respectueux envers les autres, ni le travail de Perri.
A part ça, j'espère que ça vous amusera de repérer les références. D'ailleurs, il y en a même quelques unes qui concernent Au temps des Maraudeurs haha! A vous de jouer!
Merci à tous !
PS : On se rappelle, pas un spoil, pitié!
Anna'
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«Il y a dans tout changement quelque chose d'infâme et d'agréable à la fois, quelque chose qui tient de l'infidélité et du déménagement. Cela suffit à expliquer la Révolution française.»
- Charles Baudelaire -
// 28 août 1979 //
Avant de devoir mettre toute sa vie dans des cartons soigneusement étiquetés, Julian ne s'était jamais douté de toutes les affaires qu'il avait accumulé en seize ans d'existence. Assis au milieu de sa chambre, il était entouré par une pile précaire de cartons à moitié remplis d'objets en tout genre : ses romans, ses livres de cours, son chaudron en étain, ses carnets à dessins et ses boîtes à crayons. Il poussa un soupir défaitiste en voyant tout ce qui restait à emballer. Depuis trois jours, il préparait leur déménagement avec acharnement. Plus il s'activait, moins il pensait. De toute façon, il fallait bien que quelqu'un s'en charge car ce n'était pas son père, toujours enfermé dans son bureau, ni Charlotte, trop occupée à faire le tour de Londres pour dire au revoir à ses amis, qui allait l'aider.
Sa sœur avait toujours été plus sociable que lui. A Poudlard, Lottie paraissait rayonner à l'image des couleurs de sa maison. Elle avait un groupe d'amis soudé et attirait spontanément la sympathie des autres. Au mois de mars dernier, il l'avait vu donner des conseils à des troisièmes années en sortilèges. Jonas Gallagher et Artemisia Meadowes l'avaient regardé comme une héroïne alors qu'elle leur réexpliquait patiemment le principe du maléfice du Saucisson. Il s'était fait la réflexion que, même si sa sœur aimait prétendre qu'il était l'intello de la famille, elle ne se débrouillait pas si mal. Grandir avec des parents chercheurs laissait nécessairement des traces. Il s'était d'ailleurs toujours dit qu'il avait atterri à Serdaigle par fibre génétique.
Il allait refermer un carton justement rempli de ses affaires scolaires lorsque sa sœur passa la tête dans l'encadrement de la porte. Elle portait sa veste en jean préférée sur une robe jaune à volants qu'elle avait dû trouver dans une friperie pendant une de ses escapades dans le Londres moldu.
- Eh Ju' ! Lança-t-elle d'une voix enjouée. Si je rejoins Mary cet après-midi, c'est bon ?
- Mary ?
- McDonald. Tu sais, l'ancienne capitaine des Gryffondor l'année dernière ! Elle vient d'aoir son diplôme et elle a proposé à plusieurs joueurs de se retrouver sur le Chemin de Traverse pour aller boire un verre avant la rentrée, peu importe la maison. Même si je ne fais techniquement plus partie de l'équipe, je me disais que je pouvais y aller ?
- Ah... Mais t'as terminé tes cartons ?
Charlotte se mordit la lèvre et il se remit debout, les genoux douloureux.
- Je le ferai demain ? Tenta-t-elle.
- Lottie...
- Charly, corrigea-t-elle.
- Lottie, Charly, Charlotte, peu importe. On part dans trois jours et tout doit être prêt.
- Je sais, je sais... Mais je ne reverrai sûrement pas les autres avant Noël.
- Si on revient pour Noël, soupira-t-il.
Encore une énième inconnue dans cette vaste entreprise. Leur père avait été clair. Il voulait les emmener loin de la guerre et personne ne savait si la situation n'empirerait pas d'ici le mois de décembre. A la simple idée de ne pas revoir grand-mère Jeanne le soir du réveillon, il vit la colère de Charlotte inscrite sur son visage.
- Quoi ? Bien sûr qu'on va revenir pour les vacances ! Pas vrai ?
- J'en sais rien, avoua-t-il honnêtement. Tiens, aide-moi.
Mécaniquement, elle tendit les bras et l'aida à placer le carton en haut de la pile de ceux qui s'entassaient déjà contre le mur.
- Ju' !
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? S'agaça-t-il. Que Tu-Sais-Qui aura disparu pour Noël ? Que les mangemorts seront occupés à déballer leurs cadeaux et nous laisserons tranquille ? Je ne sais pas, Lottie. Si tu crois que ça me fait plaisir, tu te trompes, mais pour l'instant on doit mettre nos vies dans des cartons et tu n'avances pas !
- Excuse-moi de me soucier des gens que je vais laisser derrière moi !
Julian retint un juron, énervé. Si elle croyait qu'il ne ressentait rien, elle se trompait lourdement. Il n'avait aucune envie de quitter l'Angleterre, Poudlard, ses amis, sa grand-mère... A la simple idée de la laisser seule dans un pays en guerre, il sentit la panique monter au creux de son ventre. Il fallait aussi qu'il se soucie de l'appartement qu'ils allaient louer à un couple sorcier. Les papiers traînaient encore sur le coin de la table basse dans le salon... Merlin, la table basse. Il devrait sûrement lui jeter des sorts de protection avant de remettre les clés, elle pourrait facilement se casser et sa mère y tenait beaucoup...
- Julian ! Claqua sa sœur. Tu m'écoutes ?
Il releva la tête.
- Quoi ?
- Oh laisse tomber, s'énerva-t-elle. Je vais rejoindre Mary McDonald, je ferai mes cartons ce soir ou demain matin. Tu préviens papa ?
- Lottie, non !
- Sérieusement Ju', t'es pas ma mèr...
Le mot s'étrangla dans sa gorge et refusa de passer ses lèvres. Julian blêmit. Ils restèrent face à face un long moment, la formule pourtant si banale suspendue entre eux, puis Charlotte tourna les talons. Figé, Julian tressaillit en entendant la porte claquer et il se laissa glisser au sol. La paniqué liée à sa grand-mère ou à l'appartement avait laissé place à un étrange sentiment de vide. « T'es pas ma mère ». Il l'avait bien remarqué. Depuis plusieurs semaines, il ne savait pas gérer les sautes d'humeurs de sa sœur. Elle paraissait elle-même la plupart du temps, mais il avait l'impression de constamment dire un mot de travers ou faire ce qu'il ne fallait pas. Il aurait aimé que son père intervienne, joue le rôle qu'Aurélia avait assumé jusqu'ici, mais il savait qu'aucun sortilège ne pourrait faire comprendre à son père l'importance du contrat de location posé sur leur table basse. Quand Julian avait essayé de lui expliquer où il devait signer et pourquoi, son père l'avait à peine écouté avant de barrer le bas de la page de quelques coups de plume approximatifs qui ressemblaient vaguement à sa signature.
En y repensant, Julian appuya fermement ses paumes contre ses yeux, fatigué. Depuis deux mois, il avait l'impression de porter sa famille à bout de bras. Il n'en voulait pas vraiment à son père ou à Charlotte. Ils faisaient leur deuil à leur manière et il ne pouvait pas attendre d'eux plus qu'ils n'étaient prêts à faire. Pourtant, depuis l'enterrement de sa mère, il n'avait jamais autant souhaité qu'elle soit encore là. Une boule chauffée à blanc au creux de la gorge, il lutta contre les larmes. Il en avait assez de pleurer dès que son souvenir venait lui hanter l'esprit.
Comme une mauvaise blague, son regard tomba sur la vieille pile de journaux qu'ils avaient entassé ces derniers mois sans les jeter. Sur le dessus, la Gazette du 23 juin 1979 étalait à sa une l'image d'un bâtiment en flamme, entouré par une dizaine de Pyromages, l'équivalent sorcier des pompiers. Habillés en rouge, ils brandissaient leurs baguettes et arrosaient sans relâche les Archives du Monde Magique. Pour y être entré toute son enfance, Julian savait que l'aile consacrée à l'Histoire, celle où avait travaillé sa mère, se situait tout à gauche. Sur la photo en noir et blanc, les fenêtres étaient avalées par les flammes et la porte principale n'était plus qu'un tas de gravats. Le titre s'étalait en grand juste au-dessus : Notre mémoire en feu : 17 morts et 6 blessés.
Au bord de la nausée, Julian se saisit du journal d'une main tremblante. Il avait beau ne pas avoir vu cette une depuis deux mois, l'image au centre était gravée dans son esprit pour toujours, tout comme l'encadré éditorial sur le côté.
Cinq heures. Ce ne sont pas moins de cinq heures dont les Pyromages ont eu besoin pour éteindre l'incendie qui ravageait hier les Archives du Monde Magique, bâtiment annexe du Ministère depuis sa création en 1894. D'après l'enquête préliminaire ouverte par Amelia Bones sous l'autorité de Bartemius Croupton au Département de la Justice Magique, l'incendie ne serait que la conséquence d'une explosion – ou de plusieurs selon certains témoins – ayant eu lieu en début de soirée. A cette heure-ci, la majorité des employés des Archives et des chercheurs était heureusement hors du bâtiment, mais malheureusement plusieurs personnes se trouvaient encore à l'intérieur au moment où les flammes ont dévoré l'édifice.
Les Aurors, menés par Alastor Maugrey, ont pu faire évacuer un certain nombre de blessés parmi lesquelles la cheffe du Département d'Histoire, Bathilda Tourdesac. L'historienne renommée, qui n'était pas dans son bureau au moment des faits, a eu la vie sauve grâce à cette intervention de secours menée contre l'avis du Ministre qui craignait que le bilan funeste ne s'alourdisse. Peu blessée mais profondément choquée, B. Tourdesac a déclaré qu'elle ne souhaitait pas s'exprimer sur le sujet et ne ressentait qu'une profonde tristesse pour tous ses collègues décédées.
17 sorciers et sorcières ont en effet perdu la vie et une cérémonie sera organisée en leur mémoire dans les jours suivants par le Ministère. La question qui demeure désormais est de savoir comment une telle tragédie a pu se produire. Des rumeurs affirment que Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom pourrait être à l'origine de ce drame, la Marque des Ténèbres ayant revendiquée l'explosion. La thèse accidentelle, bien qu'elle soit envisageable, paraît dès lors peu convaincre Alastor Maugrey lui-même selon les témoins de la scène, mais il est aujourd'hui trop tôt pour privilégier une piste plutôt qu'une autre. Ces derniers temps, des imitateurs ont émergés dans tout le territoire et cherchent à camoufler leur crime sous le signe à la tête de mort, rendant le travail des Aurors parfois long et compliqué.
Nous souhaitons bien évidemment toutes nos condoléances aux familles touchées par la perte d'un être cher. [Plus d'informations en p.5]
Les yeux brûlants, Julian relu inlassablement la dernière phrase et sa colère se réveilla. « Un être cher ». Il n'avait pas perdu un être cher, il avait perdu sa mère... Et à ses yeux, ça changeait tout. Ça ne lui échappait pas non plus que le Ministère avait essayé d'orienter l'article malgré la bonne volonté du journaliste à relayer les faits. Une thèse accidentelle envisageable ? Avec la Marque des Ténèbres au-dessus des Archives ? C'était prendre les gens pour des idiots, c'était détourner la tête en espérant que le mouvement de terreur des mangemorts s'évapore de lui-même.
Julian contempla autour de lui les nombreux cartons qui restaient à remplir et une vague de découragement le submergea. Si Lottie avait le droit à une escapade, il ne voyait pas pourquoi il ne pourrait pas en faire de même. Avant de changer d'avis, il se remit sur ses pieds, repoussa un carton d'un coup de genoux et attrapa sa veste dans l'entrée.
- Papa ! Hurla-t-il à travers l'appartement. Je vais chez Matthew ! Je reviens pour le dîner !
Aucune réponse. Soit son père ne l'avait pas entendu, trop absorbé par son étude, soit il n'avait pas pris le temps de lui répondre. Par précaution, Julian laissa un mot sur la table basse – à laquelle il faudrait qu'il applique un sort de protection en revenant se rappela-t-il – puis il claqua la porte avec force. A l'extérieur, le soleil tapait si fort que l'asphalte commençait à fondre par endroit et il regretta immédiatement d'avoir pris sa veste par habitude. Il aurait aimé déjà savoir transplaner pour s'éviter le trajet, mais en attendant il se contenta d'agiter sa baguette après s'être assuré que personne ne le voyait depuis la ruelle où il s'était réfugié. Dans un bang sonore, le magicobus se matérialisa devant lui.
- Kevin Mells, maugréa une voix, bienvenue à bord du magicobus. Votre destination ?
- Euh... Terre-en-Lande.
- Trois mornilles.
Mécaniquement, Julian tendit les pièces au jeune homme. Son visage lui disait vaguement quelque chose et ce n'est que lorsqu'il s'installa au fond du bus que la mémoire lui revint. Kevin Mells était un Gryffondor un peu plus âgé que lui qui avait été renvoyé de Poudlard il y a trois ans, mais personne n'avait jamais su pourquoi exactement. En vérité, le lien avec les agressions envers les nés-moldus qui avaient touché le château cette année-là n'était pas si dur à faire et Julian se demanda s'il avait fait partie de la bande à Rosier. Si c'était le cas, ça ne lui avait pas réussi. Finir contrôleur du magicobus à peine majeur n'était pas un plan de carrière enviable.
Kevin Mells dû sentir son regard sur lui car il tourna la tête et le fusilla du regard. Julian s'empressa de reporter son attention sur la vitre derrière laquelle Londres défilait trop vite pour qu'il enregistre les détails. Ils firent trois arrêts avant le sien, dont un dans le Sussex où les nuages avaient remplacé le soleil, comme un micro-climat. Pourtant, à Terre-en-Lande, les portes s'ouvrirent sur une chaleur aussi étouffante que celle qu'il avait laissé à Londres. Sans accorder un autre regard au contrôleur, Julian descendit et inspira fortement l'air de la campagne.
Terre-en-Lande. Le fief des Bones, là il avait passé plusieurs de ses vacances à battre les chemins de campagne à vélo avec Matthew et à se baigner dans la mare à quelques kilomètres. Les rues du village ne lui étaient pas familières comme celles de son quartier fait de béton et de pierre, mais les petites maisons et les champs environnants lui évoquaient un goût de soleil et d'insouciance. En passant près de la vieille église, il croisa le pasteur, un homme d'une trentaine d'année au sourire chaleureux et il lui adressa un hochement de tête en guise de bonjour respectueux. Il avait beau ne pas avoir été élevé dans la religion, sa grand-mère Jeanne priait tous les jours. Le pasteur lui rendit son salut et réajusta sa prise sur le bébé qu'il tenait dans les bras, une petite fille au vu de la robe qu'elle portait. Un énorme chapeau lui couvrait la tête pour la protéger du soleil. En remarquant un passant, elle s'agita doucement et Julian se surprit à sourire. Il allait continuer son chemin lorsqu'un éclat doré attira son regard. Il se baissa automatiquement et ramassa une minuscule médaille.
- Révérend, appela-t-il. Vous avez fait tomber ça.
Le pasteur se retourna.
- Oh ! Merci. La médaille de baptême toute neuve, ça aurait été embêtant. N'est-ce pas Victoria ? Gardons Saint-Georges près de toi encore un peu.
Sur ces bonnes paroles et avec un dernier souvenir avenant, l'homme d'église s'éloigna. Julian était en train de se dire qu'il aurait dû lui aussi mettre un chapeau lorsqu'il arriva sur le perron de la maison des Bones. C'était une vieille demeure Victorienne qui, même si elle n'était pas si imposante, restait la plus grande du village. Dégoulinant de sueur, il toqua à la porte et le battant s'ouvrit au bout de quelques secondes sur Cassie Bones, la mère de Matthew. Les traits tirés, elle tenait également un bébé dans les bras, le petit nouveau de la famille âgé d'un an maintenant, et elle lui adressa un grand sourire.
- Oh Julian ! Quelle bonne surprise ! Matt ne m'avait pas dit que tu devais venir
- Il ne le savait pas... Je voulais juste passer lui dire au revoir avant mon... départ.
- Oui, j'ai appris que tu déménageais aux Etats-Unis. En ce moment, c'est compréhensible bien sûr, mais tu vas nous manquer... Un scandale vraiment, tout ce qui se passe ! Si tu reviens pour les vacances, surtout n'hésite pas, on serait ravie de t'accueillir avec Edgar.
La gentillesse et la force de caractère de Cassie Bones faillit lui ramener les larmes aux yeux. Il avait toujours aimé la mère de Matthew, son humour, son esprit libre, sa détermination. Elle lui faisait parfois penser à sa propre mère et si le bébé ne s'était pas mis à pleurer à ce moment-là, il l'aurait sans doute remercié pour toutes les fois où elle l'avait fait se sentir chez lui dans cette grande maison.
- Ah je crois qu'il a faim. Pire que Matthew quand il était petit, un vrai ventre ! S'exclama-t-elle. Mais ne reste pas là, monte, vas-y. Les garçons sont à l'étage.
Elle s'engouffra dans le salon et il referma la porte dans son dos. Cassie n'était pas le genre à jouer la parfaite maîtresse de maison et elle savait qu'il connaissait parfaitement le chemin. Il se demanda si elle s'était ennuyée lors de son congé maternité ; elle, l'Auror si combattive qui avait besoin d'action malgré tout l'amour qu'elle donnait à ses fils. Il n'était pas assez courageux pour lui poser la question. Au lieu de ça, il entreprit de monter à l'étage. Les escaliers grincèrent à peine sous son poids grâce au parquet recouvert d'un épais tapis cramoisi brodé. Au bout du couloir, la porte de la chambre de Matthew était fermée et il hésita à toquer avant de finalement entrer dans la pièce sans s'annoncer.
- Spencer, je te jure que je vais te donner à manger à une goule si tu... Oh ! S'interrompit Matthew. Julian ! Merlin, qu'est-ce que tu fiches ici ?
Affalé sur son lit, Matthew tenait une BD au-dessus de sa tête. Ses cheveux auburn, illuminés par le soleil, accrochaient à son front à cause de la chaleur et ses tâches de rousseur ressortaient sur son long nez droit et sa peau pâle.
- T'as l'air d'un souafle ! Se moqua-t-il en avisant son teint rougi.
- Très drôle. Essaye d'être roux en été et on reparlera. Et pour ta gouverne, on dirait que t'es en train de fondre.
- Honnêtement, je me le demande, dit Julian.
Sans cérémonie, il se laissa tomber sur le lit de Matthew qui pesta en ramenant ses jambes sous lui pour leur faire de la place à tous les deux.
- Mais sérieux, tu devais venir ? Parce que j'ai complètement oublié, si j'avais su j'aurais sorti les vélos ou les balais.
- Non, j'ai juste eu envie d'échapper aux cartons. Désolé, si t'avais des trucs à faire je peux y aller...
Matthew roula des yeux.
- Comme si ma mère allait accepter que je te mette à la porte. En plus, il fait tellement chaud que j'arrive à peine à lire.
- Spiderman ? Déchiffra Julian en attrapant la BD. Depuis quand tu lis des trucs moldus ?
- Depuis que la voisine m'en a passé, figure-toi ! Elle a dit qu'on pourrait en « discuter » si j'aimais bien.
- Quelle technique de drague...
- C'est ça, moque-toi, maugréa-t-il en souriant malgré tout. Qu'est-ce que tu as fait, toi, pour que Hanna te tombe dans les bras déjà ? Tu lui as servi d'oreiller pendant les cours de Binns ?
Julian éclata de rire. Il revoyait Hanna, la tête chancelante, qui luttait pour ne pas s'endormir pendant les cours d'Histoire de la Magie. En repensant à leur professeur fantôme, son sourire s'évanouit.
- Je crois qu'il va me manquer... Binns, précisa-t-il devant l'air perplexe de Matthew.
- Sympathique pour Hanna...
- Pas dans ce sens-là, crétin. J'arrive juste pas à me dire que je ne remettrai pas les pieds à Poudlard. Je n'ai même pas dis au revoir aux autres, à Flitwick...
- Sois pas dramatique, l'enjoignit Matthew. Peut-être que tout sera bientôt terminé, que vous reviendrez l'année prochaine...
Le regard dans le vague, Matthew paraissait vouloir se convaincre lui-même et Julian s'adossa contre le mur, contemplant une écharpe de Gryffondor qui traînait avec nostalgie.
- Je sais pas, avoua-t-il. J'aimerais me dire que c'est juste temporaire, mais... Les mangemorts mènent de plus en plus d'actions contre les nés-moldus, le Ministère fait comme si tout allait bien.... Ça n'a pas l'air de vouloir s'arranger.
- Si on doit attendre le Ministère, c'est sûr, ricana Matthew sans joie. Heureusement que certains font quelque chose.
La note féroce dans sa voix rappela à Julian le côté parfois dangereusement téméraire de Matthew et il fonça les sourcils.
- Certains ? Répéta-t-il. Comme qui ?
Seul le silence lui répondit et il tourna la tête vers son ami. Avec les années, il avait appris à deviner lorsque Matthew lui cachait quelque chose ou était sur la réserve, attitude qui ne lui allait pas du tout en passant. Il avait hérité de l'audace et du franc-parler des Bones et ce n'était pas dans sa nature d'hésiter, tout simplement.
- Matt, insista-t-il. Tu sais quelque chose que la Gazette ne dit pas ?
- Non, c'étaient juste des paroles comme ça. Je veux dire, y'a sûrement des gens qui n'approuvent pas ce que fait Minchum. Genre, la moitié de la population sorcière au moins.
- C'est faux, les gens soutiennent Minchum et tu le sais, ta tante Amelia râlait contre eux aux vacances de Pâques. Qui fait quelque chose ?
Matthew soupira et la résolution vacilla dans ses yeux gris, si semblables à ceux de sa mère.
- Tu ne jures de rien dire ?
- Quoi ? Les Bones prévoient d'assassiner Minchum pour que ta tante puisse devenir Ministre à sa place ?
- Très drôle, dit-il d'un ton dépourvu d'humour. Ju', c'est sérieux. Je ne suis même pas censé être au courant, mais j'ai entendu papa en parler l'autre jour avec un des frères Prewett qui était passé à la maison. Ils pensaient que j'étais dans le jardin...
- Et alors ? Qu'est-ce qu'ils disaient ? Pressa-t-il.
Il avait douloureusement conscience de son cœur qui battait soudain plus vite dans sa poitrine, comme si un mince espoir que des gens s'opposent à cette guerre à venir pourrait le sauver de l'exil. Pourrait venger sa mère...
- Dumbledore, chuchota Matthew et le nom sonna comme une promesse, un secret empli d'espoir. On dit qu'il a rassemblé des gens, fondé une sorte de groupe de résistance.
- Et ton père... ?
Matthew haussa les épaules.
- Je pense... Je veux dire, il a toujours été proche de Dumbledore et je sais ce qu'il pense de Tu-Sais-Qui. En tout cas, si c'est vrai, j'espère qu'il me laissera aider !
- Toi ? A seize ans ?
- Pourquoi pas ? Je suis doué en sortilège !
- Moi aussi, répondit-il par réflexe en prenant conscience avec un temps de retard de son manque de modestie. Mais pas assez pour me battre contre des mangemorts.
- Des lâches qui se cachent derrière des masques, tu veux dire ? Tu crois que ça me fait peur ?
- Ça devrait, oui !
- Allez, Ju', réfléchis. Tu ne voudrais pas...
- Non, coupa-t-il fermement.
A son tour, Matthew se redressa. Une lueur déterminée, presque fiévreuse, s'était allumée dans ses yeux et Julian y reconnu toute la volonté inébranlable des Bones. Il aurait voulu éteindre cette flamme, l'étouffer comme on souffle une bougie, mais il savait que le feu avait déjà pris.
- Pourquoi ? Insista Matthew. Si tu avais l'occasion de te battre contre Tu-Sais-Qui, tu ne le ferai pas ?
- Pas maintenant.
- Alors quoi ? Faudrait attendre que la liste des morts s'allongent ?
Cette fois, le cœur de Julian dévala au creux de son ventre. Matthew n'avait pas l'air de s'en rendre compte, mais pour lui, un visage flottait au-dessus de cette conversation et la sensation glacée qui se répandait dans ses veines devenait douloureuse.
- La liste où le nom de ma mère est inscrit, tu veux dire ? Rétorqua-t-il, cassant.
La véhémence de Matthew retomba immédiatement et il blêmit.
- Julian... s'étrangla-t-il.
- C'est bon, désolé...
- Non, non, c'est moi qui suis désolé... Je n'ai pas pensé que...
- Quelle chance, railla-t-il. Moi je ne pense qu'à ça.
Et voilà, elle était de retour. Cette foutu boule chauffée à blanc au creux de sa gorge. Les yeux brûlants, il lutta contre les larmes derrière ses paupières et se mordit l'intérieur de la joue jusqu'à en avoir un goût cuivré sur la langue. Il refusait de se mettre à pleurer en plein milieu de la chambre de son meilleur ami, un jour d'été, pour une conversation si banale. Matthew et lui était peut-être proches, mais pleurer en face de l'autre ne faisait pas partie de leur habitude. A vrai dire, il n'avait jamais vu Matthew pleurer et, même s'il avait été plus qu'ébranlé à l'enterrement de sa mère en juin dernier, il n'avait pas versé une larme, trop occupé à soutenir une Charlotte au visage dévoré par les sanglots. L'image de sa sœur ce jour-là lui serra un peu plus la gorge.
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise, Matt ? Articula-t-il dans un souffle. Que j'ai peur des gens qui ont fait exploser un bâtiment sur elle ? Que je ne pourrais pas me battre en duel contre eux sans penser chaque seconde que s'il m'arrivait quelque chose, je laisserais mon père et Lottie seuls ?
- C'est normal...
- Et pourtant tu veux te battre toi, non ?
- Certains sont plus utiles ailleurs, nuança Matthew. Dumbledore ne doit pas se battre physiquement, il serait trop exposé, trop reconnaissable. Il finira peut-être par le faire, comme contre Grindelwald, mais pour l'instant si j'ai bien compris il supervise, contacte des gens... C'est essentiel aussi.
- Sans doute, oui, approuva-t-il sans conviction.
Une peur nouvelle germa dans son esprit et il détourna à nouveau le regard vers l'écharpe de Gryffondor qui traînait au sol. Rouge et jaune. Le sang et l'or, le sacrifice et la puissance. Des mots qui correspondaient bien aux Bones, pensa-t-il ironiquement.
- Tu ne vas pas vraiment te battre, pas vrai ?
- Tout de suite ? Aucune chance. Maman ne me laisserait pas faire. Papa non plus, tu me diras. Mais je suis content de me dire que certains agissent. Ce qu'ils font, Tu-Sais-Qui et les mangemorts, ça ne restera pas impuni. Je te le promets.
Julian n'en doutait pas. La solennité qui résonna dans la promesse de Matthew ne lui échappait pas, mais il espérait que lui et sa famille seraient préservés de cette guerre. Epuisé, il jeta un coup d'œil à sa montre et réalisa avec défaitisme qu'il était sûrement l'heure de rentrer.
- Il faut que j'y aille, annonça-t-il. Les cartons attendent !
- Déjà ?
- Désolé, Lottie est partie en ville voir des amis des équipes de Quidditch. Faut bien que quelqu'un avance.
- Je t'ai déjà dit que ta pathologie a toujours tout faire pour ta frangine est inquiétante ?
Julian se contenta de sourire. Au fond de lui, il le savait, ce n'était pas la première fois qu'on lui faisait remarqué, mais il pouvait bien survivre à quelques cartons. Il se remit sur ses pieds, l'esprit soudain vide. Matthew ne paraissait pas plus que lui savoir comment dire au revoir.
- Reviens pas avec l'accent américain, dit-il finalement, un sourire en coin accroché aux lèvres.
- Aucune chance.
- Cool... Oh tiens, attends. Un cadeau de départ.
Il se pencha, tête en bas, et attrapa une boîte en fer ouvragé dissimulée sous son lit avant de la lui tendre avec cérémonie.
- Pour quand t'auras le mal du pays, dit Matthew, l'air fier de lui.
Julian s'attendait presque au pire. Lorsqu'il souleva le couvercle pourtant, une odeur familière lui parvint et il éclata de rire.
- Du thé ? S'esclaffa-t-il. Sérieusement ?
- Je t'ai jamais vu commencer une journée sans tasse de thé. Et je fais pas confiance aux américains pour te fournir ta dose quotidienne. Alors voilà ! En provenance direct du Chemin de Traverse ! Faudra que tu me donnes ton adresse là-bas, je pourrais t'en envoyer quand t'en auras plus.
- On sera chez ma grand-mère je crois. Enfin, l'autre, la mère de ma mère, explicita-t-il. Mais je t'écrirai.
La boîte de thé fermement serré contre lui, Julian baissa la tête, encore une fois incapable de trouver les mots. Matthew le regarda longuement puis leva les bras vers le ciel en jurant :
- Oh Merlin, viens la Ju' !
Il l'engloutit dans une étreinte qui allait justement au-delà des mots. Son coude formant un angle étrange pour tenir la boîte de thé, Julian lui donna une tape dans le dos, une de celle qui aurait fait dire à Hanna que « franchement, les garçons, vous êtes bizarres ». Il s'en fichait. Pour la dernière fois avant il ne savait pas combien de temps, il puisa de la force dans la présence de son meilleur ami, puis s'écarta, reconnaissant.
- Allez, va faire tes cartons ! Ordonna Matthew en le poussant vers la porte. Et oublies pas tes notes d'Histoire de la Magie, j'ai fait de supers dessins dessus !
- Promis ! Et maintenant que je suis plus là, je t'autorise de faire gagner la Coupe des Quatre Maisons à Gryffondor.
- Comme si j'avais besoin de ta permission. Même sans Lily Evans pour nous gagner des points, on va vous écraser !
Le rire de Matthew raisonna jusque dans le hall de la maison. Le pas léger, Julian passa la tête dans l'embrasure de la porte et adressa un signe de la main à Cassie Bones, en train de bercer le bébé sur le canapé. Dans la lumière estivale qui se déversait par la fenêtre, son épaisse chevelure dorée semblait étincelée comme une coulée d'or sur ses épaules. Elle ressemblait à une lionne, belle et féroce, qui veillait sur sa progéniture.
- Tu repars déjà ? S'étonna-t-elle en levant les yeux vers lui.
- Oui, j'ai encore des tonnes de choses à emballer et à ranger avant de partir.
- Je me doute. Ça va, ton père s'en sort ?
Par politesse et esprit de convenance, Julian retint l'exclamation sarcastique qui lui montait aux lèvres. Si son père avait fait ne serait-ce que deux cartons, il voulait bien avaler un crapaud.
- Il est encore affecté mais on avance, mentit-il. C'est juste qu'il y a beaucoup de choses à gérer. L'administration pour entrer aux Etats-Unis est assez lourde, la famille de ma mère a dû intervenir pour nous obtenir un visa.
- Oh oui, j'en ai entendu parler, abonda Cassie. Le MACUSA est prudent depuis Grindelwald. Et la famille de ta mère, elle vit à New York c'est ça ? Tu ne les a jamais vu ?
- Non, ma mère n'en parlait jamais. Je crois qu'elle s'était disputée avec sa sœur ou plusieurs autres membres. C'était compliqué.
- Comme dans toutes les familles. Crois-moi, les sœurs sont les pires ! Affirma-t-elle avec fatalisme sans cesser de sourire, comme si elle parlait d'expérience. Tu connais leur nom de famille au moins ?
- Les Grims. Grimsditch je crois à l'origine, mais ils l'ont raccourci pendant la guerre. Celle moldue, je veux dire, vous savez. Pour que ça sonne moins allemand et... Tout va bien, madame ?
Les traits de Cassie Bones s'étaient soudain figés et elle avait arrêté de bercer le bébé, immobile. Il essaya de se repasser mentalement ce qu'il venait dire et il espéra qu'elle n'avait perdu personne de sa famille pendant la seconde guerre mondiale moldue, même si cette éventualité paraissait peu probable.
- Oui, pardon. Je ne m'attendais pas à... enfin disons que je connais les Grims.
- Vraiment ?
- Improbable, n'est-ce pas ? S'amusa-t-elle-même si son ton restait tendu. Mais je te raconterai tout ça une autre fois, tu dois y aller. Rentre avant que la nuit tombe, les jours raccourcissent maintenant que septembre approche.
Il aurait voulu insister, mais il s'en garda bien. Pour avoir vu de rares fois Cassie Bones en colère, il savait qu'il valait mieux ne pas la contrarier. Rongé par la curiosité, il se promit intérieurement d'envoyer une lettre à Matthew pour avoir des informations dès qu'il arriverait aux Etats-Unis.
- Bonne soirée, Mrs Bones.
- Bon voyage, Julian, lui souhaita-t-elle. J'espère qu'on se reverra vite !
- Moi aussi. Passez le bonjour à Mr. Bones pour moi.
- Je n'y manquerai pas.
Sur le perron, il fut à nouveau ébloui par le soleil, mais il ne jeta pas un regard en arrière alors qu'il retraversait Terre-en-Lande en sens inverse.
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Pour ceux qui se demandaient : Matthew Bones et sa mère, Cassie, appartiennent à Perripuce. Et si vous avez lu son dernier bonus, ça vous fait quelque chose de les retrouver ici... Ahhh! Bref ! Cassie est donc la femme d'Edgar Bones et Matthew un de ses fils. Vous retrouverez Matthew plus tard dans la fanfic, c'est promis ! Quant au bébé dans les bras du révérend, c'est bien sûr la seule et unique Victoria, vous l'aurez deviné ^^
Et allez lire Ombres et Poussières, c'est une merveille !
Merci à tous !
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Eléments tirés du canon/de Pottermore :
- Plusieurs noms mentionnés dans ce chapitre sont issus du canon et même si je pense que vous les avez reconnu je vous les mentionne malgré tout : Mary McDonald, Alastor Maugrey, Bathilda Tourdesac, Amelia Bones, Croupton Sr, Edgar Bones, les frères Prewett.
- [Répétition] En ce qui concerne les Bones, nous savons qu'Edgar faisait partie du premier Ordre du Phénix. Il est mort aux mains des mangemorts peu de temps avant Lily et James Potter avec toute sa famille. Concernant la dite famille, je n'ai rien inventé, les noms et les personnalités des enfants et de la femme d'Edgar - Cassie, Matthew et Spencer - sont à attribuer à la brillante Perripuce et son histoire Ombres et Poussières.
- Les Grimsditch sont une famille sorcière américaine. Ils font partie des premiers à avoir immigrés aux Etats-Unis. Je reparlerai de leur histoire plus tard.
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Prochain chapitre : Mercredi 30 septembre
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