Chapitre 10 : L'horloge sonne minuit
Eh on avance, on avance ! Déjà le chapitre 10 ^^ Merci à tous pour vos retours et commentaires, ça me fait trop plaisir !
Dites petite question / sondage. J'ai commencé (repris en vérité) l'écriture d'une fanfiction sur le fandom Percy Jackson/Héros de l'Olympe pendant les vacances. Genre j'ai été une fusée, j'ai écris 6 chapitres en deux semaines, ce qui ne m'étais plus arrivé depuis des années. J'attends un peu de voir comment ça évolue avant de la poster, mais je voulais savoir si parmi vous il y en avait qui aimait ce fandom ! Et si vous seriez intéressé par une fanfic sur cela ? Elle est centrée sur Lou Ellen, Connor, Nico et Will ^^ (parce que vive le Solangelo !).
Bonne lecture !
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« Minuit sonne toujours autrement qu'une autre heure. »
- Xavier Forneret -
// 5 septembre 1979 //
Matthew,
Félicitations pour ta nomination de capitaine, tu le mérites. Meilleur gardien de Gryffondor depuis au moins dix ans. Ça me fait mal de le dire, mais Serdaigle et les autres maisons n'ont aucune chance face à vous si tu mènes l'équipe. Essaye juste de ne pas trop traumatiser tes joueurs. Ton style va sûrement trancher après le capitanat de Mary McDonald et de James Potter, mais si McGonagall t'a désigné ce n'est pas pour rien. Elle ne prendrait pas le risque de voir le trophée lui échapper, tu la connais. Attends que j'annonce la nouvelle à Lottie. Elle va être effondrée d'apprendre que Poufsouffle n'a aucune chance avant même le début de la compétition. Méfie-toi quand même de l'équipe des Serpentard, on ne sait jamais. Mcnair est un sadique avec une batte à la main. S'il te défigure, il va avoir ta mère sur le dos, et il ne sait pas ce qui l'attend. Enfin, je ne me fais pas d'inquiétude : avec Regulus Black qui n'est plus là, leur équipe n'est plus ce qu'elle était.
J'espère que tu notes mes efforts analytiques en Quidditch. En vérité, je ne fais que répéter ce que Lottie m'a dit pendant nos dix heures de vol en avion. Petit conseil : si un jour tu dois voyager pendant si longtemps avec ton frère, jette un sort de mutisme à Spencer, tu me remercieras.
En ce qui concerne l'Amérique, je ne sais même pas par quoi commencer... J'ai l'impression d'avoir basculé dans une réalité parallèle tant tout est différent et familier. C'est un peu comme la langue. Tu sais que les gens parlent anglais, mais ce n'est pas « notre » anglais. Je fais une surdose d'accents non identifiés. Je crois qu'une des filles de l'équipe de Quodpot vient de Californie et un de mes camarades de dortoir vient de l'Oregon. Ne me demande pas ce qu'est le Quodpot ni où se trouve l'Oregon précisément, je n'en ai aucune idée. C'est pour te dire à quel point j'ai le sentiment d'être perdu. Mais je te parlerai d'Ilvermorny après.
D'abord, New York et les Grims. Tout est grand. La ville, leur maison, tout. C'est dépaysant. Je pensais que votre maison à Terre-en-Lande était immense, j'ai ravisé mon jugement. Le manoir des Grims est énorme. Il ne cesse de s'agrandir par magie au fil des générations. Tu verrais ça, la magie qui maintient l'édifice est incroyable, toutes les strates doivent se superposer pour former le sortilège bâtisseur je suppose... (Tu vas encore me traiter d'intello, je sais). Enfin peu importe.
Merlin, Matt, j'aimerais que tu sois là. Je ne peux pas dire que rencontrer les Grims a été une mauvaise surprise, mais c'était étrange quand même. Isadora est celle qui m'a le plus surpris. Elle avait une attitude froide et en même temps chaleureuse. Je sais, ça ne t'aide pas beaucoup à comprendre... Ce que je veux dire, c'est qu'elle avait l'air heureuse de nous voir, mais elle ne nous connaissait pas. Elle voulait nous accueillir dignement et nous présenter une façade à chaque seconde. En fait, je crois qu'elle voyait avant tout notre mère à travers nous. Surtout Charlotte. A dire vrai, la présence de maman avait l'air d'être partout. Elle n'a jamais été aussi présente que par son absence.
Notre tante Cordelia – la sœur de ma mère – était la plus froide avec nous. Si j'ai bien compris les brides d'informations, elles se seraient disputées avant le départ de maman en Angleterre. Sa fille n'est pas mieux dans le genre. Théa est vraiment étrange, c'est peut-être celle que j'ai le plus de mal à cerner. Je ne saurais même pas comment te la décrire. Enfin, elles n'ont pas eu une vie facile, mais je te raconterai ça une autre fois... Je t'épargne aussi la rencontre avec mon cousin Archer. Il est pompeux, préfet-en-chef, et accueillant malgré tout paradoxalement.
Il faut surtout que je parle de Leonidas, le cousin de ma mère. (Si tu as du mal à suivre, je t'ai dessiné un arbre généalogique en dernière page). Avant de partir pour Ilvermorny, il m'a annoncé être mon parrain. Ça non plus, je ne sais pas encore quoi en penser. En tout cas, Leonidas a sûrement été le plus sympathique de la famille à rencontrer. Il a essayé de m'expliquer ce qu'il savait de la situation de ma mère, sans grande avancée. Personne ne veut en parler ou n'a l'air de connaître toute l'histoire. Leonidas a le mérite d'avoir l'air de vouloir nous connaître davantage, Charlotte et moi.
Ah autre chose d'étrange sinon... Accroche-toi bien. Théa et Archer ne savaient même pas qui était Tu-Sais-Qui ou les mangemorts. Tu imagines ? Quand je te dis que j'ai l'impression d'avoir basculé dans une réalité parallèle... Je ne sais pas pourquoi, mais ça m'a mis en colère. Comme si la guerre restait une réalité ignorée pour eux alors que des gens meurent de l'autre côté de l'océan. Que des gens se battent et risquent leur vie sans que personne ne le sache.
Désolée, ma lettre doit te paraître décousue. J'avoue que mes pensées sont embrouillées et je manque de sommeil. Le décalage horaire persiste, même après une semaine... Je t'écris juste avant mon cours d'Histoire de la magie, exactement comme toi, et je n'ai plus beaucoup de temps. Espérons que mon professeur sera plus vivant que Binns dans tous les sens du terme.
Je te parlerai d'Ilvermorny dans ma prochaine lettre, promis. Passe le bonjour à Hanna pour moi... Je sais que je dois lui parler, je le ferai bientôt. Quant à ta mère, j'espère avoir répondu à ses questions... Elle connait les Grims c'est ça ? Encore une chose étrange si tu veux mon avis ! Mais je ne suis plus à ça près...
Réponds-moi quand tu peux.
A bientôt,
Julian
Les doigts tâchés d'encre, Julian pesta en reposant sa plume. Être gaucher était souvent pénible lorsqu'on écrivait à la sorcière. Il regrettait les stylos à chaque rentrée scolaire. D'un œil rapide, il balaya sa lettre des yeux pour la relire et soupira en constatant qu'il peinait à retranscrire ce qu'il ressentait pour sa famille maternelle. Avec un peu de chance, Matthew le comprendrait au-delà des mots, comme à son habitude. Son meilleur ami avait beau être Gryffondor dans l'âme, foncer tête baissée et ne jamais s'arrêter, il pouvait s'avérer étonnement psychologique et perceptif quand il le voulait. Un mélange entre le caractère flamboyant de sa mère et celui de son père, véritable force tranquille.
- Tu ferais mieux de te dépêcher, le cours ne va pas tarder à commencer, le prévint Aileen.
Julian hocha la tête et glissa sa lettre dans l'enveloppe. Il était assis au deuxième rang, juste derrière Aileen et à côté de Liam. Les Serpents Cornus et les Puckwoodgenie avaient cours commun en Histoire de la magie.
- Eh Liam, penses à autre chose, ajouta-t-elle d'une voix douce. On verra ce soir pour les serres.
- Pas « on », moi.
Sa voix, ferme et éteinte à la fois, inquiéta Julian et il se tourna vers lui. Depuis hier soir, Liam paraissait l'ombre de lui-même, rongé par l'inquiétude. Julian ne pouvait pas lui reprocher. L'image des lettres découpées l'avait hanté toute la nuit et il comprenait les sentiments de Liam : s'il s'agissait de Charlotte, il se serait écroulé.
- Cooper, ne sois pas idiot, lui ordonna Aileen, autoritaire. On ne va pas te laisser y aller tout seul, ça pourrait être dangereux.
- Je continu à dire qu'on devrait en parler à un professeur ou à la directrice, plaida à nouveau Julian en baissant la voix.
Liam secoua la tête avant même qu'il n'ait terminé sa phrase.
- Hors de question ! La lettre disait que je ne devais en parler à personne et vous êtes déjà au courant. Je ne risquerai pas la vie de ma sœur encore plus ! Julian, insiste même pas. Je t'ai fait confiance, ne me le fais pas regretter en allant cafter aux profs !
Julian sentit ses joues s'embraser. Le regard de Liam lui criait de ne pas « jouer à l'intello » et il se mordit la langue pour éviter de répondre. Il n'approuvait pas, mais il ne voulait pas prendre la décision pour Liam qui lui avait révéler son secret par la force des choses et non par volonté. S'il n'avait pas été aussi perdu au moment de recevoir la lettre, Julian était persuadé qu'il ne lui aurait jamais confié ce qu'il avait reçu. Liam avait beau être amical et exubérant, ils ne se connaissaient que depuis deux jours.
- Je dis juste que ça pourrait mal tourné, argumenta-t-il. On ne sait pas qui t'a envoyé cette lettre, ni ce qu'il veut. S'il a enlevé Emilia...
- Peut-être qu'elle sera là ce soir, coupa Liam comme si les mots lui échappaient, frénétiques. Peut-être qu'il l'amènera avec lui... Il faut bien une preuve, je veux dire...
Aileen posa sur son ami un regard chargé de pitié.
- Peut-être, souffla-t-elle, mais Julian sut qu'elle n'en croyait pas un mot et pour être honnête lui non plus.
Faire entrer la disparue la plus recherchée du pays dans l'enceinte d'Ilvermorny lui paraissait impossible, voire stupide. Et l'homme ou la femme qui avait envoyé la lettre et qui détenait potentiellement Emilia ne devait pas l'être pour avoir réussi à échapper aux Aurors si longtemps.
- De toute façon, j'irai à minuit, comme prévu, s'entêta Liam. On verra bien.
- Si tu le dis...
Julian se rendit compte du ton qu'il venait d'adopter et se rattrapa en ajoutant :
- On t'accompagnera, on sera là tous les trois.
- Oui, approuva Aileen, ça ira.
Ils hochèrent la tête de concert, l'air de vouloir se convaincre, mais Liam ne les regardait pas. D'un mouvement de menton, il leur désigna la porte de la salle et indiqua en chuchotant :
- Le prof est là. On en reparle à midi.
Aussitôt, Julian reporta son attention devant lui tandis que le professeur traversait la salle pour venir se poster à son bureau, dos au tableau. Il portait un veston marron sans manches sur sa chemise blanche et arborait une barbe brune de trois jours qui lui mangeait les joues. Derrière ses lunettes noires, ses yeux se promenèrent sur la classe et Julian crut un instant que son regard s'arrêta sur lui plus longtemps que les autres. Sans doute parce qu'il était nouveau. Les mains à plat sur le bureau, il leur adressa finalement un sourire presque timide mais bienveillant.
- Et bien nous revoilà tous pour une nouvelle année, dit-il d'une voix profonde et chaleureuse. Votre été s'est bien passé ?
Julian tressaillit et cette fois il fut certain de voir le professeur le regarder, les traits indéchiffrables. Il n'attendit pas que ses élèves lui répondent et enchaîna :
- J'espère en tout cas que vous avez ouvert un peu vos manuels d'Histoire ou que vous avez revu vos cours...
Quelques rires nerveux traversèrent la salle.
- Je vois, sourit-il. On va revoir quelques bases alors. (Il sortit et sa baguette et l'agita vers le tableau où des lettres élégantes apparurent). Au cas où, je me présente. Je sais que nous avons un nouveau venu et certains d'entre vous m'ont peut-être tragiquement oublié pendant les vacances.
- Jamais, monsieur ! Lança Liam. J'ai pensé à vous chaque jour.
Julian fut rassuré de le voir plaisanter, même si sa voix manquait d'entrain. Le professeur paraissait partager son avis – il ne devait pas ignoré la disparition de sa sœur – et lui adressa un sourire indulgent.
- J'en suis ravi, monsieur Cooper. Je disais donc : je suis le professeur Perrot. Avec deux « R » s'il vous plaît. Et cette année je vais vous enseigner ce qui à mes yeux est la meilleure matière, particulièrement en ces temps troublés, à savoir l'Histoire. Apprendre de notre passé, c'est comprendre notre présent. (Il marqua une pause, songeur, et les observa à nouveau comme pour juger leurs réactions avant de soupirer). Je vois à vos expressions que certains d'entre vous se demandent pourquoi je parle de « temps troublés », n'est-ce pas ?
Incrédule, Julian pivota pour constater lui-même que ses camarades avaient effectivement l'air perplexe. A l'arrière de la salle, Othilia Fontaine était la seule à prendre des notes. Julian avait presque oublié qu'ils étaient ensemble dans la même maison.
Le professeur Perrot soupira à nouveau.
- Je ne vous le dirais jamais assez, l'Histoire est une matière vivante. A vrai dire, vous vivez l'histoire : ouvrez-vous à votre temps, ouvrez-vous au monde.
Ouvrez un journal, oui, pensa Julian. S'il avait eu le courage de Liam, il l'aurait sûrement dit à voix haute.
- Mais peu importe, mon rôle est aussi de vous expliquer, je suppose... Par temps troublés, j'entends que les choses se répètent souvent. Il y a toujours des sorciers qui pensent détenir la vérité et qu'ils veulent l'imposer. C'est malheureusement ce que subit la Grande-Bretagne en ce moment même.
- C'est dans quel état ça, la Grande-Bretagne ? Marmonna un élève quelques rangs derrière.
Julian faillit se retourner pour le dévisager, mais Aileen le retint par le bras et secoua la tête.
- Laisse tomber, souffla-t-elle. Il y en a qui sont irrécupérables.
- Mais...
- Quelqu'un a-t-il entendu parler de ce qui se passe ? Reprit le professeur Perrot, le réduisant au silence. Et pourrait l'expliquer à la classe ?
Plusieurs élèves baissèrent la tête pour échapper au regard interrogateur du professeur. Julian les imita en sentant plusieurs têtes se tourner vers lui, comme si tout le monde s'attendait à ce que l'anglais intello les sauve. Aileen dût avoir pitié et leva la main.
- Miss McCallum, oui, allez-y.
- Je n'ai pas tout suivi pendant l'été, mais j'ai lu un peu dans les journaux qu'un mage noir terrorisait le pays et s'en prenait à des Non-Maj' ou des nés Non-Maj'... Ou même à ceux qui s'opposent à lui ?
- C'est exact, confirma le professeur Perrot. Il n'est évident pas seul, il s'est entouré de partisans auto-nommés les mangemorts. Ils agissent à la fois cachés et au grand jour, ce qui explique la difficulté du gouvernement anglais à les appréhender. Surtout, ils sont animés d'une croyance qui ressurgit malheureusement bien trop souvent dans notre histoire : celle d'une supériorité supposée du sang, voire des sorciers face aux Non-Maj'.
- Les sorciers ont la magie, glissa un élève au fond de la classe.
- Ce qui les rendrait supérieur ?
- Euh je... non, mais...
- C'est une question sincère. Posez-vous cette question, interrogez ce que vous croyez, c'est important. La magie doit-elle être considérée comme un comparateur de supériorité ?
Un nouveau gêné suivit la question. Julian avait sa réponse qui lui brûlait la lèvre, mais il se sentait incapable de parler de l'Angleterre devant cette classe qui ne comprenait pas un quart de la situation, qui ne savait pas tout ce que tout le monde vivait là-bas, qui ne savait pas ce qu'il avait perdu.
- Non, répondit soudain une voix forte. Non.
Tout le monde se retourna. Othilia avait posé sa plume et regardait le professeur Perrot droit dans les yeux.
- Miss Fontaine, allez-y. Explicitez votre pensée.
- Je ne pense que la magie nous rend supérieurs. Elle nous donne des avantages, c'est vrai, mais la valeur d'une vie ne se mesure pas à ça.
- Quelques avantages, mais il y a plein de choses que les sorciers pourraient prendre aux Non-Maj' aussi, lança Liam sans même lever la main.
- Oui, Monsieur Cooper ?
- Je veux dire, ils ont l'avion, l'électricité, la télévision...
- Les stylos, glissa Julian.
- Les stylos ! Fabuleuse invention !
Autour d'eux, plusieurs de leurs camarades fronçaient les sourcils et n'avaient pas l'air de comprendre un mot de ce que disait Liam. Le garçon qui avait demandé dans quel état se trouvait la Grande-Bretagne avait même la bouche entre-ouverte, perplexe. Le professeur Perrot parut s'en rendre compte car il frappa dans ses mains, comme pour clore le sujet.
- Nous reviendrons sur ces questions un autre jour, dit-il, et nous pourrons peut-être même faire un débat... J'y réfléchirai. Mais nous avons un programme à tenir donc commençons. Cette année, nous travaillerons essentiellement sur l'histoire récente des Etats-Unis – et par récente, j'entends le XVIIe siècle jusqu'à nos jours, ne râlez pas – pour mieux comprendre la construction de la société sorcière américaine. Je sais que nous l'avions abordé en deuxième année mais de façon assez superficielle et nous allons donc creuser la question. Première date essentielle : 1620. (Il marqua une pause, attendant visiblement une réaction, mais personne ne réagit). Allons, s'exclama-t-il, 1620 !
Julian eut presque pitié de lui, mais malheureusement 1620 n'éveillait pas grand-chose chez lui. Il tenta de se souvenir si les Gobelins avaient déclenché une guerre cette année-là, sans succès. A nouveau, Othilia leur sauva la mise.
- Ah miss Fontaine, je peux compter sur vous. Nous nous écoutons.
- L'arrivée des sorciers en Amérique ?
- Pas exactement l'arrivée des sorciers puisqu'ils étaient déjà présents dans le pays bien sûr, nuança le professeur Perrot, mais oui, l'arrivée des colons européens à bord du Mayflower. Le navire est parti de Plymouth en septembre 1620... Oh tiens vous connaissez peut-être Plymouth ?
Occupé à prendre des notes, Julian comprit que Perrot s'adressait à lui lorsque Liam lui donna un coup de coude et souffla « eh l'Anglais » avant de lui désigner le tableau d'un mouvement sec. Julian releva la tête.
- Pardon ?
- Je disais, vous connaissez peut-être Plymouth, monsieur Shelton ?
- Oh euh... dit-il dans un rare moment d'éloquence, surpris que le professeur ait retenu son nom sans même l'avoir demandé. Non, pas vraiment. Je suis londonien. Enfin... je l'étais, je suppose.
Le professeur Perrot attarda son regard sur lui, comme s'il attendait autre chose et Julian se contenta de hausser les épaules en geste d'excuse. Il avait déjà été dans le Kent pour des vacances, il avait passé des journées à Terre-en-Lande bien sûr, et il s'était même rendu dans le Durham chez sa grand-mère Jeanne un nombre incalculable de fois. Plymouth en revanche...
- Ce n'est pas grave, reprit Perrot, déstabilisé. Je pensais... Enfin peu importe. Le Mayflower donc. Il transportait évidemment les pères fondateurs des Etats-Unis, mais également plusieurs sorciers et sorcières qui, tout comme les Non-Maj', avaient de nombreuses raisons de quitter leur pays d'origine. Certains répondaient à l'appel de l'aventure, mais la plupart fuyaient parce qu'ils étaient persécutés par les Non-Maj', par un membre de la communauté magique, ou par les autorités magiques.
- D'où le dicton : si t'as les Aurors sur le dos, prend un bateau.
- Tout à fait, monsieur Cooper. Merci d'illustrer si brillamment mes propos.
Le sarcasme de Perrot fit rire les élèves et Liam, bon joueur, se contenta de sourire.
- Je disais donc : ces sorcières et sorciers qui émigraient cherchaient le plus souvent à se fondre dans la masse des Non-Maj', même si cela s'est avéré difficile au cours de la traversée. Près du but, une tempête a en effet menacé l'expédition et nous savons que sans les sorciers à bord, le bateau aurait sûrement coulé et l'histoire aurait donc été bien différente. Toujours est-il que le mauvais temps a obligé le vaisseau à aborder les rivages d'Amérique non pas au but prévu, mais sur la côte du Massachussetts. Devinez qui était à bord du Mayflower ?
- Isolt Sayre, devina Aileen.
- Précisément, miss McCallum. Si Ilvermorny s'est établit ici, c'est parce que sa fondatrice est venue avec les colons européens. Nous referons un cours sur Isolt Sayre d'ailleurs.
- Oh non, grogna Liam. On l'étudie chaque année.
Le professeur Perrot redressa ses lunettes, l'air contrit, et se passa une main dans sa barbe.
- Je l'avoue, reconnu-t-il, mais je pensais que cela serait intéressant pour monsieur Shelton peut-être. Et pour vos mémoires défaillantes.
- Ma mémoire a tout retenu, professeur, je vous jure.
Embarrassé, Julian aurait aimé que Perrot ne lui mette pas sur le dos le cours sur Isolt Sayre dont personne ne voulait véritablement.
- Je peux me débrouiller, dit-il. Je peux aller chercher à la bibliothèque...
- Bonne idée, les recherches personnelles sont un élément essentiel en histoire, comme vous le savez sûrement. Faites ça. Je vous demanderai même peut-être de faire un exposé récapitulatif en fin de trimestre.
A côté de lui, Liam grimaça comme pour s'excuser de lui avoir imposé un devoir supplémentaire, mais Julian fronça les sourcils pour autre chose. Il s'était clairement adressé à lui, pas à la classe. Que signifiait ce « comme vous le savez sûrement » ? Perrot ne pouvait pas savoir qu'il était le fils d'une chercheuse en Histoire.
Sans pouvoir s'en empêcher, l'image de sa mère plongée dans un épais livre d'histoire pour ses recherches s'imposa à son esprit et il déglutit avec difficulté. Parfois, quand il était petit, elle l'emmenait dans des bibliothèques moldus de Londres le dimanche pour aller chercher des ouvrages qu'elle ne trouvait pas dans le monde sorcier. Il lui tenait toujours la main de peur de se perdre entre les immenses rayonnages. Charlotte restait avec leur père, incapable de garder le silence dans les bibliothèques à cet âge, mais Julian aimait ces balades rien qu'avec sa mère. Souvent, elle lui achetait même une glace sur le chemin du retour.
Une boule lui obstruant soudain la gorge, il mit plusieurs secondes à se concentrer à nouveau sur ce que Perrot disait.
- ... et ces Européens sont les premiers colons à s'établir aux Etats-Unis où ils fondèrent la ville de Plymouth en l'honneur de leur ville de départ.
- Une imagination débordante, commenta Liam.
- Cependant, il s'est tout de suite avéré que le Nouveau Monde allait être un endroit encore plus dur que le Vieux Monde pour les sorcières et les sorciers, et ceci pour trois raisons principales. Des idées ?
Aileen leva la main avec hésitation.
- Miss McCallum.
- La difficulté de refonder une société magique ?
- Développez, c'est bien.
- Et bien, ça n'a pas dû être facile d'arriver dans un nouveau pays et sur un nouveau territoire inconnu. Certaines potions demandent des plantes particulières par exemple et il faut savoir les trouver ?
- Bien sûr ! Les plantes, les ingrédients de potions, les cœurs de baguettes ! Tout cela était resté en Angleterre. Dans leur pays d'origine, les sorcières et les sorciers n'avaient qu'à se rendre chez l'apothicaire près de chez eux pour trouver les ingrédients nécessaires à la fabrication de potions alors qu'ici, ils devaient se familiariser avec de nouvelles plantes magiques. Il n'existait aucun fabricant de baguettes magiques reconnu, et l'école de sorcellerie d'Ilvermorny n'existait pas encore puisqu'il a fallu plusieurs années à Isolt pour la construire.
La passion contenue dans la voix du professeur Perrot était vibrante à mesure qu'il racontait. A nouveau, Julian songea à sa mère. Elle avait un peu le même ton lorsqu'elle parlait d'histoire. Elle s'animait et racontait les faits comme si elle contait un roman.
- Ensuite ? La deuxième raison ? Tiens, monsieur Cooper, une idée ?
- Euh...
- Pensez à la persécution qu'avait connu la communauté sorcière, orienta Perrot.
- J'ai le droit à la partie « persécution » parce que je suis né Non-Maj' ?
Julian dévisagea Liam, mais celui-ci affichait un simple rictus et leur professeur se contenta de le regarder d'un air entendu sans relever la provocation.
- Monsieur Cooper...
- Je suppose juste que les Non-Maj' n'aimaient pas plus la sorcellerie qu'avant juste parce qu'ils avaient traversé un océan ?
- On peut dire ça, oui. Les immigrants avaient non seulement commencé à mener une guerre contre les Indiens d'Amérique, ce qui avait affaibli la cohésion de la communauté magique, mais leurs convictions religieuses les rendaient également intolérants à toute forme de magie, expliqua Perrot. Les puritains aimaient s'accuser entre eux d'activités occultes à la moindre trace de preuve, et les sorcières et sorciers du Nouveau Monde avaient toutes les raisons du monde d'être extrêmement méfiants envers eux.
- Tu me passeras tes notes ? Chuchota Liam. J'ai pas tout suivi.
- Pas de problème...
Il avait bien passé des années à donner ses notes d'histoire de la magie à Matthew et Hanna, il pouvait bien lui donner aussi à Liam.
- Et enfin la dernière raison ? Demanda le professeur. Oui, miss Fontaine ?
- Les Ratisseurs, répondit Othilia.
- Tout juste. (Il jeta un coup d'œil à sa montre et soupira). Ah, mais je vois que l'heure est terminée. Bon, nous verrons les Ratisseurs la prochaine fois avec les procès de Salem. Renseignez-vous d'ici là. Allez, je vous laisse partir. Bonne rentrée à tous.
- Merci, professeur !
Julian rassembla ses parchemins alors que Liam était déjà sur ses pieds. Vive, Aileen le saisit par le bras avant qu'il ne puisse s'éclipser.
- Oh non, tu nous attends ! Je ne te perds pas de vue, il faut qu'on parle de ce soir.
- Aileen...
- Non négociable, Cooper.
Vaincu, Liam retomba sur sa chaise et Julian s'empressa de ranger ses affaires dans son sac. Il allait le refermer lorsque le professeur Perrot s'approcha soudain. Il avait enlevé ses lunettes et les faisait tourner presque nerveusement entre ses doigts.
- Oh monsieur, lança Liam, super cours vraiment !
- Je vous voyais passionné, oui.
- Je prenais pas beaucoup de notes, mais j'écoutais, promis !
- Je n'en doute pas, monsieur Cooper. A vrai dire, j'aurais souhaité parler un peu avec vous monsieur Shelton. Si vous avez le temps ?
- Moi ? Oh... oui, oui. On a une heure de libre c'est ça ? Vérifia-t-il auprès d'Aileen.
Elle hocha la tête.
- C'est ça. On se retrouve à la bibliothèque tout à l'heure. On t'attendra là-bas.
- D'accord.
D'un même mouvement, Liam et Aileen se dirigèrent donc vers la porte et sortirent de la salle, non sans un dernier regard curieux dans leur direction. Nerveux, Julian attendit que le professeur Perrot reprenne la parole. De près, il paraissait moins grand. Son veston en tweed, sa barbe et ses lunettes rectangulaire le faisaient ressembler aux collègues historiens de sa mère.
- Je voulais simplement vous parler pour votre premier jour, commença Perrot. Savoir si tout allait bien.
- Euh... Oui, tout va bien. Je me perds encore un peu dans le château, mais Aileen et Liam m'aident.
- C'est bien... Je sais que ce n'est pas facile d'arriver en cours de cursus et se faire des amis est le meilleur moyen de se familiariser avec le château.
Julian lui renvoya un regard étonné et le professeur sourit en baissant la tête.
- Oui, cela va peut-être vous surprendre car j'ai perdu mon accent avec le temps, mais je suis français. La famille Perrot est une famille franco-américaine du moins et je suis arrivé de France à douze ans pour ma deuxième année. Heureusement, une camarade m'a aidé avec gentillesse. (Il sourit à nouveau, comme s'il repensait à cette amie, et Julian se contenta de hocher la tête avant qu'il ne poursuive). Enfin, tout cela pour dire que c'était assez déstabilisant donc je vous comprends, surtout pour vous qui arrivez en sixième année.
- Un peu...
- Et les programmes doivent être différents entre Ilvermorny et Poudlard, particulièrement en histoire. Qui était votre professeur ?
- Binns. (Il se rendit compte de sa familiarité et se corrigea). Le professeur Binns.
- Il est encore en poste ?
Julian retint un rire étouffé. Visiblement, Perrot n'était pas au courant de la spécificité de son homologue anglais.
- Je pense qu'il prévoit de le rester encore longtemps... se contenta-t-il de dire en songeant que Matthew se serait sûrement esclaffé devant sa réponse.
- C'est tout à son honneur, approuva Perrot. Mais enfin, ce n'est pas vraiment de Poudlard dont je voulais vous parler. Je connais la situation en Angleterre et je voulais surtout vous demander si vous alliez bien.
Cette fois, Julian fut si déstabilisé qu'il mit une seconde à comprendre la question. Jusqu'à présent, personne ne lui avait demandé s'il allait bien. Ni les Grims, ni Leonidas, ni Aileen ou Liam... Ils avaient tous plus ou moins connaissance de la guerre qui se jouait en Angleterre, ils en avaient parlé et débattu, mais personne n'avait songé à lui demander ce qu'il ressentait par rapport à ça et Julian se retrouva sans réponse prête à donner au professeur Perrot.
- Je vais bien, répondit-il finalement après plusieurs secondes d'une voix sourde. J'ai pu partir, ce qui n'est pas le cas de tout le monde. (Il déglutit). Oui, je vais bien...
Le professeur Perrot ne parut pas convaincu.
- La situation ne devait pas facile, là-bas ?
- Les mangemorts s'en prennent de plus en plus aux gens... Mais ils veulent aussi rester cachés pour éviter d'être repérés par le Ministère donc la vie tous les jours n'a pas changé, les magasins restent ouverts sur le Chemin de Traverse...
- C'est important, reconnut Perrot. L'économie et la politique doivent continuer, sinon la situation s'empirera...
Sa voix s'éteignit mais il sembla vouloir ajouter quelque chose. Julian aurait aimé qu'il le laisse partir retrouver Aileen et Liam.
- Une dernière chose... En ce qui concerne la situation en Angleterre, je voulais juste vous dire que... je suis désolé pour votre mère. Toutes mes condoléances.
Julien sentit son corps se raidir, comme une réaction instinctive. Il s'attendait encore moins à cela de la part de ce professeur inconnu et sa gorge se ferma. A chaque fois que quelqu'un lui présentait ses condoléances, il avait l'impression de recevoir violemment le rappel de son absence et en même temps, de manière ambivalente, parler d'elle revenait à la garder en mémoire.
Le ventre serré, il inspira profondément, mais attendit encore de longues secondes pour répondre de peur que sa voix n'émette aucun son.
- Merci, souffla-t-il. Vous... vous la connaissiez ?
- Aurélia Grims étaient une historienne et une chercheuse remarquable, se contenta-t-il de dire. Je la tenais profondément en estime.
- Shelton, corrigea Julian mécaniquement. Elle s'appelait Aurélia Shelton.
Il ne savait pas pourquoi il avait besoin de l'affirmer. Certainement parce que sa mère insistait souvent sur son nom, fière de ne plus être renvoyée à sa famille d'origine. « J'ai le même nom que mes enfants et c'est important » aimait-elle affirmer en riant.
- Bien sûr, veuillez m'excusez. (Le professeur Perrot remit ses lunettes et claqua dans ses mains, comme il l'avait fait pendant son cours pour changer de sujet). Bon, je vais vous laisser y aller. Si vous avez besoin, n'hésitez pas. J'ai mes notes de cours pour les élèves plus jeunes si cela peut vous servir aussi.
- Merci, professeur. J'y penserai. Bonne journée.
Le dos droit, Julian réajusta sa prise sur son sac et sortit d'un pas raide. A peine la porte se referma-t-elle sur lui qu'il s'y adossa, le souffle saccadé. Il ignora ses yeux qui le brûlaient, repoussa le souvenir de sa mère, et se remit en route. Il ne pouvait pas laisser la brume du passé envahir son esprit au risque de se perdre dedans.
**
*
La brume nocturne avait envahit le parc à cette heure-ci. Glacé par la chute brusque des températures, Julian resserra sa cape attachée par un nœud gordien autour de lui et avança résolument entouré par Liam et Aileen. Le premier arborait un air déterminé, les yeux braqués devant lui, inflexible. La seconde ne cessait au contraire de jeter des coups d'œil anxieux par-dessus son épaule.
- Si on se fait prendre...
- Aileen, arrête.
- Je suis Représentante, je te rappelle. On pourrait me retirer mon insigne pour être sortie dehors après le couvre-feu.
- Les autres le font tout le temps ! Ce n'est bien grave...
Aileen haussa un sourcil. Sous l'effet de l'humidité, ses cheveux roux commençaient à gonfler.
- Comment ça « le font tout le temps » ? Mais...
- Bienvenue dans le monde des délinquants, déclara Liam d'un ton ironique et pompeux. Maintenant accélère, il est presque minuit...
- Et je continus à dire qu'on aurait dû prévenir quelqu'un !
- Aileen, sérieusement, arrête. C'est trop tard de toute façon. Regarde, Julian ne dit rien lui.
- C'est parce que Julian est en train de mourir de froid.
Même s'il voulait nier, Julian n'aurait pas pu car Aileen avait effectivement raison, comme bien souvent. Elle semblait avoir un don pour savoir ce qu'il pensait depuis qu'ils s'étaient rentrés dedans dans le train de toute façon. Pourtant, le vent écossais l'avait habitué au froid, mais le Massachussetts n'était pas en reste.
Tout autour d'eux, le parc d'Ilvermorny était silencieux. Au cœur de la nuit, ils étaient les seuls à braver l'obscurité, se frayant un chemin à la simple lueur de leur baguette. La lumière projetait des ombres sous leurs pieds et Liam s'obstinait à avancer, comme s'il voulait devancer la sienne. Devant leurs yeux, la silhouette des serres s'élevèrent soudain. Dans la nuit, le verre des fenêtres ressortaient à peine, et la structure en fer se confondait avec les ténèbres, et Julian avait l'impression de voir un monstre à moitié dessiné émergé d'une toile. Ses doigts s'agitèrent contre sa jambe, un tic qui le prenait quand il avait envie de dessiner.
- Et maintenant ? Murmura Aileen. On fait quoi ?
- On va à la serre 4.
Ils avancèrent donc encore. Julian observa avec curiosité les serres qu'ils dépassèrent. Elles n'étaient pas bien différentes de Poudlard : des plantes s'enroulaient autour du fer et obstruaient les carreaux de verre, comme si elles cherchaient à dévorer ou étreindre les serres. A l'intérieur, il distinguait de longues tables, des pots vides ou remplis de plantes étranges. L'une des serres avait même un étage et un escalier blanc en colimaçon.
Enfin, ils se retrouvent devant la quatrième. Elle n'avait rien de particulier, mise à part qu'elle se trouvait plus à l'écart que les autres, prêt du mur d'enceinte. Tous les trois figés devant la porte, ils devaient offrir un piètre spectacle. Julian se demanda comment il s'était retrouvé ici pour sa deuxième nuit alors même qu'il n'avait jamais brisé le couvre-feu à Poudlard au plus grand damne de Matthew, toujours si tête brûlée.
- Il n'y a personne... souffla Aileen. Juste nous.
- T'en sais rien, celui qui a écrit la lettre va peut-être arriver...
- Pour l'instant, il n'est pas là, assura-t-elle à nouveau.
- Il est peut-être caché ? Suggéra Julian. Pas loin... et il nous observe ?
Aileen frissonna.
- Si tu dis ça pour me faire peur...
- Non, je dis ça parce que ça pourrait être vrai, rétorqua-t-il.
Julian tressaillit. Il n'avait pas voulu être si cassant, mais il avait le sentiment que ni Liam ni Aileen ne prenait vraiment conscience de la dangerosité de la situation. La lettre pouvait être une simple blague de mauvais goût ou quelque chose de bien plus sérieux et ils s'étaient peut-être jetés dans la gueule du loup.
- Désolé... je...
- Non, tu as raison, approuva Aileen. On n'aurait jamais dû venir. Liam, viens, on retourne au château... Liam ? Liam, qu'est-ce que tu fais ? Liam !
D'un même mouvement, Julian et Aileen s'élancèrent en avant pour rattraper Liam qui s'était soudain avancer et tapait contre les fenêtres de la serre. Le bruit résonnait horriblement dans le silence.
- Morgane, arrête ! Tu vas l'attirer ici...
- C'est exactement ce que je veux ! Il m'a fait venir, qu'il vienne !
- Liam, il n'y a personne d'autre ! Arrête, tu vas casser...
Au moment où les mots quittaient les lèvres d'Aileen, Julian entendit le verre craqueler et une seconde plus tard la main de Liam traversa la fenêtre en une myriade d'éclats. Avec un cri de douleur, il ramena son bras contre sa poitrine en jurant.
- Merde ! Merde !
- Liam, idiot ! Je t'avais dit... Oh mon dieu, fais voir ta main...
Avec prudence, Liam tendit sa main à Aileen. Elle vacilla immédiatement et Julian posa une main sur son dos pour la stabiliser. Elle tressaillit à nouveau violemment et se dégagea, le visage contracté comme si c'était elle qui avait la main en sang et non Liam. Des perles rouges s'accrochaient à ses doigts avant de tomber sur l'herbe, colorant le sol.
- Il faut qu'il aille à l'infirmerie, dit Aileen, la respiration saccadée.
- Mais non, jette-moi juste un sort pour refermer les plaies...
- Je n'ai pas le niveau...
- Tu es douée pour les sortilèges comme ça, protesta-t-il.
- Mais là tu as plusieurs coupures, je ne suis pas sûre... d'y arriver.
- Julian peut t'aider !
Pris au dépourvu, Julian regarda les lignes ensanglantées le long de la main de Liam et déglutit.
- Moi non plus je ne suis pas de savoir faire ça, avoua-t-il.
- Essayez au moins ! Il faut qu'on reste encore un peu, juste au cas où...
Aileen l'interrogea du regard. Après quelques secondes, Julian hocha la tête. Ils pouvaient bien tenter. S'il avait été à la place de Liam, il aurait aimé qu'on lui laisse une chance de retrouver sa sœur. Nerveux, il leva sa baguette et Aileen en fit de même. Ils lancèrent le sort de guérison en même temps. Lentement, les plaies se refermèrent. La plupart laissèrent une ligne rosée sur la peau, mais le sang arrêta de couler. Seules certaines refusèrent de guérir.
- Voilà... chuchota Aileen avant de se râcler la gorge. Je ne pense pas qu'on puisse faire mieux... Pour celles qui saignent encore, je ne sais pas...
- Ce n'est pas grave, s'empressa de la rassurer Liam. Je ne sens presque rien.
Elle plissa les yeux, comme si elle savait qu'il mentait, mais elle n'eut pas le temps de protester. Un grand corbeau noir croassa brusquement dans la nuit et ils sursautèrent tous. Dans un bruissement d'ailes, le corbeau piqua vers eux. Julian crut un instant qu'il allait se poser, mais il décrivit simplement un grand cercle au-dessus de leur tête puis lâcha une lettre. Elle tourbillonna dans l'air, blanche comme un flocon suspendu dans le vent, avant que Liam ne lève sa main valide et referme son poing dessus. Il tremblait presque d'impatience.
A cause de sa main encore blessée, il n'arriva cependant pas à ouvrir l'enveloppe et jura. Julian n'attendit même pas sa permission : il la lui prit sans cérémonie et l'ouvrit lui-même. Sur le parchemin, les mêmes les lettres découpées formaient une nouvelle phrase :
Brise le rituel et tu retrouveras ta sœur.
En dessous, des runes noircissaient la page, mais Julian n'en avait jamais vu de semblables. Leurs courbes formaient des traits délicats et brusques. Ce qui paraissait être leur traduction était inscrit à côté : des ingrédients de potions, des références de sortilèges, des indications diverses...
- Qu'est-ce que ça veut dire ? Souffla Aileen.
- Il veut que Liam réalise quelque chose pour lui, dit Julian en relisant en même temps la lettre. C'est une sorte d'échange...
- De chantage, corrigea-t-elle.
- C'est ça... Il faut que tu suives les directives pour... briser une sorte de rituel je crois.
Mais Liam ne l'écoutait pas. Son visage s'était décomposé et il tournait sur lui-même, comme s'il cherchait quelque chose, mais même le corbeau avait disparu. Julian ressentit un élan de pitié envers lui.
- Emilia ! Hurla-t-il brusquement. Emilia !
- Moins fort, Liam, stop...
- Emilia ! Emy !
Aileen le saisit par le bras et le secoua pour le faire taire, sans succès. La voix noyée sous des sanglots qui ne sortaient pas, Liam s'époumona :
- Emy, montre-toi ! Laissez-la partir ! Emilia !
- Tais-toi, paniqua Aileen, désespérée. Tout le monde va t'entendre !
- Emilia !
Julian ferma les yeux. Le nom de la « sorcière envolée » résonnait dans ses oreilles et il s'imagina à nouveau Emilia, les cheveux flottant au vent sous des feux d'artifice, marcher d'un pas pressé en jetant des regards par-dessus son épaule. Il revit sa photo si fascinante dans les journaux. La joconde blonde.
Il n'avait eu aucun espoir de la voir réapparaître ce soir. Liam, lui, l'avait eu. Ses cris contenaient en eux toute la détresse de l'espoir brisé. Il n'appelait pas sa sœur en espérant qu'elle le rejoigne, il hurlait son nom comme une conjuration, comme si à force elle pouvait être auprès de lui. Julian refoula la nausée aux creux de son ventre. Il savait ce que Liam ressentait pour avoir passé lui-même des nuits à appeler sa mère en chuchotant après sa mort.
- Elle ne viendra pas... murmura-t-il. Liam, elle ne viendra pas.
Défait, Liam arrêta de crier. Il s'effondra contre Aileen qui le soutint du mieux qu'elle put, tremblante, les larmes aux yeux. Elle passa une main douce dans ses cheveux pour le calmer.
- On va y arriver, je te le promets, jura-t-elle. On va la retrouver. On va faire briser ce rituel. T'es avec nous, Julian ?
Ils le regardèrent avec attention, déterminés. Julian inspira profondément et sa réponse fusa avant que son cerveau n'ait pu intervenir.
- On va briser ce rituel, affirma-t-il.
Au loin, une horloge sonna minuit.
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Verdict ? ^^
Eléments tirés du canon/Pottermore:
- Grosso modo, tout le cours d'histoire haha !
Prochain post - Chapitre 11 : Mercredi 20 Janvier
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