Chapitre 7 : Fourth of july
Chaluuuuut tout le monde ^^ Comment ça va ? Pas trop déprimé par ce temps de novembre là ?
Alors je commence par vous indiquer qu'il y a eu un drôle de bug pour le chapitre précédent. Un grand nombre de commentaire (pas la majorité mais pas quand même, je dirais une bonne centaine) ne s'affichaient pas à côté du texte sur la page principale. Ils apparaissaient dans mes notifs heureusement mais quand je cliquais dessus, ça me mettait "une erreur s'est produite". Alors, ça arrive de temps en temps sur certains commentaires, mais rarement à cette échelle. Donc désolée si je n'ai pas répondu à certains d'entre vous, j'espère que ça ne s'est pas trop ressenti...
Ensuite, résultats de cette semaine pour Othilia sur insta :
- Gryffondor : 3%
- Serdaigle : 76%
- Serpentard : 7%
- Poufsouffle : 14%
C'était assez similaire ici avec peut-être un peu plus de Serpentard. Et bien je ne suis pas tout à fait d'accord donc voilà ma version ^^ Pour moi, Othilia est une Poufsouffle. Elle soutient ses amis que ça soit Noah ou Théa voire Liam qu'elle accepte d'aider face à sa détresse dans le tome 1. Elle est surtout une travailleuse acharnée. Son éducation lui a appris que la reconnaissance passait par le travail et la réussite et que les efforts lui donneraient accès à la vie qu'elle souhaite. Le petit côté Serpentard qu'elle a se traduit justement par son ambition : son travail va lui servir à s'élever et, même si elle est tournée vers les autres, c'est une chose pour laquelle elle est autocentrée. Elle est d'ailleurs incapable de comprendre Noah dont la vision est complètement opposée. Et c'est là où je dirais que le sondage a tort : Othilia n'a rien d'une Serdaigle. Elle n'aime pas la connaissance en elle-même, il faut que cette connaissance ait un but ou alors qu'elle l'atteigne par l'effort afin de se transcender et pouvoir dire "j'y suis parvenue malgré tout". Surtout, elle n'a absolument pas un regard artistique. Othilia est cartésienne et c'est encore une fois ce qui bloque avec Noah. Donc voilà pour moi Othilia est une Poufsouffle avec des touches de Serpentard, ce qui peut paraître paradoxal et pourtant lui correspond bien je pense haha !
Pour dans deux semaines, on peut faire Leonidas ? ^^ Je rappelle que sa maison d'Ilvermorny avait été Womatou, soit le corps/les guerriers !
Et il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture ! Petit rappel quand même avant, le Salon du livre jeunesse où nous serons avec Perri sera le dimanche 4 décembre !
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Chapitre 7 : Fourth of July
« Oh, I'm sorry, I didn't mean any of it
I just got too lonely, lonely, whoa
In between being young and being right »
- Fall Out Boy, Fourth of July -
// 4 juillet 1980 //
Le Village s'était vidé de ses habitants. Rien d'inhabituel pour ce début du mois de juillet, c'était pareil tous les ans depuis qu'Othilia habitait ici : les gens partaient simplement en vacances et elle aimait retrouver la quiétude estivale à flanc de montagne, préservée de la chaleur étouffante. Surtout, elle pouvait marcher en plein milieu de la rue principale sans manquer de se prendre un passant et renversa la tête en arrière pour profiter des rayons du soleil avec insouciance. Morgane, elle aimait les vacances. Plus de devoirs, plus de pression de son père, plus de réveils matinaux. En tout cas, pas pour tout de suite. Il faudrait qu'elle s'y remette pour ne pas perdre le rythme et préparer son année Senior, déterminante comme aimait lui rappeler son père, mais ça faisait du bien de se détendre un peu. Surtout après cette fin d'année mouvementée.
Par réflexe, Othilia ne put s'empêcher de regarder autour d'elle. C'était devenu une habitude malsaine et irrationnelle depuis qu'elle était rentrée d'Ilvermorny – pourtant juste quelques kilomètres plus hauts – mais elle n'arrivait pas à s'en défaire. Elle voulait s'assurer que Ronan Graves ne l'espionnait pas quelque part. La peur logée dans son ventre n'arrivait pas à tout à fait disparaître, même si elle savait qu'il n'avait aucune raison de s'en prendre à elle spécifiquement. Après tout, elle n'avait été qu'un élément périphérique dans toute cette affaire, une pièce technique à la limite. Elle avait confectionné la plupart des potions avec l'aide de Liam, elle avait fourni le matériel et les ingrédients, et le contre rituel aurait sans doute encore plus échoué sans tout cela mais il fallait qu'elle soit honnête : Ronan Graves ne s'était pas intéressé à elle. Elle n'avait eu aucun intérêt pour lui, pas comme avait pu en avoir Théa, Liam ou même Julian, chacun lié à lui d'une manière singulière. Et c'était peut-être égoïste, mais elle y trouvait un certain réconfort. Le souvenir de cette nuit-là lui faisait encore perdre le sommeil.
Rien qu'hier soir par exemple, elle avait fixé le plafond de sa chambre longuement en visualisant l'explosion magique derrière ses paupières dès qu'elle osait fermer les yeux. Elle avait fini par aller se faire un chocolat chaud et sa belle-mère, Colleen, l'avait retrouvé à deux heures du matin, les traits tirés. Othilia sourit en repensant à son étreinte.
- Tiens, tiens, Othilia Fontaine en personne ! lança une voix près d'elle. Qu'est-ce qui te fait sourire comme ça ?
Dans un sursaut, elle pivota, la main sur le cœur, et découvrit Wilde Wilkinson à seulement quelques pas. Il remontait visiblement la rue en sens inverse.
- Bon sang, Wilde ! Tu m'as fichu... tu m'as fait peur !
- Fichu la trouille, hum ? Tu peux le dire, t'inquiète, ton prof de père n'est pas là.
Il fit semblant de regarder autour d'eux pour être sûr. Elle grimaça. Son père était connu pour ça, il n'était pas exigeant qu'avec elle, mais avec ses élèves en général et un bon langage était synonyme de bonne conduite à ses yeux au point que tout le monde s'en moquait gentiment. Elle s'approcha de Wilde. De près, il était encore plus large d'épaule que dans son souvenir. A croire que l'entraînement de Quodpot allait finir par le transformer en géant et elle dû lever les yeux pour rencontrer les siens au-dessus de son nez tordu, souvenir de sa bagarre avec Noah il y a plusieurs années.
- Qu'est-ce que tu fais là ? interrogea-t-elle. Je ne pensais voir personne au Village pendant les vacances.
- Oh, rien de spécial. Je viens voir ma mère en fait, elle a pris un appart' ici... Enfin, juste le temps de trouver quelque chose d'autre, tu sais c'est compliqué en ce moment...
Il eut l'air mal à l'aise, comme si elle devait savoir quelque chose, et elle cilla, perplexe.
- Compliqué ? répéta-t-elle.
- Hum oui... Tu n'as pas... je veux dire, personne t'a dit ? Certains journaux en ont même parlé à cause de mon père.
Toujours dans le flou, elle secoua la tête. Elle savait évidemment que le père de Wilde, le Gouverneur Wilkinson, était à la tête des Finances du MACUSA et une figure politique éminente, mais ce n'était pas son nom qu'elle avait cherché dans les journaux ces derniers temps. Elle s'était plutôt concentrée sur Ronan Graves.
- Ah... fit Wilde, embarrassé. Je suppose que tu finiras par l'apprendre alors mais... ma mère a plaqué mon père. Elle le trompait même depuis un moment apparemment, ils ne veulent pas trop m'en parler, mais bon... je les entends crier.
- Oh...
Elle resta sans savoir quoi dire. L'information était totalement passée sous son radar et elle se sentit mal pour lui. Elle connaissait mal Wilde : ils parlaient de temps en temps, avaient des cours en commun, mais il restait surtout le sportif typique, un peu gauche et sympathique qui partageait le dortoir de Noah. En clair, elle ne savait pas ce qu'elle pouvait lui dire pour le réconforter. Il les sauva d'un silence gênant en se râclant la gorge.
- Bref... Désolé, ce n'est pas un sujet super joyeux. Je me doute que t'as eu d'autres trucs à penser. Comme tu vas, toi ?
- Moi ?
Elle ne s'attendait pas à la question, même si elle était sans doute légitime. Comme tout à Ilvermorny, les rumeurs avaient circulé à leur sujet alors que les Aurors avaient fait des allers-retours pour eux. Très vite, tout le monde avait vu que Liam, Aileen, Théa, Julian, Noah et elle avaient été impliqués dans une affaire louche qui avait un lien avec Emilia Cooper et Ronan Graves. Même si les détails n'avaient pas été dévoilés ni par les autorités ni par la presse, les grandes lignes avaient fini par se savoir. Simplement, encore une fois, elle s'étonnait que Wilde lui pose la question à elle alors même qu'elle n'avait pas tant eu à souffrir au milieu de toute cette histoire, du moins pas autant que les autres.
- Je fais au mieux, répondit-elle finalement avec évasion. C'est juste stressant de ne pas savoir, les Aurors montent un dossier pour le moment, mais on ne sait pas si ça ira plus loin...
- Tu veux dire que tu pourrais... passer en procès et tout ?
Rien qu'entendre l'idée lui noua l'estomac et elle croisa ses bras sur sa poitrine, mal à l'aise.
- Peut-être... Vraiment, j'en sais rien, je crois qu'on n'est pas leur priorité pour le moment. Ils veulent retrouver Ronan Graves et comprendre ce qui s'est passé avec Emilia.
- Ouais, je vois, marmonna-t-il en se passant une main sur la mâchoire, songeur. C'est dingue quand même tout ce qu'on raconte. Ça m'a surtout surpris que tu te sois retrouvée là-dedans en plus !
- Ah ? Et pourquoi ?
Elle savait ce qu'il allait dire avant même qu'il n'ouvre la bouche.
- Bah je sais pas... T'es pas trop le genre, non ?
C'était une façon de le dire. Pour Wilde Wilkinson et pour tous les autres élèves d'Ilvermorny, elle était Othilia Fontaine, la fille sage et bonne en cours dont le père était professeur de potions, elle était ce genre de fille. Rien à voir avec un contre-rituel, un évadé de prison, une fugitive ou même une enquête d'Aurors donc.
- Je n'ai pas vraiment choisis d'avoir tous ces ennuis, tu sais, fit-elle remarquer sans doute un peu sèchement. J'essayais juste d'aider mes amis. Il faut un genre pour ça ?
- Quoi ? Oh non, non ! Je me doute que... tu l'as fait pour une bonne raison. J'étais surpris, c'est tout. Je me suis demandé au début si c'était pas à cause de Douzebranches. Enfin, tu sais comment il est... J'ai eu peur qu'il t'ai embarqué là-dedans.
A nouveau, elle fixa Wilde, prise au dépourvu. Est-ce que c'était ça l'autre facette qu'elle projetait ? L'autre prisme par lequel les gens la voyaient ? La petite amie de Noah Douzebranches qui se laissait aspirer par son tourbillon de problèmes et de mauvaise influence ? Elle faillit envoyer Wilde balader, agacée, mais se ravisa. Est-ce qu'après tout cette image n'avait pas une pointe de vérité ? Elle connaissait Noah mieux qu'eux et même s'il était plus le style de personne à s'enfoncer seul dans ses mauvaises décisions, il n'était pas impossible de basculer avec lui si on essayait de le retenir. Or, c'est précisément ce qu'elle faisait depuis des mois. Ce n'était pas comme ça au début de leur relation pourtant. Ils avaient commencé à se fréquenter à une époque où Noah remontait la pente après l'explosion de son groupe d'amis avec Liam et Aileen et surtout après le drame familial qui avait déchiré sa tante et sa mère à cause du kidnapping. Il s'était montré plus ouvert, plus curieux à son égard. Aujourd'hui, Noah semblait être à nouveau tombé dans une spirale où tout l'ennuyait à part l'art et où il pensait que tout le monde était contre lui. Elle avait du mal à le comprendre. Alors si elle-même ressentait ça, ce n'était pas étonnant que Wilde le perçoive aussi.
- Non, finit-elle par le détromper d'une voix faible. Il ne m'a pas « embarqué là-dedans », je l'ai fait parce que je le voulais.
Même si elle comprenait ce que Wilde avait voulu sous-entendre, elle ne put quand même s'empêcher de se demander s'il aurait dit la même chose à Julian ou à Théa. Non, sûrement pas. Eux ne donnaient pas l'impression de pouvoir être influencés si facilement, contrairement à elle. Wilde ne parut pas remarquer son agacement et enchaîna :
- Et ton père ? Il n'a pas été trop dur, ça va ?
Cette fois, elle grimaça.
- Un peu... J'ai eu le droit à plusieurs sermons du style « si tes amis sautent d'une falaise, tu le ferais aussi, c'est ça ? ».
- Je vois tout à fait. On a tous les mêmes parents, je crois, plaisanta-t-il.
- C'est ça. Mais bon, Colleen a pris ma défense, ça a équilibré.
- Colleen ?
Elle se remit à sourire instinctivement.
- Ma belle-mère. Je la connais depuis toute petite, c'est elle qui m'a élevé. C'est comme ma mère, vraiment.
- Oh... Tant mieux, ça t'as fait quelqu'un de ton côté ! approuva Wilde.
- Ouais, mais ça n'a pas suffi à calmer entièrement mon père. Je suis privée de sortie tout l'été !
Elle soupira avec fatalisme et Wilde haussa un sourcil, surpris. Il se mit à faire un tour sur lui-même avec exagération, l'air de chercher un indice complexe en désignant le paysage et les montagnes autour d'eux, et elle éclata de rire.
- Hum excuse-moi, je ne suis qu'un sportif de base avec une capacité intellectuelle limitée, dit-il en se désignant, mais si tu es privée de sortie... qu'est-ce que tu fais dehors à te promener en toute liberté ?
- Ah, mais c'est un jour spécial, répliqua-t-elle en riant. Mon père a fait une exception, mais seulement parce que Colleen a plaidé ma cause pendant une semaine.
- Un jour spécial ? Oh la fête nationale, tu veux dire ? Ton père est patriote à ce point ?
A nouveau, elle s'esclaffa.
- Non ! Le 4 juillet, c'est aussi l'anniversaire de Noah. J'allais le voir là pour lui souhaiter. J'ai une permission de deux heures !
- Oh je te fais perdre du temps alors désolé...
- Non, non, pas du tout. Ça me fait du bien de parler un peu enfin à quelqu'un !
Elle ne mentait pas. Même si la conversation était teintée de maladresses, elle lui changeait les idées et Othilia avait bien besoin de ça. Wilde eut l'air rassuré.
- Tant mieux alors. Mais je ne voudrais pas te mettre en retard pour l'anniv' de Noah Douzebranches en personne. Va y avoir des feux d'artifice ce soir, non ? Est-ce que ça gonfle encore plus son ego ?
Elle tenta de se mordre la lèvre pour ne pas rire, sans succès. Wilde parut encore plus amusé. Elle lui en fut reconnaissante : elle préférait rire aujourd'hui que se souvenir que le 4 juillet l'année dernière avait aussi marqué le début des ennuis et la disparition d'Emilia Cooper. C'était dur à croire qu'une année entière s'était déjà écoulée.
- Joker, esquiva-t-elle finalement avec un sourire. Mais t'as raison, il faut que j'y aille. A plus tard ?
- Fais pas comme si c'était une question, on se retrouvera à la rentrée. T'iras pas en prison, Othilia Fontaine, je te le promets !
Il avait commencé à reculer, mains dans les poches, et même s'il se voulait rassurant elle ne put que lui faire un dernier geste crispé en guise d'au revoir. Aller en prison... Il ne manquerait plus que ça. Elle savait qu'il y avait peu de chance, mais ça ne voulait pas dire que l'idée ne lui grignotait pas le cerveau depuis le début de l'été. D'humeur mitigée, elle se remit en route. A part Wilde, elle ne croisa personne d'autre et arriva en quelques minutes devant les Deux Souafles, le café de la tante Hilda. Il n'y avait pas de client sur la terrasse, mais elle vit quelques-uns accoudés au comptoir à l'intérieur. Les fameux habitués, les piliers de bars comme aimait les appeler Noah avec cynisme. Elle se sentait toujours mal à l'aise sous leurs regards quand elle venait et qu'il la toisait alors qu'elle traversait le café pour monter à l'étage. Indécise, elle hésita quelques secondes, puis se décida finalement à faire le tour du bâtiment. Elle passa par l'arrière-cours aux pavés inégaux et entra par la porte de derrière. Noah lui avait montré l'année dernière lorsqu'elle avait fini par lui avouer son malaise à cause des clients et peut-être aussi à cause d'Hilda elle-même.
Une main sur la rampe d'escaliers pour l'aider à gravir les marches raides, elle se retrouva directement dans l'appartement au-dessus du café une fois en haut. Il était sur deux étages, plutôt bien aménagé : sobre et en ordre à l'image d'Hilda, même si quelques détails trahissaient la présence de deux adolescents sous son toit. Une écharpe d'Ilvermorny sur les patères de l'entrée, quelques crayons sur la table, un bol dans l'évier qui attendait d'être lavé, et un balai posé en travers du canapé sans aucune explication.
- Noah ? appela-t-elle. T'es là ?
Une porte s'ouvrit sur sa gauche. Elle se retourna pour voir Raphaël en émerger.
- Oh salut Othilia, l'accueillit-il en souriant. Tu cherches la Bête ?
- A ce point ?
- Il est retranché dans sa chambre depuis hier soir, ouais. Je crois qu'il n'aime pas l'idée d'être vieux, ça y est !
- Dix-huit ans, ce n'est pas vieux.
- Non, mais il est majeur, ça revient au même pour lui. Je me demande s'il va sortir cette excuse à Hilda maintenant qu'elle lui demandera un truc.
Othilia retint une grimace. Même si Noah ne lui parlait plus autant qu'avant, elle savait que sa majorité était un sujet tendu : il était partagé entre la joie d'être enfin libre en tant que sorcier adulte à part entière et terrifié des conséquences que ça impliquaient aussi, à savoir qu'Hilda n'avait plus aucune obligation légale envers lui en tête de liste. Othilia n'arrivait pas à décider s'il avait raison de s'inquiéter, sa tante était trop une femme singulière et exigeante pour être percée à jour. Ça lui faisait déjà assez étrange de se dire que Noah était majeur. Elle avait eu tendance à l'oublier ces derniers mois, mais il avait un an de plus qu'eux tous après avoir redoublé sa deuxième année.
- Je vais aller le voir, dit-elle à Raphaël. Merci de m'avoir prévenu.
- Si tu hurle au secours, je viens de te chercher ?
- Deal.
Avec un dernier regard entendu, Raphaël se retira à nouveau dans sa chambre. Elle s'était toujours bien entendu avec lui et elle savait qu'il avait un certain respect pour elle, un peu comme toutes les personnes qui la trouvaient courageuse de supporter Noah dans ses pires moments. Si ces personnes connaissaient la vérité, elles seraient sans doute déçues : elle ne supportait pas Noah, elle attendait simplement que les crises passent. Théa lui avait fait comprendre que c'était le plus simple. Aujourd'hui, elle se demandait si ça n'avait pas plutôt contribuer à enraciner les problèmes, mais elle ne voulait pas trop y penser.
Résolue, elle se dirigea donc vers les escaliers qui menaient à l'étage supérieur. La porte de la chambre de Noah était fermée, bien sûr, et elle entendit de la musique à travers le battant. Elle crut reconnaître les sonorités rock des American Pixies, un groupe sorcier récent qu'elle connaissait mal, mais elle n'aurait pas été capable de l'affirmer avec certitude. Sur le bois écaillé de la porte, Noah avait collé des dessins : les siens, animés par magie, étaient surtout des caricatures de son frère et de Hilda ; mais il y avait aussi des miniatures d'art moldu qu'elle ne connaissait pas. Sans s'y attarder, elle toqua dessus avec force pour être entendue par-dessus la musique.
- Noah, c'est moi ! Je peux entrer ?
- Ouais !
Elle ouvrit la porte. A l'intérieur, l'odeur de cigarette la saisit à la gorge une seconde, puis se dissipa grâce à la fenêtre ouverte qui faisait circuler de l'air. Le désordre organisé qui régnait toujours dans la chambre fut au moins un spectacle familier et elle avisa le bureau surchargé sous des parchemins, des livres et du matériel à dessin en même temps que les photos collées au mur et le placard à moitié ouvert près de la minuscule salle de douche attenante. Noah était assis sur son lit, une dizaine de feuilles étendues devant lui organisées en petites piles, et il leva la tête en la voyant.
- Eh... j'étais pas sûr que tu passerais, fit-il avec un demi-sourire. Viens, entre.
Il se décala en une invitation et elle s'approcha.
- Moi non plus à vrai dire, mais mon père m'a donné deux heures.
- Ah le compte à rebours a commencé donc.
Elle fronça le nez en guise d'excuse, mais il ne parut pas perturbé et elle enleva ses chaussures avant de grimper sur le lit à côté de lui. Il se pencha vers elle en même qu'elle s'inclinait vers lui pour l'embrasser, juste un baiser fugace mais ferme qui détendit un peu la boule de stress accumulée ces derniers jours dans son estomac.
- Joyeux anniversaire... souffla-t-elle contre ses lèvres.
Noah soupira.
- « Joyeux », hum... répéta-t-il d'un ton sceptique.
- Oh allez, arrête. Profite un peu de la journée au moins. (Elle passa une main sur sa nuque, là où ses boucles se resserraient et étaient plus courtes). Hilda t'a dit quelque chose ?
- Non, elle était déjà en bas au café quand je me suis réveillé. Mais elle m'a laissé ça.
Souplement, il se pencha pour attraper quelque chose sur sa table de chevet et elle laissa retomber sa main entre eux. Il lui tendit alors un petit morceau de parchemin.
- C'était sous ma porte ce matin.
Elle le leva à hauteur de ses yeux pour mieux lire. L'écriture était celle élégante et ronde de Hilda. « Bon anniversaire mon grand. Tatie 'Da ». En dessous, elle avait tenté de dessiner un bonhomme à la tête recouverte de boucles et un gâteau à côté. Othilia sourit devant l'effort.
- Tatie 'Da ? lut-elle, amusée.
- C'est comme ça que je l'appelais petit, j'arrivais pas à prononcer « Hilda ». Mais je l'ai plus dit depuis mes cinq ans au moins... je m'en souvenais même pas, je pensais qu'elle non plus.
- Elle t'a vu grandir, évidemment qu'elle s'en souvient.
- Si tu le dis...
Noah haussa les épaules, l'air sur ses gardes, mais elle capta bien le regard presque nostalgique qu'il posait sur ce mot si court. Et même si Hilda était aussi douée en communication que son neveu, elle avait au moins tenté quelque chose, ce qu'Othilia considérait comme un progrès.
- Allez, Noah, accorde-lui un peu de crédit pour une fois. C'est mignon, non ?
- Oui, oui, je suppose... Elle l'a sans doute fait aussi parce qu'elle a refusé que ma mère vienne aujourd'hui. On s'est un peu engueulés hier soir à cause de ça, elle veut se faire pardonner.
- Oh... Pourquoi elle ne voulait pas ?
- Parce que ma mère vient juste de retrouver du boulot et qu'elle doit bosser toute la journée, ça serait mal vu qu'elle demande déjà un jour off.
- En un sens, elle a raison, approuva-t-elle. Mais elle pourra venir ce week-end, non ?
Noah roula des yeux.
- Ca ne sera plus mon anniversaire ce week-end...
Il parut réaliser que la phrase était sans doute enfantine et baissa la tête, les épaules tendues. Othilia se retint de lui répliquer qu'il n'avait effectivement plus six ans, mais elle ne le fit pas de peur de le braquer. Elle savait déjà ce qu'il allait lui répondre : qu'est-ce qu'elle en savait, elle dont les parents avaient toujours été là pour les fêtes, les anniversaires, les noëls ? Dans un sens, c'était vrai. C'était l'avantage d'avoir un père professeur dans son école, il pouvait prendre les vacances scolaires et les soirées d'anniversaire pour les fêter ensemble. Colleen n'était jamais bien loin non plus au Village. Elle ne pouvait donc pas vraiment comprendre, mais elle savait aussi qu'il fallait accepter de faire des compromis dans la vie. Le problème, c'était que ce mot n'était pas dans le vocabulaire de Noah.
- Tu veux ton cadeau pour te changer les idées ? proposa-t-elle.
Dévier, esquiver. La technique de Théa fonctionnait bien au moins. Noah releva la tête vers elle, un rictus au coin des lèvres et tendit la main.
- J'espère que c'est un truc cher, dit-il avec ironie.
- Très drôle.
S'il y avait bien une chose que Noah ne comptait pas parmi c'était défaut, c'était être matérialiste. Ça allait au moins bien avec son côté artiste bohème qu'il se donnait, même si elle espérait parfois qu'il s'intéresse un peu plus à l'aspect financier de la vie. Prendre conscience que l'art n'était pas un choix de carrière serait sans doute un bon début. Mais elle ne commenta pas davantage et plongea la main dans sa poche pour en sortir son paquet emballé avec soin avec l'aide de Colleen. Petit, rectangulaire et plat, il ne payait pas de mine vu comme ça. Noah fronça les sourcils, surpris.
- Ouvre-le, il ne veut pas exploser, se moqua-t-elle.
- J'essaye de deviner ce que c'est.
- Quel intérêt ? Tu sauras en ouvrant !
Il prit le paquet et le retourna entre ses mains en levant les yeux au ciel.
- Tu manques d'imagination, Lia, parfois, répliqua-t-il.
Même si la pique n'était pas dite méchamment, elle se crispa. Elle était juste impatiente de le voir ouvrir le cadeau, rien de plus, mais Noah était comme d'habitude sur un autre rythme. Après une observation minutieuse, il finit par renoncer et déchira le papier autour pour découvrir une petite boîte en bronze, simple à l'exception des lettres N.D gravées sur son couvercle. Noah retrouva le sourire.
- Un étui à cigarette ? rit-il.
- C'est Théa qui m'a donné l'idée un peu par hasard, reconnut-elle. Liam se plaignait que ses cigarettes s'écrasaient et elle lui a répliqué qu'il avait qu'à prendre une boîte comme Leonidas ou les sorciers sang-purs. Ça m'a rappelé que toi tu te plaignais de perdre tes paquets un peu partout. Bon, ça n'a rien à voir avec le statut du sang bien sûr, mais je me suis dis que ça pourrait être pratique !
- Et tu l'as fait graver avec mes initiales ?
Il paraissait amusé et fasciné par l'objet en même temps et traça le contour des lettres du bout du doigt. Othilia haussa les épaules en souriant.
- Il fallait bien qu'elle soit classe quand même, non ? remarqua-t-elle. Elle te plaît ?
- Elle est super, Lia. Merci.
Une fois encore, il se pencha pour l'embrasser. Ce baiser fut moins mécanique, plus sincère, et elle se laissa aller contre lui en entre-ouvrant les lèvres. Noah était le seul garçon qu'elle avait embrassé, son premier tout à vrai dire, et être avec lui était devenu familier. Elle se laissa porter alors que sa langue caressait le sienne, envahie par une sensation de chaleur. Elle réalisa que la musique s'était arrêtée depuis un moment car leur baiser était maintenant le seul bruit qui emplissait le silence de la chambre, lent et sensuel. Elle inclina un peu plus son visage vers lui pour accentuer la pression de ses lèvres dans un va-et-vient continue. Leurs bouches se cherchaient, reculaient, revenaient, le tout avec promiscuité. Grisée, Othilia voulut se rapprocher davantage et commença à bouger sa jambe pour se redresser et la passer en travers de ses genoux, mais son pied heurta une des piles de feuille sur le lit. Noah la repoussa d'une main sur sa hanche qui la brûla presque à travers ses vêtements.
- Attends... souffla-t-il.
Il se pencha pour ramasser les feuilles éparpillées et le remettre dans l'ordre. Elle leur jeta un coup d'œil mauvais, frustrée.
- Qu'est-ce que c'est que tout ça ? demanda-t-elle en reprenant sa respiration.
- Des vieux dessins. Je fais le trie pour les classer.
- Les classer ? Pour quoi faire ?
Noah n'avait jamais été le type très organisé et ce soudain élan de rangement l'étonnait. Il répondit en rassemblant toutes les feuilles dans une pochette qui traînait jusque-là près de son lit.
- Pour mon book. Il en faut un pour le dossier d'admission à l'école d'art. C'est à rendre en avril l'année prochaine, j'ai le temps, mais je voulais voir ce que j'avais... La plupart sont trop vieux pour être assez bons de toute façon, ça ira pas.
- L'école d'art ? Attends, tu vas postuler alors ?
Il lui jeta un regard par-dessus son épaule, toujours penché en avant pour tout rassembler alors qu'elle s'était recroquevillée contre le mur.
- C'était le plan depuis un moment, non ? rétorqua-t-il. Julian m'a dit qu'il me filerait un coup de main pour le constituer, ça sera sans doute mieux. Je sais pas trop ce qu'ils attendant vraiment dans ce genre d'école.
Déstabilisée, elle le dévisagea. Avec la fin d'année mouvementée, ils n'avaient pas eu l'occasion de reparler de leur orientation post-Ilvermorny, mais elle avait cru que son idée d'école lui était passé.
- Mais... on en avait parlé, je croyais que... Noah, t'es sûr de toi ?
Elle avait eu beau tenter de garder un ton neutre, il soupira profondément.
- Oh non, pitié, on va pas revenir là-dessus ? s'agaça-t-il. Qu'est-ce que tu veux que je fasse d'autre ?
- Mais plein de choses ! Tous les profs te le disent, si tu révisais un peu, tu as vraiment du potentiel et...
Il la coupa en levant une main, irrité.
- Et quoi ? Je n'ai pas de potentiel en dessin pour faire la même chose ? Si je m'y met, y'a pas de raison que ça ne fonctionne pas.
- Je n'ai pas dit que tu n'avais pas le potentiel en dessin, c'est évident que tu es doué en art, mais est-ce que ça sera suffisant pour ce genre d'école ? Je n'y connais rien, mais...
- Julian pense que oui, l'interrompit-il, défieur.
Othilia soupira à son tour, agacée. Comme si Julian Shelton était d'un coup devenu un argument d'autorité à lui tout seul. Elle ne niait pas ses capacités en magie, mais il n'était pas conseiller d'orientation aux dernières nouvelles, et elle ne voyait pas pourquoi son avis primerait sur le sien alors même que Noah était en couple avec elle.
- Ravie pour Julian dans ce cas, dit-elle avec acidité, mais ça ne fait pas tout. Renseigne-toi au moins sur d'autres voies au cas où. (Elle croisa les bras, défensive). Hilda en pense quoi de toute façon ?
- A ton avis ? Tu devrais aller boire le thé avec elle, tiens, vous aurez au moins un sujet pour tomber d'accord toutes les deux.
- Arrête, t'es injuste... Tu sais bien qu'elle dit ça seulement parce qu'il ne faut pas se voiler la face, Noah ! Une école d'art, ça ne mène pas à une carrière stable ou normale, c'est tout et...
Elle sut qu'elle avait commis une erreur à la seconde où Noah tressaillit et que son agacement se transforma en colère au fond de ses yeux bleus. Elle s'arrêta d'elle-même, tendue. « Normal ». Elle commençait à comprendre qu'il détestait ce mot, voire toute l'idée qu'il représentait, mais elle ne pouvait rien y faire. C'était une réalité et Noah ne pouvait pas faire tomber toutes les barrières avec la seule force de sa volonté, Morgane seule savait pourtant qu'elle était forte. Elle ne voulait juste pas le regarder foncer droit dans le mur sans rien faire.
- Ne me regarde pas comme ça, reprocha-t-elle. C'est juste comme ça, ça ne veut pas dire que je ne crois pas en toi ou qu'Hilda veut te gâcher la vie ! On est juste prudentes !
- Mais est-ce que tu t'es renseignée même une seconde sur cette école ? Ou tu t'enfonces juste dans tes idées préconçues que ton père te rabâche sur « faut faire carrière à tout prix » ?
- Laisse mon père en dehors de ça !
Il secoua la tête, défait. Puis, sans la regarder, il se leva de son lit pour aller prendre une cigarette et l'allumer d'un coup de baguette rageur. Il ne revint pas près d'elle. Au lieu de ça, il s'adossa au mur près des photos qui y étaient collées – l'une d'elle les représentait, plus jeunes, devant le mur d'enceinte d'Ilvermorny – puis il posa un regard lourd sur elle à travers ses cils.
- T'as changé, marmonna-t-il finalement.
Elle lui renvoya un coup d'œil surpris. Le commentaire sonnait plus comme un reproche que comme un constat et ses nerfs se hérissèrent d'instinct.
- Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ? s'emporta-t-elle.
- Exactement ce que ça signifie. T'as changé. (Il rejeta sa fumée vers le plafond en un nuage opaque). Elle est où la fille que tout le monde pensait prude et intello qui m'a demandé un rendez-vous la première ? Celle qui avait pas peur de mes idées ni d'aller contre l'avis de son père ? Qui s'enfermait pas encore dans sa sacro-sainte « normalité » ? Hum ?
Les joues enflammées, Othilia se refusa à détourner la tête. Peut-être que c'était vrai, elle avait un jour été cette fille-là. Elle se souvenait encore des murmures qui l'avaient suivi au début quand toute l'école avait appris qu'elle avait osé demander un rendez-vous à Noah Douzebranches, le garçon renfermé et un peu en marge à cause de son nom de famille et des frasques de sa mère qu'on disait folle. Certains commentaires, rares mais présents, avaient même été méchants : on lui avait collé l'étiquette de la petite fille de bonne famille qui voulait se dévergonder. Théa en avait envoyé balader plus d'un et Noah lui-même avait pris sa défense. Elle en avait même été touchée à l'époque. Si elle avait demandé ce rendez-vous à Noah, ça n'avait rien eu à voir avec une quelconque envie de tester les limites ou de faire sa crise d'adolescente. C'était parce qu'il avait quelque chose de fascinant qui l'avait captivé. Il était le genre de personne capable de toucher une flamme juste pour voir si elle brûlait au risque de se faire mal. Maintenant, elle se rendait compte que ce genre d'attrait ne pouvait durer qu'un temps ou que peut-être elle n'était prête à le supporter chaque jour. D'une voix étranglée, elle lui répondit donc :
- Elle a grandi cette fille, c'est tout. Tu devrais peut-être faire pareil à un moment.
Noah la contempla, pensif, sa cigarette au coin des lèvres. Elle voyait bien qu'il rejetait en bloc l'idée même, c'était marqué sur ses traits. Un sentiment immense de frustration monta en elle et elle croisa les bras un peu plus contre son ventre.
- T'es chiant... marmonna-t-elle en ravalant ses larmes.
Il n'aimait pas la voir pleurer. Elle le savait et essayait de ne jamais le faire pour ne pas tricher ni lui faire croire qu'elle le faisait seulement pour l'amadouer. Mais elle manquait de sommeil et elle sentait ses règles arriver depuis plusieurs jours à cause des crampes dans son bas-ventre et elle n'arriva pas à se contenir. Une larme roula sur sa joue.
Elle se mordit la lèvre, énervée contre elle-même, et entendit Noah soupirer. Du coin de l'œil, elle le vit écraser sa cigarette pourtant à peine entamée, puis il revint près d'elle sur le lit. Il avait l'air moins énervé, juste las.
- Allez, Lia, pleure pas, souffla-t-il.
- La faute à qui ?
- A moi parce que je suis égoïste, méchant, et un imbécile qui ne fera jamais rien de sa vie. C'est ça que tu veux m'entendre dire ?
Il tenta de mettre de l'humour dans sa voix, mais elle sentit malgré tout son amertume. Fatiguée, elle planta ses yeux dans les siens.
- Non, Noah. Contrairement à ce que tu crois, non. Mais tu peux l'être quand tu veux et c'est injuste.
- Tout autant que toi quand tu regardes mes dessins et que tu décides qu'ils ne valent rien parce qu'une école d'art n'est pas normale, lui fit-il remarquer étonnamment calme.
Elle renifla. C'était possible qu'ils aient tous les deux une part de responsabilité là-dedans, mais elle était surtout déçue d'avoir gâché ce rare moment ensemble. Les deux heures allaient presque être écoulées et son père ne lèverai sans doute pas sa punition de sitôt à nouveau.
- Tu parles d'un anniversaire... grommela-t-elle.
Noah haussa les épaules.
- Je m'attendais à pas grand-chose, t'inquiète pas. Mais j'ai quand même eu un super cadeau.
A l'aveugle, il chercha l'étui à cigarette en bronze au milieu des couvertures froissées et le brandit entre eux avec fierté. Othilia n'arriva pas à réprimer un sourire.
- Elle était chère en plus... fit-elle dans un filet de voix.
Noah éclata de rire.
- Alors elle est encore mieux !
Il la reposa sur sa table de chevet avec précaution, puis lui ouvrit les bras. Elle s'y glissa, le cœur encore lourd, mais l'esprit plus léger. Calée contre son torse, elle le laissa jouer avec une mèche de ses cheveux. Elle n'avait plus envie de l'embrasser, ni d'autre chose, comme elle avait pu y penser tout à l'heure. Juste ne plus crier était déjà une bonne chose. Elle se demanda comment ils avaient fini par en arriver là... C'était comme observer un objet cassé avec détachement et de ne pas avoir la force de recoller les éclats. Le problème, c'est qu'elle n'avait pas non plus la force ni la volonté de s'en aller. Au lieu de ça, elle se pressa un peu plus contre Noah et il déposa un baiser sur sa tempe. Elle voulait bien accepter le geste en guise de réconciliation.
***
// 5 juillet 1980 //
Les étapes d'une réconciliation était nombreuses et longues ; Julian commençait à s'en rendre compte. A mesure que les jours passaient, il voyait bien que sa relation avec sa mère se reconstruisait, mais le tout lui paraissait lent. Les choses n'étaient pas comme avant. Il avait sûrement été naïf de croire que ça allait être le cas après leur plongée dans la Pensine de toute manière. Au moins, elle faisait des efforts : elle restait à l'écart quand il lui faisait sentir qu'il avait besoin de distance, mais elle n'était jamais bien loin s'il voulait sa compagnie. C'est bien simple, il ne pouvait pas faire un pas dans la maison sans que sa mère n'apparaisse, prête à croiser son regard ou à discuter s'il le voulait. Ça lui paraissait un peu forcé, mais ils devaient tous les deux sans doute en passer par là, même si c'était frustrant. Ça l'était d'autant plus qu'elle ne semblait pas avoir autant de mal à renouer avec les autres, même si les choses n'étaient pas simples non plus. Son père et Charly étaient juste trop heureux qu'elle soit revenue pour s'en soucier, même s'il y avait des silences gênés par moments ; Cordelia et grand-mère Isadora marchaient quand même sur des œufs et s'efforçaient d'éviter tout sujet conflictuel ; et Leonidas était tout bonnement reparti en Angleterre pour le travail. Les plus calmes vis-à-vis de tout ça étaient sans doute Théa et Archer. Eux découvraient simplement cette tante dont il avait tant de fois entendu le nom derrière les portes closes et Julian les avait remerciés silencieusement plusieurs fois d'entretenir la conversations pendant les repas parfois tendus.
En général, il essayait d'ailleurs de rester avec Théa le plus possible. Depuis qu'ils étaient rentrés d'Ilvermorny, ils avaient trouvé un terrain d'entente tous les deux : ils ne se l'avouaient pour rien au monde, mais ils s'aimaient bien. En tout cas, c'est comme ça que Julian interprétait les invitations de Théa à jouer à la bataille explosive le soir parce que « t'es seul qui sait bien jouer, Archer ne fait aucun effort et Charly n'a pas de stratégie ».
En ce moment même, il était assis à côté d'elle sur le canapé du salon en train de surveiller Archibald assis par terre sur sa couverture. Ils avaient été nommés babysitters en chef par la force des choses : Elizabeth et Archer devaient se rendre au MACUSA pour faire une demande officielle de permis de séjour pour la jeune femme et ils avaient laissé le bébé, bientôt âgé de deux ans, à la maison. Techniquement, les adultes avaient la charge de le surveiller, mais tout le monde s'était éparpillé pour préparer le dîner de ce soir et ils s'étaient dévoués pour le surveiller.
- Il bave là, non ? fit Théa, concentrée.
- Hum ? Peut-être, c'est un bébé... Qu'est-ce que tu que je fasses ? Le bâillonner ?
Théa roula des yeux.
- Non... je pensais plus à un sortilège de Tête-en-Bulle. Mais peut-être qu'il va se noyer dans sa bave après ?
Elle regarda Archibald comme si elle jugeait la faisabilité de son idée et Julian rejeta la tête en arrière dans un éclat de rire.
- Si j'ai des enfants un jour rappelle-moi de ne jamais te laisser seule avec ! s'amusa-t-il.
- Comme si je voulais les garder. Débrouille-toi sans moi.
Elle lui donna un coup de coude pour faire bonne mesure et il lui rendit. Lottie, qui passait devant la porte du salon, s'arrêta quelques secondes dans l'embrasure pour leur lancer à la cantonade :
- Parfait, c'est moi qui serait la tante cool préférée !
Et elle repartit comme elle était venue. Julian secoua la tête. Tous les jours, elle allait vérifier si un hibou n'attendait pas devant la maison avec les résultats de leurs examens de fin d'année. Il savait qu'elle s'angoissait de les avoir loupés : elle avait dû réviser deux fois plus car elle avait rattrapé l'équivalent des BUSES américaines qui se passaient en quatrième année à Ilvermorny. En cinquième année, Lottie avait donc dû passer ce rattrape et les examens normaux de son année, respectivement en février et en juin. Pour elle qui n'était pas scolaire de nature, ce travail sur le long terme avait été difficile et il s'en voulait de ne pas avoir été plus disponible pour l'aider. Il avait juste eu d'autres choses à faire évidemment... En songeant au Rituel d'Ancrage, il se pencha pour essayer de voir la lettre que Théa avait reçu il y a une heure et qu'elle avait laissé sur l'accoudoir du canapé.
- C'était Liam ? demanda-t-il, curieux.
- Oui...
Elle coula un regard suspicieux vers lui.
- J'ai reconnu son écriture, expliqua-t-il. Mais pourquoi il t'écrit seulement à toi ?
- Aucune idée, c'est juste plus simple que je réceptionne les lettres, dit-elle sur la défensive. C'est chez moi, ici.
- Et je te remercie tous les jours pour ta noble hospitalité. Alors qu'est-ce qu'il dit ? Des nouvelles d'Emilia ?
Théa ignora son ironie et attrapa plutôt la lettre pour la parcourir à nouveau d'un regard rapide. Sur sa couverture, Archibald agita ses jouets en riant, perdu dans son monde. Plus il grandissait au fil des mois, plus ses cheveux blonds poussaient et lui donnaient l'air d'un Rosier. Julian aurait préféré qu'il hérite de la blondeur or de sa mère.
- Elle est bien rentrée chez eux, raconta Théa, la lettre devant le visage. Elle commence à se réhabituer et leurs voisons ont arrêté d'essayer de venir épier derrière leurs fenêtres.
- Sérieusement ?
- Les gens n'ont aucune limite... Bref, Liam dit que ses parents ne veulent plus quitter Emilia des yeux, mais qu'elle l'accepte sans broncher. Elle essaye de se faire pardonner et de faire profil bas, c'est ce que l'agent Fischer lui a conseillé dans tous les cas jusqu'à son passage devant le juge.
- Ils ont la date ?
- Oui, ça y est. Le 18 août. Liam demande si on peut venir ?
Julian n'eut même pas à réfléchir et hocha la tête. Théa approuva elle aussi, puis se leva pour aller prendre une plume et un parchemin pour rédiger leur réponse. L'agent Fischer leur avait expliqué que le passage devant le juge constituerait l'étape majeure pour déterminer s'il y allait avoir un procès pour Emilia. Une fois que les Aurors auraient terminé leur enquête, ils remettraient le dossier au juge et Emilia allait être convoquée à un entretien pour faire la lumière sur son rôle dans ce qui s'était passé. Si le juge la pensait responsable, il demandait un procès. Si au contraire elle arrivait à prouver que Ronan Graves avait tout organisé, elle pouvait espérer s'en tirer avec une sanction clémente.
Il allait demander à Théa de relire sa lettre – juste pour s'assurer qu'elle n'avait pas écrit trop de piques envers Liam – quand on sonna à la porte. Distrait, il tourna la tête vers le hall, visible du canapé.
- Lottie ! T'y vas ? appela-t-il.
- Laissez, je m'en occupe ! répondit la voix de sa mère.
Une seconde plus tard, il la vit passer en vitesse pour aller ouvrir la porte. D'un même mouvement, Théa et lui s'approchèrent pour voir qui était sur le pas de la porte. Quand sa mère ouvrit le battant, ils eurent la surprise de découvrir Hercules Fischer, le chef du bureau des Aurors en personne. Mais il n'était pas seul. Julian vit Hilda Douzebranches entrer chez eux, figé par la surprise, et même Théa écarquilla les yeux.
- Agent Fischer, Mrs Douzebranches... ? les accueillit sa mère, prise au dépourvu elle aussi. Je ne m'attendais pas à votre venue... Je peux vous aider ? C'est au sujet de l'enquête ?
- Pas aujourd'hui, non, détrompa Fischer, mal à l'aise. Je suis désolé de vous déranger, Mrs Douzebranches voulait vérifier ici...
- Vérifier ?
Mais la tante Hilda écoutait à peine et s'était avancée dans le hall sans prêter attention à sa mère, agitée. Elle s'arrêta nette en les voyant, Théa et lui, dans l'embrasure de la porte du salon.
- Bonjour Mrs Douzebranches... commença sa cousine maladroitement.
- Oui, oui, bonjour. Désolée d'arriver sans prévenir, mais c'est vous que je voulais voir. Théa, c'est ça ? Et Julian ?
Etonnés, ils hochèrent la tête de concert. Julian jeta un regard perdu à sa mère alors qu'elle le rejoignait, l'agent Fischer sur les talons. La tante Hilda se mit à regarder derrière eux, comme si elle cherchait quelque chose, mais seul Archibald en train de jouer sur sa couverture était visible.
- Est-ce qu'il est ici ? demanda-t-elle soudain.
Encore plus perplexe, Julian la dévisagea.
- Qui ça ?
- Noah ! Je le cherche partout depuis hier, il a pris ses affaires, il est parti... je ne sais pas où il est !
Elle se remit à regarder autour d'elle, toujours plus angoissée, et Fischer tenta de la calmer. Julian, lui, ne les écouta plus. Il avait l'impression d'avoir rebasculé par-dessus le bord du précipice à nouveau.
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Verdict ? Un petit clifdhanger ça faisait longtemps haha !
J'ai beaucoup aimé écrire Othilia et Noah sous cet angle parce que c'est vrai qu'on les voit peu, mais ils sont enfermés dans une relation fissurée, incapable de reconnaître ce qui est évident : ils grandissent et prennent des chemins différents, même s'ils sont trop têtus pour l'admettre.
Et pour finir, on se quitte sur les mêmes de Lina ! Merci encore à toi, tu est vraiment une lecture merveilleuse et je ne te remercierai jamais assez *keur* !
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