Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Chapitre 45 : Le toit du monde

Hello ! Comme promis, petit craquage du mercredi pour vous remercier de votre enthousiasme et vos commentaires. Je suis super contente que la partie sur le procès vous ait plu, ça a été vraiment intéressant à écrire de mon côté. 

Ce week-end, je suis allée dans Paris voir le match de Felix Lebrun en fanzone notamment et l'ambiance était trop stylé, vraiment la vibe JO ça transforme Paris ! J'ai fait une longue balade de l'hôtel de ville jusqu'aux Tuileries (la flamme montgolfière claque) et vraiment avec le soleil et la bonne humeur ça faisait trop du bien ! 

Bon allez, le chapitre du jour. On retourne du côté de Matthew et Charity. Pour la citation, je vous offre une de mes chansons préférés, Il a neigé sur Yesterday de Marie Laforet. C'est bien simple, je l'ai fait écouter à Perri, elle a eu dans la chanson dans la tête pendant des jours. Si je l'aime autant, c'est qu'elle est d'abord très belle, mais elle parle en plus des Beatles. J'avais tout pour l'aimer ! Et j'espère vous la faire découvrir aussi du coup, donc je vous mets le lien juste là et bonne lecture ^^ 

https://youtu.be/Dcq_RYmoXWE

Chapitre 45 : Le toit du monde

« Il a neigé sur Yesterday
Le soir où ils se sont quittés
Le brouillard sur la mer s'est endormi
Et Yellow Submarine fût englouti »
– Marie Laforet, Il a neigé sur Yesterday

// 1er juin 1981 //

Matthew Bones venait de monter sur le toit du monde.

Du moins, c'était l'impression qu'il avait en contemplant la foule or et rouge qui hurlait sous lui. Porté par ses coéquipiers, il sentait à peines les mains qui le frôlaient, trop occupé à se noyer dans les cris et les acclamations. Sa propre voix se fondait dans celles des supporters de Gryffondor et pourtant il la poussait à son maximum lui aussi. Euphorique, il jeta ses bras vers le ciel. La foule rugit en réponse. Il éclata de rire et faillit partir vers l'arrière, déséquilibré, mais ses deux batteurs la stabilisèrent. Quand il releva la tête, son regard tomba sur le tableau de score étincelant sous le soleil de plomb de ce début juin.

220-150. La victoire était écrasante. La revanche merveilleuse.

Il eut une pensée pour Mary McDonald qu'il avait vu en larmes après leur défaite contre Serpentard en finale. Elle avait serré la main de Regulus Black, la mâchoire crispée, alors que celui-ci tenait encore dans son autre poing le vif d'or brillamment remporté. Aujourd'hui, deux ans plus tard, il avait réussi à renverser la tendance. Et avec une équipe entièrement renouvelée. Si Mary avait hérité du capitanat de James Potter, lui était reparti de rien cette année. Dernier bastion d'une équipe révolue, il avait tout misé sur l'audace en recrutant de nouveaux talents et l'audace avait payé. En tout cas, ladite équipe était en train de crier à plein poumons, aussi incrédule que lui de cette victoire.

- Et la Coupe de Quidditch 1980-1981 est remportée par... GRYFFONDOR ! hurla le commentateur depuis les tributes.

Ce n'était plus la voix de Tiberius Ackerley qui avait accompagné presque tous ses matchs à Poudlard, mais pour une fois la nostalgie n'eut aucune prise sur lui. Il s'en fichait. Et il ne devait pas être le seul car les supporters exultèrent.

Dans un état second, il sentit ses pieds revenir sur le sol et il ramena son balai contre lui, pressé de tous les côtés par ses camarades et ses coéquipiers. Quelqu'un lui donna une grande tape dans le dos.

- Allez, va la chercher, capitaine ! lui cria une voix.

Il aurait pu en perdre un tympan, mais ça aussi il s'en fichait. Le cœur prêt à exploser, il fendit la foule qui avait envahi le terrain. Au milieu de la liesse générale, il repéra quand même les mines défaites des joueurs de Serpentard, mais les ignora. C'était le mieux qu'il pouvait faire, sinon il allait les narguer et il ne voulait pas non plus être mauvais gagnant. Il joua des coudes, avançant vers les gradins des professeurs. Il ne lui restait que quelques mètres, mais ce furent les plus difficiles : tout le monde poussait, criait, le félicitait. Il croisa le regard d'Artemisia Meadowes et son sourire éclatant le poussa à enfin atteindre les premières marches.

McGonagall l'attendait, une coupe presque aussi grande que Spencer dans les bras. Si Spencer avait été une unité de mesure en tout cas. La gorge comprimée, il osa à peine s'en approcher, mais sa directrice de maison lui tendit une main ferme qu'il serra maladroitement. Un sensation d'irréalité étrange le saisit.

- Félicitations, monsieur Bones, lui dit-elle avec un de ses rares sourires. Au nom de la maison Gryffondor, laissez-moi vous dire que c'est une grande fierté.

- Merci, professeur...

Il ne fut même pas sûr qu'elle l'entendit par-dessus le bruit des exclamations. Peu importe : elle lui remit quand même la Coupe en or, déjà gravée au socle du nom de sa maison et de l'année scolaire. Il enroula ses bras autour. C'était un bout d'histoire qu'il tenait dans ses mains. A jamais, il resterait vainqueur du tournoi de Quidditch de Poudlard. Il aurait pu gagner la Coupe du monde qu'il aurait été dans le même état.

Extatique, il brandit alors le trophée vers le ciel. Le soleil frappait toujours plus fort, mais il en sentait à peine la morsure sur sa peau. Elle devait sûrement être rouge de toute façon, il l'avait supporté tous le match, soit immobile devant ses buts, soit à zigzaguer dans tous les sens. Mais maintenant, l'euphorie lui faisait une ombrelle au-dessus de la tête. Tout comme la Coupe !

- Gryffondor ! Gryffondor ! se mit à scander la foule à ses pieds.

Il embrassa le trophée, puis la passa aux mains tendues. Les élèves s'en emparèrent en une seconde. De haut, il pouvait voir ce point doré se mouvoir au-dessus des têtes, comme s'il surfait sur une immense vague, jamais assez longtemps dans les mêmes mains pour se faire engloutir. Il décida d'y replonger à son tour. Après un dernier sourire éclatant à McGonagall, il sauta de l'estrade pour redescendre et se fit agripper par ses camarades tout comme la Coupe. A la façon dont on le secouait dans tous les sens – voire qu'on lui attrapait la tête pour déposer des baisers euphoriques dans ses cheveux – il aurait tout aussi bien pu être le deuxième trophée de sa maison.

Emporté par la liesse générale, il chercha du regard son équipe, mais ce fut une autre personne qu'il trouva. Soudain apparue de nulle part dans la marée rouge et or, elle aurait pu en éclipser le soleil avec ses longs cheveux longs lâchés sur ses épaules et son immense sourire. Il ouvrit les bras instinctivement. Charity s'y jeta comme si elle sautait dans le vide.

- On a gagné ! lui hurla-t-il à l'oreille en la faisant décoller du sol.

- Oh ! C'est pour ça que tout le monde cri ? Fallait me prévenir.

Il éclata de rire et resserra sa prise autour de sa taille.

- C'est tout ce que t'as à me dire pour me féliciter, miss Burbage ?

- Non. T'es juste dégoulinant de sueur alors ça restreint les possibilités. Mais je suis fière de toi, Matt ! Les derniers arrêts, par Merlin, j'ai cru que j'allais faire une crise cardiaque tellement c'est pas passé loin.

- Mais oui ! Et t'as vu la tête de McNair ? C'était ma revanche pour le cognard contre Artemisia au dernier match.

- Ca a quand même permis à Gryffondor de passer en finale plutôt que Serdaigle, lui rappela-t-elle.

Il haussa une épaule, les muscles légèrement douloureux maintenant que son corps refroidissait.

- Justement, j'ai payé ma dette. Mais bref, tu disais que la sueur restreignait les possibilités, c'est ça ? Et si je t'invite à prendre une douche... ?

Suggestif, il désigna les vestiaires avec l'impression de planer toujours un peu et que son cerveau n'avait plus de filtre. Charity gloussa.

- Tu manques pas d'aplomb, Bones, se moqua-t-elle. (Son regard dériva quand même vers le bâtiment entre contrebas du terrain). Mais tu sais quoi... ? T'es le gagnant du jour, non ? Il faut bien une récompense.

Elle eut à peine le temps de terminer sa phrase qu'il la tirait déjà par la main. Dans des éclats de rire compulsifs, ils écartèrent la foule sur leur passage et Matthew fit à peine un geste vers son attrapeur quand ils le croisèrent enfin. Il aurait le temps de faire un discours de félicitations plus tard. Là, il avait horriblement besoin d'une douche. Et d'une Charity Burbage.

Les quelques mètres parurent s'étirer horriblement devant eux et le soleil tapait toujours, impitoyable. Le temps qu'ils franchissent enfin le seuil, il irradiait littéralement et le visage rougi de Charity lui donnait une assez bonne idée de la couleur que le sien devait avoir. Heureusement, le vestiaire avait conservé un peu de fraîcheur et il s'adossa à la porte close avec soulagement. Personne n'était encore revenu, tous les joueurs étaient dehors à fêter la victoire.

Il reprit les mains de Charity aussitôt et les leva à hauteur de sa tête en entremêlant leurs doigts ensemble malgré leurs paumes moites.

- Toi, moi, la douche, maintenant, articula-t-il avec empressement.

Et sans la libérer, il se mit à avancer, la forçant à marcher à reculons. Un nouveau rire s'échappa de ses lèvres alors qu'elle vacillait sur ses jambes jusqu'à venir se heurter à son torse.

- Matt !

Mais il ne céda pas et dans cette drôle de position qu'ils rentrèrent dans les douches. Elle n'hésita pas : immédiatement, elle libéra ses mains et les porta aux lanières de ses protections de Quidditch. Le cuir heurta le sol dans un bruit étouffé. Pas en reste, il anima à son tour ses doigts pour lui défaire sa cravate d'uniforme et faire céder les boutons de son chemisier. Il ne se lasserait jamais d'en voir les pans s'ouvrir sur sa poitrine.

Depuis leur première fois sur les coussins du canapé vert défoncé, ils avaient retenté l'expérience à deux reprises et il devait dire que chacune avait amené de nouvelles sensations, de nouvelles émotions. Charity l'avait davantage guidé – apparemment c'était ce que sa sœur lui avait conseillé, mais il n'avait pas voulu connaître les détails, trop embarrassé de se dire que Prudence était au courant de cette partie là de leur couple – et il avait eu l'impression d'avoir davantage réussi à... toucher quelque chose. D'être proche de ce qu'elle désirait ardemment et qu'elle pourchassait à chaque fois que leurs corps se mêlaient. Comme un explorateur en quête d'un trésor... ou un niffleur ? La comparaison l'amusa et faillit briser sa concentration, mais heureusement son corps agissait plus par automatisme qu'autre chose à ce stade.

Dès que leurs vêtements furent empilés au sol, ils se tirèrent mutuellement dans la cabine de douche et elle tira le rideau d'un geste ferme, lui offrant une vue dégagée sur les courbes de sa silhouette. Il savait qu'elle en était gênée parfois. Il le capta dans le regard qu'elle intercepta à l'instant et ce dernier s'ajouta à toutes les fois où elle avait tenté de le distraire, de bouger sa main qui s'attardait sur sa hanche ou son ventre, de rabattre la couverture sur ses cuisses. Et comme à chaque fois, il mit un point d'honneur à l'embrasser partout. De toute façon, il n'y avait pas de drap pour se couvrir ici, ni d'obscurité pour se cacher. Juste un filet d'eau qui s'abattit sur eux quand il pressa le bouton. Charity sursauta, moins par surprise qu'à cause de la température.

L'eau fraîche sur sa peau brûlante fut salvatrice. Il la sentit engorger ses boucles et les raidir sur son front, puis chasser les traces des efforts du match et refroidir la morsure du soleil sur sa nuque. Et en réponse, ce fut une autre partie de son corps qui s'engorgea et se raidit, l'effort devint de s'imposer des gestes lents..., et le soleil dont il était mordu se trouvait désormais devant lui.

**

*

Par miracle, aucun de ses coéquipiers ne revint dans le vestiaire pendant qu'ils y étaient. Et honnêtement, Matthew en était soulagé parce qu'il aurait fait avaler un souafle à la pauvre personne qui aurait eu le malheur de le priver du moment qu'il venait de vivre. Encore un peu étourdi, il passa sa chemise sur ses épaules sans pouvoir réprimer un sourire idiot et Charity lui balança sa cravate à la figure.

- Arrête, ton ego va t'empêcher de refaire voler ton balai, sermonna-t-elle en remontant sa jupe sur ses hanches.

- Je m'en fiche, je viens de gagner la Coupe et on va quitter Poudlard. Et j'ai réussi à te donner le meilleur...

- Oh par tous les mages, Matt !

Rouge de confusion, elle chercha quelque chose d'autre à lui jeter et ne trouva rien de mieux qu'un feutre qui traînait près du tableau qu'il utilisait pour dessiner ses stratégies face à l'équipe. Il se baissa à temps pour ne pas se le prendre en pleine figure en ricanant.

- Déjà, redescends un peu, monsieur je n'ai pas d'humilité, le tança-t-elle. Ce n'était certainement pas le meilleur, je connais toujours mieux mon corps que toi.

- Mais c'était le premier avec moi. Donc le meilleur pour nous.

Elle ouvrit la bouche, prête à rétorquer, puis parut considérer ses mots. La tête penchée sur le côté, elle consentit finalement du bout des lèvres :

- Peut-être, admit-elle. Mais que ça ne te monte pas au cerveau.

D'un doigt autoritaire, elle le menaça et il se contenta de répondre par un sourire que tout Terre-en-Landes aurait qualité « d'enfant terrible », fier de lui.

En silence, ils finirent de se rhabiller et il fourra sa tenue de Quidditch dans son casier, encore froissé et en boule. Les elfes du château viendraient les chercher pour les laver comme après chaque match. Si ses cheveux étaient déjà relativement secs, ceux de Charity gouttaient encore sur le tissu de son chemisier et sur le sol, laissant une traînée de perles d'eau derrière elle.

- Rah, pesta-t-elle en les repoussant alors que des mèches s'accrochaient dans son cou.

- Tiens, prends ça.

Avec précision, il lui lança l'espèce de bandeau qu'il passait sous son casque de gardien pour retenir les boucles qui pourraient gêner sa vision. Elle l'attrapa tout juste, puis ramena ses cheveux en chignon et servit de la bande de tissu bordeaux comme un élastique. Il adorait à quel point ça faisait ressortir ses yeux.

- Prête ?

- Ouais. Tu crois que les autres ont déjà commencé à faire la fête dans la salle commune ?

Il glissa sa main dans la sienne en se dirigeant vers la sortie.

- L'équipe doit encore être sur le terrain, mais j'espère que les autres ont commencé à remonter. Je veux les bièraubeurres et les patacitrouilles de prêtes quand j'arrive !

- Peut-être que du jus de citrouille irait justement mieux, vous ne pensez pas ? fit soudain une voix pile au moment où il rouvrait la porte du vestiaire.

La lumière éclatante du soleil l'aveugla momentanément, mais il aurait reconnu la voix de sa directrice de maison et son léger accent écossais même aussi aveugle qu'une momie. Charity se figea à côté de lui et il sentit sa main se crisper dans la sienne. Face à eux se tenait bien McGonagall, accompagnée de deux hommes vêtus de capes élégantes légèrement en retrait.

- Oh professeur... hum, je vous avais pas vu...

- C'est ce que j'ai cru comprendre, oui. Mais je vous cherchais. (Elle inclina le menton). Miss Burbage.

- Bonjour professeur, fit Charity dans un filet de voix.

Matthew n'osa pas tourner la tête, mais il était certain qu'elle avait les joues aussi empourprées que lui face à l'image qu'ils présentaient : main dans la main en train de sortir du vestiaire ensemble, les cheveux encore à moitié trempés, et l'air de deux lapins pris au milieu d'une course de centaures énervés.

Il se râcla la gorge.

- Euh... vous me cherchiez ?

- En effet, monsieur Bones. Je tenais tout d'abord à vous faciliter à nouveau pour le résultat du jour et surtout je voulais vous présenter ces messieurs. Ils souhaiteraient vous parler.

- Oh...

Etonné, il se tourna vers les deux hommes. L'un d'eux, le plus âgé vue les quelques rides au coin de sa bouche, s'avança pour lui serrer la main. Il la saisit avec une seconde de retard, le temps de lâcher celle de Charity.

- Enchanté, Matthew. Bravo également pour le match d'aujourd'hui.

- Merci monsieur...

- Comme vous l'a dit votre professeur, nous aimerions vous parler un peu, voir ensemble certains sujets. Seuls à seul si possible ?

Avec politesse, il glissa un coup d'œil vers Charity, mais le message passa clairement. Elle rougit un peu plus et se décala aussitôt.

- Oui, bien sûr, pas de problème, assura-t-elle. Je vais aller me poser un peu près du Lac Noir ? Tu me rejoints après ?

- Ouais...

Elle s'échappait déjà vers le terrain, le laissant avec les deux hommes et McGonagall. Un peu anxieux, il la regarda devenir un point de plus en plus petit sous le soleil, puis afficha un faux air confiant.

- Ok, je suis à vous. C'est pour quoi ?

**

*

Le Lac Noir semblait parsemé de milles cristaux tant la surface de l'eau était frappée par le soleil quand Matthew le longea, presque une heure plus tard.

Les mains dans les poches et l'esprit en ébullition, il ne mit pas longtemps à repérer la seule silhouette assise dans l'herbe. A l'ombre d'un grand chêne, Charity était adossé au tronc, les genoux repliés, et paraissait si concentrée qu'elle ne l'entendit pas arriver. En tout cas, elle ne releva pas la tête alors qu'il se glissait derrière elle. Il se rendit alors compte qu'elle était en train d'écrire dans un petit carnet jaune, sourcils froncés. Il l'avait déjà vu traîner avec ces dernières semaines, mais il n'avait jamais réussi à voir ce qu'elle notait vraiment dedans et, curieux, il s'approcha silencieusement. Il dût plisser les yeux pour déchiffrer les petites lettres arrondies et serrées.

C'est une fille pleine de bonnes intentions
Lui, un homme de sa propre invention
Elle n'attendait personne, il est arrivé
Et quand il ose lui demander « qu'est-ce que vous cherchez ? »
Elle dit :
Je voudrais tenter ma chance
J'ai besoin de changer d'air
Je veux entrer dans la danse
Aller vers la lumière

- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il à voix haute.

Charity eut un sursaut et referma son carnet dans un claquement sec, affolée une seconde. Il se laissa glisser au sol près d'elle dans l'herbe tendre.

- Oh Merlin ! Depuis quand t'es là ?

- Une minute, même pas. Tu m'a pas entendu, sérieusement ?

- Non. Hum, désolée, j'étais... occupée.

Il lorgna le carnet sur ses genoux.

- Je vois ça, ouais. Qu'est-ce que c'est ? répéta-t-il. Un poème ?

- Matt...

- Quoi ? C'est top secret ?

Elle fit la moue, mais détendit ses jambes et posa le carnet dans l'herbe entre eux, l'air gêné. Ses cheveux étaient complètement secs désormais – rien de surprenant vue la chaleur étouffante – et quelques épis sortaient du bandeaux dans des angles improbables.

- C'est personnel, corrigea-t-elle sans rencontrer tout à fait son regard.

Il haussa un sourcil.

- Vu ce qu'on faisait il y a encore une heure, je croyais qu'on avait dépassé le stade du « personnel », rétorqua-t-il.

- Ca n'a rien à voir.

- Mais tu ne veux pas m'en parler ?

Elle poussa un soupir agacé.

- Visiblement, mais tu continues à vouloir savoir. Alors à quoi ça sert si t'écoutes ma réponse ?

- Mais justement, tu donnes pas de réponse, protesta-t-il sur le ton de l'évidence.

- Parce que ça ne te regarde pas. J'ai le droit de vouloir garder certaines choses pour moi. Mais puisque tu veux à tout prix savoir, j'écris. Un peu. Enfin, j'essaye depuis quelques semaines, voilà.

Entre défiance et gêne, elle croisa les bras sur sa poitrine. Il resta pris au dépourvu le temps d'une seconde.

- T'essayes d'écrire ?

- Hum... des paroles de chanson. Juste pour voir, rien de sérieux, s'empressa-t-elle de minimiser en jouant avec la chaîne en or autour de son cou. Mais je m'améliore pas mal au ukulélé et je pense que je vais essayer de jouer sur une guitare cet été. Ça me plaît bien. Alors je me suis dit que ça serait intéressant d'aller plus loin que la musique en tentant d'écrire aussi... bah mes textes à moi.

- Oh...

Evidemment, elle interpréta mal son silence surpris et son expression s'effondra.

- Tu trouves ça ridicule, c'est ça ? s'inquiéta-t-elle.

- Quoi ? Non, non ! Pas du tout ! C'est génial, même. C'est juste... je savais pas que tu voulais faire ça. Mais c'est vraiment une bonne idée et... ça parait logique en vrai. Lennon et McCartney faisait la musique et les paroles, non ?

A la mention de son groupe préféré, elle retrouva le sourire. Timide, mais présent tout de même car il étira ses lèvres et parut détendre le reste de son corps.

- Pas faux, approuva-t-elle. Mais vraiment, j'en suis loin. Pour l'instant, je note juste les mots qui me viennent, quelques idées... Ca me vide la tête, tu vois ?

Il avait du mal à voir exactement – il n'avait trop aimé écrire, même des lettres, et il ne faisait l'effort que pour Julian maintenant qu'ils étaient séparés par un océan – mais la sensation lui parla tout de même. C'était la même qu'il ressentait en volant parfois sans but, perché au-dessus du sol avec pour seule compagnie le vent et les nuages bas des montagnes écossaises. C'était aussi la même qu'il ressentait en marchant dans Terres-en-Landes, juste pour échapper aux babillages de Simon et aux demandes de ses parents.

- Je vois, ouais. Vraiment cool, miss Burbage. Tu me feras lire un jour ?

- Peut-être...

Ce n'était pas un « non » catégorique. Il s'en contenta.

- Et alors ? demanda-t-elle soudain. Qu'est-ce qu'ils te voulaient en fait ?

- Hum ?

Il s'en contentait, mais il regardait toujours la petite couverture jaune comme s'il allait réussir à voir le papier en-dessous par la seule force de sa volonté et Charity repoussa encore un peu plus son carnet dans l'herbe, loin de lui. Le visage baigné par le soleil, elle mit une main en visière devant son visage pour le regarder en face.

- Je disais, qu'est-ce qu'ils te voulaient ? répéta-t-elle. Les mecs avec l'air sérieux et leur cape bien repassée même s'il fait 30 degrés ?

- Oh ! C'étaient des recruteurs. Pour le Quidditch...

Elle écarquilla les yeux.

- Sérieusement ? Pour toi ?

- Eh, ça veut dire quoi « pour toi » ? s'indigna-t-il faussement. Je viens de remporter la Coupe je te signale.

- Pardon, tu vois ce que je veux dire... Je pensais pas que tu étais doué au point d'attirer des recruteurs. Mais j'y connais rien en Quidditch.

Il lui fit une pichenette sur son bras nu en guise de remontrance.

- Ca c'est bien vrai, miss Burbage. Et non, je ne suis pas « si doué » que ça. Mais je crois que les recrutements sont un peu en crise ces derniers temps. Tu sais, avec tout ce qui se passe. Ils ont besoin de bras.

- Ah ! Ça serait une super opportunité pour toi !

- Ouais, enfin t'emballe pas non plus trop vite. C'était un premier contact, ils venaient pour moi, mais ils ont d'abord reparlé à Artemisia Meadowes avant, comme chaque année depuis deux ans. C'est elle la future star.

- On s'en fiche de ça. L'important, c'est qu'ils t'ont parlé aussi !

Il arracha quelques brins d'herbes, sceptique.

- Oui, oui, je sais. Mais bon, ils sont restés vagues. Ca serait seulement pour des équipes de réserve, peut-être même pour intégrer le staff des formateurs ou des compagnies de balai. Ils ont un peu le tour des bons joueurs chaque année pour voir où sont les atouts, pas seulement pour jouer au Quidditch mais sur tous les plans.

- Oh... j'y avais jamais réfléchi. Mais c'est vrai que ça se tient. Et tu leur a répondu quoi ?

- Rien de précis, avoua-t-il sincèrement. Juste que j'étais pas encore sûr de ce que j'allais faire après Poudlard, mais que leurs offres m'intéressaient. Ils proposent des espèces de stages l'été pour tester différentes branches justement...

Charity sembla enthousiaste.

- Encore mieux ! Tu pourras tester plein de domaines comme ça !

- Ouais, c'est sûr... mais bon, je leur ai aussi dit que ça dépendrait de comment ça se passe dehors. Que si je pouvais être... plus utile ailleurs on va dire, alors mon choix pencherait peut-être.

Elle cilla. Comme un écho, il réentendit presque leur conversation sur ce même sujet l'hiver dernier, juste avant l'attaque des Géants contre le château. Son envie de se battre, de prendre la guerre à bras le corps, là où Charity avait son fameux projet de voyage.

- T'y penses toujours ? demanda-t-elle d'une voix hésitante.

- Evidemment... Je veux dire, ça empire dehors, non ?

- Ouais sans doute... mais ce n'est pas vraiment un métier. Y aura pas de stages cet été pour ça, je veux dire.

Il émit un rire étouffé, cynique.

- Bien vu, miss Burbage. Mais c'est toi qui parle ? Je croyais que les études et les métiers classiques, ça t'angoissait ? Que tu voulais voyager ?

- Oui, oui, mais ce n'est pas la même chose. Moi, c'est juste pour me donner le temps et voir du pays. En plus, j'y ai pas mal réfléchi et je commence à avoir une bonne idée de ce que je veux faire à partir d'août.

Surpris, il la dévisagea. Ils n'avaient jamais reparlé de ce projet de voyage en détails. Pas ensemble en tout cas. Le cœur soudain légèrement affolé, il tenta de garder un ton égal pour demander des précisions.

- Ah ouais ? Et ça donnerait quoi du coup ?

- Faudrait que je revois exactement les économies que j'ai mis de côté, dit-elle avec prudence. Mais dans l'idéal, j'aimerais faire un tour en Irlande pour commencer. Me balader de villes en villes, faire des randonnées... (Elle marqua une pause). Sans magie.

- Sans magie ? répéta-t-il, incrédule.

Sa voix partit dans les aigus sous le coup de la stupéfaction. Charity redressa le menton, un éclat déterminé dans ses prunelles.

- Sans magie, oui. Vivre à la moldue, tu vois ? C'est un défi, mais c'est aussi pour mieux les comprendre. Pour prouver qu'on n'est pas si différents et que finalement cette guerre repose sur des mensonges.

Personnellement, ça lui semblait une évidence. Il n'avait pas besoin d'abandonner sa baguette pour le prouver, mais il se demanda si elle avançait cet argument pour leur trouver un point commun et lui montrer que leurs aspirations n'étaient pas si éloignées. Il aima l'idée, aussi bancale soit-elle.

- Mais tu pourrais le faire de façon plus directe, objecta-t-il sans pouvoir s'en empêcher. En t'impliquant vraiment pour aider les moldus et les nés-moldus.

- Je ne vois pas vraiment comment. Ni si ça serait très utile.

- Tu rigoles ? Evidemment que ça serait utile ! Et il y a plein de façons de le faire, faut juste connaître quelques personnes ou savoir à qui demander.

- Comme toi, tu veux dire ?

Il n'avait pas osé le dire, mais oui. En tout cas, ses parents sauraient, eux. Ils avaient même des possibilités encore plus près tant qu'ils étaient au château. Dumbledore était juste là et si quelqu'un s'y connaissait sur les rouages de la résistance, c'était forcément lui, le seul homme que Vous-Savez-Qui ait jamais craint.

- Peut-être, oui. En tout cas, ça nous permettrait de savoir comment ça se battre, comment lutter...

- Mais j'ai une vie, Matt, tu comprends ? Je ne veux pas me battre et mettre tout entre parenthèse ! refusa-t-elle. Il y a d'autres personnes qui font déjà ça très bien, tant mieux pour elles, mais ce n'est pas pour moi...

Désappointé, il en resta interdit plusieurs secondes. Ce discours, il l'avait trop entendu dans les couloirs, entre les tables au petit-déjeuner, ou même dans les allées de Pré-au-Lard. Un discours sous-jacent mais palpable qui lui donnait l'impression d'évoluer dans une réalité parallèle où il était le seul à voir le monde basculer. Il prit une profonde inspiration pour maitriser sa voix et réprimer son envie d'hurler.

- Sérieux, Carrie ? Tu t'entends ? C'est un discours de privilégié, ça, accusa-t-il. La guerre est là, elle ne fera pas différence le moment venu. Ce n'est pas parce que tu n'es pas née-moldu ou que tu ne connais personne qui a été touchée que tu peux...

- Personne qui a été touchée ? Et ma sœur alors ? coupa Charity, indignée. Elle a vu les mangemorts défoncer les portes de Ste-Mangouste et elle a été obligée d'en soigner un ! Elle a mis plus d'un an à s'en remettre.

- Mais justement ! C'est exactement ce que je viens de dire. C'en est la preuve vivante !

- Non, au contraire. Ça nous a juste prouvé qu'on n'était rien face à eux et que la vie peut changer en une seconde. Je ne veux pas remettre à demain ce qu'on pourrait m'arracher plus tard. Et ne fais pas ton chevalier blanc d'un coup, tu n'es pas plus touché que moi à Poudlard, c'est juste ta frustration qui parle.

Cette fois, il n'arriva pas à retenir un éclat de rire incrédule. Il la dévisagea, crispé, et s'exclama :

- Tu déconnes là j'espère, Carrie ? Tu veux que je commence par quoi ? Mes parents qui risquent leur vie et se battent tous les jours au Ministère, voire sûrement en dehors ? Spencer qui a failli être enlevé quand ma mère était enceinte ? Ou l'enterrement d'Aurelia Shelton auquel j'ai dû assister ?

- Oh arrête, elle n'est même pas morte !

L'absurdité de la réponse faillit le couper dans son élan. Sous un certain angle, ce n'était pas faux. N'empêche que les Archives Magiques avaient belle et bien été la cible des mangemorts et que la pierre s'était bien effondrée avant de finir en proie des flammes.

- Peut-être, concéda-t-il sans avoir la patience de le souligner, mais on peut parler de Simon aussi. Il n'a même pas trois ans et lui aussi il la subi déjà la guerre. Depuis qu'il est né, il a vu un bout de jardin tellement on le cache par peur qu'il devienne une cible de plus dans la famille. Sa seule relation sociale c'est la petite voisine et il lui tire les cheveux dès qu'il peut, c'est dire ! Bonjour la relation !

- Encore une preuve que se battre revient à se mettre une cible sur le dos. Et à mettre ses rêves sous cloche.

Il expira lentement. Bon sang, ils tournaient en boucle. Il décida de changer d'approcha et écarta les bras, vaincu.

- Ok, très bien, céda-t-il. Se battre ne vaut pas le coup, on a mieux à faire en sortant de Poudlard. Et quoi ?

- Comment ça « et quoi » ? fit Charity, sourcils froncés.

- Et quoi ? Si je ne me bats pas ? Je reste dans ma grande maison paumée au fin fond de l'Angleterre, c'est ça ? A faire du baby-sitting ?

- Matt...

- A faire du baby-sitting pendant que tu vas vivre tes grandes aventures à travers le pays ? En me laissant derrière ?

Le silence fut aussi plombant que la chaleur lourde. Des plaques rouges sur la clavicule, Charity le dévisagea et il suivit des yeux le rythme de sa poitrine qui se soulevait avec fracas, animée par ses émotions. Il les ressentait lui aussi, agitées et enfermées au niveau de sa cage thoracique, et il se mordit l'intérieur de la joue pour éviter de les laisser transparaître sur ses traits. Il ne dut pas être bien convaincant évidemment car le visage de Charity s'adoucit une seconde.

- Oh Matt...

- Ne me sors pas un « oh Matt » comme ça... bougonna-t-il.

Elle eut un demi-sourire derrière son exaspération.

- Je fais ce que je veux, lui rappela-t-elle, butée. Mais sérieusement, écoute-moi. Ce n'est pas une compétition entre toi et mes rêves. C'est juste deux choses de nature différente.

J'aurais voulu être ton rêve, eut-il envie de répliquer avec puérilité, mais il avait conscience que ce n'était rien d'autre que de l'égoïsme et une pointe d'insécurité. Charity hésita, mais poursuivit tout de même.

- Je pense qu'il est là le problème, Matt. On parle de mes rêves, de mes aspirations. Mais les tiens ? Penser aux autres, penser au pays, c'est bien, mais il faut que t'ai des rêves à toi. Des rêves pour toi même, plaida-t-elle. Pas vivre à travers un idéal ou à travers mes rêves. Tu veux vivre une vie que tu n'as même pas réfléchi !

Chaque mot s'enfonça dans sa gorge comme un clou pointu. Sans voix, il la fixa et l'herbe tiède sous ses doigts lui parut soudain froide, dérangeante... Il eut envie de protester. De se défendre. Il avait réfléchi. Il avait même passé l'année à réfléchir et à se repasser les bruits de couloir qu'il avait entendu chez lui à chaque fois que les frères Prewett, McKinnon ou Potter étaient passés voir son père. Il avait voulu en être, lui qui était toujours maintenu dans l'ombre, tout juste bon à s'occuper des petits. Et voilà que d'un coup, sa belle idée s'effondrait telle un château de cartes, soufflé par les paroles de Charity.

Engourdi, il ne retrouva toujours pas ses mots, et elle embraya en le voyant aussi déstabilisé :

- Je sais que c'est dur, s'il te plait ne m'en veux pas ! supplia-t-elle. (Elle lui attrapa la main et sa peau se réchauffa). Vraiment, si tu veux venir avec moi voyager, c'est avec plaisir. Je t'inclus quand tu veux, Matt ! Sans hésitation ! Mais je sais que... enfin, ce n'est pas ce que tu veux, c'est juste pas ton truc !

- Mon truc c'est toi, Carrie...

De toutes les choses que le nœud dans sa gorge avait laissé passer, il fallait que ça soit celle-là. Charity sourit à nouveau avec indulgence et il s'accrocha à la petite tâche brune dans sa prunelle pour ne pas perdre pied.

- Quel romantique, se pâma-t-elle d'une voix rêveuse. Non, mais honnêtement, Matt. Sois sincère. Tu ne supporterais pas de vivre sans magie, ni d'être loin de chez toi. T'as beau te plaindre d'eux, tu n'arriverais pas à vivre loin de tes parents et de tes frères. Ils te manqueraient.

- Tu me manquerais aussi...

- Alors viens avec moi quelques semaines. On peut trouver des compromis aussi. Tu m'accompagnes ou tu me rejoints plusieurs semaines, un mois même, pour voir comment c'est. Et ensuite tu rentres chez toi parce que ça ne sera pas ton rêve de parcourir le pays et vivre à la moldu. Et ce n'est pas grave.

Il secoua la tête, peu convaincu.

- C'est ça ta vision pour nous ? articula-t-il avec difficulté.

- Tu fais ton Gryffondor buté, là ! Essaye de voir ce que je te dis. Ou est-ce que tu crois si peu en nous que tu penses que ça va nous briser ?

A nouveau, il voulut s'insurger. Croire aussi peu en eux ? Mais il y croyait pour dix en eux, il y mettait toute son énergie ! Depuis des mois, il était celui qui les tirait et les galvanisait. Il s'était fait tour à tour joueur, gardien et capitaine de leur couple pour faire survivre sa croyance.

- C'est vraiment ce que tu penses ? Charity, si je crois en une chose, c'est toi ! rétorqua-t-il.

Elle enfonça ses ongles dans le dos de sa main qu'elle tenait toujours.

- Alors si c'est vrai laisse-moi un an ! s'enflamma-t-elle. Laisse-moi un an pour vivre mon expérience par moi-même. Rejoints-moi de temps en temps, mais laisse-moi une année pour voyager, découvrir autre chose que quatre mêmes murs tous les jours ! Si tu crois en moi, ne laisse pas la guerre tout nous prendre...

Peut-être que sans cette dernière phrase, il aurait ployé. Il s'était presque laissé convaincre et il voyait tout ce que ce voyage faisait vibrer en elle. Il trouvait ça magnifique, il aurait tant voulu le lui offrir, même si ça signifiait être séparé un temps. Honnêtement, il aurait fait ce sacrifice pour elle. S'il ne s'était pas rappelé que des gens faisaient un sacrifice encore plus grand et il ne put s'empêcher de protester une nouvelle fois :

- Ce n'est pas une question de croyance, Carrie. C'est une question de conviction.

La touche condescendante dans sa voix la crispa immédiatement.

- Vraiment, l'idée est belle, le rêve aussi, reconnut-il. Mais la réalité est à notre porte.

- Il faudra encore qu'on lui ouvre...

- Que tu lui ouvre ou pas, elle continuera à frapper ! On ne peut pas aller voyager sous les tropiques et se balader sur les grands chemins, la guerre est là et des personnes souffrent. Des vraies personnes avec des familles, des sœurs, des frères, des enfants, des parents.

Mais Charity secoua la tête et les quelques mèches blondes échappées du bandeau irradièrent sous le soleil. Une volonté sûrement miroir à la sienne s'était implantée dans ses yeux.

- On tourne en rond, soupira-t-elle. On en revient toujours à la même chose, mais laisse-moi te dire un truc, Matt. On a dix-huit ans. Croire qu'on pourra changer les choses, avoir un impact à notre hauteur ; elle est là l'utopie ou le vrai rêve ou peu importe comment tu veux l'appeler !

- Si tout le monde se dit ça, alors personne ne fait rien...

- C'est faux. Les gens utiles le font. Comme Dumbledore et les personnes qu'il juge digne de confiance. Comme le Ministère et les agents qui sont payés pour le faire ! Il ne faut pas qu'on se laisse emporter par notre ego. Parce que soyons sérieux deux minutes : qu'est-ce que tu vas faire face à un mangemort ? Hum ? A part te faire tuer avant d'avoir pu lever ta baguette ?

La sècheresse de sa voix lui claqua à la figure aussi vivement qu'une gifle. Pantois, il resta sans rien dire, mais la pique qui le traversa se fit douloureuse et son poing se referma sur les brins d'herbe près de lui.

C'est ça la vision qu'elle avait de lui ? Celle d'un gamin incapable de se défendre et qui rêvait de jouer au grand, mais qui n'en avait pas les capacités magiques ?

Sa vexation dû se lire sur ses traits car Charity eut brusquement l'air penaud.

- Non, attends, pardon... je ne voulais pas le dire comme ça...

- Mais tu l'as dit, rétorqua-t-il. Donc c'est ça que tu penses ? Que je serai incapable de me battre ? Que je serai inutile ?

- Je n'ai pas dit ça dans ce sens-là, arrête... protesta-t-elle dans un filet de voix. Mais les mangemorts ont été formés à la magie noire par Tu-Sais-Qui en personne, ils n'hésitent pas à tuer ! Toi, tu viens à peine de finir ton diplôme. C'est déséquilibré, c'est évident. Même Julian te le disait avant de partir, c'est toi qui me l'a raconté.

- Ramène pas Julian là-dedans.

Elle jeta ses mains au ciel.

- Si tu ne m'écoutes pas moi, j'essaye avec lui, on ne sait jamais. Sérieux, Matt, c'est de la folie. Il faut que tu t'enlèves ça de la tête.

- Donc quoi ? Tes rêves sont légitimes, tu peux partir voyager et étudier les moldus, mais moi j'ai pas le droit de faire pareil ?

- Mais se battre contre les mangemorts, ce n'est pas un rêve ! s'énerva-t-elle. Ou alors c'est le rêve d'un gamin immature avec un ego surdimensionné. C'est même tout l'inverse. Va demander à tous ceux qui le font en ce moment. Va demander à Black ou à la sœur d'Artemisia puisqu'on les a vu contre les Géants ! Tu vas voir ce qu'ils vont te dire. Je suis sûre qu'ils préféraient faire autre chose depuis qu'ils sont sortis de Poudlard !

- Mais ils le font quand même ! Ils le font parce que c'est juste, parce que c'est la chose à faire.

Animé par l'absolue conviction d'avoir raison, il se rapprocha de Charity malgré la pique sur son ego qui lui repiqua le ventre, et glissa sur l'herbe pour combler l'espace entre eux. Leurs genoux s'entrechoquèrent. Elle ne chercha pas à le repousser, plantant son regard dans le sien. Dans sa poitrine, son cœur doubla de volume. D'un coup, il voulut tout. Il voulut l'avenir dont elle parlait, il voulut être l'homme qu'elle méritait... Il voulait mettre fin à cette guerre grâce à sa seule baguette et lui prouver que la foi pouvait les porter plus loin qu'elle ne l'imaginait. Il voulait lui comprendre que s'il rêvait d'un monde nouveau, c'était en partie pour lui, pour sa famille, pour ses frères, mais avant tout pour elle.

- Charity... entonna-t-il dans un murmure. Je sais que ça peut paraître effrayant. Moi aussi j'ai peur et je sais qu'on ne peut pas être certain qu'on s'en sortira. Mais tu sais ce qui est plus grand que ma peur ?

Elle déglutit. L'espace d'une fraction de seconde, il crut voir une lueur paniquée dans ses yeux.

- Matt...

- Tu le sais, tu dois forcément le savoir depuis le temps... ça fait des mois...

- Non, Matt, s'il te plaît... supplia-t-elle.

Les mains tremblantes, elle tenta de l'arrêter en les portant vers son visage, mais il se déroba d'un geste agacé. Les palpitations dans sa poitrine étaient devenues des coups sourds contre sa cage thoracique.

- Mais moi je veux te le dire ! plaida-t-il avec force. Parce que je pense que ça compte pour quelque chose dans tout ça. Charity... je t'aime.

Les mots tombèrent de ses lèvres avec une facilité déconcertante, comme s'ils avaient toujours attendu là d'être prononcés. Il aurait presque pu les voir se matérialiser entre eux, concrets et tangibles, et ils résonnèrent avec l'écho de la vérité au fond de lui.

Charity, elle, se figea. A croire qu'il venait de lui jeter un sort par surprise. Comme s'il ne lui avait pas dit des milliers de fois au travers de ses gestes, de ses regards, de ses actions... Il avait l'impression que ça faisait des mois qu'il lui criait ces trois petits mots à la figure. Comment est-ce qu'elle pouvait être surprise ? Et pourtant, c'est bien cette émotion qu'il contempla se peindre sur son visage à cet instant. Bouche entre-ouverte, elle se retrouva incapable d'articuler le moindre mot et il sentit sa main se crisper sur son genou. Ses ongles lui piquèrent même la peau, mais il refusa de baisser les yeux pour la repousser. Il voulait continuer à capter la moindre de ses émotions, même si ça lui défonçait le cœur et qu'il avait l'impression de s'enfoncer à chaque seconde un peu plus dans une horrible humiliation.

Elle lui échappa en fermant les yeux, des larmes accrochées au bord ses cils.

- Pourquoi ? souffla-t-elle d'une voix cassée. Pourquoi faut que tu nous fasses ça ?

- Moi ? Tu plaisantes, j'espère ? C'est tout ce que t'as à dire, là tout de suite ?

Raide, elle secoua la tête et recula légèrement.

- C'est déloyal ce que tu fais. Moi aussi je t'aime beaucoup, mais tu ne peux pas t'en servir pour me convaincre de me battre dans cette guerre ou tout précipiter maintenant qu'on va quitter Poudlard... c'est injuste.

« Je t'aime beaucoup »... Ce n'était pas un je t'aime, ça. Un mot de trop, ce n'était pas grand-chose, mais cela suffit pour lui faire perdre l'équilibre. Il eut brusquement envie de pleurer lui aussi et déglutit avec difficulté.

- Arrête, je comprends pas... évidemment que ce n'est pas ce que je fais, Carrie...

- Ouais ? Bah ça y ressemble franchement. Et je suis désolée, mais je me suis promis que ça ne m'arriverait pas. Pas à moi... J'ai besoin de temps.

Perdu, il tenta de la retenir en lui agrippant la main, mais elle s'était déjà mise en mouvement. Il se contenta de la regarder se remettre sur ses pieds, les joues mouillées de larmes et chancelante. Elle le repoussa quand il retenta son geste. Cette fois, il n'y avait plus d'ambiguïté : impuissant, il resta prostré dans l'herbe alors qu'elle ramassait son carnet et sa plume sans rencontrer son regard.

- Charity, non... Gâche pas tout, je t'en supplie...

Mais elle faisait déjà un pas en arrière.

- C'est toi qu'a tout gâché, Matt, reprocha-t-elle avec des trémolos dans la voix. Je suis désolée...

Son carnet pressé contre la poitrine, elle fit volte-face. Le soleil lui brouillait la vue, mais il n'arriva pas à la lâcher du regard tandis qu'elle remontait vers le château, persuadé qu'elle allait se retourner.

Allez, retourna-toi, pria-t-il intérieurement. Si tu te retournes, tu nous sauves, je me lève et je te cours après. On arrangera tout.

Evidemment, elle ne se retourna pas. Ils n'étaient pas Orphée et Eurydice, ils étaient seulement des adolescents stupides redevenus deux entités distinctes. Un cri muet se coinça dans sa gorge.

De rage, d'humiliation et de tristesse, il se remit debout et tourna sur lui-même. Il était seul. Abandonné sur les rives du Lac Noir, il eut la sensation que la tête lui tournait soudain. Sûrement un mélange du soleil implacable et du marasme d'émotion qui lui bloquait la gorge.

Un fol instant, il songea à courir vers le château. Tant pis si elle ne s'était pas retournée, il se devait de tout essayer, ça ne pouvait pas se finir comme ça... Mais sa fierté maintint ses pieds ancrés dans le sol. Elle voulait nier la réalité ? Elle avait peur de ce qu'ils pouvaient construire ensemble ? Très bien, elle se rendrait bientôt compte de son erreur. Elle n'aurait qu'à se débrouiller avec ses regrets. Des filles, il pouvait en retrouver quinze...

Le problème, c'est qu'il n'en voulait qu'une seule.

Défait, il laissa un sanglot horrible passer ses lèvres, puis contracta la mâchoire pour étouffer sa peine. Le Lac Noir continuait à scintiller face à lui. Sans trop savoir comment – ni pourquoi – il s'avança vers lui. Il avait l'impression qu'on lui labourait la poitrine et le soleil était toujours fort, si fort... Il cognait aussi sûrement qu'un battait dans un cognard. La bouche sèche, Matthew arriva au bord de l'eau et laissa les vaguelettes lui lécher le bout des chaussures. La sensation le réveilla un peu de sa torpeur.

Alors, sans réfléchir, il continua à avancer. Le visage de Charity dansait dans son esprit et il tenta de le chasser sans grand espoir. L'eau recouvrit ses genoux. C'était difficile de se mouvoir, mais la fraîcheur du Lac était tellement agréable qu'il poussa jusqu'à la taille pour savourer. Engourdi, il resta immobile un moment, mais les rayons du soleil lui emprisonnaient toujours le visage et faisaient chauffer au fer blanc ses pensées. Il eut envie de nager pour y échapper, dénouer ses muscles pourtant déjà mis à rude épreuve... Mais justement, il le savait trop bien : la douleur du corps empêchait souvent de réfléchir en même temps. Il prit une grande inspiration. Puis, sans se donner le temps de changer d'avis, il ouvrit grand les bras en croix et se laissa basculer en arrière. Le Lac Noir l'avala avec bienveillance.

La chute lui parut haute ; vertigineuse. Et pour cause, Matthew Bones venait de tomber du haut du toit du monde. 

****************************

Oh mon dieu ce chapitre... Un ascenseur émotionnel à écrire ! Il représente parfaitement les deux mots du titre et ça m'a arraché le coeur d'écrire la fin. Mais c'était un évènement auquel je ne pouvais pas échapper : Perri l'avait décidé en écrivant O&P. Donc j'ai suivi sa vision - qui incluait Matthew qui se laissait tomber dans le lac - et j'ai brodé autour ! 

Petite mention pour la chanson "écrite" par Charity. Vous aurez sûrement reconnu Je voudrais tenter ma chance du Disney Raiponce. Déjà, j'adore ce dessin-animé ! Et ca faisait un moment que je voulais transformer la passion de Charity pour la musique en générale en composition/écriture de paroles de chansons. Alors évidemment, je ne suis pas parolière, donc je pique les paroles sans scrupule. Perri m'a dit que si elle pouvait utiliser la berceuse d'Ahtohallan de la Reine des Neiges pour Simon, je pouvais bien faire pareil haha ! Surtout, j'ai une idée de chanson spécialement pour Charity dans le tome 3... teaser teaser mouhaha ! 

Allez, je vous laisse sur cela et surtout les memes de Lina ! Profitez bien de la fin des JO (perso je serai dimanche à la cérémonie de clôture rahhhhh)

Et petit extra hahaha  !

EDIT : Ah et j'allais oublier, mais la FAQ 2024 est dispo en story à la une sur mon compte instagram annabethfan15 <3

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro