
Chapitre 3 : Le temps des questions
Hello ! Troisième semaine d'affilée qu'on se retrouve, c'est un bon rythme au moins pour commencer ce tome haha ! Un énorme merci pour vos retours, ça me fait trop plaisir de vous retrouver tous.tes. Ca m'a même réchauffé le coeur parce que déjà il fait froiiid là (rendez-moi l'été) et j'avais un peu le blues parce que mon petit frère - de 22 ans mais petit quand même - est parti cette semaine vivre au Canada pour 1 an.... Ca me fait trop bizarre....
Petite question: qui suit House of the Dragons ici ? Parce que c'est juste incroyable et si vous voulez en parler je suis trop à fond haha !
Sinon, pour le petit jeu des maisons... Roulement de tambour pour Liam ! Alors voici les résultats instagram :
- Gryffondor à 60%
- Serpentard à 4%
- Poufsouffle à 29%
- Serdaigle à 7%
Sur Wattpad, résultats assez similaire avec une grosse majorité Gryffondor et quelques Poufsouffle. De mon point de vue, vous avez raison haha ! Même si je pencherai un peu plus pour Poufsouffle dans le sens où Liam a une grande part de loyauté qui fait son caractère, il est le genre de personne à être ami à la vie avec ceux qui lui sont proches, notamment Aileen (et même les autres, mais je ne vous spoile pas le futur des personnages mouahaha). Il est aussi travailleur sous ses airs de clown. N'empêche qu'il gère ses cours et le club du journal de front, toujours avec passion et acharnement, et il s'est impliqué avec ferveur dans le Rituel d'Ancrage. Son côté Gryffondor vient plutôt de son côté frondeur et buté, mais pas tant courageux dans le sens où on l'entend. Si Liam a pris des risques cette année, c'était pour sa soeur, c'était exceptionnel, mais même comme cela il n'a pas été à la confrontation avec Ronan non plus. Voilà pour ma petite analyse, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez haha !
Pour cette semaine, le jeu sera sur... Théa ! A votre rôle de choixpeau, dans quelle maison de Poudlard aurait-elle été répartie ? -->
Sur ces bons mots, je vous souhaite une bonne lecture pour le chapitre du jour ! Pour la petite anecdote, la citation vient d'une chanson de Bruno Mars que j'avais mise sur une vidéo que j'avais réalisé pour la fête des pères en faisant un montage de vidéos cassette de mon frère et moi petist avec mon père haha ! (Et mon papa avait pleuré oui ^^)
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Chapitre 3 : Le temps des questions
« You can count on me like one, two, three
I'll be there
And I know when I need it, I can count on you like four, three, two
And you'll be there. »
- Bruno Mars, Count on me -
// 21 mai 1980 //
Le réveil fut douloureux dans tous les sens du terme. Quand Julian ouvrit les yeux, il voulut les refermer aussitôt tant la lumière du jour lui agressa la rétine. L'infirmier n'avait pas cru bon de tirer les rideaux, à moins qu'il les ait déjà ouverts... Vu l'heure à laquelle il s'était endormi et la position du soleil qu'il distinguait vaguement par la fenêtre, il ne devait pas être très tôt. Les élèvements de la nuit dernière lui revinrent avec force en même temps que la sensation de chappe de plomb au niveau du front. Il enfouit son visage dans son oreiller pour tenter d'y échapper... sans succès. Il revit Ronan Graves surgir du mur d'enceinte, puis la stupeur de Liam face à sa sœur, l'explosion du Rituel, la détresse de Théa face à son père, l'expression de Noah quand il l'avait repoussé... Il revit sa mère apparaître telle une illusion tant désirée sur le seuil de l'infirmerie. Ce détail, plus qu'aucun autre, le replongea dans la tourmente. Aucune potion de sommeil n'aurait pu tenir à distance le poids dans sa poitrine et la fatigue extrême qui en découlait. Il roula sur le dos, le souffle court. Au-dessus de lui, le plafond de l'infirmerie dansa plusieurs secondes, moucheté de points noirs, avant que sa vision ne se stabilise. Il savait qu'il n'arriverait plus à se rendormir maintenant.
Le corps douloureux, Julian se redressa donc sur un coude, les yeux plissés et encore désorienté. L'infirmerie n'avait pas l'air tant différente de jour : toujours des nuances claires, des lits alignés, une odeur de plantes, et le bureau mal rangé d'Asclépius. Mais elle était bien plus vide qu'hier soir. A vrai dire, il n'y avait qu'une autre personne avec lui.
- Noah... articula-t-il, la gorge sèche.
Très bien, donc il avait encore des séquelles d'hier soir et une voix d'outre-tombe. Absolument parfait.
Assis en tailleur par-dessus les draps blancs sur le lit en face du sien, Noah releva la tête de son dessin. Ses boucles noires avaient retrouvé tout leur rebond après la douche forcée d'hier et Julian se maudit de remarquer ce détail malgré lui. Rien que le souvenir de la dite douche lui fit chauffer les joues, même si tout restait flou, comme embué de brouillard.
- Morgane, Jules, j'ai cru que t'allais dormir jusqu'au siècle prochain ! fit Noah en laissant tomber à côté de lui son carnet à dessin et son crayon. Comment tu te sens ?
- Comme j'imagine une gueule de bois, avoua-t-il.
Il ne devait pas être bien loin de la réalité. Son crâne pulsait d'une douleur continue et sa nausée n'était pas tout à fait passée. Au moins, il arrivait à respirer.
- Donc mal, traduisit Noah avant d'hausser un sourcil. Attends... t'as jamais eu de gueule de bois ?
- Non ?
- T'as pas l'air sûr.
Il retomba sur son oreiller d'un air dramatique.
- Je sais à peine comment je m'appelle, là tout de suite, alors désolé, dit-il.
A travers ses cils, la tête tordue, il vit Noah sourire et se pencher en avant pour mieux l'observer. Il aurait voulu qu'il s'approche davantage tout en sachant que ça serait une mauvaise idée.
- Si c'est seulement ça, je peux te le rappeler moi, proposa-t-il.
Comment arrivait-il à rendre cette simple phrase suggestive, Julian n'en avait aucune idée, et il tenta de cacher son propre sourire dans son oreiller. Ce qui était bien au moins avec Noah, c'était que quand il était de bonne humeur, il pouvait rendre tout désinvolte et c'est justement ce dont il avait besoin à cet instant.
- Tu ne prononces jamais correctement mon nom, répliqua-t-il malgré tout, histoire d'entrer dans son jeu. Ça veut dire que tu ne le connais pas non plus.
- Quoi ? fit mine de s'offenser Noah. « Jules » c'est pas correct, peut-être ?
Il secoua la tête, amusé. La taie d'oreiller était douce contre sa joue.
- Pas d'après mon acte de naissance, objecta-t-il en essayant d'avoir l'air sérieux.
- Et qui te dit que je n'ai pas plus d'autorité qu'un acte de naissance ?
La répartie le prit tellement par surprise qu'il éclata de rire. Par la même occasion, il eut l'impression de vivre sa première émotion positive en près de 24h et il s'accrocha à cette sensation, reconnaissant. Face à lui, Noah sourit d'un air fier. Le silence ensuite retomba entre eux, la réalité toujours en orbite au-dessus de leur tête comme une épée de Damoclès, et Julian tenta de retarder l'inévitable en désignant le calpin abandonné d'un mouvement de tête.
- Qu'est-ce que tu faisais ? souffla-t-il.
- Hum ? Oh ça... rien de spécial.
Ça ne pouvait pas être vrai, tout était spécial avec Noah. Il tendit la main.
- Montre, dit-il, toujours allongé en travers de son lit.
- Les mots magiques ?
- Noah.
- C'est très magique ça comme mot, je te l'accorde, mais je ne pensais pas à ça, s'amusa-t-il.
Encore une fois, il n'arriva pas à réprimer un sourire. Merlin, et il était censé être celui avec le plus d'ego entre les deux ? Noah ne s'entendait pas parler parfois. Résolu, il se contenta de le fixer avec insistance, et celui-ci finit par céder. Avec un soupir, il attrapa son calpin pour en déchirer la première page, puis se mit à la plier. Mais pas n'importe comment. Julian dû se redresser un peu et regarder à l'endroit pour comprendre au moment où Noah lui envoyait... un avion de papier. Une drôle d'émotion se lova dans son ventre.
Les avions en papier, ça avait été leur façon de communiquer, tout au début. Bien avant le pacte, l'expérience, les baisers volés. Noah lui en envoyait souvent quand il travaillait le soir dans le dortoir et qu'ils étaient tous les deux parce que Liam, Enjolras et Wilde étaient partis faire la fête dans le Foyer. A l'époque, il avait trouvé ça étrange que Noah n'aille pas avec eux, mais il lui affirmait à chaque fois qu'il préférait rester le dessiner en train de lutter contre la fatigue et la complexité des devoirs de sortilèges. Il comprenait un peu mieux aujourd'hui, mais il avait aimé cette période où Noah le maintenait attentif – et éveillé – en lui envoyant des avions en papier. Parfois, ils contenaient juste une caricature du jour, mais ils pouvaient aussi avoir été ensorcelé pour créer un dessin de fumée à l'atterrissage. Julian avait toujours admiré ce type de magie.
Main levée, il se saisit de celui que Noah venait de lui envoyer. Il avait été plié un peu vite, mais avait réussi à traverser l'espace entre leur deux lits. Lorsqu'il le déplia, il découvrit le dessin à l'intérieur et se figea. Contrairement à l'avion, il n'y avait rien de « fait à la va vite » dans le coup de crayon sous ses yeux. Noah devait avoir passé au moins une dessus, si ce n'est plus. Le dessin le représentait en noir et blanc, le corps arqué et suspendu au-dessus d'un précipice sombre, mains tendues en avant et yeux clos. La pose en elle-même était déjà fascinante, mais ce fut l'expression de son double de papier qui retint son attention. Il n'aurait même pas su mettre un terme dessus ; elle reflétait tout à la fois la peur, le choc, l'incompréhension... Tout ce qu'il avait vraiment ressenti la veille en voyant sa mère. Il s'était même dit, dans un éclair de lucidité, qu'il avait l'impression de tomber en chute libre. Ce dessin capturait l'idée dans toute sa complexité et ses doigts se crispèrent sur les bords de la feuilles.
Une boule chauffée à blanc se glissa dans sa gorge, différente de celle qui l'avait étouffé cette nuit. Il était stupéfait que Noah ait réussit à saisir ce qu'il avait ressenti avec autant de précision... Avec autant de justesse. Surtout, l'esthétisme du dessin était sûrement une de plus belles que Noah avait jamais réussi à obtenir. Le trait était toujours fuyant, bien sûr, c'était sa marque de fabrique... Mais la fuite ne faisait que suggérer le mouvement du corps en train de lâcher prise. Les ombres renvoyaient une impression inquiétude, mais laissaient place aussi à un jeu de lumière complexe qui laissait distinguer les détails les plus subtils.
- Noah... comment... ? murmura-t-il avant de s'interrompre, la gorge enrouée.
Il avait pourtant réussi à retrouver un peu sa voix grâce à leur conversation, mais elle s'était à nouveau réduite à un râle enrayé à cause de la surprise et de l'émotion. Quand il détacha enfin son regard du dessin, il s'aperçut que Noah le fixait, presque sur ses gardes.
- C'est toi qui a dit que je devais m'entraîner pour mon book et l'école d'art, non ? se justifia-t-il. Et comme tu te réveillais pas...
- Il est incroyable.
T'es incroyable, ajouta-t-il dans sa tête sans oser le formuler à voix haute. Les gens pouvaient bien l'appeler un prodige tant qu'il voulait, ils loupaient clairement quelque chose en ce qui concernait Noah Douzebranches et son regard sur le monde.
- Comment t'as su... ? souffla-t-il. La chute dans le vide... ?
Ce n'était même pas que la sensation de tomber que le dessin retranscrivait, c'était aussi celle de la perte de contrôle immense qui l'avait saisi sans qu'il puisse rien faire.
- Je t'ai dit hier, ma mère faisait des crises un peu comme les tiennes, dit Noah en haussant les épaules. Elle était juste plus... incontrôlable, elle. Mais quand elle se calmait, y'avaient toujours des moments où elle restait... amorphe. Et elle parlait en continue.
- Oh...
Il ne savait pas quoi dire face à ça. Il n'osa même pas poser une question et laissa Noah continuer après une seconde d'hésitation.
- C'est là qu'elle m'a raconté ce qu'elle ressentait, comme si elle était plus tout à fait elle-même. Elle arrivait pas à respirer, elle avait l'impression de tomber, ou de regarder son corps comme une étrangère. Parfois, elle se souvenait même plus de ce qu'elle avait dit ou fait, mais ça c'était plus quand elle avait... tu sais...
Noah laissa sa phrase en suspens, mais fit un geste équivoque et Julian n'eut pas de mal à combler le blanc. Heather Douzebranches, en plus d'être instable, buvait visiblement en présence de ses enfants quand elle les avait eus avec elle. Et même si ce n'était que « parfois », les effets avaient dû être assez dévastateurs pour que Noah en garde encore un souvenir. Comme à chaque fois qu'il songeait au petit garçon aux boucles brunes qu'il avait dû être, confronté aux humeurs changeantes d'Heather, il ressentit une colère sourde envers elle. Puis, il se souvint que sa propre mère venait apparemment de feindre sa mort et était responsable de la détresse qu'il avait ressenti la veille. A bien y regarder, aucune ne pouvait donner de leçon à l'autre, même s'il savait rationnellement que les deux situations étaient différentes. Il était juste encore trop en colère pour faire la part des choses.
Nerveux, il se décida enfin à poser la question qu'il retenait depuis son réveil :
- Les autres... ? Où est-ce qu'ils sont ?
- Partis manger, répondit Noah avec prudence. Il est plus de midi, mais on t'a laissé dormir. Asclépius a bien voulu nous libérer pour pas qu'on meurt de faim, même si Hicks lui avait demandé de nous garder. Elle est pas encore revenu nous chercher, pas de nouvelles de l'Auror non plus. (Il marqua une pause, hésitant, puis ajouta). Ton père est passé chercher Charly quand même... Ils sont avec ta mère.
Julian pensait être préparé, mais la nouvelle lui fit malgré tout l'effet d'un coup dans le ventre. La phrase lui paraissait toujours aussi impossible. Il choisit de se concentrer sur autre chose.
- Et toi ? fit-il. T'es pas allé manger ?
- Je me nourris de mon art, lui répliqua Noah.
Julian roula des yeux.
- Non, j'ai piqué des barres énergétiques dans le bureau d'Asclépius, avoua-t-il finalement. On s'est dit qu'il valait mieux que tu restes pas tout seul si tu te réveillais.
L'intention le toucha. Il aurait aimé demander si le « on » était en réalité un « je » pour Noah, mais il n'osa pas le faire. Il songea plutôt à ses parents et à sa sœur, sûrement ensemble en ce moment même, et la pointe dans son ventre le piqua un peu plus. Il était partagé entre l'envie d'être avec eux et l'envie de partir en courant à la simple idée. Il ne ressentait en revanche plus le poids oppressant qui avait pesé sur sa poitrine hier maintenant que le premier choc s'était dissipé.
Il en était toujours à tenter de décider ce qu'il ressentait sous le regard attentif de Noah quand on toqua la porte. Ils relevèrent tous les deux la tête et le cœur de Julian s'emballa. La dernière que quelqu'un s'était présenté à la porte de cette infirmerie, ça avait été sa mère et il ne se sentait soudain pas encore prêt à lui faire face. Noah dû remarquer son air paniqué car il cria d'une voix forte :
- Y'a personne, repassez plus tard !
- Très spirituel, lui répondit la voix de Leonidas derrière le battant. Je peux entrer ?
Noah haussa un sourcil vers lui, interrogateur, et il hocha la tête. D'un coup de baguette, la porte s'ouvrit. Leonidas, habillé de son éternel costume mais les traits tirés, entra prudemment.
- C'est bon, le videur ne va pas me mettre dehors ? dit-il en direction de Noah. Tu es devenu assez doué avec les portes depuis hier non ?
La référence à la veille où Noah avait claqué la porte au nez des adultes, puis avait défendu à ses parents d'entrer parce qu'il lui avait demandé, fit sourire Julian. Noah pouvait se montrer buté ou caractériel, mais il pouvait aussi être d'une fidélité à toute épreuve, peu importe les conséquences. Il se contenta d'ailleurs de renvoyer un regard plein de défi à Leonidas – sûrement acquis par ses années d'expérience sur Hilda – et répondit avec désinvolture :
- Chacun sa spécialité ! Je pense m'être découvert une vocation de portier. Bien mieux que l'école d'art, moins cher, ma tante sera ravie.
- Ah cette chère Hilda... Je te laisse lui annoncer toi-même alors.
L'air amusé, Leonidas s'avança un peu plus dans la pièce. Il tourna enfin son regard bleu cobalt vers lui et Julian y distingua son inquiétude sous-jacente.
- Comment tu te sens ? dit-il à voix basse, soucieux.
- Mieux, répondit-il avec honnêteté Désolé pour hier soir, je ne sais pas...
Son parrain leva la main pour l'interrompre.
- Non, je pense que tu avais toutes les raisons d'être contrarié. C'est normal. Je suis juste venu pour voir si tu allais mieux et pour savoir si tu avais... changé d'avis. Charly est avec ta mère alors si tu veux... ?
Mais Julian secoua la tête avant qu'il ait pu terminer sa question. Leonidas eut un geste de compréhension, puis se tourna vers Noah.
- Je comprends, mais j'aimerai parler un peu avec Julian seul à seul avant de partir. Comme Hicks aime à me le rappeler, je n'ai pas vraiment d'enfants impliqués dans cette affaire, et je vais devoir retourner travailler dans quelques heures. Mon supérieur a déjà bien voulu m'autoriser à prendre ma matinée pour « urgence familiale ».
- Le terme est approprié, convint Noah avant de ramasser ses affaires. Bon, je vous laisse. Le Réfectoire devrait encore être ouvert. Quelque chose à manger ? ajouta-t-il en se tournant vers lui une fois debout.
Julian contempla la questions quelques secondes, mais sa nausée avait encore trop d'emprise sur son estomac en vrac. Il secoua la tête. Noah parut comprendre.
- Un thé ? proposa-t-il plutôt.
Cette fois, l'idée lui parla plus. Son enthousiasme dû être un peu trop évident car Noah afficha un demi-sourire, amusé.
- Message reçu, fit-il avant de s'adresser à Leonidas. Essayez de ne pas le tuer, j'ai fait beaucoup d'effort pour le remettre sur pied.
- Je dormais pendant que tu dessinais, objecta Julian. J'appelle pas ça « beaucoup d'effort ».
- Et c'est à cause de ce genre de réactions que je suis un artiste incompris. Allez, je m'en vais avant que tu me dises que l'art moderne ne veut rien dire.
- Parce que l'art moderne ne veut rien dire.
- Je t'entends pas, Jules ! cria-t-il, à moitié dans le couloir. Et je mettrai du lait dans ton thé pour ça !
La porte de l'infirmerie se referma sur cette menace ultime et Leonidas éclata de rire devant sa tête outrée. Il vint s'assoir à côté de lui.
- Un jeune homme intéressant, commenta-t-il d'un air pensif. Je comprends mieux les plaintes d'Hilda.
- Hum...
Julian ne trouva rien à répondre, embarrassé. D'habitude, Noah et lui n'avaient pas de public pour leurs joutes verbales qui étaient un peu devenues leur façon de communiquer, faute de pouvoir s'exprimer en toute liberté. Même maintenant que leur « expérience » était terminée, il fallait croire que les habitudes étaient bien ancrées. Discrètement, il glissa l'avion en papier avec le dessin de Noah dans sa poche pour que Leonidas ne le voit pas. Il préférait s'éviter une explication gênante qu'il n'était pas sûr de pouvoir fournir dans tous les cas.
- Tu voulais me parler ? reprit-il finalement.
- Oui, à vrai dire. Je suis désolé de le faire maintenant, j'aurais aimé te laisser un peu plus de temps mais... Pendant que vous dormiez tous, on a eu une petite conversation dans le bureau de la directrice. Enfin, Aurélia surtout. Elle nous a raconté ce qui l'avait amené à faire croire à sa mort, tout ce qui s'est passé avec Ronan. Tu m'as déjà posé des questions sur ça cette année et même si ça serait sans doute mieux qu'elle t'apporte elle-même les réponses, je me suis dis que... je pouvais le faire si tu pensais que c'était plus simple pour toi.
Les battements de son cœur soudain plus virulents, Julian dévisagea son parrain. La proposition lui sembla presque déplacée et pourtant elle était symbolique de ce qu'était devenu sa relation avec Leonidas au cours de l'année. Théa avait raison à son sujet. Il était là tout le temps, dès qu'il avait eu besoin de lui en tout cas, toujours patient et compréhensif. Il lui avait amené Matthew quand il n'avait eu aucun espoir de le revoir en personne, il s'était déplacé hier soir alors même qu'il n'était pas son fils, et il lui offrait maintenant une main tendue au milieu de son tourbillon de questions. Alors, reconnaissant, Julian accepta.
Leonidas mit plus d'un quart d'heure pour lui raconter tout ce qui s'était dit cette nuit dans le bureau de la directrice. Il tenta de n'omettre aucun détail, revenant même en arrière par moments et étoffant certains faits de ses impressions ou souvenirs personnels. Julian se rendit compte qu'il avait amassé plusieurs pièces du puzzle pendant son enquête depuis septembre, même si entendre les choses présentées devant lui ainsi leur insufflaient un sens nouveau. Il sut aussi immédiatement que le récit était déformé. Sa mère avait raconté une vérité arrangée où elle se plaçait comme seule responsable de la quête de la baguette en 1950. Surtout, elle avait exclu le plus important : la mort de Diego Calderon. Cette pierre manquante – et essentielle – se ressentit au moment où Leonidas tenta de lui expliquer, visiblement peu convaincu, pourquoi sa mère avait décidé de faire croire à sa mort. Oui, Ronan l'avait menacé elle et sa famille. Oui, il la harcelait depuis des années au sujet de la baguette de Serpentard et il s'en était pris à elle pour apprendre ce qu'elle avait découvert au sujet du Rituel d'Ancrage. Mais ces motifs paraissaient faibles face à son plan extrême et Julian ne put le comprendre que grâce à ce que le conte lui avait laissé deviner. Diego était mort en 1950 en essayant de récupérer la baguette et ses amis, pris de panique, avaient dissimulés son corps en le mutilant. Si Ronan savait ça – et il faisait peu de doute qu'il le sache – son levier de pression sur sa mère avait été bien plus important que ce que Leonidas croyait.
Quand celui-ci termina d'ailleurs son récit, il laissa planer un long silence, le temps qu'ils digèrent tous les deux les informations. Il le fixa ainsi un moment avant de déclarer, l'air sûr de lui :
- Tu savais en grande partie ce que je viens de te raconter, n'est-ce pas ?
Mal à l'aise, Julian joua avec le bord du drap du bout des doigts. Il aurait aimé que Noah lui laisse son crayon.
- J'avais deviné certaines choses, nuança-t-il. Tu m'avais raconté des anecdotes, comme la dispute avec Ronan ou le fait qu'elle ait coupé plusieurs fois les ponts avec ses amis...
- Justement, c'est ce qui m'interpelle. Je ne m'en serais sûrement même pas rappelé si on n'en avait pas reparlé ensemble cette année, mais Aurélia n'était pas seule comme elle le prétendait cette année-là. Elle s'est éloignée de sa sœur bien plus tard, mais à l'époque je ne la voyais jamais sans Cordelia, Barenne, Heather Douzebranches ou cet élève mexicain...
Leonidas égrena les noms et jaugea sa réaction, attentif. Il aurait réussir à garder un masque impassible, mais il n'avait pas le talent ni de Théa ni de Noah en la matière et un tic nerveux lui agita le coin de la bouche. Il était encore trop fatigué pour se maîtriser totalement.
- Je vois, lâcha son parrain. J'ai donc raison de croire qu'elle a tronqué la réalité en omettant de mentionner qu'elle n'était pas la seule impliquée, c'est ça ?
- Leo...
- Non. Stop, ça suffit. Je t'ai regardé toute l'année te débattre avec quelque chose et je pensais que c'était simplement de trop nombreuses questions et un deuil difficile. Je commence à comprendre que c'était bien plus vaste que ça. (Il serra et desserra le poing, comme s'il se retenait de poser une main sur son épaule, mais décida finalement à lui laisser son espace personnel). Julian, écoute, poursuivit-il d'une voix douce. Je ne te forcerai pas à parler parce que je sais que ça serait plus contre-productif qu'autre chose. Mais je veux que tu saches, toi, que tu peux quand même le faire. Peu importe ce qui se passe, on peut régler ça ensemble. Et si ça concerne ta mère, je peux d'autant plus être là pour toi si tu veux lui parler. D'accord ?
Chaque mot, égal au tempérament mesuré de son parrain, s'ancra en Julian avec une chaleur rassurante. Il se sentait trop ployer sous le poids des secrets depuis des mois... Leonidas lui offrait enfin une main tendue, un soutien d'adulte. Il se rendait compte seulement maintenant qu'il avait peut-être tenter en vain de jouer ce rôle, mais la réalité était en train de le rattraper : il n'était pas un adulte. Il faisait juste partie d'une bande de gamins détectives, forcés par un homme à l'esprit perturbé à réaliser un acte magique démesuré à la seule force de leur volonté et avec un chaudron rouillé. Penser à Albert faillit lui arracher un rire incrédule. Arrivé presque au bout de cette histoire, leur chaudron à la retraite lui paraissait maintenant l'élément le plus censé de tout ça.
Sous le regard bienveillant de son parrain, il finit par sentir quelque chose craquer dans sa poitrine et les mots trébuchèrent alors sur ses lèvres.
- Je ne sais pas vraiment... murmura-t-il maladroitement. Il faut que je demande à maman, mais si ce que j'ai compris est vrai... Leo, je ne peux pas en parler aux Aurors...
- Parce que ça ne serait pas bien pour elle ?
- Oui... Et je ne suis pas encore sûr... Enfin, peut-être que j'ai mal compris...
Une part de lui voulait le croire. Il voulait se persuader qu'il s'était monté la tête et que le conte n'était qu'une immense coïncidence et pas juste un voile de métaphore jeté sur une réalité sordide. Leonidas fronça les sourcils, inquiet.
- Très bien, tu veux que je te dises ce qu'on va faire ? lui dit-il, résolu. Absolument rien aujourd'hui. On va laisser Hercules Fischer mener son enquête et poser ses questions. La procédure va prendre du temps dans tous les cas, ça nous en fera gagner. Je vais négocier pour avoir des congés et dès que je reviens à New-York, on parle ensemble à ta mère. Ça te semble bien ?
- Mais New-York... Je veux dire, je ne vais pas y retourner tout de suite, c'est juste le mois de mai, il reste encore un mois de cours et les examens...
- Tu sais, c'est là que je retrouve ton esprit consciencieux et en qualité de parrain laisse-moi te dire que tu m'impressionnes, sourit Leonidas. Mais vu la situation, je pense que tu vas avoir le droit de souffler. Eulalie envisageait de vous laisser une semaine de repos chez les Grims à toi et à ta sœur, tu sais, le temps de vous retrouver en famille. Les circonstances sont un peu exceptionnelles.
Ça, c'était l'euphémisme du siècle. Il hocha simplement la tête et contempla l'espace vide de l'infirmerie. Il ne savait pas bien quoi faire de cette nouvelle. Ainsi, il allait être renvoyé à New-York pour quelques jours. C'était sans doute pour le mieux, il n'aurait pas supporté se retrouver en cours de Potions dès demain pendant que le professeur Fontaine déambulait entre les allées. Pire, il se voyait encore moins face au professeur Perrot à cause de ses soupçons ou du professeur Fleming qui avait caché sa mère pendant près d'un an. Soudain, il se rappela de détails qui lui avaient paru étranges et qui s'éclairaient maintenant. Fleming avait su pour sa passion pour le dessin seulement quelques semaines après la rentrée alors même qu'il ne la connaissait absolument pas. Elle avait prétexté l'avoir appris de son père lors d'un sommet dédié aux sortilèges. L'excuse lui avait déjà semblé bancale en octobre dernier ; ce n'était pas le genre de son père d'étaler les passions de ses enfants à des collègues dans un cadre professionnel. Sa mère, en revanche, avait dû parler à sa vieille amie de ses enfants loin d'elle et ce constat lui crispa le ventre. Elle avait choisi de disparaître de leur vie – pour les protéger peut-être mais quand même – et elle s'était épanchée dans le même temps sur eux envers une femme qu'il ne connaissait pas. Est-ce que Miranda Fleming savait pour les dimanches matin qu'il avait partagé avec sa mère à se balader dans les musées ou à peindre dans leur appartement londonien ? Est-ce qu'elle savait que sa mère lui avait offert sa première boîte à crayon ? Il s'agissait de morceaux de vie familiaux et Julian était étrangement mal à l'aise à l'idée que sa professeure de sortilèges les connaisse.
Devant lui, Leonidas attendait toujours une réponse à sa proposition et il cilla pour se reconcentrer sur le moment présent. La décision s'imposa à lui avec évidence : il ne se sentait plus la force d'avancer seul, ni de confronter sa mère sans son parrain à ses côtés.
- Ok... souffla-t-il. On peut faire ça. On lui parle tous les deux à New-York.
Leonidas sourit.
- Oui ? Bien, parfait. Tu vas voir, Julian, ça va bien se passer.
- Hum...
- Eh, je te le promets, d'accord ? affirma-t-il en passant un bras autour de ses épaules cette fois-ci. Et félicitations au passage : tu viens de battre Matthew à plat de couture en termes de problème disciplinaire.
Julian se contenta d'éclater de rire, rassuré pour la première fois depuis un moment.
***
Julian n'avait plus aucune envie de rire. L'expression sévère de la directrice et la présence impressionnante de l'Aurore ne s'y prêtaient pas du tout. Pour la première fois, il se trouvait dans le bureau de Hicks, une boule au ventre, et la décoration singulière ne suffisait pas à le distraire de ce qui était en train de se passer. Parce que même si le mot n'avait pas été prononcé officiellement, il savait qu'il s'agissait bien d'un interrogatoire, ou comme l'agent Fischer l'avait formulé « un premier entretien de relation des faits ». Autour de lui, tous ses amis étaient assis sur des chaises en arc de cercle autour du bureau en bois sombre de Hicks et leurs parents se tenaient derrière eux. Algilbert Fontaine, le père d'Othilia et leur professeur de Potions, se tenait le dos droit et l'air contrarié, ce qui semblait être devenu son expression de prédilection depuis hier soir. A ses côtés, la tante Hilda pouvait quand même rivaliser avec lui avec ses lèvres pincées et ses traits revêches. Il avait également découvert les parents d'Aileen, arrivés ce matin par portoloin inter-frontalier. Ils correspondaient assez à l'image qu'il s'en était faites : apparence distinguée, teint laiteux, cheveux roux dégarni pour le père et visage constellé de tâches de rousseurs pour la mère. Pour Liam, seul son père était resté car sa femme s'était rendue à l'hôpital au sujet de leur fille. Pour l'instant, personne ne leur avait donné de nouvelles d'Emilia. Avachi sur sa chaise, Liam se rongeait les ongles de nervosité. Leur cercle était complété par lui et Théa avec tante Cordelia et ses parents.
En vérité, il avait horriblement conscience de la présence de sa mère dans son dos. Ils n'avaient pas encore parlé tous les deux... Quand Hicks était venu le chercher pour cet « entretien », Leonidas était reparti travailler et il avait rejoint les autres ici. Plus aucune trace de sa sœur, même si les larmes dans les yeux de ses parents lui avaient indiqué qu'elle devait juste venir de repartir, et il avait traversé la pièce pour aller s'assoir, les yeux baissés pour éviter de croiser le regard de sa mère.
- Bien, on commence ? entonna Hercules Fischer. Je pense qu'on a pas mal de choses à voir ensemble, vous et moi, hum ?
La question était rhétorique, personne ne se donna la peine de lui répondre. Il sortit son carnet de notes et se mit à le feuilleter, concentré.
- Je ne sais même pas par quoi commencer, bougonna-t-il. Votre cas est vraiment inhabituel. Je ne comprends même pas comment vous ne m'avez pas appelé avant. C'est pas comme si je vous l'avais demandé.
Il vrilla son regard sur Liam en particulier, le seul qu'il avait fréquenté tout au long de l'année à cause de son enquête sur Emilia.
- On pouvait pas vous en parler, c'est le principe du chantage, lui rétorqua Liam avec mordant.
A côté de lui, Julian vit Théa se mordre la lèvre pour éviter de rire, et Mr Cooper donna une tape sur la nuque de son fils.
- Oh ! Pas de manque de respect pour le policier ! rabroua-t-il.
Fisher leva la main dans un signe apaisé.
- C'est bon, c'est bon. Y'a pas de mal. (Il sortit sa plume à papote qui se mit aussitôt à léviter, prête à l'action). Alors, qui commence ? Toi, gamin, justement ?
Liam déglutit. Il dû sentir que ce n'était pas tant une question qu'une demande et, de toute façon, tout avait commencé avec lui. Il se lança donc dans le récit de la première lettre du Corbeau, en octobre, et de la panique qu'il avait ressenti, mais aussi l'espoir. Après tout, ça avait constitué la première piste au sujet de sa sœur depuis sa disparition le 4 juillet. Fischer écouta sans l'interrompre.
- Ok... Donc c'est un corbeau – un vrai – qui t'a amené la lettre ? En pleine nuit pour être sûr que personne ne voit rien ?
- C'est ça...
- Et même si la lettre te demandait de venir seul, vous êtes arrivés à trois ? Sans représailles ?
Liam s'agita, mal à l'aise, mais acquiesça. Ça avait été une source de tension permanente à chaque fois que leur groupe s'élargissait et qu'ils allaient à l'encontre des volontés du Corbeau. Pourtant, il n'avait jamais réagi, à part lorsqu'ils avaient tenté de poser un peu trop de questions à Leonidas. Contre toute attente, ce fut Cordelia qui s'exprima sur la question.
- Vous voulez mon avis ? Ronan s'est vite rendu compte que son projet avait plus de chance d'aboutir s'il les laissait travailler à plusieurs. Et le connaissant, il trouvait ironique de mêler le fils d'Aurélia à tout ça.
Julian tressaillit. Il ne se retourna pas pour voir sa mère, mais elle dut avoir une réaction similaire car il sentit son père se rapprocher d'elle en soutien. Fischer examina la théorie, songeur, et hocha la tête.
- Ca se tient, reconnut-il. D'après ce que vous m'avez dit, madame la directrice, ce Rituel était complexe ? Il aurait été dur pour Liam de le briser seul, c'est ça ?
- Dur, voire impossible, confirma Hicks. Je ne remets pas vos talents en cause, Liam, vous avez toujours été doué en Potions, mais là...
- C'est bon, je sais bien que je n'aurais pas été loin... Graves a bien dû s'en rendre compte.
Il croisa les bras dans un geste amer. Julian se sentit mal pour lui. Certes, Liam n'avait pas pu les aider énormément sur la partie sortilèges, ni sur la traduction des runes au tout début, mais il avait géré toute la partie des potions avec Othilia et son aide avait été décisive. A la mention des potions justement, Algilbert Fontaine intervint.
- J'ai une question à ce sujet... Appelez ça une déformation professionnelle, mais je sais qu'il faut entre autres de la poudre de corne de licorne pour briser ce Rituel. On ne peut pas dire qu'on en achète facilement. Comment est-ce que vous avez fait ?
Un silence coupable s'étira soudain. Othilia garda les yeux fixés sur ses chaussures comme si elles étaient devenues un monument national tandis que Théa examinait ses ongles, mine de rien.
- Laissez deviner, grommela Fischer, vous l'avez acheté en contrebande ?
Ils le dévisagèrent tous avec des yeux ronds.
- Quoi ? s'exclama Liam. Mais vous nous prenez pour qui, la pègre de New-York ?
- Parce qu'on peut acheter des produits de potions en contrebande, pas juste des cigarettes ? fit Noah en même temps.
Julian se retint de se prendre la tête entre les mains. Vu l'air furieux d'Hilda, Noah savait très bien ce qu'il faisait, surtout qu'il lui avait dit lui-même qu'il achetait ses cigarettes à la gare de Grand Central avant la rentrée scolaire. Othilia s'empressa d'intervenir, sans doute inquiète que Noah se fasse embarquer pour activité illégale juste pour rire.
- On a trouvé la poudre dans ta réserve, papa ! Il y en avait dans une petit boîte... Mais on en a pris que dix grammes, pas plus, je te le promets !
Dix grammes ou un kilo, ça n'eut pas l'air de faire une grande différence. Fontaine fixa sa fille avec incrédulité.
- Dans ma... ? Mais Othilia !
- Je suis désolée ! On en avait besoin à tout prix pour terminer un des élixirs ! Et j'avais la clé de ton bureau, c'était la solution la moins dangereuse...
L'argument ne parut pas avoir un grand impact. Julian se rappelait très bien ce jour où, accompagné de Théa et Othilia, il avait été voler la réserve de son professeur : il s'était retrouvé à devoir porter la blonde sur ses épaules et sous l'œil trop amusé de sa cousine avant que Noah ne les surprenne et ne se joigne à leur groupe. Il se revoyait encore, sûrement l'air gauche et instable sur ses jambes, à devoir tenir Othilia au niveau des cuisses pour ne pas qu'elle bascule. Il aurait préféré l'oublier.
- Donc on ajoute vol sur la liste des méfaits ou on considère que c'est juste un emprunt comme vous aviez donné la clé à votre fille, monsieur Fontaine ? lança Fischer, sans doute trop amusé par la situation.
La père d'Othilia eut l'air encore plus catastrophé.
- Vol ? Non, non, laissez, s'empressa-t-il de répondre. Pas besoin d'en rajouter par Morgane. (Il jeta un coup d'œil sévère à sa fille). Mais nous en reparlerons. J'avais cru remarqué qu'il me manquait des ingrédients, je pensais juste que tu t'entraînais avec assiduité.
Othilia rougit, honteuse, et Liam parut soudain penser à quelque chose.
- Oh... Si c'est des algues péruviennes qu'il vous manque, c'est nous aussi... Hum, je vous rembourserai ?
- Mais Cooper, ferme-la !
- Théodora ! Un langage pareil ! réprimanda tante Cordelia.
Théa se tut, mâchoire crispée, tandis que le professeur Fontaine se passait une main sur le visage, clairement dépassé. Pour lui dont la fille avait toujours été un modèle d'exemplarité, la situation devait être difficile à gérer en tant que parent. Julian se demanda si c'était le cas pour les siens aussi et il se renfonça dans sa chaise.
- Bien donc récapitulons, reprit Fischer. Une lettre anonyme vous apporte des instructions pour briser un Rituel complexe en prétendant détenir Emilia et vous mettez tout en œuvre pour le réaliser en volant au passage des ingrédients de potions à votre professeur. Et ensuite ? Il s'est manifesté à nouveau ?
Aileen décida de prendre le relais de son propre-chef.
- Non, pas avant un moment, dit-elle. Mais on a fini par comprendre ce qu'on faisait...
- Un contre-sort pour un Rituel d'Ancrage ?
- C'est ça.
- Et comment vous avez compris ? Il vous l'avait indiqué d'une certaine manière dans la lettre anonyme ?
Immédiatement, Julian se tendit et Aileen marqua un temps d'arrêt. Elle chercha leur regard en soutien. Si elle racontait qu'ils avaient trouvé les noms de la Génération 1950 dans un livre de la bibliothèque au sujet des Rituels d'Ancrage, sa mère aurait des problèmes. Après tout, il y a encore quelques heures, elle affirmait avoir été la seule collaboratrice de Ronan Graves à cette période. Paniqué, il répondit donc avant de vraiment réfléchir :
- J'ai deviné, lâcha-t-il comme si c'était la chose la plus simple du monde. Tous les éléments sur lesquels on travaillait pointaient dans cette direction et j'ai emprunté des livres pour mieux comprendre... ça ne pouvait être que ça.
- Que ça ? Les Rituels d'Ancrage mélangent plusieurs types de magie, ce n'est pas facile à identifier, surtout pour un élève de sixième année.
Même si le ton de Fischer restait léger, Julian sentit qu'il n'avalerait pas toutes leurs explications sans sourciller si celles-ci le faisaient tiquer. A ses côtés, ses amis lui glissèrent des œillades surprises. Ils devaient tous se demander pourquoi il avait décidé de mentir d'un coup et il sentait le regard de sa mère lui brûler la nuque. Il n'avait jamais été doué pour mentir, surtout à elle. Avait-elle conscience qu'il était lui aussi en train de déformer la réalité pour la protéger ?
- On ne vous a pas prévenu ? intervint alors Noah, volant à son secours. C'est un prodige en sortilèges. Donc oui, il a deviné.
- Il a aussi compris quand le Rituel a commencé à dérailler, abonda Liam.
- Mais il perd toujours en duel contre moi, crut bon d'ajouter Théa, sûrement pour éviter de flatter trop son ego.
La dernière remarque leur arracha à tous un sourire et Julian se retint de lui donner un coup de coude, à la fois mal à l'aise et flatté devant l'expression admirative des adultes. Hicks, particulièrement, se pencha vers lui.
- Vous avez compris avant que les défenses de l'arbre ne s'activent que le Rituel n'était brisé ? s'étonna-t-elle, surprise. En pleine nuit et avec tout ce qui se passait ?
- Oh... euh oui ? Enfin, je ne sais pas ce qui manquait ni ce qu'on avait loupé dans le contre-rituel, mais... oui, j'ai vu que quelque chose n'allait pas. Mais Ronan a refusé de l'entendre.
- Il a forcé Emilia à donner son sang pour compléter le sort, ajouta Aileen.
Aussitôt, les sourcils de Hicks s'envolèrent et Fischer se redressa, alerte.
- Emilia Cooper ? C'est elle qui a donné son sang ?
- Il ne mentait pas... souffla sa mère dans son dos, la voix blanche. Il avait vraiment retrouvé la descendante d'Isolt Sayre.
- Hum, oui... A ce propos... marmonna Liam.
Il inspira une respiration tremblante, jeta un coup d'œil par-dessus son épaule à son père dont le teint avait pâli même s'il paraissait perdu au milieu de toutes ces conversations magiques, puis se mit à raconter ce que sa sœur lui avait appris. Julian écouta avec attention. Liam et Emilia avaient été trop loin la nuit dernière pour qu'il entende leur échange, mais il découvrit maintenant l'histoire d'Emilia Cooper. A la naissance, elle avait été rejetée par sa mère qui la trouvait « anormale » et confiée aux services sociaux. Très vite, elle avait été repérée comme enfant magique et avait été placée chez les Cooper à l'âge de neuf ans car il avait déjà un fils sorcier et que son intégration y serait plus simple. Des années plus tard, Emilia n'avait jamais cessé de s'interroger sur ses origines jusqu'à ce que Ronan la retrouve pour les lui servir sur un plateau d'argent. Elle n'était pas juste une sorcière. Elle était l'héritière de la fondatrice d'Ilvermorny, de Serpentard et de Morgane en personne. Elle était passée d'une inconnue anonyme à la descendante d'une grande lignée. Les choses s'étaient accélérées à partir de là. Ronan avait tout fait pour la convaincre : il avait retrouvé le médecin présent à sa naissance pour fouiller son esprit, il avait été jusqu'à Londres menacer Aurélia pour avoir accès aux documents des Archives, et il lui avait présenté son projet ultime. Faire éclater le secret magique et permettre aux sorciers de ne plus se cacher des yeux des Non-Maj' dans la continuité de l'idéologie de Grindelwald. Et à ses yeux, ce projet devait ne pouvait être mené qu'avec la baguette qui l'avait tant obsédé dans sa jeunesse, celle de Salazar Serpentard. Mais pour la récupérer, il avait d'abord fallu briser le Rituel. Ronan avait alors décidé de refaire le plan qui avait failli fonctionné en 1950 en faisant chanter Liam.
Quand ce dernier termina de raconter le récit de sa sœur, un nouveau silence tomba sur la pièce. Cordelia feula, furieuse.
- Quel bâtard ! Je le savais capable de tout, mais alors là...
Julian entendit Théa marmonner « maman, un langage pareil », mais elle parla trop bas pour quelqu'un d'autre ne l'entende. Fischer, lui, contempla ses notes, le visage fermé.
- Bien... Merci Liam pour ton honnêteté. Crois-moi, c'était la bonne chose à faire... Cette enquête va prendre un tournant inattendu.
- Pourquoi ? Elle va avoir des ennuis ? s'inquiéta-t-il.
- On en est pas encore là, d'accord ? Chaque chose en son temps.
- Mais elle s'est réveillée ? voulut savoir Théa. Elle va bien ?
Julian se trouva égoïste de ne pas y avoir songé plus tôt. Avec tout ce qui s'était passé, Emilia s'était retrouvée reléguée dans un coin de son esprit.
- Son état est stable, révéla Fischer avec calme. Elle devrait se réveiller quand son corps aura suffisamment récupéré. Vous serez les premiers informés, évidemment, ajouta-t-il en direction de Liam et son père.
Ce dernier crispa ses mains sur le dossier de la chaise devant lui. Tout dans sa posture montrait clairement qu'il aurait préféré être au chevet de sa fille à cet instant et Fischer dût en prendre conscience car il referma son carnet d'un coup sec avant de ranger sa plume à papote.
- Bon, je pense qu'on peut considérer que ce premier entretien est terminé. Vous serez convoqué à une audition individuelle si le juge en charge de l'affaire le considère nécessaire et on avisera à ce moment-là. Pour l'instant, ma priorité est de parler à Emilia et de retrouver monsieur Graves. (Il promena son regard sur chacun d'eux, soudain grave). Par contre, j'insiste sur un point : s'il cherche à vous recontacter d'une manière ou d'une autre, je veux en être informé dans la seconde. C'est clair ?
Ils ne cherchèrent pas protester – même Noah – et hochèrent la tête de concert. Julian se sentit mal d'avoir menti et surtout d'avoir poussé ses amis à le faire avec lui. Peut-être que ça n'allait être qu'une question de jours de toute façon. Il devait juste parler à sa mère avant, dès qu'il serait rentré à New York avec Leonidas, puis il pourrait décider quoi dire aux Aurors. Le temps des questions n'était pas terminé.
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Verdict ? ^^
On avance doucement mais sûrement, les questions trouvent des réponses au fur et à mesure, mais surtout il me semblait important de poser comme base que Julian n'était plus seul. Il y a désormais des adultes impliqués dans toute cette affaire et ça change la donne. Et puis bien sûr, il y a toujours Noah parce que j'adore les écrire mouahah !
Du coup on se retrouve cette fois dans deux semaines, le 8 octobre, puisque samedi prochain c'est la reprise de ATDM ! Heureux.se ? ^^
En attendant, bisous à touuuut le monde !!
Et avant de se quitter, les mêmes de Lina !
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