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Chapitre 22 : Que sonne le glas

Hello !! Comment ça va aujourd'hui ? Dernière ligne droite du bac pour certain.es ? Des oraux encore à passer ? Comment ça a été jusque là ? Allez-y, criez vos peines et vos joies et vos angoisses.

Perso, ma semaine est speed, speed, speed. J'ai l'impression d'user mes batteries sociales en ce moment, c'est terrible ; à tel point que j'ai du mal à trouver du temps pour écrire. Je sais pas si vous connaissez la sensation mais elle est paradoxale parce que j'adore sortir avec mes amis mais j'ai aussi envie de rentrer et de ne rien faire dans mon lit. 

Pour couronner le tout, Perri arrive sur la fin de ses posts sur O&P et j'en ai toujours le coeur un peu serré. On a encore réussi à se faire à moitié pleurer l'une l'autre cette semaine, c'est terrible. Mais je suis aussi terriblement fière d'elle ! 

Enfin assez parler de ma vie ! Pour le chapitre précédent, je vous remercie pour vos retours, ça a été très instructif à lire notamment pour les débats que ça a entrainé. Et pour cause, l'effet que je voulais était au rendez-vous : certain.es étaient d'accord avec Matthew, d'autre avec Charity, c'était assez dur de trancher tant les deux avaient des arguments propres à leur personnalité. C'est ce que je voulais faire passer. En tant que personne assez ouverte et qui a besoin d'énormément parler de ce que je ressens (déformation d'écrivaine, j'ai tendance à suranalyser les gens et moi-même comme des personnages), je me heurte souvent à des amis qui ont plus de mal à s'exprimer. Ca donne parfois des incompréhensions et des frustrations et c'est ce que j'ai voulu rendre à hauteur de relation entre Matt et Charity ! 

Mais maintenant que c'est ça, on va retourner du côté d'Ilvermorny... Et disons que le fameux tournant dont je parle depuis plusieurs chapitres est sur le point de connaître son ultime virage. Bonne lecture donc et on se retrouve en bas ! 

(La chanson en citation est juste magnifique, hésitez pas à l'écouter si vous ne connaissez pas). 

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Chapitre 22 : Que sonne le glas

« Je suis venu te dire que je m'en vais
Et tes larmes n'y pourront rien changer
Comme dit si bien Verlaine au vent mauvais
Je suis venu te dire que je m'en vais
Oui je t'aimais, oui, mais ».
- Serge Gainsbourg, je suis venu te dire que je m'en vais -


// 27 novembre 1980 //

- Mais tu lui as toujours pas parlé ?

- Hum ?

- Arrête, tu m'as parfaitement entendu.

Othilia regretta de ne plus avoir un long rideau de cheveux blonds comme plus jeune pour se cacher derrière, les joues rouges. Oui, évidemment qu'elle avait parfaitement entendu ce que Wilde venait de dire : ils étaient littéralement à la même table en train de travailler à la bibliothèque et un silence feutré régnait autour d'eux.

De base, ils avaient tous venus en groupe pour travailler, mais les places coutaient chères et ils avaient dû se résoudre à se séparer, faute d'une table assez grande. Elle s'était ainsi retrouvée avec Wilde sur une minuscule table près du rayon « faune et flore magique » après que ce dernier ait été abandonné par Enjolras pour Clémence Laveau ; Aileen, Liam et Théa étaient encore un peu plus loin dans une alcôve ; et Julian et Noah s'étaient retrouvés carrément à l'étage supérieur sur le balcon en fer forgé qui courrait sur toutes la hauteur de la bibliothèque. Elicia Jauncey, elle, s'était carrément installée à même le sol, un livre sur les genoux.

- Désolée, je suis concentrée. Le devoir est à rendre pour lundi, je dois absolument avancer dessus sinon je...

- T'as déjà fait vingt centimètres sur ton analyse de baguette, coupa Wilde en roulant des yeux. Ça ira, Fontaine. Il sera terminé son devoir.

- Terminé ne veut pas dire de qualité.

Wilde lui renvoya un regard peu impressionné. Sans cérémonie, il tendit le bras par-dessus la table et lui arracha presque son parchemin des mains.

- Eh ! protesta-t-elle.

Il l'ignora et se mit à lire à voix haute dans un murmure audible pour ne pas déranger les autres autour :

- « ... baguette composée d'un alliage rare, mais complémentaire... bois de rose couplé à un cœur d'épine de monstre du Fleuve Blanc, soit une combinaison peu l'illisible tant le bois de rose est peu utilisé... propriétés encore inconnus et semble peu solide en apparence... permet de jeter des sorts puissants et élégants... hésitation avec un bois de pommier réservé aux sorciers et sorcières aux aspirations élevées, mais la manipulation était rendue difficile par les mesures de la baguette... 31cm, très rigide... ». C'est bon là, t'as fait le tour, non ?

-Rends-moi ça. (Elle reprit son devoir d'un geste sec). Et oui, reconnut-elle de mauvaise grâce, j'ai presque terminé.

Wilde eut un sourire suffisant, amusé. Elle remarqua seulement à cet instant que ça accentuait la courbe de son nez cassé.

- Pas mal en tout cas. J'avais encore jamais rencontré quelqu'un avec une baguette en bois de rose ! C'est impressionnant.

Elle haussa les épaules.

- Pas vraiment... contra-t-elle. Je l'ai dit, le bois de rose n'a aucune grande caractéristique, il est juste rare sans bien qu'on sache pourquoi.

- Peut-être parce que les personnes comme toi sont rares aussi ? suggéra-t-il du tac au tac.

Elle suspendit sa plume. Le « comme moi ? » resta coincé dans sa gorge en avisant l'expression de Wilde qui n'avait pas l'air de bien savoir comment interpréter sa propre remarque et elle laissa donc couler, mal à l'aise. Wilde, lui, se râcla la gorge et se reconcentra sur sa question initiale :

-Bref... et donc ? Tu lui a toujours pas parlé ? A Noah, je veux dire ?

- Non, soupira-t-elle sans rencontrer son regard. Je n'ai pas vraiment eu le temps...

- Pas eu le temps ? répéta-t-il, sceptique. Mais ça fait un mois !

- Non quand même pas...

Wilde la dévisagea.

- On en a parlé ensemble au Bal des Fantômes, soit à Halloween le 31 octobre, rappela-t-il en levant les mains devant lui pour compter. Et aujourd'hui, c'est Thanksgiving, c'est-à-dire le 27 novembre. Dans mon calendrier, ça fait un mois à quelques jours près.

- Je sais quel jour on est...

- Alors tu sais aussi que ça fait un mois, Fontaine.

L'évidence sonna avec une note de jugement et elle ressentit le besoin de se justifier, le visage brûlant.

- Les jours sont passés vite, se défendit-elle, tête baissée pour faire semblant de relire son devoir une énième fois alors qu'elle en connaissait chaque maudite phrase par cœur. Avec tous les devoirs, les cours, l'anniversaire de mon père qui était la semaine dernière... Et puis Noah a sa fresque à faire pour ses travaux d'intérêt général, ça n'aide pas non plus. (Elle faillit s'arrêter là, puis ajouta avec amertume). De toute façon, il passe son temps libre avec Julian donc...

Du coin de l'œil, elle ne manqua pas la soudaine tension dans la mâchoire de Wilde, ni son air mal à l'aise comme à chaque fois qu'il était question d'une possible relation entre ses deux camarades de dortoir. Il se renversa contre le dossier de sa chaise, le temps de reprendre constance, puis lança :

- Et tu ne crois pas que c'est le problème, justement ? Tu vas lui laisser passer ça encore longtemps ?

- C'est mon couple, je fais ce que je veux, souligna-t-elle, butée.

Elle ne crut même pas elle-même à ses paroles. Wilde non plus d'ailleurs si elle interprétait bien le petit soupire ironique qui quitta ses lèvres et elle osa enfin relever les yeux vers lui. La vérité, c'était que ce n'était pas tant Julian le problème, ni le fait que Noah passe du temps avec lui... Enfin, si, ça faisait partie du problème bien sûr mais elle n'était pas assez naïve pour ne pas comprendre qu'il s'agissait seulement de la partie émergée de l'iceberg. Le véritable problème résidait en cette danse sans fin à laquelle Noah et elle se prêtaient : ils se croisaient sans se parler – ou seulement pour se dire des banalités –, ils s'embrassaient à peine et étaient retombés dans leur fameux rôles à présenter à la face de l'école. Le pire, c'est qu'ils en avaient conscience, mais leurs amis aussi.

Tous les jours, Othilia sentait le regard de Théa sur elle, mais aussi celui d'Aileen. Même Liam commençait à sembler déstabilisé et elle ne parlait même pas de Wilde qui la relançait presque chaque semaine désormais pour qu'elle crève enfin cet abcès, véritable tumeur dans sa vie. Seule une personne paraissait plus douée que Noah pour l'éviter : Julian lui-même. Et c'était un sacré exploit parce que, justement, elle cherchait de plus en plus son contact depuis le Bal des Fantômes sans bien savoir pourquoi. Elle devait être masochiste sur les bords...

Au fond d'elle pourtant, elle savait ce qu'elle voulait. Ce n'était pas avouable, ni même honorable, mais elle voulait que Julian se sente aussi mal qu'elle se sentait. Elle voulait qu'il sache. Qu'il se demande si elle le soupçonnait d'une manière ou d'une autre, juste pour évaluer s'il culpabilisait de faire voler son couple en éclat avec son accent anglais, ses talents en dessin et ses capacités de prodige en sortilèges. C'était plus facile de s'accrocher à cette colère que de se résoudre à aller confronter Noah... Plus facile que de sonner le glas de leur relation, inéluctablement.

En face d'elle, le regard de Wilde se fit plus insistant, même si une touche de pitié s'y mêlait malgré tout et elle ravala la boule venue se loger au creux de sa gorge.

- Je ne saurais même pas par où commencer... avoua-t-elle finalement dans un filet de voix. Qu'est-ce que je lui dis ?

- Qu'il te trompe avec Shelton depuis Morgane sait combien de temps ? Ca serait déjà un bon début non ?

Son ventre se crispa face aux mots brutes.

- Mais j'en suis même pas sûre de ça ! protesta-t-elle entre ses dents serrées. Je ne peux pas juste lui balancer des accusations pareilles au visage. Il risque de finir chez un psychomage pour ça.

- Non, non... on n'en est pas là non plus...

- Si, Wilde, c'est exactement ce qu'il risque. Faut en avoir conscience aussi.

Elle appuya sa phrase d'un coup de plume ferme en la reposant contre son encrier et la façade assertive de Wilde se fendilla quelque peu.

- Bon d'accord, reconnut-il, ce n'est pas par ça qu'il faut commencer alors... Mais tu disais que il y avait d'autres choses, non ? Il est presque jamais avec toi à passer du temps ensemble ?

Othilia porta la main à ses tempes, fatiguée. Bon sang, quand est-ce que Wilde Wilkinson était devenu son conseiller conjugal ? Elle acquiesça malgré tout avec réticence, habitée par la désagréable impression d'avouer un échec. Ce n'était pas quelque chose dont elle avait l'habitude.

- Alors exprime peut-être déjà ça, suggéra Wilde d'une voix bienveillante. Ça t'aidera peut-être à te lancer et à ouvrir les vannes.

- Peut-être...

Encore fallait-il qu'elle soit prête à les ouvrir, ces fameuses vannes, et à se prendre la vague qui ne manquerait pas de déferler derrière.

- Ok, je sens un manque d'enthousiasme de ta part, releva Wilde. Tu veux en parler ?

- De quoi ? rétorqua-t-elle avec ironie. Du fait que non je ne suis pas enthousiaste pour rompre avec mon copain ?

- Du fait que t'y vas manifestement à reculons pour une raison qui m'échappe. Théa aurait déjà fait un esclandre et l'aurait balancé du haut d'une tour du château. La plupart des filles l'aurait fait d'ailleurs.

Othilia se mordit l'intérieur de la joue. Il avait raison en un sens. Son inaction devait paraître tellement contre intuitive, surtout pour elle.

- Je ne suis pas Théa, finit-elle par énoncer avec évidence. Ni la plupart des filles. C'est pas ce que mon analyse de baguette vint de conclure et toi aussi ? Je suis une fille « rare ».

Elle prit soin de faire entendre les guillemets autour de l'adjectif et Wilde s'empourpra une seconde, mais sa nature butée garda tout de même le cape.

- Ok, très bien, je te l'accorde ça... Mais quand même. Tu crois pas qu'il est temps que quelqu'un mette un peu Noah Douzebranches face à lui-même ? Il le mériterait si tu veux mon avis !

- Oh Morgane, est-ce que je viens d'entendre mes mots préférés ? Noah et donner ce qu'il mérite ? fit soudain une voix familière derrière eux.

Ils n'eurent même pas le temps de se retourner. Théa venait de surgir d'entre les rayonnages, une pile de livres dans les bras surmontée d'un rouleau de parchemin, le tout en équilibre précaire. Elle luttait visiblement pour ne rien faire tomber et Wilde se leva un quart de seconde avant que tout ne valse à terre pour l'aider.

- Merci, Wilkinson... marmonna-t-elle.

- Pas de quoi.

D'un geste agacé, elle repoussa sa frange – celle qu'elle s'était faite cet été mais qui commençait à lui retomber trop souvent dans les yeux – et attrapa une chaise libre pour s'assoir avec eux. Ils avaient à peine la place de tenir à trois.

Othilia lui jeta un coup d'œil interrogateur.

- Je viens réclamer l'asile avec vous ou je vais y finir. A l'asile, je veux dire, précisa-t-elle devant le froncement de sourcil de Wilde. Liam n'arrive pas à bosser en silence et je vais finir par l'étouffer avec de l'encre si ça continue ! Julian m'a dit qu'à Poudlard, ils avaient un calamar dans leur lac : bah on en aura un pour Ilvermorny comme ça.

L'image leur arracha un rire et Théa continua sa diatribe, agacée :

- Non mais je vous jure, c'est infernal. Je peux vous citer toutes les caractéristique de la baguette de Liam tellement il jacassait : souple, 21 cm, bois de cèdre, plume d'Oiseau Tonnerre – ironique quand on est dans la maison des Puck – et synonyme de force de caractère et de loyauté, elle est très puissante mais difficile à manier et convient pour la métamorphose. Aileen par contre ? Aucune idée puisqu'elle sait travailler normalement !

Elle conclut avec un regard mauvais par-dessus son épaule, comme si elle pouvait atteindre Liam Cooper à travers les rayonnages, et Othilia lui donna une tape réconfortante sur le bras.

- Reste avec nous alors, proposa-t-elle. T'avanceras mieux. Mais laisse souffler Liam aussi, ok ? La troisième audience de sa sœur ne va pas tarder, ça le perturbe je pense...

Aussitôt, Théa eut l'air penaude. Même elle avait de l'empathie pour Liam sur ce sujet et l'audience qui arrivait promettait d'être rude pour leurs nerfs à tous les deux. Si la première avait déterminé l'ouverture du procès et la seconde avait simplement retracé l'histoire personnelle d'Emilia de sa naissance à son adoption par Barbara et Russel Cooper, la troisième devait enfin atteindre le cœur de l'affaire : le lien entre Emilia et Ronan Graves.

- Peu importe, éluda finalement Théa, peu incline à s'attarder sur le sujet. Qu'est-ce que vous disiez que Noah mérite ? Une bonne claque ? Un sort de lissage pour le rendre ridicule sans ses boucles ?

Othilia aurait voulu sourire face à la pique, mais elle n'en eut pas le cœur. Ce fut Wilde qui se chargea de répondre :

- De se faire plaquer, voilà ce qu'il mérite...

- De se faire... ? Quoi ? s'exclama Théa. (Elle se tourna vers elle d'un bloc). Tu veux rompre avec lui ?

- Je...

Elle sentit peser le regard de Wilde sur elle en même temps que celui de sa meilleure amie et ravala les mots au bord de ses lèvres. La question à mille Dragots était posée. Est-ce qu'elle voulait quitter Noah ?

- C'est compliqué, maintint-elle, butée. Je crois que j'ai du mal à vraiment réaliser que... ça ne marche juste pas. Enfin, si. Je le vois, je le sais, mais je m'accroche à ce qu'on avait avant, vous comprenez ?

- C'est-à-dire ? fit Théa, sourcils froncés.

Visiblement, aucun des deux ne comprenait, et Othilia soupira.

- Noah n'a pas toujours été... comme ça, tenta-t-elle d'expliquer. On le connait tous depuis longtemps et on a juste oublié je crois, mais c'est vrai. Avant l'enlèvement par sa mère, il était ami avec Liam et Aileen, sympa avec les autres, tout allait bien.

- Il avait douze ans ! Ca commence à remonter quand même !

- Je sais. Mais justement, ça n'a pas arrêté d'évoluer. Il s'est complètement refermé sur lui-même après son redoublement et ça a pris du temps, mais ça allait mieux quand on s'est mis ensemble entre la quatrième et la cinquième année. Pendant un an, j'ai eu l'impression de retrouver Noah, celui d'avant, celui qui pouvait rire et ne pas être en colère constamment contre tout le monde... (Elle laissa sa voix s'éteindre alors que les images défilaient, comme si elle remontait le temps au fil de ses souvenirs). Et puis tout à rechanger en début d'année dernière...

A côté d'elle, elle sentit plus qu'elle ne vit la tension de Wilde et elle sut ce qu'il pensait sans qu'il ait besoin de le dire : l'année dernière, Julian était arrivé. Il était sans doute là le catalyseur.

- C'est comme ça, les gens changent, relativisa Théa. Noah particulièrement, on le sait tous aussi, il est impossible à suivre. Parfois, faut se faire une raison.

- Justement ! Je ne veux pas me résigner juste parce que ça serait plus simple. J'ai tellement l'impression de... d'avoir échoué... et...

Elle chercha ses mots, habitée par une frustration intense, et Théa se pencha vers elle.

- Non, arrête-toi là. C'est le problème. Tu vois ton couple comme un devoir où tu devrais montrer que t'as compris comment tout fonctionne, quelque chose qui te prouve que tu as réussi à sauver Noah en quelque sorte. Tu n'arrives même plus à voir au-delà si tu as encore des sentiments pour lui ou pas.

- Bien sûr que j'ai encore des sentiments pour lui, rétorqua-t-elle, piquée au vif.

Wilde émit un bruit de gorge sceptique et elle se souvint vaguement de ce qu'elle avait avoué le soir du Bal des Fantômes, l'esprit embué par l'alcool. « Je tiens à lui ». Pas « je suis amoureuse de lui », plus maintenant... Les joues rouges, elle se détourna vers Théa pour échapper à Wilde, mais le regard de sa meilleure amie était tout aussi implacable.

- Ah oui ? fit-elle, défiante. Alors explique-moi pourquoi t'es avec nous là tout de suite ? Et pourquoi Noah est en haut avec Julian ?

Juste comme ça, elle se reprit un coup dans le ventre. C'était si évident et simple exprimé ainsi... Si métaphorique. Elle était clouée au sol, rongée par ses doutes, tandis que Noah contemplait le chaos depuis sa tour d'artiste, loin du monde. La fille aux pieds sur terre contre le garçon à la tête dans les nuages. C'en était risible tant ils n'arrivaient plus à se rejoindre...

D'instinct, elle leva les yeux vers le balcon en fer qui courrait tout le long du plafond, mais elle n'arrivait pas à les voir d'ici. Wilde, lui, parut à nouveau mal à l'aise à l'évocation du nom de Julian. Théa ne pouvait pas savoir à quel point elle avait visé juste.

- Je dois vraiment finir ce devoir... marmonna-t-elle finalement, la poitrine comprimée.

- Oh par Morgane, Othilia !

Mais elle s'était déjà souplement levée de sa chaise pour partir entre les rayonnages et ni Wilde ni Théa n'arrivèrent à la retenir.

**

*

- La science des baguettes, c'est une connerie...

- Hum ? Pourquoi ?

Noah contempla une seconde de plus son parchemin avant de relever les yeux vers Julian. Une pile de bouquin s'entassait entre eux et il le cachait presque entièrement, mais il doutait que quoique ce soit arrive à lui faire oublier Julian Shelton s'il était dans son champ de vision. Ses cheveux blond foncé partaient en drôles d'épis pour une fois, signe qu'il y avait passé la main un peu trop de fois en travaillant.

- Parce que mon analyse de baguette raconte n'importe quoi, même moi et ma mauvaise foi pouvons nous en rendre compte, répondit-il pour éviter de le fixer trop longtemps.

Intrigué, Julian cessa de lire le chapitre sur lequel il était penché et haussa un sourcil.

- Pourquoi ? répéta-t-il en riant.

- Tiens, regarde par toi-même.

Sans autre explication, il fit glisser son parchemin vers lui et Julian l'attrapa avant de lire à voix haute :

- « Fabriquée en bois d'ébène avec un cœur issu d'une corne de Serpent Cornu, cette baguette de 29 cm à la rigidité cassante est faite pour les propriétaires fidèles à leurs convictions et qui ont le courage d'être eux-mêmes et... ». (Il marqua une pause et la réalisation se peignit sur ses traits). Ah... lâcha-t-il au bout de quelques secondes.

- Ouais, « ah ». Ironique même.

Julian lui renvoya un regard indéchiffrable, entre peine et résignation, mais il s'efforça de ne pas paraître en être affecté même s'il détestait ce regard.

- Tu lui as toujours pas parlé donc... ? souffla-t-il avec hésitation. A Othilia ?

Noah sentit son estomac se contracter. Comme si la réponse n'était pas évidente. S'il lui avait parlé, ils ne seraient pas là tous les deux à contempler son analyse de baguette en décelant toute l'ironie criante qu'elle contenait.

Le courage d'être soi-même... Une belle notion en perspective, encore fallait-il savoir ce que signifiait « être soi-même ». Il l'avait dit à Raphaël, parfois il ne savait même plus ce que ça voulait dire tant il s'était enfermé dans un rôle et pourtant Julian restait là à attendre patiemment, comme s'il voyait ce qu'il y avait derrière le masque. C'était encore la chose qui le perturbait le plus. Othilia aussi avait cette attente pourtant : elle voulait le voir enlever son masque mais seulement pour un remettre un autre, celui du copain attentionné qui ne foncerait pas tête baissée vers une école d'art et qui ne prenait pas autant les choses à cœur.

- Non, pas encore, admit-il. Je ne sais même plus lequel évite l'autre ces derniers temps en fait.

- Hum...

Ce manque de réponse le mit à l'aise. Comme souvent, il aurait tout donné pour lire les pensées de Julian, pour savoir ce qui se cachait derrière ses yeux verts et son air calme. Et s'il était en train de craquer sans qu'il s'en rende compte ? Et s'il en avait assez ? C'était une angoisse qui le rongeait de plus en plus et il tenta de garder la face en se râclant la gorge, puis dévia le sujet par la première diversion qui lui traversa l'esprit :

- Mais regarde l'autre ironie de ma baguette. Je trouve que c'est marquant aussi !

Julian fronça les sourcils.

- L'autre ironie ?

- Ouais. Le cœur est en corne de Serpent Cornu. La symbolique est dure à louper, non ? dit-il en pointant l'écusson de la dite maison.

Julian baissa les yeux sur son propre uniforme, là où était effectivement brodé le serpent au front orné d'une corne en spirale, et tout son visage s'empourpra alors. Il ne put retenir un sourire, fier de lui.

- Dans quelques minutes, tu vas te mettre à dire que c'est le destin, c'est ça ? lança Julian en tentant de cacher son propre sourire derrière son poing, un coude posé négligemment sur la table près de leur pile de livre.

- Et pourquoi pas ? Si c'est ce que tu veux...

- Non, ce n'est pas ce que je veux.

Le « tu sais ce que je veux et on vient d'en parler » flotta entre eux, implicite. Noah veilla à garder son sourire bien en place pour ne pas flancher et laisser son angoisse revenir.

- Allez, Jules, encouragea-t-il. Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? Pas une déclaration sur le destin ? Alors faut que je fasse quoi, la roue et des claquettes ?

- Essaye une roue, ça me fera au moins rire de te voir te planter tête la première, rétorqua Julian du tac au tac.

Ce fut plus fort que lui, il éclata de rire. Aussitôt, plusieurs « chut » fusèrent d'un peu partout dans la bibliothèque et il s'enfonça dans sa chaise pour ne pas être vu. Si William, le puckwoodgenie concierge, le repérait, il était sûr de se faire virer... A bien y réfléchir, se faire virer de la bibliothèque serait peut-être la chose de trop pour Julian.

- Noah... fit-il d'ailleurs en lui jetant un regard d'avertissement.

- Pardon, pardon ! (Il se pencha pour être entendu même en chuchotant). Tu veux que je me mette à genoux pour me faire pardonner ?

- Toujours pas, non. Ça attirerait encore plus l'attention que les claquettes.

- Peut-être... mais je peux me mettre à genoux pour autre chose sinon...

Voilà, c'était fait : il avait encore laissé sa bouche parler plus vite que son cerveau et son ton suggestif ne loupa pas son effet. Julian devint écarlate. Il comprit même le sous-entendu beaucoup plus vite qu'il ne l'aurait cru et cette constatation provoqua une drôle de sensation dans son ventre. Par tous les mages, il avait besoin de mettre un peu de distance entre eux.

- Tu sais quoi ? dit-il en se levant d'un bond. Je te laisse terminer ton analyse de baguette. La tienne sera peut-être plus juste que la mienne au moins. Je reviens, je vais voir si je trouve d'autres livres.

- Noah...

Mais il s'était déjà éloigné en direction des escaliers pour descendre au niveau inférieur. Arrivé en bas, il ferma les yeux une seconde et grommela un « Morgane » impossible à retenir. Il venait de faire ce qu'il aurait fait l'année dernière : flirter avec Julian puis fuir, incapable d'assumer.

- Belle évolution, Douzebranches, se fustigea-t-il dans un murmure avant de s'engouffrer dans les rayonnages.

C'était voué à arriver à un moment ou un autre de toute façon. Il avait fait des efforts pourtant depuis la rentrée – des efforts dont il ne se serait pas cru capable il y a quelques mois – mais ce qui venait de se jouer à l'instant lui rappela une fois : il pouvait retomber dans ses travers avec facilité.

Nerveux, il fit courir ses doigts le long du dos des livres alignés devant lui. Il espéra que Julian ne lui en voulait pas... Depuis leur baiser devant le mur de la fresque, voire depuis leur danse sur le toit d'Ilvermorny le soir d'Halloween, il devait avouer qu'il avait du mal à savoir quelles étaient les règles entre eux. C'était un flou étrange dans lequel évoluer, comme s'ils tanguaient en manque d'équilibre...

Il s'apprêtait à passer à la ranger de livre suivante, toujours à frôler les reliure du bout des doigts, quand soudain celui devant lui disparut. Il s'arrêta, intrigué, puis jeta un œil par le trou laissé vacant. Un carré de cheveux blonds lui fit alors face.

- Eh, j'allais prendre celui-ci, miss Fontaine... lança-t-il d'une voix grave en s'approchant le plus possible.

- Morgane ! Bon sang !

Dans l'allée adjacente, juste derrière le mur de livre qui les séparait, Othilia sursauta si fort que le fameux livre lui échappa des mains et alla s'écraser au sol dans un bruit sourd. A nouveau, un concert de « chut » retentit de tous les côtés.

- Noah, siffla-t-elle. Par tous les mages, tu m'as fait peur.

- Je vois ça, rit-il. J'aurais presque aimé que Liam et son foutu appareil soient là pour une fois.

- Très drôle.

Elle lui jeta un regard agacé avant de se baisser pour récupérer son livre, mais il vit clairement le coin de sa bouche frémir. Quand elle se releva pour se remettre à sa hauteur, elle souriait d'ailleurs, amusée, et glissa une partie son visage dans le trou étroit qui leur permettait de se voir.

- T'étais pas là-haut ? s'enquit-elle.

- Si. Mais quoi ? J'ai pas le droit de descendre avec le commun des mortels ?

L'œil clair d'Othilia pétilla.

- Le commun des mortels, hum ? C'est nous, c'est ça ? Et toi et Julian êtes supérieurs ?

- Moi, je ne sais pas. Lui est un prodige en sortilèges, j'arrive pas à le sortir de ses livres ni de son analyse de baguette. Donc je me suis dit qu'une balade s'imposait.

Il veilla à garder un ton léger pour ne pas se trahir et pourtant il crut voir une ombre passer sur le visage d'Othilia, du moins le peu qu'il devinait derrière l'étagère.

- Il fut un temps où c'était mon intelligence dont tu parlais, murmura-t-elle alors, si bas qu'il faillit ne pas l'entendre.

Il se figea. Elle avait raison, mais ce temps semblait remonter si loin. A une autre vie presque, une vie où il n'avait pas encore Julian... Il réalisa combien les choses avaient changé dernièrement, combien leur sixième année avait été un tournant, un virage pris à pleine vitesse. Il repensa alors à leur discussion sur le chemin entre l'école et le Village. A leurs aveux et leurs constats d'une tristesse affligeante : rien ne fonctionnait plus entre eux. Ils s'étaient promis d'en reparler sans jamais le faire et peut-être qu'il était temps. Enfin.

- T'aurais un peu de temps, là ? demanda-t-il soudain, porté par le besoin urgent de le faire maintenant ou de prendre le risque de fuir à jamais. Pour parler ?

Les yeux d'Othilia s'écarquillèrent. Son expression montrait bien qu'elle avait compris elle aussi : ils ne pouvaient plus reculer. Sans un mot, elle hocha la tête. Il la laissa aller reposer son livre, puis l'attendit devant les grandes doubles portes. Quand elle revint, elle avait l'air de quelqu'un prête à partir soit en guerre soit à son exécution et l'indécision le perturba intensément.

Ils marchèrent en silence, sans vraiment une idée précise de là où ils allaient. En tout cas, Noah n'en avait aucune idée. Il aurait voulu que cette marche dure longtemps, comme un espèce de no man's land infini, le temps qu'il rassemble ses pensées. Pourtant, rien ne venait. Ses pensées étaient une page blanche et il n'arrivait pas à anticiper le moindre mot. Il n'en avait d'ailleurs toujours trouvé aucun quand il se rendit compte d'où il se rendait. Ils venaient d'arriver dans le fameux couloir qu'il avait emprunté des dizaines de fois l'année dernière et Othilia lui donna raison en ouvrant la porte d'« Alberta », leur fameuse salle vide où ils avaient travaillé sans relâche sur le Rituel d'Ancrage.

- Eh, Albert est toujours là, avisa-t-il.

Le vieux chaudron en étain rouillé était effectivement dans un coin de la pièce, tout comme le canapé en cuir marron que Liam avait ramené d'une brocante après les dernières vacances de noël. Même ses caricatures étaient encore affichées au mur. Othilia eut un demi-sourire.

- Comme ça, si on tente de s'entre-tuer, on aura un témoin, plaisanta-t-elle d'un ton plat.

Il frissonna.

- On ne va pas s'entre-tuer, Lia, protesta-t-il.

- Ne fais pas de promesse qu'on pourra pas tenir. Allez viens.

Doucement, elle le guida vers le canapé et ils s'y laissèrent tomber face à face. Le silence s'étira à nouveau, étrange, et il sentit son cœur se mettre à battre plus fort. Il y a quelques minutes, il avait demandé à Julian comment exprimer son amour pour lui... Désormais, il se demandait comment il fallait faire pour mettre en mot le sentiment inverse : comment faisait-on pour avouer que l'amour s'était évaporé ?

- C'est horrible... fit Othilia d'une voix chevrotante, les yeux levés vers le plafond. J'ai presque la sensation qu'il n'y a plus rien à dire, non ?

Il déglutit.

- Oui... je vois ce que tu veux dire...

- On en est arrivés là donc...

Elle laissa échapper un souffle dépourvu d'humour devant ce constat affligeant. Noah se sentit profondément mal à l'aise, mais il comprit que c'était à lui de prendre ses responsabilités et de commencer.

- On ne va pas tourner autour du chaudron du coup, entonna-t-il avec l'impression de toujours contempler cette immense page vide devant lui. On l'a déjà dit la dernière fois de toute façon : ça ne fonctionne plus...

- Non...

Elle examina la salle autour d'eux, incapable de rencontrer son regard, puis s'interrogea à voix haute :

- Pourquoi à ton avis ? Pourquoi ça ne fonctionne pas entre nous ? Qu'est-ce qu'on a fait de mal ?

La question à mille dragots, ça, songea-t-il avec amertume. Il n'était pas sûr qu'elle est une grande part de responsabilité en vérité, il était celui qui avait tout fait exploser, mais il tenta d'être rationnel avant de répondre. Un couple se construisait à deux et se brisait à deux, parfois sans responsable concret. Alors certes, il avait énormément de tort mais il ne voulait plus s'excuser de ses sentiments pour Julian, même s'il ne pouvait pas lui avouer. En revanche, il pouvait s'excuser pour le reste.

- Je ne sais pas si on a fait quelque chose de mal, Lia. Peut-être qu'on s'est juste aimés de la mauvaise façon...

- Qu'est-ce que tu veux dire ? pressa-t-elle, sourcils froncés.

Il haussa les épaules, tendu.

- Je veux dire qu'on s'est mis ensemble juste avant la cinquième année sans vraiment parler ni réfléchir à ce qu'on voulait. On la fait parce que tout le monde nous disait qu'à force de parler et traîner ensemble, il fallait qu'on le soit pour de vrai. Comme si c'était inévitable.

- Hum... ouais, je me souviens. Et on a jamais vraiment reparlé ensuite. Pas même pour nos projets d'orientation, ni ce qu'on attendait l'un de l'autre... On avançait juste à l'aveugle...

A nouveau, il acquiesça. Lister ce qui avait fait dérailler leur couple semblait apaiser Othilia, comme si elle avait besoin de s'accrocher à des justifications et à des faits concrets. Ça ne l'empêchait pas non plus d'avoir l'air absolument démunie face à ces constats d'échecs et il sentit son estomac se contracter. Pendant plusieurs secondes, il chercha ses mots, déterminé à lui faire ouvrir les yeux sur une autre facette de leur relation. Il refusait que tout s'arrête sur du négatif.

- Peut-être oui, convint-t-il avant de se râcler la gorge. Mais je veux pas que ça soit ça qui reste. Ça serait trop simple de juste se dire « ça fonctionne plus », on n'était juste pas bien ensemble parce que ça serait faux... Othilia, c'est peut-être terminé, mais je veux pas qu'on garde juste les derniers mois en mémoire. Je veux que tu saches que tu as compté, que t'es une des personnes les plus importantes de ma vie... Et je suis désolé de ne pas avoir faire plus, je suis désolé de ne pas avoir été capable de te donner plus...

Il ne savait pas d'où les mots venaient, mais ils lui semblaient tellement important. Parce que ça faisait des mois qu'il reculait l'inévitable par perdre de perdre la fille en face de lui et il fallait qu'elle l'entende. Othilia cilla, le cou marbré de rouge.

- Tu le penses vraiment... ? murmura-t-elle dans un filet de voix.

- Evidemment ! Ok, on ne s'est pas toujours compris, mais on a été amis avant de se mettre ensemble, non ? Ca a pas duré longtemps, on a sans doute brûlé pas mal d'étapes... Peut-être qu'on était trop jeunes même, je ne sais pas. Mais on peut essayer de reprendre cette voie-là, non ? De ne pas tout casser...

Il avait conscience de paraître suppliant – et il détestait ça – mais il l'avait mérité. Othilia le méritait en tout cas.

- Et si ça ne suffisait pas ? objecta-t-elle. Ce qu'on veut ? Si on était déjà trop « cassés » ?

Il ressentit un coup dans la poitrine à cette idée. La vérité, c'était que si elle s'avérait vraie, ça ne serait pas de la faute d'Othilia. Si quelqu'un était cassé, c'était lui... toujours lui.

- On peut au moins tenter, défendit-il malgré tout, le cœur lourd. On peut être là l'un pour l'autre... Je peux même t'écouter te plaindre de Théa, ça sera avec plaisir !

La touche d'humour arracha un sourire à Othilia.

- Et Théa pourra m'écouter me plaindre de toi, c'est ça ? devina-t-elle.

- Ca devrait pas grandement changer d'habitude donc...

Elle ne chercha même pas à nier : c'était inscrit sur son visage. Elle avait surtout l'air épuisé et il la comprenait. Pourtant, un éclat déterminé brillait dans son regard et elle gardait cette posture tendue, toujours comme si elle se préparait à se battre.

- Non, pas vraiment, reconnut-elle après quelques secondes. On peut essayer de ne pas tout casser, c'est vrai... Mais pour être des amis, il faut avoir confiance, non ?

Il ouvrit la bouche, prêt à acquiescer, mais quelque chose l'arrêta. L'accent qu'elle mit sur le « confiance » peut-être ou bien une certaine amertume qui filtra de son ton, il n'aurait pas su bien dire. Il se contenta plutôt d'hocher la tête en gardant le silence. Othilia battit des cils, les larmes aux yeux. Pendant un instant, elle parut lutter pour trouver quoi dire, le regard porté sur le mur d'en face où se trouvaient ses caricatures, puis elle reporta son attention vers lui.

- Dis-moi Noah... souffla-t-elle d'une voix cassée. (Elle crispa les mains sur les plis de sa jupe). Est-ce que tu m'as vraiment aimé ? Ne serait-ce que l'espace d'un instant ?

Déstabilisé, il lui renvoya une œillade incrédule.

- Quoi ? Tu m'as écouté y'a quelques secondes ? s'indigna-t-il. Othilia, oui ! Par Morgane, je t'ai dit que...

- J'ai entendu ce que t'as dit. J'ai compté pour toi, j'étais importante... Tout comme tu l'as été pour moi et que tu l'es toujours d'une certaine façon. Mais c'est pas ça que je veux savoir... (Elle s'humecta les lèvres, résolue). Je veux savoir si tu m'as aimé.

- Bien sûr !

- Comme tu aimes Julian... ?

Sa voix, réduite à un murmure, sonna pourtant aussi fort que le glas de son cœur qui s'arrêta. Littéralement. Le nom de Julian tomba en chute vertigineuse des lèvres d'Othilia pour se suspendre entre eux et il inspira un souffle tremblant, pareil à un râle pour ses oreilles qui déformaient tous les sons, toute la réalité autour de lui. Ça ne dura pourtant qu'une seconde. Car sa réaction, instinctive, fusa immédiatement :

- Julian ? Je comprends pas ?

- Vraiment, non ? Il te paraît avoir aucun lien avec notre conversation ?

Les joues rouges, Othilia ne le lâchait pas du regard et il serra la mâchoire, soudain traversé par une peur et une colère qui le saisirent avec brusquerie.

- Non, dit-il d'une voix froide. On parlait de nous de toute façon, je vois pas ce qu'il vient faire là-dedans.

- Mais nous et lui, est-ce que c'est pas devenu la même chose ? Vas-y Noah, regarde-moi dans les yeux, ose me dire que je suis folle !

- Othilia, je suis sérieux. Arrête.

La note vibrante de son ton fit claquer l'ordre sèchement et Othilia tressaillit. L'espace d'une seconde, il crut qu'elle allait reculer, vaincue, mais l'éclat revint dans ses yeux clairs à peine éteint.

- Pourquoi ? insista-t-elle. Parce que c'est faux ? Ou parce que tu ne veux pas avouer que tu... que tu es...

Elle butta sur les mots, les poings si serrés que ses jointures en étaient blêmes, et il se sentit soudain acculé. Comment ? Mais ce n'était même pas le plus important de savoir comment elle savait en vérité. C'était de protéger Julian.

- Je ne suis rien du tout, affirma-t-il avec dureté. Tu te rends compte de ce que t'insinues ?

- Et toi tu te rends compte à quel point j'ai essayé de fermer les yeux mais que ce n'était pas suffisant ? Que ce n'était pas suffisant pour ignorer comment tu le regardais ? Comment tu parlais de lui ?

- Othilia, je te jure que...

- Mais reconnais-le ! s'égosilla-t-elle soudain, des traînées humides débordant enfin de ses yeux. Me fais pas passer pour une folle, je sais ce que j'ai vu ! Tu croyais que personne ne s'en rendrait compte ? Que comme d'habitude tu serais plus intelligent que tout le monde ? Tu croyais que je ne verrais pas que quelque chose avait changé dès qu'il est arrivé ?

Morgane, il fallait qu'elle arrête. Ce n'était pas possible. Il ne pouvait pas entraîner Julian dans sa chute, il ne pouvait pas le condamner lui aussi... Il refusait de le voir à la place de Zack Ledwell, de voir ce regard hanté sur son visage, tout en sachant qu'il était responsable.

- Julian n'a rien à voir avec nous, répéta-t-il d'une voix blanche, cinglant. Ça allait mal bien avant qu'il arrive, ne nous donne pas d'excuse. T'es en train de raconter n'importe quoi juste pour essayer de trouver un coupable parce que t'es incapable d'accepter qu'on n'a pas tenu ensemble.

- N'importe quoi, hum ? Alors comment t'expliques que tu passes plus de temps avec lui qu'avec moi ? Les regards ? Les gestes ?

- Othilia ! Arrête !

Les accusations le firent sortir de sa paralysie. Brusquement, il la saisit par les épaules et ses mains s'enfoncèrent dans sa peau pour la faire taire. Othilia sursauta si fort que ses larmes se figèrent tout aussi soudainement et elle le dévisagea, les yeux écarquillés.

- Noah... murmura-t-elle, atone. Tu me fais mal...

Il eut la sensation de recevoir un électrochoc. D'un coup, il la relâcha comme si elle l'avait brûlée et elle inspira un sanglot bloqué au fond de sa gorge.

- Désolé... Lia, pardon, je suis désolé...

- C'est bon... c'est bon... Tu m'as pas... tu m'as juste fait peur...

- Pardon, je ne voulais pas... dit-il, l'estomac retourné. C'est juste...

C'est juste qu'il était mort de peur. Pas pour lui, non. Pour Jules. Et lorsque Othilia reposa son regard sur lui, il sut que ça ne servait plus à rien de nier. Elle savait et rien de ce qu'il dirait ne pourrait effacer le tremblement de ses mains, ni sa panique évidente. Tous les masques tombaient, toutes les fissures s'ouvraient en plaies béantes. Othilia déglutit.

- Peut-être que notre couple allait déjà mal avant, reconnut-elle dans un souffle, mais Julian Shelton a scellé notre cercueil, on le sait tous les deux...

- Othilia...

- Donc je te repose ma question : est-ce que tu m'as aimé ? Ou est-ce que tout était un mensonge depuis le début ? Si t'aimes les hommes, pourquoi moi ? Pourquoi tu m'as infligé ça ?

Les questions s'enchaînaient, rapides, comme des flèches empoisonnées qu'elle expurgeait et il sentit chacune d'elle se loger en lui avec douleur.

- Je ne t'ai rien infligé, Lia... Si j'avais même pu m'éviter ça, je l'aurais fait, mais c'est juste arrivé. Tu veux l'entendre ? Oui, je t'ai aimé. Je t'ai aimé à ma façon, sans doute pas comme tu l'aurais voulu ni comme j'aurais dû, je t'ai aimé trop tôt et trop tard en même temps... Mais j'étais sincère. (Il combla la distance entre eux pour venir prendre sa main dans la sienne et elle le laissa faire, tendue comme si elle allait se briser à tout instant). C'est juste qu'avec Julian, ça a été différent. Je ne peux pas t'expliquer ni me trouver des excuses, c'est comme ça. Mais je peux te promettre que si on me demande aujourd'hui qui j'ai aimé, ton nom sera le premier. Tu seras toujours la première sur la liste...

Un sanglot s'échappa des lèvres d'Othilia. Elle referma sa prise sur sa main à lui en faire mal et il la laissa faire.

- Je comprends pas... s'étrangla-t-elle. Comment... ? Si Julian et toi... ?

- Je te l'ai dit, c'est comme ça. On peut aimer les deux, tu sais ? Enfin non, tu ne sais pas mais... (il marqua un temps d'arrêt, profondément mal à l'aise et il tenta de ne pas se laisser submerger par la sensation de honte face à son regard perçant). Je suis désolé. Ça ne vaut pas grand-chose, je pense, mais je suis désolé...

Bon sang, ce que ses mots lui paraissaient creux. Il savait qu'il aurait dû y passer plus de temps, les répéter mille fois même, mais une urgence plus pressante lui compressait la poitrine et il continua, fiévreux :

- Mais Othilia, écoute-moi. Tu ne dois rien dire, d'accord ? Pas un mot sur Julian, rien.

- Pas un mot sur...

D'un geste sec, elle se dégagea.

- Ton audace a vraiment pas de limite, claqua-t-elle. Qu'est-ce que tu veux dire ? Pas un mot sur Julian ou sur vous ?

- Sur lui, sur nous, peu importe ! Regarde-moi, je suis sérieux, tu ne peux pas...

- Et si je le faisais, hein ? Qu'est-ce que tu ferais, Noah ? Je t'ai protégé pendant des années, certains pourraient même dire que je t'ai servi à faire taire les rumeurs !

- Othilia, tu t'entends ? s'écria-t-il à son tour. Tu sais ce qu'il risque si les gens apprennent ? Tu sais ce qui peut lui arriver ? (Il se retint de la secouer une nouvelle fois, trop effrayé de lui refaire mal, mais sa voix dérailla alors qu'elle le toisait, implacable). Vas-y si ça te fait plaisir d'avoir ta revanche, dis-le pour moi ! Crie-le à toute l'école même ! Mais je te le demande laisse-le en dehors de ça. S'il faut te supplier, je peux le faire... Mais Lia, je t'en prie, réfléchis.

Il n'osa pas tenter de reprendre sa main, mais il la fixa longuement, implorant. Un poids étouffant était en train de peser dans sa poitrine et le broyait littéralement, mais il ne pouvait rien faire d'autre qu'être suspendu au jugement de cette fille qu'il connaissait depuis gamin et dont il avait brisé le cœur... Qu'est-ce qui l'empêchait dès lors de briser le sien ? Et quel meilleur moyen pour le faire de s'attaquer à Julian ? La symbolique du cœur de sa baguette ne lui parut soudain plus ironique mais d'une tragédie sans fond et il retint sa respiration pendant qu'Othilia semblait se battre avec elle-même. Que sonne le glas, songea-t-il, peu importe sa forme. Ils étaient arrivés à bout de course, à bout de souffle.

Elle ferma alors les yeux, lasse.

- C'est bon... murmura-t-elle, les épaules défaites. C'est bon, arrête, je ne dirais rien... c'est promis.

Il crut que son cœur allait exploser.

- Tu... tu ne diras rien ?

- Non. Je le voudrais même pas, je crois. Ni pour toi, ni pour lui...

Par tous les mages, Othilia Fontaine était une sainte. Il ne l'avait jamais mérité, Théa avait eu raison : pas même une seconde.

- Merci, Lia... je ne sais pas...

- Me remercie pas, refusa-t-elle en ravalant ses pleurs. S'il te plait, me remercie pas, ça rend les choses encore pires...

La peur écartée, il sentit à son tour ses yeux le brûler et une boule chauffée à blanc lui obstrua soudain la gorge en la voyant dans cet état.

- Othilia... je suis désolé...

Il ne savait plus quoi dire d'autre.

- Je sais, dit-elle en tentant de sourire piteusement. C'est ce qui est encore pire aussi, je le sais. Mais je pensais que tu t'étais fichu de moi, je me sentais si idiote... alors qu'en fait, c'est encore autre chose. C'est juste que tu l'aimes et moi tu ne m'aimes plus... Moi non plus d'ailleurs, je crois.

Elle prononça ce constat avec une facilité déconcertante mais il le reçut avec l'accent criant de la vérité. Savoir qu'elle ne l'aimait plus faisait mal, mais il était aussi trop hébété pour vraiment le ressentir. Il ne chercha même pas à nier pour Julian, à mettre des nuances, à réfuter. Il compléta seulement son constat, certain qu'ils ressentaient la même chose :

- Mais on a quand même l'impression de perdre quelque chose... fit-il, le cœur battant.

- Oui...

Ce « oui », si infime et aigu, si étranglé, sonna le glas final. Othilia s'affaissa soudain contre le dossier du canapé, les mains sur le visage, mais elle s'appuya aussi contre lui. Il ne se déroba pas. Il l'avait assez fait ces derniers temps... Il ne passa pas non plus son bras autour d'elle, comme s'il sentait qu'il n'en avait plus le droit, et se contenta de poser sa tête contre la sienne doucement. Il était épuisé.

Au bout de quelques secondes, elle finit par découvrir son visage. Des plaques rouges étaient apparues sous ses yeux et une mèche blonde s'était accroché à sa joue humide, mais ses traits étaient plus détendus. Elle avait lâché prise.

- J'espère qu'il en vaut la peine, Noah... souffla-t-elle contre lui. Sinon, tu risques de te brûler les ailes pour rien...

Il ne répondit rien. Il se contenta d'hocher la tête, puis de lui déposer un baiser sur la joue sur un coup de tête. Elle sourit tristement. Ce qu'il ne voulait pas lui dire, c'était qu'il déjà certain que ça en valait la peine. Que Jules en valait la peine.

Et sinon, il était prêt à laisser le mondes'embraser, à brûler avec lui. Ça n'avait plus d'importance : le choix nelui appartenait plus. 

*********************************

*Sors un oeil prudent* Verdict ?

On aura mis un tome et demi, bien plus que pour Hanna et Julian, mais ça y est... La rupture est enfin là. Je la voulais à l'image d'Othilia et Noah je crois : complexe, paradoxale, entre déchirement et attachement. Je ne voulais pas que l'un soit plus responsable de la rupture que l'autre, je voulais qu'elle vienne des deux et c'est finalement un peu le cas. Ils sont tous les deux conscients que leur couple n'en était de toute façon plus un depuis longtemps, c'était un premier amour adolescent avec tout ce qu'il a de maladroit et d'éphémère. Ce qui fait mal et ce qui embrouille tout, c'est la place de Julian. Je tenais à ce qu'il soit aussi au coeur de la conversation car c'est ça qui compte, surtout pour Othilia, mais aussi pour Noah si on y regarde bien. Qu'on se le dise tout de suite, ça va être un nouveau chemin assez long qui s'amorce pour rétablir leur relation... La cassure va avoir des conséquences. 

Sinon, au-delà de ça, j'ai bien aimé continué à traiter plusieurs sujets : l'analyse des baguettes qui se poursuit pour plusieurs personnages, la dynamique de groupe avec Wilde qui continue à s'installer doucement dans l'histoire, et puis évidemment le Nolian toujours présent. 

Anecdote ! La réplique sur "je peux me mettre à genoux pour autre chose", je l'avais en tête depuis des mois, je voulais la caser à tout prix, je me disais que c'était très Noah haha ! 

Anecdote 2 : la pause estivale devait démarrer sur ce chapitre. Oui, oui, je voulais vous laisser là-dessus haha ! Mais Perri m'a convaincu de vous livrer le chapitre suivant alooors... Juste pour en dire un mot, disons qu'il finira le tournant annoncer ^^ Et pour vous faire plaisir, il sera même posté dans seulement une semaine, à savoir le 1er juillet ! 

Et on se quitte avec les memes de Lina !! Encore merci à elle pour cette année de rire, elle est devenue le rendez-vous des fins de chapitres et elle est incroyable. Keur sur HarryStranger qu'on aime fort, vous pouvez la féliciter ! 

Bisous !!

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