CHAPITRE 12
Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué ? Je ne peux que croire Cidna sur les réelles intentions de Jay à mon égard. Heureusement, avec un peu de chance, d'ici quelques semaines je serais de retour chez mes parents. Dans la voiture, ma cousine et moi avons longuement discuté.
— Ne te retrouve jamais, au grand jamais, seule avec lui. Essaie un maximum de l'éviter du regard, de le croiser dans les couloirs.
— C'est bien beau tout ça, Cidna, mais je ne vais pas non plus passer mon temps ici à le fuir. Ça va être infernal. En plus, je te rappelle qu'on est dans la même classe.
Un ange passe.
— Il finira bien par se lasser...
Elle soupire ensuite. Je sais bien qu'elle n'en est pas sûre d'elle. Elle cherche à me protéger ou ne pas m'inquiéter.
— J'en parlerai à maman, reprend-elle. Elle comprendra.
J'acquiesce. Si une adulte peut être au courant, qui de mieux de Clara ? Elle est avocate... si jamais Jay s'amuse à me harceler ou autre, elle sait bien quoi faire pour calmer le jeu. Du moins, c'est ce que j'espère.
Arrivées à la maison, Cidna alla s'enfermer dans sa chambre. Quant à moi, je décide une énième fois d'appeler mes parents. Un hoquet de stupeur s'échappe de mes lèvres lorsque j'entends, à la place des quatre sonneries habituelles, une phrase aussi tranchante qu'un couteau.
« Le numéro que vous avez demandé n'est pas attribué. »
Je monte dans ma chambre, réitére l'opération plusieurs fois, sur le téléphone de ma mère et de mon père, même notre fixe.
« Le numéro que vous avez demandé n'est.... »
Je raccroche. Puis, dos contre ma porte, je me laisse glisser jusqu'à terre. Je me sens à ce moment-là seule, misérable. Pourquoi ont-ils changé de ligne ? Une cascade incontrôlable dévale sur mon visage. C'est comme si ils n'existent plus.
L'averse passée, je passe mon après-midi à organiser mon bureau pour étudier. S'il s'avère que je reste plus longtemps que prévu chez mon oncle, autant s'approprier les lieux. Clara et Bill sont revenus tard le soir. Pour une fois, j'ai réussi à convaincre Cidna de préparer le diner, afin de leur épargner cette tâche. Et nous avons bien fait, car ils étaient tous les deux exténués.
Après une si longue période de congés, reprendre les affaires n'est pas mince chose à faire. Mon oncle et ma tante sont étonnés de notre initiative. Heureux et le ventre plein, ils n'ont ensuite pas tardé à monter se coucher. Si bien, que Cidna n'a pas réussi à retenir sa mère. Clara nous a chaleureusement embrassé toutes les deux. Elle disparait ensuite dans sa suite parentale.
Cidna n'a pas tardé à en faire de même.
— Bonne nuit, lui dis-je.
— Je lui en parle dès que possible, me promet-elle.
La nuit qui suit est mouvementée. Je me surprends même à rêver de Jay... il est là, devant moi, effroyable et terrifiant, je me réveille en nage le lendemain. Cette fois, nous arrivons à l'heure au lycée. Je suis soulagée de constater que Jay ne m'attend pas devant les grilles de l'établissement. Cidna me souhaite bonne journée, tandis que je récupère mon emploi du temps, reçu la veille. Les premiers cours se déroulèrent sans encombre.
Les deux dernières heures de la matinée, il se trouve que j'ai mon option : biologie. Je me repère sur le plan pendant la pause de dix minutes et trouve la salle sans problème lors de la sonnerie. Arrivée devant la porte, les étudiants de l'option sont éparpillés de façon hasardeuse, dans le couloir ou sous un arbre. C'est là que je le vois, à l'arrière et la tête baissée.
Peter ?
Naturellement, je m'avance vers lui, tout sourire aux lèvres.
— Salut !
Sa tête se relève dans un sursaut, il écarquille ses beaux yeux bruns. Ses cernes sont noirs, mince... je le dérangé alors qu'il est en train de piquer un roupillon.
— Euh..., dit-il, la mine fatiguée.
— Tu n'as pas l'air dans ton assiette...
Il se frotte le visage pour se réveiller. Il s'appuit ensuite contre le mur et son regard commence à me fuir.
— Toi aussi tu as choisis une option en biologie ? Quelle coïncidence !
— Je me demanderai toujours comment font ces gens pour être joviaux dès le matin, soupire-t-il.
Le professeur arrive et nous fait entrer. Peter me dépasse, je le suis. Il choisit la table la plus éloignée du tableau, sans doute pour pouvoir dormir en douce. Je m'assieds à côté de lui.
— Malgré tes à priori, comment était ta rentrée ? lui demandé-je, alors que nous sortons nos affaires.
Ses sourcils se relevent dans une expression curieuse.
Oui mon coco, je me suis installée à côté de toi et je ne compte pas bouger.
— Elle était instructive. La tienne ?
L'épisode du parking me revient en mémoire.
— Un peu stressante.
Le cours commence. Dans l'ensemble, il s'avère vraiment très intéressant. Sauf que le professeur a une voix si soporifique, que je remarque d'autres élèves piquer du nez. Je me surprends à regarder Peter, m'attendant à le voir en hibernation. Au contraire, il a les deux mains sous son menton et les yeux grands ouverts. Son regard se tourne vers moi, il me fait un sourire en coin. Avant d'à nouveau porter son attention sur le cours. J'en fais de même.
Les battements de mon cœur s'accélèrent avant de se calmer. J'ai sans doute choisi la meilleure place, en me mettant à côté de Peter. La sonnerie retentit après deux heures : au bilan, un travail en binôme sur le sujet de biologie de notre choix, afin de nous habituer au cours et aux élèves de notre option. Peter et moi avons bien-sûr décidé de faire groupe ensemble. Cependant, il est midi et je dois déjeuner au self.
— On mange ensemble ? demandé-je à Peter alors que ce dernier se dirige jusqu'au réfectoire.
— Peu importe ce que je réponds, tu vas de toute façon t'asseoir à côté de moi.
S'en suis un sourire moqueur, qui me fait rougir. En fait, je ne suis pas si différente de Jay. Je m'arrête net. Puis reprends, sur le ton de l'humour.
— Tu as raison. On ne peut rien te cacher à ce que je vois. Après, si ça te dérange...
Un rire léger s'échappe de ses lèvres. Il accélère le pas, me faisant signe d'en faire de même.
— Dépêche-toi un peu alors, les meilleures assiettes ne seront choisies que par l'élite.
Je souris à mon tour et le suit jusqu'à l'intérieur. Nous passons ainsi le midi ensemble, à manger et discuter – brièvement. Nous avons surtout convenu de quand nous pourrons travailler sur notre projet d'introduction à la biologie.
— C'est dingue ça, on a aucune heure de libre en commun, dis-je en soupirant, embêtée. La bibliothèque est ouverte après les cours ?
— Celle du lycée, non. Mais celle au centre-ville, jusqu'à dix-huit heures.
— On commence ce soir ? proposé-je en découpant ma viande.
Il prends le temps de réfléchir.
— D'accord, on fait ça.
Au même moment, je sens une présence dans mon dos. Une odeur chimique de parfum envahie mes narines. La chaise à mes côtés est tirée.
— Bon appétit.
Je vois Peter se crisper et s'arrêter net dans ses gestes. Jay s'est mis juste là et attend que je réponde. Comme je n'en fais rien, il se contente de sourire.
— On peut manger en paix, sans avoir à se coltiner ta présence ?
Je relève les yeux vers mon binôme, le cœur battant à tout rompre dans ma poitrine. Jay se relève, lentement, appuyant les deux mains sur notre table, il récupère le verre d'eau de Peter. Ensuite, il positionne le verre juste au-dessus de sa tête et le renverse.
-- Oups, lance Jay, distrait.
Peter ferme les yeux, alors que l'eau coule de ses cheveux jusqu'à dans son t-shirt. Ses tempes palpite et sa mâchoire se contracte. Je suis loin d'imaginer le self control dont il fait preuve.
Alors, je me rappelle sa réticence à cette nouvelle année dans ce lycée. Crispant les mains contre les bords de mon plateau, je ne peux que constater, impuissante, à l'injustice que subit Peter.
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