47. Zachir le mauvais perdant
Je fixais Éfrit du regard après avoir vu disparaître Thalia à l'intérieur du domaine. Ce dernier le savait, mais il prit son temps avant de se tourner vers moi.
— Qu'y a-t-il, jeune mage ? s'enquit l'esprit du désert en penchant malicieusement la tête. Il y a un problème ?
— Pourquoi lui faire subir les dommages « collatéraux » de ton domaine ? m'emportai-je en le fusillant du regard, ne cherchant pas à cacher mon désaccord.
— Parce que ça va l'aider. On avait un marché, non ?
Je serrais les dents. Je commençai à être tanné de l'attitude des Faesidhs ces derniers temps. Je ne comprenais pas pourquoi ils éludaient mes questions ou encore qu'ils agissaient de façon complètement imprévisible. Aucune créature merveilleuse n'emmènerait un apprenti ou quelqu'un n'ayant pas éveillé son essence magique dans un endroit pareil. Le domaine d'un esprit était quelque chose d'intimement lié avec son partenaire, mais également de la nature profonde du Faesidh. Autrefois, bien des gens avaient écrit des légendes sur les domaines, parlant d'épreuves ou de lieux où les gens ne revenaient jamais.
Même les mages se préparaient mentalement avant de s'y rendre. Ce n'était pas un lieu ordinaire, ni parfaitement sécuritaire. On risque la folie ou la mort de ne jamais retrouvé la sortie.
— Ils sont en train de devenir fou, ces Faesidhs, marmonnais-je dans ma barbe en pénétrant à mon tour dans le temple.
La lumière du jour couchant céda sa place à l'obscurité, mais je n'avais pas peur malgré l'atmosphère magique d'Éfrit. Cette sensation était semblable à ce qu'on pouvait ressentir en pénétrant dans un épais brouillard, sauf que ce n'est pas visible.
La magie des lieux, comme tout domaine appartenant à une créature merveilleuse, pouvait altérer notre perception de la réalité, et plus particulièrement celle du temps. Chez le Gardien des Alpes enneigées, j'avais passé une journée là-bas alors que ma perception me disait que je n'étais resté que moins d'une heure. Ce Faesidh utilisait volontairement cette faculté de son domaine pour de mystérieuses raisons.
J'étais entré dans le domaine que moins de cinq minutes après Thalia, pour la retrouver agenouillée au sol. Elle avait sursauté lorsque Éfrit parla. Je ne pus m'empêcher de me sentir un peu désolé pour elle : à voir ses yeux écarquillés, je me doutais qu'elle n'avait pas apprécié la descente dans ces lieux. Combien de temps avait-elle été pris dans le temple ?
Heureusement, la beauté des lieux semblait l'avoir tranquillisée. Ou du moins, elle ne semblait plus penser à ce qu'elle avait expérimenté en rejoignant ces lieux.
— Thalia ? m'enquis-je d'une voix douce.
Celle-ci fit volte-face pour me regarder. On aurait dit qu'elle avait vu un fantôme. Elle tremblait et ses yeux étaient écarquillés. Je lui tendis la main pour l'aider à se redresser, ignorant l'étrange serrement qui me prenait. Je n'aimais pas lire la peur dans son regard, je n'aimais pas la voir ainsi exposée au monde de la magie. Elle n'avait aucune connaissance, aucune préparation pour ce milieu si complexe et intangible. Je me sentais coupable de l'entraîner malgré moi là-dedans. Je savais pertinemment que les Faesidhs faisaient comme bon leur semble, mais être leur complice ne me laissait pas indifférent. Je ne voulais pas être complice de la détresse que subissait Thalia, emportée par les événements.
Comment pouvais-je la protéger des aléas du monde de la magie tout en n'intervenant pas ?
Le poids familier de Hestia sur mon épaule me sortit de mes pensées. Je me tournais vers le regard particulier, d'une couleur vivante comme celles des flammes. Je sentais son plumage m'effleurer d'une douce caresse chaude tandis qu'elle se blottissait plus près de moi. Je lui souris en accotant ma tête contre son corps chaud et duveteux.
— Je t'ai entendu tantôt me traiter de folle, Zachir, m'avisa Hestia d'un ton de voix doux, mais néanmoins contrarié.
Je ne pus retenir mon sourire qui ressemblait davantage à une grimace : l'esprit du foyer était visiblement offusqué. Cependant, je préférais ignorer sa remarque pour me rappeler la présence de Thalia. Celle-ci n'avait rien dit, se faisant si discrète tout en observant les alentours. Je pris l'initiative de prendre sa main pour la forcer à se relever. Elle se laissa faire avec docilité avant de demander timidement :
— Dites... Si je dois ressortir... Est-ce que je vais encore me perdre ?
— Ne t'inquiètes pas, rétorqua Hestia en premier, ne me laissant pas le temps de prendre la parole. Ce genre de test ne survient qu'une fois, et tu l'as passé. La preuve, tu as trouvé la salle sans mourir.
Je retins un soupir. Félicitations à Hestia d'avoir terrorisé notre mamie. Je pouvais comprendre la réaction de cette dernière : ce que Hestia appelait test avait été bien plus éprouvant pour la vieille femme. Sur le coup, la Faesidh du foyer aurait pu être plus délicate, et non pas lui donner cette réponse vague et terrifiante. Cependant, je n'eus pas le temps de rattraper le coup que celle-ci s'éloigna rapidement pour rejoindre l'endroit où Lucaï formait un rond de pierre pour le feu. Je tournais la tête vers Hestia, lui faisant part de mon opinion :
— Tu es sérieuse, Hestia ? « Sans mourir » ?
— J'ai dit la vérité telle qu'elle est, me répondit-elle d'un ton de voix qui laissait comprendre qu'elle ne voyait pas le problème là-dedans.
— Tu manques vraiment de tact avec les humains..., marmonnais-je en me frottant les yeux. J'espère que tu ne l'as pas terrorisée pour de bon avec tout ça..
Celle-ci me donna un coup d'aile au visage, visiblement en désaccord de mon avis. Je lâchais un faible « peste » à son intention, la regardant rejoindre Thalia. Cette dernière commençait à reprendre des couleurs, s'occupant les mains pour ne pas réfléchir visiblement. J'observais les deux filles s'échanger des paroles tandis que l'esprit du foyer se chargeait d'allumer un feu conséquent au lieu. J'entendis le rire de Thalia pour ensuite voir Hestia se roulant dans les nouvelles braises qu'elle venait de créer. Cela réchauffa mon cœur de voir les deux filles s'entendre et s'amuser ainsi. Cela m'avait pris du temps avant de réaliser à quel point la présence de Thalia faisait du bien à Hestia. Peut-être parce qu'elles étaient les deux des femmes.
Mais qu'importe les raisons, les voir aussi insouciantes et heureuses me suffisaient. Et, il fallait que je l'avoue : la vieille dame ne me m'insupportait plus comme avant. Oui, elle était agaçante, mais je m'étais pris d'affection pour cette bien curieuse personne.
Dès que tout le monde avait rejoint la salle principale, nous nous étions divisés les tâches pour la nuit. Lucaï était parti, comme je lui avais conseillé, s'isoler plus loin pour se préparer mentalement à cette nuit. J'avais passé un moment avec lui pour lui expliquer en détail ce qu'il l'attendait en compagnie d'Éfrit. Le moment du rituel approchait à grand pas : lorsque la lune apparaîtra et que le soleil ne sera plus, le petit devra accompagner l'esprit du désert dans les profondeurs du domaine.
Selon la montre à mon poignet, il ne devait rester que moins d'une heure. Du coin de l'œil, je pouvais voir notre mamie s'occuper du repas de ce soir en compagnie de Hestia qui lui filait un coup de main.
Prenant tout le monde de court, une onde concentrique de magie fit osciller l'atmosphère dans la salle. L'onde de choc était si puissante qu'elle en affecta la matière, comme une bourrasque de vent qui s'abattrait soudainement. Surpris, je fis volte-face vers la source de cette énergie, remarquant vaguement que je n'étais pas le seul à le chercher. Près du feu, agenouillée, une jeune femme regardait ses mains qui tremblaient, là où se trouvait Thalia quelques instants. Le cerveau court-circuité, je ne pus que regarder celle-ci lever lentement la tête, croisant le regard de Hestia. Cette dernière s'approcha doucement d'elle et lui murmura quelque chose sous mes yeux ahuris. J'étais complètement sous le choc par l'apparition soudaine d'une jeune fille, puis je repensais à la malédiction qui affectait notre vieille dame.
Et là l'évidence me percuta, me laissant avec le goût amer d'être lent sur la détente.
— T-Thalia ? osai-je demander, incertain.
La jeune femme tourna la tête vers moi d'un coup, aussi confuse que moi. Je fus surpris de découvrir un nouveau visage à ce nom. Le visage autrefois fripé avait laissé sa place à celle d'une jeune femme. Je ne pus m'empêcher de la trouver jolie à sa façon. Sa chevelure avait repris un peu de couleur pour prendre celle de l'ivoire, brillante et lâche en ce moment. Ses tâches de rousseurs étaient bien plus visibles, et surtout concentrées sur ses joues et son nez. Seuls ses yeux n'avaient pas changé, toujours aussi vifs et sombres, mais si expressifs. J'étais très perturbé de reconnaître les traits de la vieille femme, tout en ne la reconnaissant pas à la fois.
— Je-Je rêve ? demanda la version rajeunie de Thalia dans un murmure hésitant.
Je frémis en ressentant le fragile espoir qui transperçait dans sa voix alors qu'elle me regardait avec des larmes aux yeux. Je me trouvais bête de lui répondre en secouant simplement la tête. J'étais incapable d'aligner des mots. Je ne comprenais pas ce qui venait de se passer. Je ne comprenais pas pourquoi la situation me laissait aussi interloqué, aussi lent d'esprit. Je ne comprenais pas pourquoi ni comment le sort avait cessé d'un seul coup.
— Mon domaine affecte toutes les magies, expliqua la voix grave d'Éfrit qui s'était approché de Thalia. Jusqu'à ce que la lune croissante laisse à nouveau sa place au Soleil, tu auras cette apparence.
Cette explication me laissait perplexe et dubitatif. Était-ce un hasard, ou Éfrit savait pertinemment ce qui allait se passer ?
Cependant, je n'eus pas le temps de m'attarder sur ce détail en voyant l'esprit du désert tendre sa main à Thalia. Il l'aida à se redresser, puis, il lui murmura à son tour quelque chose à l'oreille. Voir un autre Faesidh faire des cachoteries devant moi éveilla une frustration qui balaya ma stupéfaction. Il était clair qu'on me mettait sur la touche. Quelque chose se manigançait sous mon nez. Je finis par m'approcher, lançant un regard suspicieux à Éfrit qui se contenta de me sourire. Cela me mit davantage sur mes gardes, me méfiant que plus de cette attitude nébuleuse. Au final, l'esprit du désert partit rejoindre le petit qui se trouvait en pleine méditation, ignorant tout de la situation.
D'un seul coup, je me remémorais la raison de notre venue, celle-ci m'ayant complètement sortie de la tête. Je me sentis bête d'avoir été impressionné au point d'en oublier le reste.
La voix d'une jeune femme me fit tourner la tête :
— Zachir ? Ça ne va pas ?
Je me perdis un instant dans les traits de son visage, encore surpris par l'événement. Moi qui croyais avoir une des meilleures connaissances de la magie et des Faesidh, je commençais à réaliser une nouvelle fois qu'il y avait beaucoup de choses que j'ignorais malgré ma grande expertise. Depuis que cette femme avait débarqué dans ma vie, je ne cessais de perdre pieds dans mes certitudes. Quand elle était là, l'impossible devenait possible, comme si elle était au-dessus de toutes les lois.
Je savais quelle était la position de la sagesse, mais ça me brûlait les tripes d'être encore pris pour un idiot par les autres. Surtout que j'avais tous les outils pour ne pas être pris de haut.
— Alors, c'est ta véritable apparence ? demandai-je, chassant ces pensées.
— Je-Je n'en sais rien, je ne peux pas voir mon visage, bégaya Thalia en baissant les yeux sur ses mains. Je... Je dois te dire quelque chose.
Je haussais un sourcil, me demandant pourquoi elle passait du coq à l'âne. Un instant, elle était bouleversée, et la seconde suivante, elle me regardait comme si elle avait commis un crime.
— Je tenais à te dire que je ne voulais pas te cacher... quoique ce soit, m'avoua-t-elle en regardant ses pieds. Et je-je comprends que tu serais en colère et...-
Je lui saisis une main, obtenant enfin son attention et son silence. Non pas que je n'aimais pas qu'elle parle, mais elle devenait vite étourdissante.
— Hestia me l'avait déjà dit, lui répondis-je pour la rassurer. Mais j'apprécie ton geste.
Je reconnaissais bien ce côté de notre mamie maudite : c'était réellement elle. En la regardant plus attentivement, je fronçais les sourcils alors qu'un sentiment de déjà-vu se présenta dans mon esprit. Avais-je déjà vu ce visage quelque part ?
Je la détaillais de la tête au pied. Une chevelure de la couleur de l'ivoire, des yeux sombres qui avaient toujours cette profondeur.
Mais rien ne me venait à l'esprit. Pourquoi je ne parvenais pas à mettre le doigt sur cette impression ?
— Z-Zachir ?
Mes yeux plongèrent dans les siens, et je réalisais que je la mettais mal à l'aise à force de la fixer. Reculant d'un pas, je détournais le regard en lui proposant de manger. Ce changement de sujet fonctionna, allégeant l'ambiance. La jeune femme acquiesça vivement avant de s'exécuter. Dos à moi, je ne cachais pas mon sourire alors que mon mental commençait à apprivoiser l'idée que la mamie Thalia et cette jeune fille soit la même personne. C'était plutôt agréable de revoir mentalement les mimiques, les réactions et les attitudes de cette dernière. Toutes ces informations semblaient prendre une ampleur différente, alors que je comprenais enfin pourquoi la vieille dame m'avait toujours éveillée une enfant : elle devait à peine être âgée de 20 ans.
C'était une jeune femme dans le corps d'une personne très âgée.
Le bruit d'un chaudron déposé dans les braises me sortit de mes pensées. M'asseyant près du feu, en face d'elle, je la regardais sortir de nos provisions un ragoût à réchauffer. Par moment, nos regards se croisèrent, mais elle détourna toujours les yeux avec précipitation.
— Thalia, tu as fini de faire ton bébé en évitant mon regard ? lui fis-je remarquer avec un peu d'agressivité.
Celle-ci se figea en me regardant plus longuement. Au moins, j'avais réussi à la choquer au point qu'elle cessa enfin d'éviter mon regard. Cependant, elle finit par détourner à nouveau les yeux, mais elle prit la parole.
— Je ne fais pas mon bébé... C'est... Hm.
Thalia se tut en se pinçant les lèvres, hésitante. Elle entrelaça ses doigts avec nervosité, les entortillant constamment. J'attendis, essayant de comprendre ce que ses silences voulaient dire. Pourquoi ces silences semblaient si lourds, devenant presque aussi assourdissant qu'une cacophonie. Elle m'énervait tellement à refuser de parler, de constamment hésiter à chaque fois que nous parlions. Elle ne pouvait pas tout simplement envoyer le hamster dans sa tête qui ne cessait de tourner dans sa roue se coucher ?
— C'est juste étrange que Lucaï ne soit-, commença la jeune femme, cherchant clairement à changer de sujet.
— Thalia, grondai-je. Tu mens.
D'un coup, je venais de prendre le contrôle de la conversation. Elle ne parlait plus, me regardant avec son air de lapin figé par la peur et la surprise. Une vague de frustration m'avait envahi en la voyant volontairement omettre la vérité, me mentant au nez. Croyait-elle réellement que j'allais gober un mensonge cousu d'un fil blanc aussi évident ? Si je posais une question, ce n'était pas pour me faire mentir.
— Tu me crois assez débile pour ne pas reconnaître un mensonge ? lui fis-je remarquer avec agressivité.
— N-Non, mais tu mens bien, toi..., marmonna-t-elle de mauvaise foi en croisant les bras.
J'inspirai brusquement en ayant parfaitement compris ce qu'elle venait de marmonner. Je la fusillais du regard, mais je ne répondis rien. En effet, moi aussi je mentais, très souvent. Ces cinq dernières années ont été remplis de bobards, de demi-vérités. Le coup était peut-être bas, mais je n'allais pas nier ce que j'avais fait.
Cependant, je me sentais dans l'obligation de dissiper une méprise.
— Oui, je suis un menteur, mais je ne t'ai jamais menti, Thalia. Jamais, répétai-je avec plus de conviction, mon regard ancré dans le sien.
Elle soutint mon regard, le sien devenant larmoyant. Une pression se fit sentir dans ma poitrine en la voyant aussi fragile. Ce n'était pas de la culpabilité : j'étais seulement affecté par le fait qu'elle souffre de ses propres pensées, de ses propres doutes. Que pour une raison que j'ignorais, elle se taisait et qu'elle évitait volontairement de parler. Oui, j'étais menteur, mais j'avais l'éloquence. À l'inverse de moi, Thalia disait peut-être ce qu'elle pensait, mais elle se taisait bien plus souvent.
Au final, c'était comme cette analogie du verre qu'on voit à moitié plein ou à moitié vide : dans les deux cas, il y a un manque.
Me prenant au dépourvu, Thalia se redressa pour s'éclipser après avoir balbutier des excuses. Je la regardais partir, ne sachant pas trouver les mots pour une fois. J'avais été, dès mon plus jeune âge, initié au monde de la magie et de ses étrangetés. Tandis que pour la jeune femme qui prenait la direction de la sortie, tout était nouveau. Elle avait vécu une vie banale sans grands tourments sans doute. À vue de nez, elle devait à peine avoir la vingtaine. Elle devait avoir une famille et des amis qui l'attendait, et elle...
Allait-elle retourner chez elle lorsqu'elle serait libérée de son maléfice ?
Je regardais dans la direction qu'avait pris Thalia. Je réalisais la tristesse qui venait m'alourdir le cœur à l'idée de son départ. Cela faisait pratiquement deux mois qu'elle vivait au manoir. Un si court laps de temps, mais elle avait fait sa marque dans la maison et notre quotidien. Je me demandais soudainement si elle était heureuse avec nous et ce qu'elle voulait. Je me trouvais tellement imbécile de ne pas avoir pris le temps de lui parler, de vouloir en savoir plus sur elle. Je prenais conscience de ne pas la connaître. Non pas parce qu'elle était volontairement cachotière, mais à cause de son étrange attitude. Elle était à la fois si mystérieuse, mais révélatrice d'elle-même. Je pouvais lire les émotions avec aisance sur son visage, mais ses pensées demeuraient à des lieues de moi. Elle savait tourner la conversation vers l'autre d'une manière si habile qu'on ne se rendait pas compte qu'elle ne parlait jamais d'elle.
Pleurait-elle encore le soir ? Je l'ignorais aussi, car j'étais trop occupé avec mes propres problèmes.
— Moi qui me narguait de dire qu'il n'avait rien de difficile à protéger une seule personne que j'en oublie le plus important..., me sermonnai-je à voix basse.
— Pas tout à fait vrai, rétorqua Hestia qui s'installa devant moi. Il n'est jamais trop tard pour apprendre ou comprendre.
Je souris en repoussant amicalement l'esprit du foyer. Celle-ci fit mine de me mordre avant de s'élever dans les airs grâce à ces magnifiques ailes. Je les regardais longuement, toujours aussi ébloui par leur beauté. Je savais que si je passais ma main sur les plumes, je sentirais une douce chaleur en émaner. Les couleurs vivantes de son plumage se mouvaient au rythme hypnotisant d'une pulsation cardiaque, celle d'Hestia. Je laissais mon regard suivre l'évolution et la transmutation des couleurs : rouge, orange, jaune, une mini touche de vert avant de terminer par un bleu azur tirant sur un blanc lumière.
— Au lieu d'adorer mes ailes, tu devrais aller recoller les morceaux avec Thalia, me réprimanda la Faesidh d'un ton faussement hautain. Je refuse de supporter que vous soyez en froid.
Je levai les yeux, mais je me redressais. Hestia n'avait pas le tact des humains, mais une clairvoyance bien plus complémentaire pour moi. J'avais toujours apprécié le côté revêche de l'esprit du feu : elle qui était petite, mais si puissante. Je savais que ce n'était qu'une forme alternative, comme je la savais toujours aussi phénoménale même sous cette apparence. Mais c'était son intelligence et sa perspicacité qui m'avaient le plus impressionné enfant, et encore aujourd'hui.
— Tu as raison, j'y vais de ce pas, lui répondis-je sans me retourner.
Je ne voulais pas finir cette soirée comme ça moi non plus.
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