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36. Thalia la revoit...

Le jour du départ de Zachir, j'avais commencé à feuilleter certains livres sur la magie. Après avoir relu mon seul roman plus d'une dizaine de fois, Lucaï et Hestia m'avaient prêté des ouvrages. Ceux-ci avaient le même genre de construction et de structure que les quelques encyclopédies que mon père possédait sur la flore de notre pays. La différence : le sujet était la magie.

Choses que je n'avais jamais pu mettre le doigt dessus. Il était impossible de trouver des grimoires traitant de la magie en vente libre. Peut-être au marché noir, mais je n'aurais jamais osé m'y rendre. Mon frère, parti étudier à la Capital, m'avait expliqué dans l'une de ses lettres combien l'Institut de magie régissait d'une main de fer. Il gérait et contrôlait tout ce qui touchait à la magie, du moindre artéfact. Si quelqu'un possédait illégalement des grimoires traitant la magie, il se les faisait saisir et une enquête avait lieu.

Du moins, d'après les dires de certaines connaissances de mon grand frère ayant vu la chose. Bon, il me l'avait dit pour me décourager de la magie. Manque de bol, ça n'avait pas fonctionné.

Maintenant que j'y pensais, est-ce que Zachir était techniquement illégal puisqu'il n'était plus affilié avec l'Institut de magie ?

Je baissais les yeux sur le grimoire entre mes mains à cet instant-là. Je venais de lire une courte référence à propos de la Sorcière bannie. Il était écrit dans cet ouvrage qu'elle avait été bannie en l'an 11 du règne des Rois Bastien, soit, 91 ans plus tôt. C'était la première fois que je lisais quelque chose sur elle, et ça me donna une idée : que pourrais-je apprendre d'autre sur cette femme dans tous les livres du manoir ?

Autant en profiter pour ne pas avoir Zachir dans les pattes. Peut-être me l'aurait-il interdit. 

Du coup, j'entrepris de feuilleter tous les livres du manoir. Enfin, tous ceux que je pouvais lire : la plupart étaient incompréhensibles pour moi. Un bon nombre d'entre eux était écrit dans des langues totalement inconnues pour moi, et les autres étaient trop compliquées pour mon niveau. Mais je ne comptais pas abandonner. Je voulais trouver qui était cette Sorcière bannie, et ce qu'elle avait fait pour qu'on l'appelle tous ainsi.

Bon, je devais admettre que malgré mes quelques pensées trop optimistes, je ne pensais pas trouver une solution miraculeuse à la malédiction de la Sorcière. Par contre, j'espérais en savoir plus sur elle, et qui sait, peut-être comprendre ses intentions. Parce que, de ce côté-là, je ne comprenais rien. Je me souvenais assez d'elle pour être certaine d'une chose : elle n'avait pas agi sur un coup de tête, ni au hasard.
Sauf que je n'étais pas plus avancée, même avec en sachant ça.

Au fil des pages, je passais d'un sujet à un autre. Les bases de la magie de feu, l'histoire de la magie, la physique mécanique, l'astrologie, biographie ennuyeuse de machin et trucmuche... Mais rien sur la Sorcière, nada-niet. Comme si elle n'existait pas. Aucune photographie, ni dessin, ni aucune allusion à une femme,qui pourrait lui ressembler de près ou de loin dans aucun des livres que j'ai ouvert.

En fin d'avant-midi, j'avais récolté qu'une horrible migraine. Les mots dansaient derrière mes paupières closes. Mon cerveau partait en vrille. J'avais beaucoup lu, beaucoup trop pour lui. Je poussais un soupir en me pinçant l'arête du nez. J'arrêtais pour le moment, je n'avais plus la force de lire un mot de plus.

Toutefois, mon soupir attira l'attention de Hestia sur moi.

— Ça ne va pas, Thalia ?

— Je... Je crois que j'ai seulement besoin de prendre l'air, avouai-je avec un petit sourire gêné. Le grand air va me faire du bien. Je vais en même temps zieuter au marché. Qui sait, peut-être auront-ils des framboises.

L'esprit du foyer ne me répondit rien alors que je partais récupérer mon chapeau et un panier. Je présumais qu'elle n'avait aucune raison de m'y empêcher maintenant que ma cheville était guérie. Je rejoignis la porte quelques instants plus tard. Je laissais mon regard se perdre sur les symboles — non des sigils, je venais de le lire — gravés sur le bois. J'effleurai les gravures et un frisson me parcoura le corps. Je souris doucement avant d'énoncer le nom de la ville de Dobrum. Un nouveau frisson me saisit, comme si je venais d'être touché par un bon vent chaud. Mais rapidement, je traversais la porte. Comme si c'était la première fois, je regardais autour de moi, constatant que je me trouvais à la fois des lieues et des lieues du manoir tout en étant qu'à un pas.

— C'est vraiment incroyable, la magie, murmurai-je pour moi-même en refermant la porte derrière moi.

Marchant doucement, je pris le temps d'apprécier la chaleur des rayons sur ma peau. Mes paupières se fermaient d'elles-mêmes alors qu'une douce brise me chatouilla les joues. Je pouvais presque sentir l'odeur de la chaleur du soleil, de l'herbe verte. La mélodie des feuilles agitées par le vent me fit ouvrir les yeux. Je remarquais rapidement que des villageois me regardaient avec amusement. Mon visage s'empourpra, je rêvassais encore en plein milieu du chemin. Je me remis à marcher, essayant de ne plus penser à ces villageois : au moins, ils paraissaient plus amusés que moqueurs.

Mon regard vagabonda sur les jolies maisons aux couleurs pastels avant de s'arrêter sur une fontaine. Celle-ci se trouvait sous un arbre à la parure majestueuse, tel un petit parc ou lieu de rencontre du coin.

— Comme que c'est beau, complimentai-je à voix haute en regardant le magnifique pin blanc.

Je m'approchais pour me mettre sous son ombre en levant les yeux au ciel. J'étais émerveillée par cet angle de vue. C'était comme si j'étais une fleur qui contemplait le ciel. J'avais l'impression d'avoir la tête à l'envers, ou que tout était inversé : le ciel était le sol ou une mer, les arbres m'encerclèrent et me donnèrent l'illusion d'un cercle parfait. Je me sentais si petite et si grande à la fois, mais jamais oppressée. J'adorais me coucher pour admirer la forme des nuages ou les feuillages, et encore plus lorsque maman nous emmenait hors de la ville. Le contraste du vert et du bleu ciel m'avait toujours subjuguée depuis toute petite. Je chérissais ces sorties et ces moments où maman me faisait découvrir la forêt et les belles plaines.

Me prenant au dépourvu, l'aura magique chaude de Baffie s'étendit brusquement autour de moi. Je crus me mettre le visage trop près d'un foyer, mais il n'y avait pas de foyer. Je glapis tandis que la chair de poule m'envahissait. Je me souvenais brusquement la présence du talisman et de son gardien. Je savais maintenant, sans l'ombre d'un doute, quand il y avait un étalement d'une aura magique.

Je m'apprêtais à demander des explications lorsqu'une voix retentit à mes côtés :

— Eh, bien... Ça faisait longtemps, petite flora...

Mon cœur eut un raté. Je reconnaissais cette voix glaciale. Faisant volte-face, je découvris un visage familier même si je ne l'avais entrevu qu'une seule fois. La Sorcière bannie se trouvait à quelques pas de moi. Elle portait une robe sombre atypique, très différente de celle de notre première rencontre, avec des fentes pour laisser passer ses jambes. Par moment, je voyais sa peau diaphane lorsqu'elle s'asseyait en croisant les jambes près de la fontaine. Mais surtout, je pouvais enfin voir ses traits. Elle était magnifique, mais d'une beauté froide. Sa chevelure était dense et blanche comme la neige, contrastant avec son physique de femme mûre. Était-ce une particularité de sa génétique ou autre chose ?

Je déglutis péniblement et Baffie sortait de sa cachette. Comme moi, il observait la femme assise avec nonchalance. Elle repoussait une des mèches courtes et je remarquais qu'une partie était tressée dans son dos. Elle était impressionnante : une féminité masculine, une masculinité féminine, mais elle dégageait un charisme puissant.

Le Faesidh poussa un grognement, installé près de la bague d'où il venait de surgir.

— Ce n'est pas sa réelle forme : elle ne peut rien te faire comme nous pouvons rien faire contre elle, m'expliqua la salamandre sans me regarder.

— Bien observé, petit gardien, répondit la sorcière en penchant la tête vers le Faesidh lézard.

— Et pourquoi ? demandai-je, ne comprenant pas où ils voulaient en venir les deux.

Sous mes yeux, la sorcière tendit une main dans ma direction. Je poussais un petit cri en percevant une force répulsive. Sa main s'était violemment faite repousser, comme si une barrière invisible l'empêchait de me toucher.

Mais ce n'était pas tout : sa main était devenue transparente comme de l'eau. C'était quoi ce truc... ?

— Voilà pourquoi, petite flora. Ton gardien te défendra contre tous ceux que tu considèreras comme étant des dangers pour toi. Comme moi, ajouta-t-elle avec un sourire amusé. Et moi, je ne suis que de l'eau. Match nul.

La Sorcière haussa avec négligence ses épaules, se drapant d'une couche supplémentaire de mystère autour d'elle. Je tremblais en voyant la froideur de son sourire, et je reculais d'un pas par prudence. Jetant des regards autour de nous, je remarquais que personne ne semblait voir ou entendre la Sorcière bannie. En fait ce n'était pas qu'elle : les gens ne semblaient pas se soucier de moi non plus.

Posant un regard méfiant sur la sorcière, je me demandais avec quel sort elle nous avait coupé du monde. Toutefois, je détournais rapidement le regard : je n'arrivais pas à soutenir son regard vide, sans étincelle de vie. Je ne parvenais pas à saisir pourquoi elle me faisait réagir ainsi. Par contre, je ne pouvais pas passer à côté d'une opportunité d'avoir enfin des réponses.

Si Baffie me confirmait qu'elle ne pouvait rien nous faire, je pouvais en profiter, non ?

— ... J'aimerais savoir pourquoi tu m'as maudit.

— Oh, on n'utilise pas les marques de politesse ? J'ignorais qu'on pouvait être aussi insolente à cet âge, rétorqua la Sorcière, se moquant volontairement de moi.

Je serrais les dents. Que voulait-elle ? Me faire perdre patience ? M'intimider ? J'étais incapable de le déterminer, et me voir dans cet état l'amusait. Serrant les poings, je la regardais longuement avant de répliquer :

— Que me vaut la déplaisante honneur de te voir ?

Celle-ci se mit à rire en rejetant la tête vers l'arrière. Piquée par son rire, je sentis mon visage brûlé de colère. Je n'aimais pas son attitude, un mélange désagréable d'arrogance et d'indifférence froide. J'étais la souris qui se fait balloter par le chat, sans savoir quand est-ce qu'elle allait être dévorée. Cette femme semblait être au-dessus de tout, comme si rien ne pouvait l'atteindre.

Elle me mettait hors de moi.

— Eh bien, je reviens renouveler mon offre : je te délivre du sort si tu acceptes de me rendre un service.

— Comment veux-tu que j'accepte ton offre suspecte sans savoir où est le piège ? répliquai-je sèchement en croisant les bras.

— Donc, tu te plais dans ce corps de vieille dame ? Je croyais que tu avais un faible pour le petit mage. Il ne doit pas te trouver de son goût, ricana-t-elle méchamment.

Je rougis brusquement à son allusion avant de réaliser que je me trahissais.

J'avais parfaitement le droit d'avoir le béguin ! Zachir était un mage, il avait du charme et... Je détournais la tête, refusant de tricoter cette pensée plus loin. Je voulais ignorer mon cœur qui s'affolait pour un rien.

Je marmonnais une série de mots sans queue ni tête dans ma tête,. Du moins, c'était ce que je pensais jusqu'à ce que la Sorcière en rit.

Merde, je venais encore de penser à vois haute !

Je me laissais tomber sur le bord de la fontaine, me cachant le visage et en râlant contre moi-même. Quelle idiote j'étais !

— Ça suffit ! Je m'en vais si tu es seulement là pour me ridiculiser !

— Ne veux-tu pas savoir pourquoi j'ai été bannie ? me demanda-t-elle de but en blanc, me clouant sur place. Je suis prête à répondre à tes questions, petite.

Je déglutis péniblement, étourdie par les changements d'humeur subites de la Sorcière. Quelle était la probabilité qu'elle me parle de ce sujet, le même que je cherchais plus tôt dans la journée ? Et qu'en plus, elle disait qu'elle était prête à répondre à mes questions ?

Une partie de moi, la grande lectrice, voulait comprendre cette sorcière. Devant moi se tenait une femme glaciale et à la moralité douteuse. Et pourtant, elle était une grande mage, personne ne pouvait dire le contraire et elle était la seule qu'on nommait Sorcière.

Ça devait avoir son importance, ce genre de détail, non ?

— Pourquoi vouloir me conter ton histoire ? rétorquai-je prudemment.

— C'est plus simple si tu viens de ton plein gré, expliqua-t-elle comme si sa logique était évidente. C'est pénible de devoir traîner de force quelqu'un, mais je le ferais si je suis obligée.

Je grimaçais. Cette femme avait une définition plutôt étrange de la logique. Elle avait peut-être raison sur ce point, mais elle m'insultait. Elle parlait de moi comme on parlait d'un chiot borné ou d'un enfant qui ne veut pas ramasser sa chambre. Comment pouvait-on avoir si peu de considération pour l'avis des gens ? La vie d'une personne avait si peu de valeur à ses yeux ?

Et pourtant, elle répondait à mes questions sans hésitation, sans chercher à faire des détours. C'était vraiment une femme étrange.

Je finis par donner mon accord à la Sorcière. J'étais une indécrottable curieuse, elle m'avait piégé dès qu'elle en avait parlé. Cette dernière me sourit, et je commençais déjà à regretter. Son sourire était flippant.

— Vois-tu, j'ai été bannie il y a 91 ans, commença-t-elle sans se soucier des gens qui circulaient. À l'époque, j'étais l'une des plus grandes Mages, dû à mon expertise de la magie. Depuis, ils ont dû effacé mon nom de toutes les archives... Bref, j'avais découvert des horizons que personne n'aurait pu imaginer. Et ces Doyens arriérés m'ont bannie, seulement parce qu'il me craignait moi, et ce que j'avais découvert de la magie, de ma magie.

— Quelle forme de magie ? m'enquis-je, malgré tout intéressée par son histoire.

— La manipulation mentale, me répondit-elle sans aucune honte ni gêne.

Son regard était ancré dans le mien alors qu'elle me lâchait cette bombe. J'avais presque oublié qui j'avais devant moi, mais elle venait de me le rappeler. Je me figeais un instant. Mon cerveau me sortait des milliers de scénarios : lavage de cerveau, contrôle mental, télépathie non consentante, et j'en passais. Je pouvais comprendre que bien des gens seraient effrayés en découvrant qu'une personne soit en mesure de manipuler l'esprit d'autrui. Toutefois, quelque chose me chicotait: n'y avait-il pas une façon d'aider les gens avec un tel pouvoir ? Après tout, les armes n'étaient pas interdites, car même si elles pouvaient tuer, elles nourrissaient des tas de personnes.

Bon, j'admettais que je n'arrivais pas à effacer complètement le côté dangereux de ce pouvoir. Même si cette capacité pouvait aider, l'idée de pouvoir manipuler les gens me rendait mal à l'aise. Le risque n'était-il pas trop grand ?

Je déglutis avec difficulté en baissant les yeux. La Sorcière poursuivit, ne remarquant pas ou ignorant totalement mon malaise :

— Grâce à cette magie, j'ai été en mesure de perfectionner mes connaissances sur l'esprit. Je peux faire presque tout ce que je veux avec l'esprit du commun des mortels. Je peux créer et défaire l'addiction, les peurs, les traumatismes, certaines psychoses, comme que je peux faire des humains mes pantins.

Elle ne réalisait pas l'ampleur de ses propos, elle ne voyait pas mon choc. Je réalisais la froide intelligence de cette femme. Je me sentais même un peu idiote d'être impressionnée. Surtout en sachant que j'étais sa proie, en quelque sorte, et qu'elle n'en avait que faire des répercussions.

— Maintenant que j'y pense, ajouta la Sorcière, je ne l'ai jamais essayée avec un mage.

Je relevais spontanément la tête, choquée par son sous-entendu. Mais vu son sourire, j'eus le doute : était-elle sérieuse ou elle me chambrait ? Ou bien, elle était carrément sadique.

Qu'importe la réponse, je devais admettre une chose : elle répondait réellement à mes questions. J'irais jusqu'à dire qu'elle devinait toutes mes questions. Même si elle pouvait vraiment lire dans mon esprit, elle ne semblait pas mentir. Elle dégageait toujours cette aura glaciale et sans vie, mais j'entrevoyais ce qu'elle était dans le passé. Je voyais son intelligence et sa vivacité d'esprit, mais je la redoutais encore.

Sans doute parce qu'elle avait toute mon attention, elle poursuivait son histoire, le regard dans le vague.

— Donc, on m'a bannie, parce que les Doyens me craignaient et me jalousaient. Ils m'ont ordonné d'arrêter mes recherches et j'ai refusé. Je ne respectais pas leur code de moralité, apparemment. Tout ça parce qu'un individu est mort à la suite de mes expériences.

Je sentis mon sang se glacer. Quelqu'un était mort de sa main, et elle en parlait comme on parlait d'une averse gâchant une journée à la plage. S'entendait-elle seulement parler ? La vie des autres n'avaient vraiment aucune valeur à ses yeux ? Avait-elle seulement déjà été humaine pour penser quelque chose d'aussi horrible ?

Sans doute pas parce qu'elle poursuivait :

— Ces vieux conservateurs m'ont chassé de ma maison, de mon pays, sans rien d'autre qu'un simple sac que j'étais parvenue à sauver. Je suis réduite à devoir vivre dans les Plaines de la Mort, l'endroit le plus inhospitalier de notre si grand pays !

Je frémis par l'hostilité, la haine et la colère que je percevais dans sa voix. Je me pinçais les lèvres et j'enfonçais mes ongles dans ma peau pour ne pas lui montrer ma peur. Je comprenais son désir de justice, son désir de vengeance envers ceux qu'ils l'avaient chassé. Même si c'était de sa faute si j'avais perdu ma maison, j'éprouvais de la peine pour cette femme : comme moi, on lui avait volé sa maison, ses possessions et sa dignité. Même si savoir ces facettes de son histoire me mettait dans une tiraillement intérieur, personne ne méritait d'être traité de cette façon.

— Alors, oui, je veux me rendre justice, poursuivit la Sorcière avec une passion que je n'avais jamais entendue. Je veux qu'ils paient pour toute la misère qu'ils m'ont fait subir. Et tu es une pièce maitresse dans mon plan.

Je frissonnais malgré moi. J'ignorais ce que j'entendais dans sa voix : de la rage ? du fanatisme ? Ce que je savais, c'était que j'étais malgré moi impliquée dans sa quête de vengeance. Je réalisais avec tristesse pourquoi je trouvais son regard vide : elle ne me voyait pas. Je n'étais qu'un pion sur son échiquier et non un être vivant. Elle ne voyait pas un individu, mais qu'un outil pour parvenir à ses fins. Et si elle avait arrangé l'histoire pour paraître comme étant la victime ? L'Institution de Magie ne pouvait pas avoir condamner aussi arbitrairement cette femme.

Du moins, je le croyais.

— Alors pourquoi me faire subir ce que tu as subi ? objectai-je, méfiante.

— Si tu acceptes de me suivre, je te libérerai de ton maléfice, rétorqua la sorcière avec l'air de voir l'évidence dans son raisonnement. Moi, je n'ai pas eu de seconde chance.

— Comment ça ? Ils ne peuvent pas te bannir sans même essayer de te faire changer d'idée ! m'exclamai-je, outrée.

Le calme de la Sorcière eut l'effet d'une douche froide. Je m'aurais attendu à une vive exclamation de la colère, de la tristesse, mais certainement pas à cette réponse calme :

— Même si j'avais arrêté mes recherches, les Doyens ne me faisaient plus confiance. J'étais une menace pour leur monde, comme Zachir l'est aujourd'hui. Moi, je respecterai les termes de notre attente.

Je me tus. La force de son argument eut l'effet d'un coup à pleine poire. Le calme parfait dans son regard ne me mentait pas. Ce n'était pas celui d'une fanatique, d'une menteuse qui jouait avec la vérité.

Elle avait dit qu'il était déjà trop tard pour elle à l'époque. Que voulait-elle dire ? La confiance était-elle quelque chose qu'on ne pouvait acquérir qu'une seule fois ? Ou avait-elle outrepassé trop souvent les lois de la Magie ? Zachir pouvait-il lui aussi se faire bannir comme la Sorcière ?

Cette idée m'effrayait. Zachir n'était ni un monstre, ni un vilain. Il ne suivait simplement pas le même chemin que les autres. Il avait un bon cœur, j'en étais certaine.

J'observais la Sorcière qui balançait négligemment ses jambes. Son regard était fixé sur un point, perdu dans le vague peut-être. Même de profil, je pouvais voir la clarté d'esprit de son regard. Elle n'était pas folle; elle était en pleine possession de ses capacités. Malgré la teneur de ses propos, elle exultait d'elle une clairvoyance effrayante. Les intentions derrière chacune de ses actions étaient réfléchies par un raisonnement réaliste, mais très loin du mien. Et malgré la logique derrière tout cela, je n'étais pas d'accord avec ce qu'elle prévoyait.

Il devait avoir une autre solution, même si j'ignorais totalement laquelle.

— Ces vieux décrépies n'accepteront jamais les gens comme lui, comme moi, poursuivit la Sorcière bannie en posant son regard dans le mien. Nous leur faisons peur, parce que nous sommes plus puissants qu'eux, ils ne peuvent pas nous contrôler. Et toi, tu n'es qu'un pion qui finira entre les mains de quelqu'un de plus fort que toi. Je reviendrais te voir bientôt, petite flora.

La Sorcière enjamba d'un coup la fontaine pour se tenir debout dans l'eau. Je fus surprise par ce revirement que j'en bégayais.

— En attendant, lis bien les journaux, rajouta la Sorcière avec mystère.

Je n'eus pas le temps de m'affoler ou de la questionner sur la signification de ses paroles que son corps devint de l'eau. Sous mon regard écarquillé, je vis sa transformation avant de disparaître sans faire un bruit, sans explication. Je sautais sur mes deux pieds, jetant des coups d'œil autour de moi : il n'y avait plus aucune trace de la Sorcière bannie. Même les villageois me lançaient des regards interrogateurs en voyant m'agiter seule. Je venais de comprendre : la magie qui nous avait caché aux yeux de tous s'était dissipée en même temps qu'elle avait disparue.

— Elle est partie, me murmura Baffie, caché dans mon cou. Nous devrions rentrer.

J'acquiesçai discrètement de la tête, retournant sur mes pas. J'avais confiance en la salamandre pour me protéger, mais je ne pouvais m'empêcher de jeter des coups d'œil autour de moi. J'étais à l'affût du moindre signe qui trahirait la présence de la Sorcière bannie. Mon cœur battait plus vite tant j'étais nerveuse, devenant presque assourdissante. Et cela se poursuivit jusqu'à ce que je trouve la porte qui me ramènerait au manoir. Je ralentis en chuchotant à l'égard de Baffie :

— Nous sommes seuls ?

— Oui, me rassura le petit lézard avant de me lécher de sa petite langue. Ne te fais pas trop de soucis, je suis là pour te protéger.

Je souris en m'approchant de la porte. En l'ouvrant, je reconnus immédiatement l'intérieur du manoir avec le foyer, le canapé et l'atelier à droite. Enfin complètement rassurée, je refermais derrière moi en m'écriant :

— Je suis rentrée !

Je sentis une joie indescriptible m'envahir en entendant la voix joyeuse de Lucaï. Délaissant mes pensées sur ma rencontre avec la sorcière, je rejoignis le petit et sa joie communicative. Depuis quelque temps, revenir au manoir m'apportait une sérénité et une stabilité que seule la serre de la boutique me procurait. J'étais heureuse de me sentir aussi bien à un endroit, même si j'avais l'impression de délaisser ma famille. Je les aimais encore, mais je ne voulais pas non plus me déraciner du manoir ni de ses occupants. Ils étaient devenus une seconde famille pour moi.

Est-ce parce que j'aimais moins ma famille ? Est-ce que je les trahissais en préférant vivre au manoir ?

Pourquoi tout était devenu aussi compliqué ?!

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