34. Zachir visite le Gardien
PDV Zachir, quelques part dans les montagnes enneigés, frontières naturelles entre le royaume de Dendérah et du pays de Meido.
Les yeux clos et protégés par des lunettes, je pouvais percevoir le vent qui s'infiltrait entre mes plumes aussi sombres que ma véritable couleur de cheveux. Je pliais les genoux avant de me lancer dans le vide. L'air siffla violemment dans mes oreilles, mais je n'avais pas peur. Je distinguais chaque courant d'air chaud ou froid alors que la gravité m'attirait toujours plus bas. Quand je trouvais enfin le courant ascendant dont j'avais besoin, je déployais toute l'envergure de mes ailes. Le mouvement m'entraîna dans un virage qui m'éleva telle une balançoire. La sensation grisante d'être ballotté par ces rafales, mais sans jamais en perdre le contrôle. Telle le courant d'une rivière, je saisis chaque cascade d'air, chaque vallon qui m'accompagnait dans ce nouveau voyage.
La veille, j'avais passé la journée à préparer ce voyage qui pouvait aussi bien que mal tourner. Mais pour être tout à fait honnête, j'avais tout bousculé pour éviter de réfléchir à ce que m'avait dit Hestia, et donc, j'évitais aussi Thalia.
Maintenant que je savais qu'elle avait été maudite, je ne pouvais m'empêcher de me sentir impuissant. C'était la première fois que je me retrouvais sur le banc de touche. Ça me rendait fou, ça m'obsédait de ne rien pouvoir faire pour la libérer de son maléfice. J'étais un mage, et j'étais tout aussi impuissant que n'importe qui d'autre. Je savais que la magie n'était pas la solution à tout, mais je n'aurais jamais cru me retrouver dans une situation où je ne pouvais que regarder sans pouvoir agir.
Heureusement, je n'avais pas ce problème à cet instant précis. Grâce au contrat avec Timise, un esprit des cieux, je pouvais voler aussi librement que n'importe quel oiseau.
Cette liberté était l'une des plus belles chances que mon Arcane m'avait permis d'avoir. Voler était l'ultime liberté à mes yeux ; elle offrait une fluidité que même l'eau ne pouvait offrir. Par contre, les deux partageaient une caractéristique : on ne pouvait pas contrôler cet élément. Il s'agissait d'une danse qui nécessitait une écoute sans faille à cette force de la nature. Dès que la relation devenait claire et fluide, on pouvait faire qu'un avec l'air.
Je fermais les yeux protégés par les lunettes, me connectant plus intimement à l'énergie de mon compagnon Timise. Je l'avais rencontré lors d'un voyage avec mon ancien maître. J'avais, disons, chercher des noises à cet immense rapace. Coup foireux par-dessus d'autres coups foireux, on avait fini épuisé et à court d'idées avant de se réconcilier autour d'un filet mignon. Il avait tellement aimé ma cuisine qu'il m'avait proposé un contrat. Je l'avais trouvé idiot et bargeot à l'époque, mais maintenant, il n'était que bargeot.
Fais gaffe à toi, jeune mage, me dit par télépathie Timise, le Faesidh rapace. Ne fais pas ton fanfaron comme la dernière fois.
Je souris à l'évocation de ce souvenir, mais je ne répondis rien. Je savais qu'il raffolait de me savoir en difficulté.
Être aux premières loges pour me narguer n'était pas à la portée de tous, et ce n'était si inconvénient d'entendre ses commentaires.
Suivant un courant d'air chaud qui me fit grimper dans les nuages, je pris la direction du Sud-Ouest. Il me fallait récupérer un matériau essentiel pour renforcer les sorts de protection et de dissimulation du manoir. Il était très difficile de s'en procurer pour deux raisons. La première, le peuple de la contrée de Meido n'était pas très ouvert sur les étrangers, surtout dû à l'instabilité politique. L'affaire, c'était que leur coutumes et leur étroitesse d'esprit ne m'avaient jamais empêché de m'y rendre. Bon, j'admettais que des escadrons de militaire tentaient à chaque fois de me descendre. Du peu que je m'étais intéressé de leur culture, ils craignaient les hautes montagnes à cause des Faesidhs qui y vivent. Ils n'avaient pas du tout la même relation que par chez nous avec les créatures merveilleuses du monde.
La seconde, c'était que je devais me rendre dans un lieu précis, surveillé par un Gardien. C'était un Faesidh connu de pratiquement personne, car il avait toujours élu domicile dans un lieu inaccessible. Il était assez difficile à cerner et il aimait sa vie d'ermite loin de l'humanité. Pour toutes ces raisons, je devais m'y rendre par les airs. Il fallait seulement quelques heures pour s'y rendre quand on connaissait le chemin.
Je pouvais admirer les hautes montagnes recouvertes de leur manteau de neige. Elle brillait par endroit, là où les quelques rayons de soleil perçaient entre les nuages. Mes yeux chauffaient légèrement alors que la magie me conférait la vue perçante de rapace de Timise. Des milliers de détails habituellement invisibles apparurent tout autour de moi. Les couleurs se firent plus vives, plus nombreuses dans leur diversité. Je voyais sans mal les traces laissés par une renarde et un petit, je pourrais même établir quand est-ce qu'ils étaient passés. Je frissonnais de plaisir ; j'adorais la magie. Je sentais que rien ne pouvait m'être impossible.
D'un seul coup, je reconnus la grotte que je cherchais. Entre deux montagnes, il y avait une entrée entourée par de rares verdures, du if me semblait-il. Je me penchais pour entamer la descente en de lents cercles. Je repliais lentement mes ailes au moment où mes serres s'enfonçaient dans la neige poudreuse. Je pris un instant pour me stabiliser avant de reprendre une forme humaine. Les transformations étaient peut-être géniales, incroyables, mais c'était horrible comme sensation. Je grimaçais tandis que les plumes se rétractaient, réorganisant muscles et os.
Mais pour être honnête, j'avais surtout l'impression que la lave coulait sous ma peau. Elle brûlait tout sur son passage, ne laissant qu'un vide pénétrant derrière elle.
Le vent se leva, d'un froid si intense que mes os en grincèrent. Je saisis ma veste doublé en laine d'une main pour mieux me couvrir. Puis, je me dépêchais de trouver refuge dans la grotte. Je poussais un soupir de soulagement alors que les rafales de vent n'étaient plus du bruit.
— Enfin arrivé..., murmurai-je en retirant les lunettes d'aviateur.
D'un mouvement circulaire du poignet, je fis apparaître une boule de feu en lévitation. La magie de Hestia traversa ma poitrine pour se rendre jusqu'à ma paume, déclenchant le sort pyrophore. Les flammes aux couleurs variées éclairaient les lieux, projetant certaines ombres. Les murs de glace avaient des formes ondulés et aléatoires, me rappelant la mousse d'une chute d'eau gelée. Pourtant, le sol sous mes pieds était de la pierre sans aucune trace de neige et de glace.
— Maintenant, allons dire bonjour au Gardien.
Un frémissement provenant de la grotte me poussa à me figer. Je sentais la présence du Gardien du cimetière des Faesidhs. Ici reposaient les ossements de puissants Faesidhs. Elles étaient considérées comme étant des reliques magiques rares et très puissantes dues aux résidus de magie qui ne les quittaient plus.
Quiconque qui avait l'audace de se penser assez fort pour les voler en payait le prix. Personnellement, je n'avais jamais rencontré de survivant qui aurait eu cette stupide idée. J'avais pris mon temps, et encore, j'étais presque certain que j'étais toléré dû à mon enfance parmi eux. Je n'avais pas été éduqué par des humains, mais des Faesidhs.
— Encore toi, humain ? s'enquit une voix gutturale.
Je demeurais silencieux tandis que le Gardien s'installa dans le halo de lumière. Il se montra sous sa forme inoffensive. Ça me rassurait de savoir qu'il n'était pas grognon. Sa tête m'arrivait au niveau du ventre, mais il était très large sur patte. Il possédait les défenses d'un mammouth, mais il avait des pattes de type canin. Son pelage dru et gonflé ressemblait à celui de l'ours polaire, le protégeant efficacement du climat glacial des Alpes. Il transpirait le calme, mais je connaissais sa forme létale mythique, tant redoutée. Je n'étais pas assez fou pour l'énerver : je tenais à ma vie.
— Salutation, Gardien, répondis-je solennellement en lui faisant la révérence. J'aimerais marchander avec vous.
Ce dernier me lança un regard amusé. Je le soutenais, maintenant habitué par l'attitude revêche du Faesidh. Il me fixa longuement. Sans doute était-il en train d'analyser mes intentions avant de finalement me tourner le dos. J'en conclus que j'avais passé son test imaginaire. Il s'enfonça dans la grotte, vers ses quartiers sans même vérifier si je le suivais ou non. Interprétant ceci comme une invitation, je le précédais en silence. Je le suivis pendant une minute jusqu'à un élargissement. Là, des pierres luminescentes incrustées dans les parois éclairaient les lieux. Le sol semblait être une glace polie qui renvoyait mon image ainsi que celles des autres Faesidhs présents. Du côté gauche, il y avait une dizaine de souris avec des ailes de rapaces qui se blottissaient les uns sur les autres. À l'opposé, il y avait des petits lémuriens des neiges avec leur cornes translucides qui jouaient avec des branches. Derrière lui, un nouveau couloir sombre où, je présumais, se trouvaient les reliques des défunts Faesidhs.
Je n'y étais jamais allé, mais c'était toujours en revenant de ce couloir que le Gardien me ramenait des artéfacts.
— Donc, tu as besoin à nouveau de mes connaissances ou bien d'une relique ? demanda la créature imposante d'un ton suffisant. Et pourquoi ?
Je maintiens un visage neutre, mais je voyais bien que cela le dérangeait. Je venais plusieurs fois par an dans cette montagne pour négocier divers objets ou connaissances avec le Gardien. La seule raison pour laquelle j'étais encore la bienvenue était que je n'avais jamais tenté de dérober quoi que ce soit, et que je savais me retirer avant de déclencher la colère du Gardien des lieux. Mais il marquait un point qui allait me porter préjudice : ma dernière visite était trop récente pour qu'il ne se doute pas de quelque chose.
— En effet, Gardien. Je dois..., débutais-je.
J'hésitai. J'avais impérativement besoin de cet artéfact, je ne pouvais revenir les mains vides. La puissance magique que contenait un ossement était si grande que j'étais certain d'être en mesure de bloquer totalement la Sorcière. Je ne connaissais pas assez tous ses pouvoirs, même si je savais qu'elle pouvait affecter l'esprit. Qui sait ce que cette maudite sorcière avait bien pu laisser dans l'esprit de Thalia...
Au final, je pris le risque de dire la vérité.
— Je dois protéger quelqu'un, parce que je ne veux pas qu'elle soit le pion de qui que ce soit.
L'ambiance qui était lumineuse s'assombrit d'un seul coup. L'air se refroidit et ça chassa l'atmosphère de tranquillité des lieux. Je sursautais malgré moi. Je me méfiais de la réaction du gardien. Je me préparais mentalement à déguerpir, mais l'imposant Faesidh inspira profondément. À nouveau, telle une girouette virevoltant au vent, l'ambiance changea, moins froide mais tout aussi lourde. J'avais l'impression que le temps ralentissait encore plus, mais je restais campé sur mes positions. Je voulais voir la suite, savoir ce qui l'avait autant troublé.
Même l'air paraissait se réchauffer avant que le Gardien Faesidh ne me dise :
— Eh bien, je vois que tu es bien accompagné, jeune mage. On sent l'odeur de la flora et des sylphes sur toi.
Je fronçais légèrement mes sourcils à l'évocation du mot « flora ». Les sylphes avaient également parlé, mais je ne comprenais toujours pas de quoi voulait-il parler. Peut-être avait-il un nouveau Faesidh qui s'était installé quelque part sur le manoir volant ? Ou d'une plante extrêmement rare ?
— Oui, les sylphes viennent souvent à cause d'un jardin, répondis-je lentement avant de le questionner à mon tour : savez-vous pourquoi ?
Ce Gardien était vieux, mais surtout plus loquace que l'hippogriffe. Chaque fois que je venais, je parvenais à marchander de l'information avec lui. Autant profiter de cette occasion pour obtenir des informations sur ce qu'était une flora. J'étais persuadé que le Gardien savait ce que signifiait ce mot.
Tandis que mon regard était plongé dans celui du Faesidh aux défenses de mammouth, ce dernier se contentait de soutenir mon regard avec cette étincelle d'amusement. Ça commençait sérieusement à m'agacer, son attitude.
— Oui, je sais pourquoi, répondit-il sans s'étaler.
Je sentis la frustration gonfler en moi, même si je savais habilement caché mes états d'âme. Quand les Faesidhs se mettaient à jouer sur les mots volontairement, cela pouvait en dire long sur le genre de sujet. Savoir la signification d'une flora avait de la valeur, mais cela signifiait également que d'acquérir cette information serait compliquée. Je commençais sérieusement à perdre patience.
Que pouvait-il y avoir de si important derrière un simple mot ?
— Bon, je vais être franc, parce que j'ai mieux à faire, m'impatientai-je. C'est quoi une flora ?
Durant un long moment, le Gardien soutenait mon regard, sans rien dire. Je sentais l'impatience gonfler en moi, mais j'étais bien trop orgueilleux pour reprendre la parole. Je comptais bien avoir une réponse, moi. Et si je devais soutenir son regard pendant une heure, j'étais prêt à attendre !
Par contre, je ne m'attendais pas à être pris au dépourvu. Le Gardien Faesidh souleva l'une de ses pattes et se cassa lui-même un morceau de sa défense sous mes yeux. Le bruit assourdissant me poussa à me boucher les oreilles, mais je n'avais rien perdu de la scène. Je vis pratiquement le soubresaut de l'air tant ça avait été bruyant. De tous les scénarios possibles, je n'avais pas envisagé celle-là. Une défense était comme une dent : c'était horrible lorsque ça se brisait. Pourtant, la douleur ne transperçait à aucun moment son regard. Au contraire, une fumée blanchâtre surgit de la défense brisée. Puis, sous mes yeux ébahis, la défense se lissa comme si ça avait été tranché, et non cassé.
Je le fixais encore, ou du moins, jusqu'à ce qu'il reprenne la parole.
— Je t'offre un morceau de ma défense, jeune mage. Sers-toi s'en pour protéger la flora.
Encore sous le choc, je ne pus que regarder le Gardien s'approcher de moi pour me donner une partie de sa défense. Un immense frisson m'envahit lorsque le morceau d'ivoire se retrouva dans ma main. Je percevais la magie qui en exultait de manière significative. Ce n'était pas un simple os dont la magie ne l'avait pas encore tout à fait quitté : cet objet était vivant et empli de magie. Je pouvais sentir le bourdonnement de sa puissance.
Ça eut l'effet d'agir comme un électrochoc sur moi. Je sortis de mon ahurissement pour regarder le Gardien dans le blanc des yeux. Je ne comprenais pas pourquoi il m'offrait un morceau de sa défense. C'était comme si je venais de m'arracher une dent à main nue ce qu'il venait de faire. Je n'en revenais pas. Et il me l'offrait sans rien me demander en retour que de protéger la flora.
— Pourquoi, Gardien ? finis-je par demander, perdu.
— Parce qu'elle est à la fois la plus vulnérable et la plus puissante. Et maintenant, pars avant que les humains ne te chassent une nouvelle fois.
Le Faesidh se détourna de moi, me congédiant. Je demeurais un court instant immobile avant de tourner les talons. En me dirigeant vers la sortie, je ne pouvais qu'observer le flux incessant de mes pensées. Comment ne pas être complètement largué alors que le Gardien avait volontairement offert un morceau de ses précieuses défenses ? Sa valeur était inestimable tant il était gorgé d'énergie magique. Il était un vrai radin, toujours à vouloir plus que ce qu'il donnait, mais là, il était bien trop généreux.
— Tout ça à cause de cette histoire de flora... Mais qu'est-ce que c'est, une flora ?!
Ils allaient tous me rendre chèvre à ce rythme. C'était trop demandé de savoir ce que signifiait « flora » ?
Je relevais la tête en entendant le gémissement du vent. J'étais sorti de la grotte. Je serrais ma veste doublée entre mes doigts. Même si le vent m'agressa, je pris une seconde pour regarder le ciel. Le soleil se levait à l'horizon, me rappelant que dans cette grotte, le temps n'agissait pas de la même façon. Alors que mon entrevue avec le Gardien avait sans doute duré moins d'une heure, dans la réalité, deux jours s'étaient écoulés. J'ignorais pourquoi le domaine du Gardien déformait seulement la temporalité, ce ronchon n'ayant jamais voulu me l'expliquer. Mais quand il s'agissait de me voir m'écrouler sous les effets secondaires du Domaine, aucun problème pour le Gardien.
Connard.
Je fermais les yeux en laissant le contrecoup du retour au présent se dissiper. Heureusement, c'était passager : sensation de vertige, légères nausées et un sentiment d'étourdissement. Quand le tout s'estompa, j'invoquais à nouveau le pouvoir de Timise.
Même si j'avais terminé ma tâche, il me restait encore à rentrer sans me faire repérer. La veille, la grande masse de nuage m'avait caché des yeux indiscrets. Malheureusement, ce n'était pas le cas en ce moment. Le ciel s'était éclairci ce matin et je ne pouvais pas traîner ici : il faisait bien trop froid !
— Bon, allons énerver les gens du peuple qui craignent les Faesidhs...
« Qu'est-ce que j'ai dit, tantôt, garnement ? » gronda la voix télépathique de Timise. Je m'en souvenais, mais il était trop tard.
Je sautais de la niche, tombant dans le vide avant de déployer mes ailes. Les rayons du soleil réchauffaient les plumes sombres qui me recouvraient alors que je me dirigeais vers le manoir, mais également vers les problèmes.
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Comme promis, deux chapitres cette semaine !
Nous revoilà avec Zachir, mais un Zachir que j'avais très très envie de partager avec vous : celui qui est sans froufrous, ni artifices. Un aventurier dans l'âme, un amoureux de l'inconnu et du risque, mais encore un jeune homme qui doit faire sa place dans ce monde.
Et pas facile quand, même si on est un « Grand » pour une majorité de personne, on continue d'être traité comme un enfant...
Qu'est-ce qu'on apprend dans ce chapitre ? On parle un peu plus du pays de Meido, pays voisin au Royaume de Dendérah. (Oui, il faudrait que je fasse une carte, mais sincèrement, je ne connais rien là-dedans 😳)
Dans le tome 1, nous allons survoler les interactions internationales, mais dans le tome 2...
Je ne dirais rien de plus ;)
À la semaine prochaine :D
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