25. Zachir et les Sylphes
PDV de Zachir, à l'extérieur du Manoir volant.
Je sortis rapidement du manoir après avoir enfilé mes souliers cumulus. Ces derniers me permettaient d'être aussi légers qu'un nuage et ainsi me déplacer dans le ciel. Ils étaient très pratiques, surtout lorsque je devais vérifier l'état de mon manoir volant. Par contre, il n'était pas adapté pour les longs déplacements ni pour les combats aériens.
Oui, je confirmais : j'avais testé les limites, avec très peu de blessures quand on y repensait.
Aujourd'hui, ce devait être un jour sans incident notable, peut-être une petite dispute avec Hestia. Au lieu de ça, j'avais dû interrompre mes tâches à cause d'une tempête sortie de je-ne-savais-où. Quand j'avais senti la détresse de Hestia, je ressentis la peur m'envahir. Alors je revenais sur mes pas, j'espérais qu'il ne s'agissait que d'une tempête surgissant de nulle part.
Si c'était l'Institut et ses membres, ils regretteront d'avoir cru pouvoir s'en prendre à ce qui m'appartenait.
Cela faisait maintenant cinq années que j'avais quitté l'Institut de magie, ainsi que ces mages conservateurs. L'Institut de Magie n'était que le lieu où tous les mages se rencontraient et où on pouvait apprendre. Un peu comme une université. Du moins, c'était l'image qui renvoyait aux yeux de tous.
Mais le groupe derrière ce lieu de savoir magique était composé d'une douzaine de grands mages. Enfant, ils m'avaient paru conformistes, trop même. Leur vision de la vie de Mage ne correspondait pas à ce que j'aspirais. J'étais bien trop doué pour être ainsi contraint dans mon apprentissage. Les merveilles de notre monde ne possédaient ni frontières ni règles. C'étaient les humains qui avaient instauré ces limitations, pour des raisons stupides à mes yeux.
Du coup, cinq ans plus tôt, je m'étais détourné d'eux en quittant l'Institut, sans faire de guerre. Depuis, ils me traitaient comme un enfant délinquant qu'on devait ramener à la maison, ce qui me tapait sur les nerfs. Malheureusement pour eux, le soutien que j'avais de certains individus haut placés me protégeait de leur emprise, dont mon employeur anonyme. Ce dernier avait étonnement le bras long. En plus, pour plus de précaution, j'utilisais des noms d'emprunts pour passer incognito : Merlion, Audrick, Ozzy...
Tout cela pour ne pas à avoir à me confronter à eux. Je ne voyais pas pourquoi je devrais me justifier auprès d'eux. C'était leur problème de s'obstiner à vouloir me traiter comme un fauve à dompter.
Je ne voulais qu'être libre : où était le mal là-dedans ?
Heureusement, ça n'avait été qu'une tempête. Par contre, Thalia s'était blessée, et ça, c'était grave. Je grimaçais alors que je la revoyais s'inquiéter davantage du bordel que d'elle-même.
— Non, mais elle ne pense jamais à elle, ou quoi ?! maugréai-je à voix haute de mauvaise humeur. C'est une vieille folle...
— On ne parle pas ainsi d'une gente dame, Zachir, répliqua une voix douce de jeune homme.
Je lançais un regard à Cifer qui venait de montrer son nez. C'était l'un de mes compagnons, un Faesidhs ayant accepté un contrat avec moi. C'était un maître de l'artisanat et de la métallurgie, et c'était un ami qui m'avait permis de fuir l'Institut. Sans lui, je n'aurais jamais pu construire le Manoir, et me cacher du Cercle des Mages.
— Si tu étais à ma place, tu comprendrais, rétorquai-je à mon tour avant de changer de sujet. Au fait, tout va bien dans la salle des machines ?
— Oui, mais je vais vérifier l'état de tout le système : gère les dégâts dehors, mage.
Promenant mon regard sur l'immense structure volante, Cifer disparut pendant que je regardais notre œuvre. La structure fonctionnait avec un système semblable à celui d'un voilier et d'un dirigeable. De nombreuses voiles étaient tirées sur chaque pointe du manoir, gérées par un mécanisme qui faisait en sorte qu'elles maintenaient un cap grâce aux courants d'air ascendants. Le dessous du manoir était un grande plateforme, cachant la machine complexe qui permettait de faire voler l'engin grâce à un système de double gravitation. Le tout était connecté à la magie d'Hestia et de Cifer, comme une extension d'eux-mêmes.
Ça m'avait pris une année pour concevoir l'endroit, mais c'était également l'une des inventions les plus incroyables jamais réalisées. J'avais même gagné un prix quand j'étudiais encore à l'Institut. Du moins, c'était arrivé avant qu'on n'essaie de saisir mon invention.
Quelques voiles avaient été arrachées à cause des rafales et l'un des mâts était tombé sur l'un des propulseurs à air. Cela avait dû causer les secousses qui ont tout brisé dans le manoir, mais quelque chose clochait. En regardant le ciel et ses composantes, rien ne semblait indiquer qu'une tempête se serait levée. En y prêtant une plus grande attention, je détectais des résidus de magie. Ces derniers ne possédaient par contre aucune origine précise, comme si on avait effleuré un piège ensorcelé laissé là.
Étrange, mais pas impossible.
Préférant attaquer ce que je pouvais contrôler, j'entrepris de retirer le mât brisé pour le remettre à sa place. Je fermais les yeux, appelant la magie à moi. Prenant d'amples respirations, je laissais ma présence prendre de l'expansion. Je faisais ce qu'on appelait un étalage de son aura magique, ou plus vulgarisé, c'est un appel que les créatures merveilleuses ressentaient. Dépendamment des éléments fondamentaux de notre magie, on attirait ces dernières selon l'affinité qu'elles partageaient avec nous.
Rapidement, je perçus la présence de Faesidhs. En ouvrant mes paupières, je fus surpris par le nombre qui avait répondu à mon appel. Je m'attendais à voir Timise, un Faesidhs avec qui j'avais passé un contrat. Il était une immense rapace aux ailes sombres, poussant de grands cris perçants qui s'apparentaient au bruit du tonnerre. Il était un solitaire qui aimait voler la nuit et dont son péché mignon était de la viande tendre.
Or à sa place, il y avait une dizaine de sylphes, ces créatures composées de l'air le plus pur. Ils étaient accompagnés de l'une des plus puissantes créatures célestes : un hippogriffe. Il ressemblait à un cheval ailé avec la tête et les membres antérieurs d'un aigle. Son plumage était couleur argent, tirant sur le blanc. Ses grands yeux pâles furetaient sur chacun des jeunes sylphes ici présents. Ce roi des cieux semblait être là pour surveiller les jeunes sylphes présents. J'étais impressionné par la grâce de celui-ci, même si je sentais à quel point il était vieux.
— Bonjour peuple sylphe, vénérable Hippogriffe, saluai-je avec politesse, encore abasourdi par leur apparition.
Les petits sylphes, autant de garçons que de filles, se mirent à virevolter autour de moi. Ils avaient des pattes d'oiseaux et la quasi-intégralité de leur corps était celle d'un oiseau. Le bout de leur aile était semblable à celle des chauves-souris avec des doigts griffues. La couleur de leur plumage variait de six tons, selon les affinités d'après mes recherches.
Les voir faire leur ballet aérien m'inspira un ruban d'arc-en-ciel qui virevolte dans le ciel. Ils étaient des enfants, jouant et s'amusant, mais ils ne fallaient pas les sous-estimer. Ils n'étaient pas issus de l'élément air, ils l'étaient. Et que fut ma surprise lorsque l'un d'eux s'exclama :
— Ce mage sent la flora !
— Oui ! Où est la flora ? répliqua un autre, bousculant l'un de ses compagnons.
Je me retins de froncer les sourcils, largué par leurs propos. Une flora ? De quoi parlait-il ?
Ils tournoyaient autour de moi avec insouciance, effleurant par moment mon habit.
— Ça suffit, les enfants, gronda gentiment l'hippogriffe aux élémentaires de l'air, les ramenant à l'ordre. Nous sommes là pour répondre à l'appel du mage. Aidons-le.
Je me tournais doucement vers la majestueuse créature, étonné de l'entendre parler. Ce dernier sembla ne pas être dérangé d'être auprès d'un mage, ce qui était assez surprenant pour de tels êtres. Les Faesidhs célestes se mêlent rarement des affaires des mages, préférant nous observer. Le fait qu'ils aient répondu si rapidement à mon appel m'intriguait.
Cependant, je ne posais pas mes questions, préférant attendre après les réparations. Avoir leur aide accéléra grandement le processus, ce qui m'arrangeait bien. Quelques-uns d'entre eux avaient créé un microclimat stable où ni le vent ni le froid ne m'importunaient. Quant à d'autres, ils ont accepté de me prêter main forte en m'offrant leur magie. Je fus en mesure de reconstituer le mât, comme si ce dernier n'avait jamais rompu. Puis, je fis halte sur chacune des vitres pour vérifier qu'aucune n'était fissurée ou éclatée.
Me prenant au dépourvu, j'entendais les jacasseries des sylphes non loin de moi. Je leur jetais un coup d'œil pour les voir jouer sur une zone de cour que je n'avais jamais entretenue. Pourtant, je voyais que quelqu'un (Thalia à coup sûr) l'avait aménagé : on avait entrepris d'y faire un jardin à vue de nez. Diverses plantes et fleurs avaient été empotées ici et là, et je discernais un petit sentier où les herbes avaient été couchées. Quelqu'un s'y rendait souvent pour s'occuper de toutes ces jeunes pousses.
Je m'apprêtais à m'approcher, mais l'hippogriffe m'intercepta. Je reculais, surpris par son arrivée soudaine, mais également du fait qu'il me bloquait volontairement le chemin. Cette attitude frontale me fit serrer les dents, mais je respectais la force de la créature en face de moi. Je n'aimais peut-être pas être brimé, mais je n'étais pas pour autant suicidaire.
— Jeune mage, ne te fais pas de soucis, me rassura le Faesidh de sa voix perçante, mais grave. Les sylphes apprécient le jardin. Je crois que même certains viendront s'assurer que ce dernier ne subisse pas les intempéries des hautes altitudes.
— Mais pourquoi ? m'enquis-je, saisissant l'opportunité d'avoir des éclaircissements. Qu'est-ce qu'il y a de si intéressant ?
La majestueuse créature céleste me regarda longuement. Je me retins de sourire, trouvant que ce vieux hippogriffe me rappelait Hestia. Par contre, je ne souriais pas de joie, mais plutôt dû au malaise qu'il m'inspirait.
À leurs yeux, mes congénères humains étaient souvent considérés comme étant stupides. L'esprit du foyer ne se privait pas de dire en autre que « les humains ne voient jamais bien plus loin que le bout de leur nez ». Et mon petit doigt me chuchotait que c'était le même genre de réflexion que se faisait mon interlocuteur.
Et malgré ma facade imperturbable, je détestais passer pour un idiot.
— Tu aimes découvrir par toi-même, mage orgueilleux. Alors, découvre pourquoi ces jeunes sylphes apprécient ce jardin.
Poussant un long cri comme signal, les sylphes rejoignirent le patriarche des airs. Chacun d'eux quittèrent le manoir volant en gazouillant, suivant de près celui qui les surveillait. Je les regardais un long moment alors que mes souliers cumulus me ramenaient au sol, dans le fameux jardin.
C'était définitif, cet hippogriffe m'énervait royalement avec ces réponses un brin trop mystérieuses. Et encore plus quand il parvenait à avoir raison.
— Qu'y a-t-il dans ces lieux qui vous intéressent vous, les Faesidhs ? me demandai-je alors qu'ils disparaissaient dans les nuages.
J'observais un moment le jardin. Certes, il n'était qu'à ses prémices, mais on voyait que Thalia s'en occupait bien. Quelques fleurs avaient même déjà commencé à apparaître, sans doute grâce à l'intervention des sylphes. En y prêtant attention, on sentait qu'il y faisait plus chaud que d'ordinaire. Aucune rafale de vent ne se faisait sentir, même s'il était possible d'entrevoir les monts enneigés.
— Eh bien, les sylphes ont été bien généreux. Je devrais également m'assurer que ce coin ne manque de rien. Ainsi, j'aurais d'autres occasions pour les voir et en savoir plus sur eux.
Observant une fleur déjà éclose, le souvenir de cette demoiselle que j'avais secouru me revint brutalement. Les fleurs dont elles s'occupaient semblaient aussi heureuses que celles que je voyais. Surpris par le souvenir de cette demoiselle, je fermais les yeux. Je me trouvais bête de penser à une fille qui ne s'intéressait même pas à moi, et qui en plus, ne désirait pas être courtisée. Je savais reconnaître et accepter lorsqu'une demoiselle était intéressée ou non.
Repoussant l'image de cette sauvageonne, je revins à l'intérieur. Je lançais un regard à la dérobée, constatant que mon sort pour ranger le bordel avait accompli sa tâche. Retirant les souliers cumulus, je rejoignis Hestia près du feu. Thalia s'était assoupie. Elle était couchée sur le ventre, une jambe relevée par un coussin sur son genou blessé. Elle avait placé son oreiller sur sa poitrine, la tête blottie dans son coude. La voyant ainsi étendue, elle m'évoquait davantage une jeune fille qu'une vieille dame.
Plus je la regardais, plus je la trouvais bizarre cette vieille femme. Je la trouvais quasiment adorable, ainsi positionnée.
— Je crois que son petit cœur n'était pas prête à autant d'émotions, plaida Hestia qui regardait dans la même direction que moi.
— En effet, à son âge, il faut être prudent, répondis-je pour la forme, perdu dans mes pensées.
Je me détournais de la femme assoupie pour me pencher vers Hestia.
— Et toi ? Comment tu vas ?
— J'ai seulement eu peur pour Thalia. Seule, j'aurais patienté avant de te contacter.
Je souris doucement alors que je voyais la Faesidh tenter de paraître forte. Pas qu'elle cherchait forcément à me mentir, mais elle avait sa fierté. Elle comme moi, nous savions que nous étions beaucoup plus forts ensemble que séparés.
Effleurant délicatement ses plumes, je la regardais frémir sous mes caresses. Elle me lança un regard sans rien dire.
— Compte-tu repartir ? finit-elle par me demander, son regard toujours plongé dans le mien.
— ... Je partirais plus tard, lorsque tu auras accosté le manoir dans un endroit sûr.
Je détournais le regard en premier avant de prendre la direction de la douche. J'avais la tête bien trop en vrac pour oser m'attarder sur tout ce que j'avais vu et entendu aujourd'hui. L'intervention miraculeuse des Faesidhs, cette histoire de flora ou encore cette perturbation anormale, tout ceci ne m'inspirait rien de bon.
J'avais besoin d'un bon bain chaud !
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Et voilà, on commence à découvrir Zachir sous une facette plus tendre... Et aussi, beaucoup plus impatient !
Autant il aime apprendre par lui-même, autant il déteste être pris pour un idiot. Il sent qu'il lui manque une partie, une pièce du puzzle, mais pourquoi ce mystère ? Hmm, les Faesidhs vivent et réfléchissent selon un modèle différent de Humains, et Zachir le sait. Mais c'est frustrant.
Et vous, que diriez-vous ?
À la semaine prochaine avec... Thalia !
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