10. Thalia se réveille ailleurs
PDV de Thalia, quelques parts d'inconnu.
En sortant doucement du sommeil, j'entendis un remue-ménage qui me fit gémir. Heureusement, je n'avais plus froid. Au contraire, je me sentais si bien sous cette couverture chaude.
Attendez. Une couverture ?
Je me redressais aussi rapidement qu'une vieille femme pouvait le faire. Le temps de me dépêtrer de ma cape doublée, je découvris un petit garçon et un lieu inconnu. Il sauta sur ses deux pieds, s'écriant :
— La dame est pas morte !
Je clignais des yeux, abasourdie par cet étrange accueil. Puis l'état des lieux me sauta au yeux, m'arrachant un second hoquet. Même ma chambre, enfant, était plus propre que ça ! Quoique il manquait plutôt d'organisation en y faisant plus attention.
Je laissais mon regard vagabonder dans la pièce, oubliant momentanément l'enfant.
Malgré le bordel, on sentait que les lieux étaient aimés et tout de même minimalement entretenus. Le foyer près de moi avait la forme d'un demi-cercle haut avec un petit four en-dessous. Le plafond n'était pas haut, mais il y avait plusieurs fenêtres, ensoleillant difficilement les pièces. La table de cuisine se trouvait à quelques mètres du foyer. Elle était pleine de bric-à-brac tout comme les autres meubles. J'étais assise sur le seul canapé du petit salon, collé contre les escaliers. Les murs étaient d'un rouge défraîchi où quelques tablettes gardaient toutes sortes de choses inconnues à mes yeux. Devant les marches, je vis une porte sans savoir ce qu'il y avait derrière. Je présumais que les chambres devaient être à l'étage.
L'enfant attira de nouveau mon attention alors qu'il s'approcha de moi prudemment. Il avait un teint de peau basané comme ceux des nomades de l'Ouest, et il était plutôt grand pour un jeune garçon. Il portait un pantalon brun simple avec une chemise et un gilet bleu. Il avait les cheveux courts et hirsutes ainsi que de grands yeux sombres. Il fronçait les sourcils à mon égard, osant demander :
— Qui êtes-vous, madame ? Une sorcière ?
— Que peux-tu être idiot, garnement ! s'exclama une nouvelle voix féminine, m'empêchant de répondre.
À la fois surprise et pas tout à fait réveillée, je cherchais à qui appartenait cette voix. Finalement, je vis une très petite fille près du feu, à moins d'un mètre de moi. Mon cerveau endormi prit un moment avant de réaliser ce que je voyais : c'était une créature merveilleuse, un de ses fameux esprits divins !
La créature en question tourna la tête vers moi, son apparence me clouant sur place. Elle devait à peine dépasser mon genou tant elle était petite. Elle ressemblait à un étrange mélange entre un oiseau et un dragon à mes yeux, le tout avec un corps humanoïde. Ses plumes étaient d'un magnifique rouge écarlate tandis que sa peau était une teinte plus pâle, mais je ne voyais pas d'ailes. Le plus incroyables étaient ses prunelles fendues : elles avaient la couleur vacillante du feu, passant par toute la palette du orange avec parfois du vert et du bleu. De petites canines se posaient sur ses lèvres de couleur rouge vin. Ses petites mains possédaient des griffes sombres et acérées à la place des ongles.
La créature merveilleuse prit à nouveau la parole, se présentant :
— Je m'appelle Hestia, l'esprit du foyer... Ou démon pour certain. Que faisais-tu devant ma maison ? Ce n'est pas conseillé de sortir aussi tard et de se perdre.
Je regardais la dénommée Hestia, complètement fascinée par son apparence. Je n'avais jamais rencontré d'esprit ou de démon, mais je la trouvais magnifique. Je sentais que je souriais bêtement, mais je ne pouvais m'empêcher face à la première créature magique que je voyais. J'étais à la fois effrayée et émerveillée par cet esprit.
Cette dernière me répéta sa question, me sortant brusquement de ma contemplation.
— Oh, pardon..., m'exclamais-je avant de répondre. J'ai dû quitter mon foyer à-à... cause...
Je me tus sans m'en rendre compte tandis que je revoyais la Sorcière dans mon esprit. Je sentis mon cœur se glacer alors j'entendais sa voix comme si elle serait à mes côtés, chuchotant dans le creux de l'oreille.
« Cauchemars et rêves, le premier est l'épreuve du second. La rivière des songes te mènera vers eux que tu résistes, ou non. Cache toi, car ceux qui te connaîtront t'oublieront. Seule tu essuieras l'affront.
Quand tu demanderas de l'aide, tu te souviendras des mots et tu sauras que tu devras revenir à moi. »
Je posais une main sur ma poitrine dans une vaine tentative d'apaiser cet impression d'étau autour de mon cœur. Je me sentais trembler alors que j'étais envahie par la peur. Et s'il y avait un danger à expliquer ce qui s'était passé ? Je me rappelais parfaitement bien de ces mots, comme s'ils avaient été gravés dans mon esprit. Par contre, je ne comprenais rien quant à la signification de ce maléfice. Je n'avais que deux certitudes : j'étais une vieille femme et que je ne pouvais pas compter sur les autres. Comment demander de l'aide si on ne peut pas demander de l'aide ?!
Je fus surprise par mes propres larmes et mes sanglots. Je me sentais démunie, complètement impuissante. Pourquoi m'avoir ciblée, une fille quelconque comme moi ? Qu'avais-je bien pu faire pour attirer l'attention de cette Sorcière légendaire ?
Je souhaitais tellement que ce ne soit qu'un mauvais rêve. Que ce soir-là n'ait jamais existé.
Le petit garçon me regardait avec gêne et pitié avant de se tourner vers l'esprit du foyer. Elle me fixa de son regard de feu avant de répondre au garçon :
— Elle n'est pas une menace pour nous, petit garnement. On va lui préparer une tasse de tisane.
Surprise par ces mots, j'avais l'impression qu'on venait de me retirer un poids de sur mes épaules. J'avais un répit sur cette mésaventure sans queue ni tête. Dans un état second, je les regardais dans leur environnement. Hestia s'envola dans la pièce, sans jamais s'éloigner du foyer. Elle récupéra une bouilloire qu'elle donna au petit garçon. Ce dernier la regardait surpris, mais s'empressa de remplir la bouilloire d'eau.
— Mais, maître Zachir ne...
— ... Dira rien, dit Hestia, interrompant l'enfant qu'elle regardait à ce moment-là.
Mes yeux s'étaient écarquillés à la mention du célèbre magicien Zachir, éjectant par la même occasion mes pensées moroses. Zachir serait-il le propriétaire des lieux ?
Depuis cinq ans maintenant que je suivais ces folies. On disait qu'il était l'un des plus grands mages que le monde n'ait jamais vu. D'où la raison pourquoi bien des gens se disputaient pour ses talents. Heureusement que ce n'était pas le magicien Ozzy. On disait de lui qu'il usait de la magie pour séduire les femmes.
Quoique je n'ai jamais entendu parler de leur physique à ces illustres magiciens. Je me demande bien à quoi pouvait ressembler le magicien Zachir. Cependant, je gardais toutes mes questions dans un coin de mon esprit, opprimant ainsi ma curiosité.
De toute façon, si c'était bien sa maison, je finirais par le croiser, non ?
L'esprit du foyer me ramena au présent tandis qu'elle poursuivait sa tirade au petit garçon :
— Je m'en occuperais. Après tout, c'est moi qui s'occupe du manoir. Tant qu'elle ne représente pas un danger pour l'un d'entre nous, je ne vois pas pourquoi je la chasserai.
Elle posa à nouveau son regard sur moi, sans jamais sourire. Une partie de moi trouvait cela désolant de ne pas la voir sourire. Et une autre partie de moi était tellement reconnaissante de ne pas être chassée tout de suite.
Me ramenant à nouveau sur terre, Hestia me posa une nouvelle question :
— Comment te nomme-tu, mamie ?
Je clignais plusieurs fois des yeux avant de me souvenir que j'étais rendue une vieille dame. Me résignant à ma condition, je baissais les yeux en prenant sur moi la « mamie ». Je lui répondis poliment :
— Je m'appelle Thalia, miss Hestia.
Un rire surgit brusquement dans la pièce. Cela me prit tellement au dépourvu que j'eus un mouvement de recul. Le rire venait de l'esprit du foyer. Elle se tordait, roulant dans les braises et les cendres. Je rougis spontanément, me demandant quelle bêtise ou blague avais-je dit.
— C'est pas bien de se moquer, grommelai-je, piquée au vif par son rire.
— Ouais, je l'aime bien, notre nouvelle mamie Thalia. Eh, petit garnement ! L'eau est prête.
En contradiction à ses paroles, son visage ne montrait pas de sourire, mais il se fit plus doux. Le petit garçon s'approcha avec une tasse tandis que la fillette du feu versa l'eau dans la tasse. L'herbe avait dû être mis avant, car elle changea de couleur. Puis, l'enfant m'apporta la tasse.
— Tenez, mamie. Je m'appelle Lucaï. Enchanté de faire votre connaissance !
— Enchanté, Lucaï, lui répondis-je, sous le charme du petit garçon.
J'acceptais la tasse avant de souffler doucement sur la boisson. Elle sentait le citron et l'hibiscus, des odeurs que j'aimais bien même si j'aurais préféré du café. Je bus une petite gorgée qui me réchauffa de l'intérieur. Je me détendis, me sentant enfin bien après ces dernières 24 heures. Cependant je refusais de ressasser mes problèmes.
Je ne voulais plus y penser. Pas pour le moment.
Me sentant mieux après une seconde gorgée, je me tournais vers les deux gens présents. J'avais beaucoup de questions à leur poser, autant demander la permission. Je ne voulais surtout pas froisser Hestia.
— Puis-je vous poser des questions ?
— Ma foi, ça dépend, répondit du tac au tac la fillette de feu.
Plus l'esprit du foyer parlait, plus je l'appréciais. Son franc-parler me plaisait, et cela élevait encore plus l'idée que j'avais d'elle : une incroyable créature qui ne craignait rien. Lucaï acquiesça pour confirmer la condition imposée par Hestia. Je réfléchis à mes questions, commençant par celles qui me semblaient être justifiées. De toute façon, j'étais habituée à poser bien trop de questions, alors les réprimer était naturel pour moi.
— Dois-je m'en aller ? Je ne voudrais pas imposer ma présence ici.
— ... J'en parlerais avec Zachir, me rassura-t-elle, malgré son ton de voix bourrue. Pour ma part, tu ne me déranges pas. Et toi, garnement ?
— Moi je la trouve gentille, marmonna l'enfant en jouant avec ses doigts.
Je me sentis rassuré de savoir que j'avais enfin un endroit où me poser, même si ce n'était que temporaire. Je finis ma boisson tandis que Lucaï prit du pain et du fromage comme déjeuner. Je regardais la scène, avant de demander prudemment :
— Dites, puis-je faire quelque chose pour vous remercier ?
Lucaï leva la tête pour me regarder avec surprise et hésitation. Je haussais un sourcil jusqu'à ce qu'il se tourne vers Hestia. Celle-ci s'était étendue dans les braises. Un petit silence s'ensuivit avant que l'esprit ne dise :
— Je ne peux rien faire quand il s'agit de l'eau. Tu pourrais faire quelques tâches ménagères et la cuisine. Ça aussi, je ne peux pas.
J'acquiesçais vigoureusement de la tête. Me relevant, je lissais ma robe avant de m'approcher du levier. Je grimaçais face au désastre qui m'attendait. Je lançais un regard sceptique au petit qui évitait le mien. En même temps, je le comprenais : j'aurais aussi abandonné face à autant de vaisselle sale. Je soupirais avant de me mettre à la tâche. Je fredonnais doucement, organisant le tout pour être le plus productive possible. J'avais faim, et je tenais vraiment à remercier Hestia et Lucaï.
Après avoir laver ce dont j'avais de besoin, je me dirigeais vers le buffet rempli de nourriture. Rapidement, je choisis tout ce qu'il me fallait pour préparer une recette de mon cru. Puis, je m'approchais du foyer quand je vis Hestia qui semblait dormir. Je me figeais sur place, ayant du scrupule à la déranger. Elle me surprit en ouvrant ses paupières pour poser ses yeux de feu sur moi. Elle ne parla pas, comme si elle attendait que je prenne parole. Mal à l'aise, je déglutis avant de proposer mon idée :
— Me permettez vous de préparer le repas, miss-
— Pas de miss, m'interrompit-elle. Et pas de vous.
— ... Hestia, me permet tu de faire le repas ? me corrigeai-je. Je voudrais vous faire une salade déjeuner à base de pommes de terre avec une sauce béchamel. Je vous promets que c'est super bon !
Elle regarda les ingrédients, son regard envahi par la curiosité. Puis, elle acquiesça silencieusement avant de changer de forme sous mes yeux. On aurait dit qu'elle rejoignait les flammes jusqu'à faire un avec. Je demeurais un moment ébahie par la scène avant de commencer le repas, encore stupéfaite. Je positionnais ma poêle et mon chaudron sur le feu, préparant la recette.
Au bout d'une demi-heure, le repas était pratiquement prêt. Lucaï ne cessait de me tourner autour, répétant inlassablement « c'est bientôt prêt ?». Au début, c'était mignon, mais après une dizaine de fois, je le trouvais un peu agaçant. J'entrepris donc de le fixer tout en fronçant les sourcils jusqu'à ce que le gamin s'éloigne en bougonnant. Dès qu'il tourna le dos, je souris doucement. Je comprenais Papa de souvent faire ses gros yeux sans rien dire pour nous rendre mal à l'aise. Ça fonctionnait et c'était plutôt drôle !
Bon, je ne devais pas abuser de ce tour non plus.
Lorsque la sauce eut fini d'épaissir, je m'exclamais sans entendre le bruit de la porte qui s'ouvre :
— C'est prêt, je vous-
— Maître Zachir ! s'exclama le petit garçon.
Je perdis momentanément mes moyens. Je bredouillais des excuses à Hestia, espérant ne pas lui avoir manqué de respect en faisant tomber le chaudron sur ce que je présumais être elle. Celle-ci s'était heureusement écartée en reprenant forme humaine avant que je lui fasse mal. J'entendis une porte se refermer et je pris la fuite en baissant la tête. Je me trouvais un peu niaiseuse d'agir ainsi, mais l'ambiance avait changé, devenant subitement tendue.
Un silence angoissant résonna. Je jetais un petit coup d'œil en direction du propriétaire des lieux.
— Eh bien, nous avons de la visite. Vous êtes ?
Je poussais un cri en reconnaissant ce visage : c'était le magicien qui m'avait ramené à Beltaine. Alors le fameux magicien Zachir était ce jeune homme ?
Vraiment ?
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Premier mercredi depuis la publication de l'histoire !
Et voilà, les chemins de Zachir et Thalia se recroisent enfin !
Personnellement, je suis surtout contente de vous présenter Hestia et Lucaï. Deux personnages que j'aime particulièrement.
Et vous, quels sont vos impressions sur eux ?
Et Thalia, pauvre Thalia, elle n'est pas au bout de ses peines ! Revoir le magicien du soir de Beltaine pour découvrir que c'est son idole. Et Zachir, que fera-t-il en découvrant l'invité surprise de Hestia et Lucaï ?
À votre avis, que va-t-il se passer ? Comment va réagir Thalia en faisant à nouveau face au mage, sans être physiquement la même ? Et lui, va-t-il la reconnaître ?
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