Chapitre 31 - Un ami pour la vie
— Alors comme ça, tu veux rendre jalouse ma petite Grace ?
Ç'a été la première phrase de Cam quand il a passé le pas de ma porte. Un sourire amusé s'est dessiné sur mes lèvres, reflétant le sien.
— Je crois que tu veux me faire porter le chapeau pour ton propre crime, l'ami, ai-je répondu en décochant un clin d'œil.
— Comment oses-tu ?
Une lueur pleine de malice s'est mise à pétiller dans ses yeux et il m'a attrapée pour me frotter le crâne, formant un nid de cheveux sur ma tête.
— Hé ! Arrête ça !
Je me suis débattue comme une guerrière et ai finalement réussi à me libérer de ses bras. On s'est mis à glousser comme des gamins de deux ans et, sans vraiment que je m'en rende compte, on s'est retrouvés dans le canapé, à regarder un film d'horreur en dévorant des Doritos.
— Tu vois, je ne comprends pas. Pourquoi elle ne dort pas la lumière allumée ? C'est complètement idiot avec le démon qui hante sa mère depuis qu'elle est petite ! s'est agacé Cameron en levant se poignée de chips devant lui, comme pour se donner contenance devant un auditoire.
J'ai gloussé.
— Et la facture d'électricité, t'y as pensé ? De toute façon, il y a la lumière du panneau clignotant devant sa chambre, c'est bien suffisant.
Cam s'est tourné brusquement dans ma direction en me lorgnant d'un regard mauvais.
— Tu rigoles ou quoi ? Toutes les deux secondes elle manque de se faire buter et toi tu trouves ça suffisant ? T'as des problèmes, ma vieille.
— Non, j'ai juste le goût du risque.
Mon sourire mutin l'a fait éclater de rire. Il m'a lancé un Doritos au visage que j'ai rattrapé de justesse.
— Rappelle-moi de ne jamais te faire confiance si on est poursuivis par un esprit vengeur.
Je me suis mordillé la lèvre en répondant :
— Au contraire, tu ne sais pas à quel point tu serais en sécurité avec moi, si c'était le cas.
Cette fois, Cameron m'a examinée, une lueur étrange tournoyant dans ses iris noirs et un frisson m'a parcouru l'échine. Pendant un instant, le silence nous a enveloppés, l'air s'est raréfié et je me suis demandé d'où venait cette sensation mystérieuse qui m'envahissait.
Puis un hurlement a retenti dans le téléviseur et nous avons tous les deux sursauté.
— Merde ! Je t'avais bien dit que le néon n'était pas suffisant ! s'est indigné Cam en m'attrapant le genou et en le serrant fort.
J'ai caché mon sourire derrière ma main : il m'avait dit aimer les films d'horreur, mais en réalité, je sentais bien qu'il était terrorisé et c'était adorable. Voyant son teint pâlir d'une façon presque inquiétante, j'ai posé mes doigts sur les siens et nous avons poursuivi le film dans cette position.
C'était drôle, je n'avais jamais eu de petit frère et, avec Juliette – que je percevais plus ou moins comme ma sœur – je ne m'étais jamais sentie l'aînée. Pourtant, ce soir, à rassurer mon ami devant un film d'épouvante, un sentiment d'affection nouveau s'est mis à couler dans mes veines.
Certes, j'appréciais beaucoup Cameron, mais jusqu'à aujourd'hui, il n'avait été qu'un ami. Ce soir, tandis que tout le monde m'avait délaissée, ma famille étant partie au Coven, Kitty n'ayant pas plus répondu que Neven et Nathan étant reclus à Londres, la présence du garçon comptait beaucoup.
Je me sentais en sécurité, je me sentais... en famille. Je n'ai pas pu retenir les mots qui se sont alors échappés de mes lèvres :
— Tu sais, Cam, je t'aime beaucoup.
L'intéressé m'a dévisagée avec une expression suffisante.
— Bah alors, Clarke, tu n'as pas su résister à mon charme ? Je te croyais pourtant folle amoureuse du beau Neven Arsher...
Je lui ai administré une tape sur la tête.
— Pas comme ça, imbécile ! Je voulais dire : je sais qu'on ne se connaît pas depuis super longtemps, mais je crois que je te considère presque comme un frère. C'est bizarre, hein, c'est soudain. Mais... je ne sais pas comment expliquer... Je me sens super à l'aise avec toi, super bien et...
Et ma voix s'est éteinte dans ma gorge. Non mais qu'est-ce qui m'avait pris ? Faire une déclaration d'amour à un type que je connaissais à peine et qui – comble de l'ironie – plaisait à toutes les filles ? Il allait me prendre pour une cinglée qui lui vouait une obsession inavouée depuis le début de l'année.
Détournant la tête, j'ai fait mine de me concentrer sur l'écran, sentant son regard ardent me brûler les joues. Au bout de ce qui m'a semblé durer une éternité, Cameron a enfin réagi, et son comportement ne m'a pas laissée indifférente : il s'est marré.
— Hé !
J'ai essayé de le frapper à nouveau mais il m'a bloqué le poignet et me tirant vers lui pour me forcer à le regarder dans les yeux.
— Je comprends ce que tu veux dire, Alya. Moi aussi je t'adore. C'est dingue, je ne me suis jamais rapproché de quelqu'un aussi vite mais, en l'espace de quelques mois, tu es devenue ma petite sœur.
J'ai froncé les sourcils.
— Alors là, on va avoir un problème.
— Pourquoi ?
— Tu es le petit frère et je suis la grande sœur. C'est non négociable.
Cameron m'a lâchée comme s'il s'était brûlé.
— Tu veux rire ? Qui est venu te protéger la nuit où tu avais peur du noir et de la solitude ?
Je me suis mordu la lèvre en me rappelant cette soirée. Cependant, il était hors de question de lui donner raison. Prenant un air supérieur, j'ai rétorqué :
— Et qui a besoin de me serrer le genou pour regarder un petit film d'horreur de rien du tout ?
— Hein ? Mais tu racontes n'importe...
Comme pour prendre parti, c'est ce moment qu'a choisi la télé pour laisser s'échapper un hurlement puis l'écran est devenu noir. Sans réfléchir, Cameron s'est encore agrippé à mon genou et cette fois, je lui ai ri au nez.
— Qu'est-ce que tu disais ?
Ma remarque l'a ramené à la réalité et il a baissé les yeux sur ses doigts, réalisant qu'effectivement, il s'était accroché à ma jambe comme un petit garçon. Et là, chose inimaginable, son visage s'est empourpré. Cameron Lee s'est mis à rougir.
Évidemment, je n'ai pas pu m'empêcher de le lui faire remarquer et il s'est écarté en boudant. Le reste de la soirée s'est passé sur le même ton. Nous n'avons cessé de nous chamailler et de rire aux éclats. De la même façon qu'à notre dernière soirée, nous nous sommes endormis dans le salon.
Je me suis réveillée le lendemain à cause de la douce odeur d'œufs brouillés qui s'échappait de la cuisine. J'ai baillé, avant d'essayer de m'étirer et de ne pas y arriver. Mince, que m'arrivait-il ? Fronçant les sourcils, j'ai tourné la tête et me suis aperçue que Cameron avait décidé de m'utiliser comme doudou pour la nuit.
D'abord attendrie par cette idée, tout mon sang a quitté mon corps lorsque j'ai réalisé que quelqu'un se trouvait dans la cuisine et préparait le petit déjeuner. Cela ne signifiait qu'une chose : mes parents et Juliette étaient rentrés dans la nuit. Donc, ils nous avaient vus. Moi et Cameron. En train de dormir ensemble.
Merde.
Depuis combien de temps me serrait-il comme ça d'ailleurs ? Je me souvenais parfaitement m'être assoupie à côté de ses pieds... comment nous étions-nous retrouvés dans cette position ? L'air s'est coincé dans ma gorge tandis que la panique m'engloutissait.
Sans attendre, je me suis débarrassée des bras de Cameron, tentant de me faufiler hors du plaid pour me libérer de son étreinte. Hélas, c'est en me levant que j'ai compris que nous avions emmêlé nos jambes et, perdant le contrôle de la situation, je me mise à battre des bras dans le vide pour éviter de tomber tête la première sur la table basse.
Au moment où mon corps commençait à glisser dangereusement vers le bout du canapé, deux mains puissantes se sont nouées à ma taille pour me ramener contre le torse chaud de Cameron. Mon cœur s'est mis à battre encore plus fort.
— Bah alors, Clarke, on essaie de filer à l'anglaise ? a-t-il chuchoté à mon oreille, d'un ton rieur.
J'ai rougi si fort que mon visage s'est mis à fumer, du moins, j'en avais la très nette impression.
— Euh... Tu sais depuis combien de temps on se tenait dans les bras ? Tu as entendu mes parents rentrer cette nuit ? Il y a quelqu'un qui fait la cuisine à côté... Tu penses qu'on nous a vus ? Tu...
— Oh là, oh là, du calme !
Calme ? Comment pouvais-je être calme ? Toute m'a famille m'avait probablement surprise en train de dormir dans les bras d'un garçon de mon âge... Ils allaient forcément se faire des idées ! Oh non... Pensaient-ils qu'on avait fait plus que dormir ?
Rongée par l'angoisse, j'ai levé le duvet qui nous recouvrait pour regarder en dessous.
— Tu fais quoi, là ? s'est enquis Cameron d'une voix qui trahissait son envie de rire.
— Je regarde si on voit que nous sommes habillés. Imagine que mes parents pensent qu'on était nus ?
— Nus ?
Cette fois, mon ami n'a pas pu résister à la tentation : il s'est mis à glousser si fort que j'ai senti ses côtes cogner contre mon dos. Oh non, si je pouvais sentir ça, c'est que j'étais vraiment beaucoup trop près. La panique refaisant surface, je me suis tortillée dans tous les sens pour me dégager de ce piège.
Cameron a resserré sa prise autour de mon corps, à mon grand étonnement.
— Arrête de paniquer, petit asticot. Il ne s'est rien passé cette nuit. Je vais dire à tes parents que t'es ma meilleure amie et que j'ai déjà une copine et le problème sera réglé. C'est aussi simple que ça.
Et c'est là que j'ai réalisé qu'il avait raison. Je n'avais pas à m'inquiéter : en réalité, c'était si j'agissais bizarrement que mes parents penseraient que je leur cachais quelque chose. Or, il ne s'était strictement rien passé. Cam était mon ami, un point c'est tout. Et c'était en me comportant le plus naturellement et sincèrement du monde que je pourrais le leur prouver.
Nous avons fini par nous lever pour rejoindre la cuisine et – contrairement à ce que je m'étais attendu – personne n'a remis en doute notre version des faits. Cameron a passé la journée avec nous, encore une surprise, mes parents l'ayant adopté. Il s'est si bien intégré qu'à la fin, il taquinait ma mère sur sa façon de cuisiner, qu'il se moquait de mon père quand celui-ci passait son temps à épousseter la table du salon et il riait de bon cœur avec Juliette à propos de tout et de rien.
Ma mère est allée jusqu'à l'inviter à passer une nouvelle nuit à la maison, lui assurant que cette fois, elle lui préparerait les draps dans la chambre de Nathan et qu'il pourrait donc dormir dans un grand lit.
— C'est très gentil, Elena, mais je dois vraiment rentrer. La reprise des cours est demain et j'ai encore un devoir à finir.
C'est quand il a prononcé ces mots que je me suis rappelé ce que cela signifiait : demain, c'était la date du retour de Neven. Mon cœur a bondi dans ma poitrine. Plus que quelques heures et je le retrouverais. Je n'en pouvais plus d'attendre !
Cameron a surpris mon expression et il a dû comprendre ce que ça voulait dire car il m'a décoché un clin d'œil. J'ai rougi.
— Bon, très bien, si tu insistes... Jem, ramène-le !
— Non, ne vous inquiétez pas, ma mère peut...
— Hors de question de déranger tes parents ! s'est indignée ma mère.
Mon père a alors émergé du salon, un manteau dans une main, des clés de voiture dans l'autre et il a amené mon ami à sa voiture. Cameron nous a fait de petits signes avec le bras tout en me disant « à demain » et finalement, le moteur a vrombi et mon père s'est éloigné.
Nous sommes rapidement rentrées dans la maison, le froid nous glaçant les os et nous avons préparé le dîner. Tout s'est passé dans un brouillard mental. Depuis que j'avais compris que demain, c'était lundi, je ne pensais plus qu'à ça.
Je suis allée me coucher tôt et me suis endormie sans mal, le sourire aux lèvres. Demain,j'allais avoir des réponses. Je ferais en sorte que Neven ne puisse pas m'échapper.Et cette perspective m'enchantait tout particulièrement.
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