Chapitre 10 - Mew
Malgré ce que je laissais paraître, je n'étais pas serein. Je vis les yeux de Gulf s'arrondir d'appréhension à la réception de l'appel de son manager. Je devais le rassurer et le soutenir, sinon la vérité éclaterait en plein jour et je ne le voulais pas, pas aussi vite. Gulf avait fait le premier pas vers moi et m'avait avoué ses sentiments. Il était sincère. Tout le contraire de ce qui s'était passé avec mon ex-partenaire.
Gulf n'était pas Art, il ne me trahira jamais, j'en étais sûr. Cet épisode de ma vie était encore douloureux. C'est l'homme face à moi qui m'avait de nouveau donné l'espoir en l'amour. Je voulais à tout prix garder notre relation en sécurité. Je voulais lui laisser une chance de se développer à son rythme, sans la pression de notre entourage, des fans et des médias. J'étais prêt à tout pour garder Gulf près de moi. Je posai les mains sur ses épaules.
— Respire, lui demandai-je calmement.
Ses yeux, agrandis par le désarroi, se fixèrent sur les miens.
— Réponds et sois naturel.
— Mais... je lui dis quoi ? me répondit-il d'une voix aiguë.
— Que tu es sorti faire une course, que tu as pris un taxi... n'importe quoi. Tu es acteur, tu vas très bien t'en sortir !
Il déglutit péniblement, ses yeux faisant l'aller-retour entre mon visage et son portable qui vibrait toujours. Il décrocha en commençant à déambuler dans la pièce.
— Allo ?
— Ah, Gulf ! Enfin. Je commençai à m'inquiéter ! où es-tu ? Je suis chez toi depuis un moment et tu ne répondais pas.
— Désolé, Phi. J'ai oublié de te prévenir... Je suis parti de bonne heure, pour... euh...Gulf me jeta un coup d'œil paniqué, faire une course... Un nouveau jeu vidéo que je voulais absolument ! lança-t-il avec un sourire triomphant.
— Pff ! Toi et tes jeux vidéo ! C'est une vraie drogue chez vous les jeunes. Où es-tu, je viens te chercher.
— Pas la peine, Phi ! répondit-il rapidement, trop rapidement. Je m'approchai de lui, il devait garder son calme. Je pointai mon doigt vers ma poitrine, en essayant de lui faire passer un message silencieux. Il m'observa en fronçant les sourcils, puis son visage s'éclaira.
— Je suis tout près de chez Mew, je vais l'appeler pour qu'il me récupère. Nous irons ensemble à l'atelier. Je pourrai lui montrer mon nouveau jeu, il va adorer.
Je levai mon pouce pour le féliciter de sa vivacité.
— Ok, je te retrouve là-bas. à tout à l'heure...Hé, Gulf ?
— Oui, Phi ? demanda-t-il d'une voix où pointait l'inquiétude.
— Préviens-moi la prochaine fois. J'étais vraiment inquiet.
Gulf soupira de soulagement.
— Promis, Phi. Je ne recommencerai pas. Excuse-moi encore.
Il raccrocha et je le pris dans mes bras.
— Bravo, mon amour. Tu as assuré.
Il resta silencieux.
Je reculai d'un pas, sans rompre le contact, pour l'observer.
— Je déteste mentir...dit-il à voix basse, les yeux fixés au sol.
— Je suis désolé que tu doives en arriver là. Mais, c'est important. Ce n'est pas pour leur faire du mal, c'est pour nous protéger.
Il souffla et me regarda enfin.
— Je t'ai dit que je ferais ce que tu veux, mais cela ne va pas être évident...
— Je sais...
Nous arrivâmes au workshop légèrement en retard. Heureusement, le parking était vide. Avant de descendre de voiture, je pressai doucement la main de Gulf dans la mienne.
— Ça va aller, tu verras.
Il expira profondément.
— Je stresse un peu...
— Comportons-nous normalement. Après tout, nous sommes constamment scotchés l'un à l'autre, ils ne verront pas la différence.
Un rire crispé s'échappa de ses lèvres pulpeuses. Je regrettais déjà les moments que nous avions partagés ce matin. Il n'y avait que lui et moi, personne d'autre. Une envie de le ramener chez moi et de l'y enfermer pour toujours me traversa l'esprit. Il souffla bruyamment et ouvrit la portière.
— Allons-y, Phi ! lança-t-il bravement.
Je ne pus contenir un sourire de fierté face à son courage. Nous marchâmes silencieusement côte à côte, jusqu'à la salle de répétition. Nos mains se frôlèrent plusieurs fois. Je dus me retenir d'enlacer ses doigts. Cette journée allait être difficile.
— Voilà nos tourtereaux, lança P'Mild dès que nous passâmes la porte.
Je lui lançai un regard glacial. Il leva les mains en signe de retraite.
— Du calme. Tu t'es levé du mauvais pied ce matin, ou quoi ?
Je m'en voulus instantanément, et lui souris, contrit, me passant la main dans les cheveux.
— Excuse-moi Mild...
Il se rapprocha, posa sa main sur mon épaule et lança gaiement.
— C'est rien, je sais que tu n'es pas du matin. Salut Gulf, dit-il en se tournant vers lui.
— Salut, Mild.
Mild fronça les sourcils en détaillant mon petit ami.
— Dis-donc, ce n'est pas le t-shirt de Mew ça ? demanda-t-il en pointant le vêtement qui effectivement m'appartenait.
Gulf croisa mon regard, comme s'il cherchait de l'aide. Inconsciemment, je fis un pas vers lui, en posant ma main sur ses reins.
— Mais non ! On a le même goût vestimentaire, c'est tout, répondis-je à sa place.
— C'est dingue ça ! Vous êtes vraiment fait l'un pour l'autre !
Sa tirade lancée sur un ton hilare fut accompagnée d'un clin d'œil qui en disait long. Je soupirai d'agacement. J'adorais Mild, mais il était un peu trop curieux. Ma main qui n'avait pas quitté le dos de Gulf, le guida vers le bord de la salle, où se trouvait notre futon. Mame s'approcha de nous, un immense sourire illuminant son visage.
— Vous voilà les garçons ! J'avais hâte que vous arriviez, dit-elle en nous tendant deux t-shirts blancs à l'effigie de "TharnType, the série".
— Aujourd'hui, c'est t-shirt blanc et nous entamons la répétition de la scène de réconciliation ! continua-t-elle en applaudissant, ravie.
Gulf et moi nous regardâmes, interloqués. Je ne savais pas si j'étais ravi ou horrifié. Cette scène se déroulait à un moment charnière de l'histoire de Tharn et Type. Type qui avait entamé une relation avec une fille, prenait enfin conscience de ses sentiments pour Tharn et s'en suivait une scène de réconciliation assez intense. J'allais passer une grande partie de la journée à embrasser l'homme que j'aimais, c'était une occasion rêvée. Mais comment faire pour garder le contrôle de la situation. J'étais, d'un coup, bien moins sûr de moi.
Nous nous levâmes pour nous rendre dans la loge et changer de vêtements. Plusieurs confrères y étaient déjà. Nous étions des hommes et se changer devant les autres n'avait jamais posé de problèmes. C'est pourquoi Gulf, après avoir salué nos collègues, se posta au milieu de la pièce pour enlever son t-shirt. Quand il souleva le tissu, j'aperçus une multitude de marques très subjectives sur son dos. Je bondis littéralement sur lui pour l'empêcher d'enlever le vêtement, ce qui me valut des regards étonnés de la part des personnes présentes dans la pièce. Embarrassé, je souris à toute l'assemblée et lançai sans y réfléchir :
— Que voulez-vous, Tharn déteint sur moi, je deviens possessif !
Je lâchai un rire pathétique, en espérant que cette excuse soit plausible. Nos collègues éclatèrent de rire et retournèrent à leur occupation.
— Qu'est-ce qui se passe, Phi ? me souffla Gulf, en faisant les gros yeux.
Je l'emmenai dans un coin de la pièce, à l'écart.
— Tu as des marques dans le dos... lui soufflai-je.
Ses yeux s'agrandirent de surprise et le sang afflua vers son visage. Même si la situation était délicate, je ne pus m'empêcher de le trouver adorable...
— Mais... Je n'ai rien remarqué tout à l'heure...
— Moi non plus. Mais nous sortions de la douche, notre peau était rouge avec la chaleur, nous n'avons rien vu. C'est de ma faute... Excuse-moi...
Un sourire attendri apparut sur son visage.
— Ne t'excuse surtout pas. Je crois que nous avons un peu perdu le contrôle ce matin... murmura-t-il en s'approchant de moi, une lueur chaude dans le regard.
Je déglutis en repensant à ce que nous avions vécu ensemble. En le sentant si proche, imperceptiblement, mon corps chercha le contact avec lui. Nos regards se soudèrent...
— À tout de suite, les mecs ! Ne vous perdez pas en route, lança Run en sortant avec les autres.
Je sursautai. J'étais à deux doigts de sauter littéralement sur Gulf. Il fallait que je me ressaisisse. Je fis un pas en arrière pour mettre une distance de sécurité entre nous.
— Dépêche-toi, avant que quelqu'un d'autre arrive, lui dis-je.
Il se hâta de se changer, pendant que je faisais le guet. Il en fit de même pour moi. Puis nous repartîmes vers la salle de répétition. L'appréhension me tordait l'estomac. J'étais celui qui avait imposé de garder notre relation secrète, serais-je aussi celui qui serait incapable de la garder secrète ? Je n'en avais aucune idée...
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