Landon 10 : Geoffrey
« Chrome, s'il te plait... laisse-moi le voir seul.
— Pourquoi ?
De retour chez nous, je m'apprête à tenir la parole que j'ai donné à Kuro et à me confronter à mon frère. Mais je ne veux pas que Chrome m'accompagne. Ni Lilith. Mon IA a sagement accepté ma consigne, la logique la plus élémentaire lui conseille de se tenir loin de l'homme qui a déjà tenté de la pirater, mais mon compagnon risque d'être bien plus dur à convaincre. Je pèse donc mes mots soigneusement :
— Geoffrey a beaucoup de défauts, mais il reste mon frère. Je pense que je peux lui faire confiance pour me dire la vérité. En revanche, face à toi, il va sans doute être sur la défensive. Votre relation est toujours... tendue.
Ce n'est que lorsque j'ai commencé à sortir avec Chrome que j'ai réalisé à quel point lui et Geoffrey ne pouvaient pas se supporter. Puis il y a eu l'enlèvement, et à son retour tout avait semblé s'être calmé. Mais ce n'était qu'une apparence due à la nouvelle carrière de mon frère dans l'espionnage, donc... autant ne pas jeter de l'huile sur le feu. Ils ne peuvent pas parler d'IA sans se chercher des poux, autant en écarter un pour mieux cuisiner l'autre.
Chrome proteste :
— Il faut que je reste avec toi pour te protéger !
— C'est mon frère, il ne va rien me faire !
— Ça tu n'en sais rien !
— Tu pourrais t'attaquer à un de tes frères, toi ?
— Je... Ce n'est pas la question ! Moi je suis un pilote de l'UFIT, pas un agent du Soleil Noir !
— Si, c'est totalement ça la question. Chacun choisit son camp selon ce qu'il veut pour le monde, mais ça ne veut pas dire qu'on devient d'un seul coup privé de toute moralité ou de tout sentiment. Geoffrey a toujours été protecteur envers moi. Même maintenant, il a essayé de récupérer des informations sans me mouiller, parce qu'il ne veut pas que je me mêle de cette histoire dangereuse. Je suis le seul avec qui il se montrera honnête. Sans oublier que je suis tout à fait capable de comprendre tout ce qu'il pourra m'expliquer du plan de l'UFIT lié aux IA. Il faut que j'y ailles, et que j'y ailles seul.
Je ne veux pas lui dire qu'à mes yeux, il est le plus manipulable de nous deux. Après tout, ce n'est pas à moi que le Soleil Noir offre de récupérer le Chrome. Mon compagnon a beau être mentalement fort, je sais que refuser le déchirerait, et je veux le préserver autant que possible.
Chrome grimace et il finit par marmonner, à moitié pour lui-même :
— Je n'aime pas ça, c'est tout.
— Je sais. Mais tu sais qu'on n'a pas le choix, si on veut prendre une décision.
— S'il te plait, ne croit pas tout ce qu'il dit. Ne soit pas... ne soit pas trop gentil avec lui.
— Comment ça ?
— Je sais à quel point tu peux être compréhensif, tu es même trop compréhensif avec moi... Mais là, ce n'est pas le moment. Ne le laisse pas t'embrouiller ou esquiver tes questions.
— Fais-moi confiance, Chrome ! Ça te gêne tant que ça de ne pas pouvoir me surveiller ?
Les mots m'échappent. Tant pis. Je n'ai pas envie dire ça gentiment, justement. Il soupire :
— Ce n'est pas pour te surveiller, c'est pour t'aider. Et te défendre. Si jamais ça se passe mal et qu'il te voit comme son ennemi, qu'est-ce qu'il va faire ?
— Tenter de me mettre à l'abri de mes propres erreurs, sans doute. Tu n'auras qu'à venir me sauver si on en arrive là.
— Très bien, alors garde quelque chose sur toi que Lilith et moi pourront retrouver facilement.»
C'est assez perturbant d'en arriver là, mais j'accepte. A défaut de faire confiance à Geoffrey, ou à moi, Chrome fait confiance à Lilith, c'est déjà ça.
Je n'en mène pas large lorsque je rejoins mon frère dans son laboratoire. C'est une pièce de son appartement qu'il a spécialement aménagée, pas le laboratoire que l'UFIT met à sa disposition pour son travail. C'est d'ailleurs davantage un atelier qu'un laboratoire. Différents éléments de mecha et d'ordinateurs ont été éventrés et réaccordé selon la curiosité de Geoffrey, et posés sur des emplacements stratégiques marqués à la craie ou au feutre sur le sol et les murs. Il dit que ça l'aide à réfléchir, à mettre un peu de concret dans les données abstraites. J'ai toujours eu du mal à voir en quoi ça pouvait l'avancer, mais bon, c'est lui le génie de la famille, pas moi. Et j'ai passé des heures heureuses ici, à l'aider, à apprendre, ou simplement à l'écouter monologuer sur une obsession ou une autre.
Il est en train de taper sur son clavier quand j'arrive, et ne relève pas le nez, me demandant simplement encore "quelques minutes et je suis à toi". Bien, au moins il n'est pas sur la défensive. Je nous prépare du café, très fort pour lui, très sucré pour moi, et attends.
Lorsqu'il arrive, il semble fatigué, mais garde son sourire de grand frère. Celui qui dit qu'il en sait plus que moi. Je n'avais jamais fait attention jusqu'ici. En même temps, je n'avais pensé que ça pourrait être faux jusqu'ici. Je lui demande :
« Est-ce que cet endroit est sûr ? On ne peux pas nous écouter ?
— Nous écouter ? Qui voudrait nous écouter ?
— Arrête de faire l'imbécile, Geoffrey, ou plutôt arrête de me prendre pour un imbécile. Tu veux vraiment que je répète ma question ?
Je ne m'attendais pas à ce qu'il me sourit d'un air satisfait, comme si j'avais passé un test sans le savoir. Il hoche la tête et répond :
— Oui, cet endroit est sûr. Ma propre IA de sécurité y veille, et je vois mal qui pourrait la craquer sans que je m'en aperçoive. Alors, qu'as-tu à me dire de si dangereux ?
— Beaucoup de choses. J'ai parlé à Kuro, aux îles Utopiales.
— Hein ? Attend, comment tu connais Kuro ? Et qu'est-ce que tu fichais aux Utopiales ? Depuis quand est-ce que tu connais l'existence de cet endroit ?
— J'aimerais te raconter, mais je préférerais que tu me racontes d'abord.
— Que je te raconte...
— Tout. Ce qui s'est passé pendant ton enlèvement, pourquoi tu as rejoins Kuro, et comment est-ce que tu as pu oser tenter de pirater mon IA !
Je n'ai pas pu me retenir de crier sur ces derniers mots. Il me regarde d'un air amusé au-dessus de sa tasse fumante. Comme toujours. La vie est un jeu quand on est un génie, et que tout ce qu'on cherche c'est rencontrer assez de résistance pour rendre la partie excitante.
— Et bien, on dirait que petit Landon est devenu grand... Si ça compte pour ma défense, je pensais que tu ne t'en apercevrais pas.
— Comment est-ce que j'aurais pu ne pas m'en apercevoir ?
— Tu es vraiment devenu bon, Lan', et à ta propre façon. J'étais certain de savoir comment tu avais bâti le protocole de sécurité de Lilith, et j'ai été sacrément surpris ! D'où tu l'as sorti ?
— Ce... C'est Lilith qui l'a fait. Je l'ai un peu guidée, mais je l'ai laissée trouver ses propres solutions, et elle a créé quelque chose de très original.
— Ton IA est vraiment un chef-d'oeuvre ! Ça me fait presque mal de l'admettre, parce que tu n'as rien suivit de mes conseils, mais... tu as trouvé ta propre voie, à ta manière. Je comprends pourquoi tu intéresses Kuro. Mais je ne pense pas que tu devrais nous rejoindre. Tu n'es pas fait pour ça. Et je ne te parles même pas de ton espèce de grande perche de pilote au chômage.
— Geoffrey, j'ai déjà été très patient. Je ne veux pas que tu me juges, je veux que tu me répondes.
— Oui, oui...
Il prend son temps, le regard perdu dans le vague, avant de se décider :
— Alors, mon enlèvement... ils se sont bien comporté avec moi. Évidemment, plus ils étaient attentionnés plus je me méfiais. J'étais certain qu'ils allaient me faire une proposition malhonnête. Et ils l'ont faite. Ils m'ont proposé de rejoindre le Soleil Noir pour mettre à terre l'UFIT, exactement comme ils ont dû te le proposer, non ? Pour sauver le monde, libérer la population, tout ça... Qu'est-ce qu'ils t'ont promis, à toi ?
— Je...
A moi, rien, en réalité. Je pense que Geoffrey me surestime pour une fois : la seule raison que Kuro a eu de m'inclure dans sa proposition, c'est pour mieux influencer Chrome. Lui a de la valeur, pas moi. Je marmonne :
— Kuro a promis à Chrome qu'il pourrait récupérer son mecha.
Geoffrey siffle, approbateur :
— Joli ! Et bien, dis-toi que la proposition qu'on m'a faite était au moins à cette hauteur là. La possibilité de créer mon propre mecha autonome. Le truc que l'UFIT me promet pour dans trente ans, si je suis vraiment très sage d'ici là. Et qui peut refuser de réaliser son rêve, hein ?
— Et c'est tout ? Ça t'a convaincu ?
— Disons que la proposition est arrivée au bon moment. C'était un peu la pommade pour faire passer une horrible brûlure. La brûlure de la trahison.
— La trahison...
— Comment est-ce que je pourrais ressentir ça autrement ? Kuro t'a dit ce que l'UFIT m'avait fait ? A moi ? Pire encore, ce qu'ils m'avaient fait faire ?
Plus de petits jeux maintenant, la peine et la colère de Geoffrey sont à nus, et moi qui l'ai toujours vu orgueilleusement rester au-dessus de la mêlé, j'ai l'impression de le voir pleinement sincère pour la première fois de ma vie.
— Ils ont utilisé mes IA pour manipuler le public ! Pour leur stupide petit marketing ! Pour pouvoir ensuite les flanquer dans le crâne des gens ! Mes IA ! Mes IA sont capables d'émotions, elles peuvent apprendre, elles sont magnifiques et grandioses, et tout ce qu'il me manquait, c'était l'autorisation pour qu'elles puissent vivre par elles-mêmes, dans leurs propres corps, comme les créatures parfaites que j'aurais enfin pu créer ! Des merveilles qui tiendraient la comparaison face à une centaine de Lilith ! Elles auraient été au-delà de tout ce que l'intelligence humaine peut concevoir ! J'avais tout prévu, tout calculé ! Et voilà ce qu'ils comptaient en faire. De ridicules petits mouchards bloqués au fond de stupides cervelles, à souffler le chaud et le froid pour leur garder une illusion de libre-arbitre ! Qu'est-ce que c'est, à part de la trahison ?
— C'est ça qui te choque ? Que leur plan ne soit pas à la hauteur de tes IA ? C'est pour ça que tu as accepté de travailler pour le Soleil Noir ?
— Lan', s'il y a une seule personne sur cette planète qui peut me comprendre... en fait, non, il y a déjà un des leurs qui m'a compris. C'est aussi pour ça que j'ai su que rejoindre leur camp était un option envisageable. Mais toi aussi, tu peux comprendre. Tu aimerais que Lilith serve à ça ?
J'aurai aimé protester le plus important, ce n'est pas de se soucier de l'humiliation d'une IA même pas encore créée, mais bien du pauvre diable qui y est connecté et privé de liberté. Cependant, impossible de nier que si c'était Lilith qu'on utilisait pour faire ça, surtout sur un imbécile qui serait prêt à payer pour qu'on lui implante son propre système de guidage sous le crâne, c'est Lilith que j'aurais envie de sauver en premier. Je n'ai pas envie de l'approuver, mais dire l'inverse serait hypocrite.
Je préfère pointer ce qui, moi, me terrifie :
— Mais on ne peut pas s'allier à des gens prêts à tuer !
— Et ton pilote, ce n'est pas un soldat, peut-être ? Et tous les mechas que j'ai déjà créés, ils n'ont pas été fabriqués pour tuer ?
— Tuer des kaijus, ce n'est pas pareil...
— Ils sont le soutien aérien des troupes terrestres. Tu crois qu'il se passe quoi quand les troupes débarquent quelque part ? Ils offrent un petit bouquet de fleurs aux habitants avec les compliments de l'UFIT ? Des guerres, il y en a toujours, et des morts avec, c'est juste que ça s'appelle "maintient de la paix" maintenant.
— ...
— C'est pour ça que je pense qu'il valait mieux que tu ne t'en mêles pas. Tu n'es pas assez solide pour choisir entre des salauds et des salauds. Ou pas assez cynique, plutôt.
— Je... je ne pense pas que ce soit si simple. Je...
— Je te dirais bien de vérifier, mais en réalité tu ne peux faire confiance à aucune source d'information - c'est d'ailleurs à ce genre de petit détail qu'on sait qu'une situation craint. Demande à Chrome, aussi, ce qu'il en sait. Ça t'aidera à te décider. Si Kuro met réellement la main sur le meilleur pilote de sa génération et sur le Chrome, ou si je lui fabrique un autre mecha, ça sera une pièce maitresse dans cette guerre, donc tu peux être sûr qu'il va revenir à la charge. Alors il vaudra mieux que tu sois prêt et que tu ais fait ton choix.
— Ce... ce n'est pas si simple ! Je ne peux pas, tout simplement, rejoindre les Soleil Noir ! Ce... ce n'est pas moi !
— Pourquoi ? Parce que ce sont les méchants de l'histoire ?
Je ne sais pas quoi répondre. J'étais sûr d'être venu pour en savoir plus et prendre ma décision. Mais je m'aperçois maintenant que je n'ai jamais réellement envisagé de me décider pour le Soleil Noir. Ce n'était qu'une idée dont je devais partir pour créer un meilleur plan. Et oui, le fait que ce soit les méchants jouent un rôle. Il y a des choix que je ne peux pas faire.
Je tente de le toucher d'une autre manière :
— Et Vivian ? Elle va devenir pilote. C'est son rêve. Comment est-ce que tu peux envisager de combattre notre petite soeur ?
— Justement. Vivian pourrait très bien ne jamais être pilote, si elle est rattachée à un mecha qui a un mauvais turn-over, mais elle peut aussi être pilote d'ici deux ans si les choses tournent mal, et avec le conflit qui couve ça va tourner mal. Sans oublier qu'elle serait bien fichue de rejoindre l'armée terrestre si une guerre éclate sans qu'elle n'ai de poste officiel. Les cadets de l'Académie ont automatiquement le grade de lieutenant une fois qu'ils ont fini leurs classes, tu savais ça ?
— Alors, pourquoi...
— Alors il faut que tout ça soit réglé avant que Vivian sorte de l'Académie. Point non négociable. Et si ce n'est pas le cas, alors je lui expliquerai tout, je la kidnapperai si ça n'a pas suffit à la convaincre, et d'une manière ou d'une autre elle ne mettra pas un pied sur le champ de bataille, je peux te le garantir.
— Tu ne peux pas la priver de sa liberté ! Si elle veut combattre...
— Quoi, si elle veut combattre ? Parce que je ne dois pas blesser mon adorable petite sœur qui ne sait rien de ce qui se passe, je devrais la laisser entre les mains de manipulateurs qui sont capables de mettre en scène son décès pour que ça rende bien sur les photos ? Je devrais laisser ce système en place ? Comment est-ce que tu peux même hésiter, alors qu'ils ont programmé la mort de ton compagnon ? Les dieux savent que je ne peux pas le leur reprocher, il est insupportable, mais toi, comment est-ce que tu peux encore les défendre ?
Geoffrey éclate de rire et poursuit :
— Tu n'as pas changé. Toujours trop gentil. Loyal jusqu'à l'absurdité. Tu as même pardonné à Père et tu essayes de regagner ses bonnes grâces en faisant un travail que tu détestes, depuis des années ! Alors que tu pourrais être si bon dans ton domaine si au moins une fois tu suivais tes envies !
— Qu'est-ce que Père a à voir là-dedans ?
— C'est révélateur de ta façon de voir le monde. Il t'a déshérité pour ton homosexualité et il t'a relégué dans un placard de ses entreprises. Mais il t'accueille toujours à la table familiale du dimanche, avec ton nouveau compagnon, et il te permet d'avoir un train de vie confortable. Alors tu t'écrases. Et pire, tu lui en es reconnaissant. Alors qu'il n'a fait que ne pas maltraiter trop fort son propre fils ! Et maintenant, tu es prêt à en faire autant avec l'UFIT. Oui, ils ont leurs défauts, ils manipulent les gens et leur pourrissent la vie pour garder le couvercle de leur cocotte-minute mondiale bien en place, mais c'est pour la paix, et gna gna gna... Du coup, il ne faut pas leur en vouloir. Il faut rester à sa place et être reconnaissant.
— Je...
— Après, tu veux me croire ou pas, mais tu vaux nettement mieux que ça, Landon. Le camps qui t'aura convaincu aura un atout majeur dans sa manche, même en dehors de l'influence que tu as sur Chrome, et Kuro est le seul à l'avoir compris. Il est le seul avec qui tu pourras négocier. Il ne t'a pas donné de prix pour le rejoindre ? Alors réclame quelque chose de grand. Si sa stratégie te dérange, exige de décider de la stratégie.
— Pourquoi il m'écouterait ? C'est...
— C'est un traitre à son propre camp. Le Soleil Noir est un épouvantail, une marionnette dont l'UFIT tire les ficelles depuis le début. Kuro veut mettre fin à ce système, mais il est loin d'avoir toute l'organisation dans sa poche. Avec ton aide, celle de Lilith et de Chrome, sa petite rébellion aura peut-être l'air un peu moins folle. Il sait choisir ses troupes et c'est un génie de la politique, il va bien finir par rallier suffisamment de monde pour atteindre son but. Mais tu lui serais vraiment très précieux. Alors si jamais tu as l'intention de rejoindre un camps et de renoncer à ta petite vie tranquille, oui ce sera à tes risques et périls, mais surtout fixe toi-même ton prix, petit frère, et pour une fois dans ta vie ne te dévalorise pas.
— Je... Je vais y réfléchir.»
Il hoche la tête et n'insiste pas. Ce n'est pas son genre. Il doit voir que tout ce qu'il m'a dit m'a sonné. Pourtant, il ne m'a pas apporté tant d'éléments nouveaux. Mais une toute nouvelle perspective, une façon complètement différente d'agencer les éléments entre eux. J'ai besoin de calme pour penser à tout ça correctement. De ma maison, de mon compagnon et de mon IA. Je pars si vite de l'atelier de mon frère que ça ressemble à une fuite.
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