Gold 5 : trop de pistes
J'adore les soirées de l'UFIT. Ils nous présentent comme une récompense offerte à l'élite de ce monde. Et je dois bien avouer que c'est un rôle qui me va bien.
Et puis même, j'adore raconter tout ce qui me passe par la tête à des groupes de gens élégants qui boivent mes paroles, j'adore leur humour léger et pétillant, j'adore danser avec eux, j'adore les jeux de flirt qui s'installent - tout en subtilité et en délicatesse, évidemment, car rien de ce qui est dit ici n'a réellement d'importance. On coupe avec les tristes nécessités de la vraie vie. Et ça fait du bien.
Quant à Silver, il joue les solitaires mystérieux avec une efficacité redoutable. Ce qui ne l'empêche pas du tout d'avoir sa propre cohorte d'admirateurs, mais à distance respectable. Il peut être assez hargneux quand il estime qu'on a trop envahi son espace vital, contrairement à Chrome qui chasse les intrus par son indifférence glaciale. Et ça me rend toujours fier, d'avoir réussi à approcher celui qui ne se laisse approcher par personne.
Mais avant de retrouver mon cher et tendre, j'ai trois noms à transmettre à Copper pour Chayan - on m'a dit que l'opérateur était parfois invité au sommet, mais ce soir je ne le vois nulle part. Je me mets donc à la recherche des boucles brunes de notre défenseur préféré.
Je le retrouve sans mal, raide comme un piquet, devant une femme pourtant absolument charmante. Respire, Copper, bon sang, tu peux te détendre, on est à la soirée de l'UFIT avec toute la jet-set, on ne craint absolument rien... Je fais mon plus beau sourire à son interlocutrice, m'incruste dans la conversation, et la conclut tout en signalant que je dois lui emprunter Copper quelques temps. Elle me le laisse avec un autre grand sourire. C'est mon talent, ça : il suffit que je m'intéresse à eux quelques instants, et les gens m'adorent.
Un peu à l'écart, je murmure à Copper :
« J'ai trois pistes à l'extérieur pour retrouver le dealer. Enfin, pour trouver avec qui il a pu monter son plan. C'était un hanae, je ne sais pas ce que ça veut dire mais ça a l'air lié à la mafia. Il a été formé par un gars qui s'appelle le Pharmacien et qui apparemment était très connus comme dealer. Et il était ami avec quelqu'un qu'ils appellent Tonton, qui a l'air de récupérer des gamins des rues pour faire on ne sait pas trop quoi avec, mais c'est suspect.
— Pas mal !" approuve Copper. "J'espère que Chayan pourra fouiller tout ça discrètement... Vu son service, il ne pourra pas le faire officiellement, mais il est plus libre que nous pour sortir interroger les gens.
Je vois qu'il est nerveux, et ça m'étonne. Copper a toujours été la force tranquille de notre petit groupe, le gars sur qui on peut s'appuyer quoi qu'il arrive... Puis je saisis : évidemment, il s'inquiète pour son petit ami. Lui croit que retrouver ce qui est arrivé à Brass est important, mais il n'a aucune envie que Chayan ait des ennuis - et en fouillant dans les petits secrets de l'UFIT, on sait que ça peut aboutir à d'énormes ennuis... En fait, j'aurai carrément mieux fait de me taire. Faire semblant de ne rien trouver et laisser couler toute cette histoire.
Je m'apprête à lui conseiller d'être prudent, et peut-être de laisser tomber, quand il ajoute :
— Tu as pu parler à Silver ?
— Non, pas encore... Je voulais régler ça avant de "m'éclipser", si tu vois ce que je veux dire...
Oui, Silver et moi ce n'est pas officiel dans le service, même pour nos managers, mais les pilotes sont quasiment tous au courant. En tous cas je fais comme s'ils l'étaient. Ça rend Silv' un peu dingue, mais est-ce que c'est de ma faute s'il est aussi mignon quand il s'énerve ? Je veux dire, c'est une incitation à le provoquer, non ? Si.
Copper dit :
— Lui aussi a trouvé quelque chose aujourd'hui. On se retrouve au hangar Sud cette nuit à 3h, il va falloir qu'on... enfin tu verras.»
Il s'éloigne sans me laisser le temps de répliquer. En même temps, je ne peux pas lui hurler "PUTAIN DE MERDE DIS-MOI QU'ON NE VA ETRE ASSEZ CONS POUR FAIRE EXACTEMENT LA MEME EFFRACTION QUI A FOUTU BRASS DANS LA MERDE !". Alors que c'est très exactement ce que je pense. Je finis mon verre d'une traite - pas d'alcool pour les pilotes, et je ne l'ai jamais autant regretté - et je vais sortir Silver de là. Oui, normalement on finit d'abord la tournée des politesses que nos managers chapeautent, ensuite on s'arrange pour s'écarter discrètement, chacun dans une direction différente et pas au même moment... Et bien pas ce soir. Il est train de naviguer d'un groupe à l'autre, une petite moue d'ennui sur le visage, qui se mue rapidement en surprise quand je l'attrape par le bras et le tire vers moi. Tout en m'exclamant un truc bateau à propos de quelque chose que je dois absolument lui montrer, mais on a rarement été aussi peu discrets à ces soirées, et le temps d'arriver dans un coin tranquille il est bien évidemment furieux. Et bien navré mon ange, mais là on est sur un cas de panique majeure, et je lui demande tout de suite :
« Qu'est-ce que tu as trouvé aujourd'hui ?
— Attend, pas ici, il y a trop...
— Copper vient de me dire qu'on va tenter de faire quelque chose de spécial cette nuit, parce que tu as découvert quelque chose, et ça fait trop de choses pour que je comprenne ce qui se passe ! Alors soit tu m'expliques et je suis rassuré, soit tu me laisses imaginer et je vais te kidnapper pour t'empêcher de t'en mêler.
Il tente encore d'avoir l'air sévère, mais je vois bien qu'il est plutôt flatté. Je le sais, parce qu'il a toujours ce geste de se recoiffer, avec deux doigts, quand il est content que je me fasse du souci pour lui. Même si il jure tout ce qu'il peut qu'il sait très bien ce qu'il fait et qu'il est capable d'assurer. A l'entendre, il est capable de tout, et le pire, c'est que je sais qu'il a raison dans 99% des cas. Quand j'ai dit à Silver que je l'admirais, ce n'était pas juste pour le séduire, c'est surtout parce que c'est vrai. Je sais qu'il est intelligent, combattif, débrouillard et courageux. C'est juste que lorsqu'il se lance dans quelque chose, il faut bien que je m'en mêle de force, sinon il me laisserait en dehors en permanence - mon pire cauchemar.
Il ajoute :
— Ne t'en fais pas, ce qu'on va faire cette nuit n'a rien à voir avec les stratèges, mais avec les mechas. On n'ira pas plus loin que les hangars. En fait, je crois surtout qu'on est censé empêcher Platty de découvrir le truc illégal que Chrome compte faire, tout en lui faisant croire qu'il participe.
C'est moi ou ça devient de plus en plus tordu pour rien, cette histoire ? J'insiste :
— Et les stratèges ? Tu as pu...
— Disons que j'ai des pistes. Ils n'étaient pas méfiants du tout, tu sais... Enfin c'est très... étrange, de parler avec eux. Ils sont incroyablement naïfs. En tous cas, j'ai les détails de leur procédure, et je suis certain que c'est une carte mnésique que Brass a trouvé, il n'y a rien d'autre de top secret à ces étages. Elle devait contenir une combinaison des plans de combat et des plans de com pour les mois à venir. Et non, on ne sera pas assez stupides pour entrer par effraction dans le même bureau pour tenter de voler la même carte, surtout qu'ils ont dû revoir la sécurité des lieux à présent. Soulagé ?
— J'avoue, tu as lu dans mes pensées...
— Je sais surtout que tu sous-estime tous les plans qui peuvent être créés sans toi. Alors que c'est Chrome qui surveille cette enquête, on peut s'y fier pour ne pas faire n'importe quoi.
C'est aussi ce que j'aurai dit il y a quelques semaines... Et puis les CinqGen sont arrivés, Brass a été accusé de haute trahison, Chrome a organisé des réunions clandestines pour que les pilotes complotent des actions illégales, et plus rien n'a eu de sens.
Même moi, je suis en train de participer joyeusement à ce grand n'importe quoi, parce que je ne vois pas de moyen de freiner Silver. Et parce que je pensais qu'on n'irait nulle part et qu'on laisserait tomber. Bordel. Comment est-ce que je vais nous tirer de là...
— Ça va ? me demande Silver d'un air soucieux.
— Hein ? Oui, bien sûr, pourquoi ça n'irait pas ?
— Tu fais une drôle de tête. Je veux dire... si je ne te connaissais pas, je croirais presque que tu es inquiet...
— Quoi ? Moi, inquiet ? Non, mais tu rigoles ? Je suis super impatient de me lancer dans un truc un peu plus velu, au contraire !
— Hum... tu sais que tu peux m'en parler, hein, si...
— Ne t'en fais pas, mon ange, je gère. Oublie que je me fais une rasade d'adrénaline tous les matins au petit dèj. Le danger, c'est ma raison de vivre.
Il me sourit et me cogne l'épaule, en ajoutant :
— Idiot. Allez, on y retourne avant que Cardamone ne me fasse une jaunisse. On se retrouvera dans ta chambre pour le rendez-vous, non ?
— Ou un peu plus tôt, tant qu'on y est, on pourrait...
Il a déjà commencé à s'éloigner un peu, et me jette un coup d'œil par-dessus son épaule. Le genre d'œillade qui fait monter la température d'environ trois mille degrés. Et comme si il n'avait pas été assez clair, il me répond :
— On pourra... prendre un peu de temps pour nous. Promis. Tu n'auras qu'à m'attendre, j'arriverai dès que je pourrai.»
Après quoi il m'abandonne à mes pensées sulfureuses. J'étais censé lui dire quoi, déjà ? Je ne sais même plus pourquoi j'étais inquiet tout à l'heure. Je me sens prêt à bouffer un lion, et l'UFIT avec !
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