Gold 11 : pistes
Lilith revient à notre interface au bout d'une heure. Elle ne se donne pas la peine d'utiliser son faux visage et sa voix. Juste d'afficher le mot : PARTEZ.
Je commence à l'appeler, à négocier, à voir si je peux continuer le piratage de Silver. C'est lui qui me dit :
— Arrête ça et suis-moi.»
D'une main ferme, il m'entraine jusqu'à ses quartiers, et je me laisse faire. Ça me tue, mais je vais le laisser mener cette affaire. Au moins un peu.
C'est ce qui semble le plus raisonnable.
Même si je suis certain qu'on a manqué une occasion unique, et que le risque semblait minime, cette IA est juste mélodramatique, et...
Je m'apprête à lui dire que quand même, ce n'était pas si grave et qu'il faut que j'y retourne, quand il attrape son propre ordinateur et dit :
« C'est bon. Elle nous a tout envoyé.
Et il avait encore raison. Merde, ça commence à être régulier. Je me penche vers l'écran et lit par-dessus son épaule un fatras de données en vrac... Tandis qu'il essaye d'en tirer quelque chose, je lui demande :
— Et tu crois que c'était quoi, ce message ? Elle s'est fait repérer ? Si c'est ça, Chrome va nous tuer...
— Du calme. Chrome ne se vantera auprès de personne d'avoir une IA pirate, et on est sur un cas grave. Si elle s'est fait prendre ET qu'il n'arrive pas à cacher ses traces, Chrome fera juste parti des dommages collatéraux, c'est tout. Fait confiance à notre doyen et vient m'aider, c'est le bordel.
Je m'exécute. On en a pour... des heures, sans doute. Une nouvelle nuit blanche en perspective pour ce soir. Mais il reste une heure avant le réveil officiel, donc autant commencer.
Au bout d'un certain temps de silence studieux, je finis par lâcher :
— Alors... on est bon ?
— Quoi ?
— Toi et moi. On est réconciliés ?
— Qu'est-ce que tu racontes. On ne se réconcilie jamais. On s'engueule, et quand on en a marre on revient à la normale.
— Mmh. Sans doute. Pas faux. On revenu à la normale, alors ?
— A toi de me le dire.
Ha. JE LE SAVAIS. J'avais bien senti qu'il était encore tendu pour un truc. Reste encore à trouver quoi, mais au moins je suis sur une vraie piste.
Je tente :
— Je sais que tu es encore énervé. C'est parce que je t'ai mis dehors ? J'ai franchi la limite ?
— A ton avis ?
— A mon avis, tu vas me pardonner, parce que tu sais que je croyais agir pour ton bien. Tu veux que je sois totalement honnête ? J'ai demandé à Chazz de m'aider à enquêter sur Liang Nian et Brass 137, parce que je pensais que c'étaient les méchants de l'histoire. Et en réalité, je le pense encore. Quelle que soit la raison pour laquelle les Forces agissent ainsi, ça doit être une bonne raison. J'en suis sûr.
— Comment est-ce que tu peux leur faire confiance comme ça ? Ce sont des enfoirés sans cœur, Gold !
— Oui. Mais ce sont nos enfoirés sans cœur. Et s'il faut être un enfoiré sans cœur pour fabriquer un monde en paix, je signe tout de suite.
J'aurais voulu le défier du regard, lui faire sentir ma détermination, mais il m'esquive. Au final, Silver n'est pas tellement plus à l'aise que moi. La preuve, on n'est pas d'accord mais on ne crie toujours pas. Il proteste, mais il proteste doucement, comme s'il marchait sur des œufs :
— Ce n'est pas si simple. Enfin, si les Soleil Noir arrivent toujours à recruter, ce n'est pas pour rien. La gestion de l'UFIT a plein de défauts, et le premier d'entre eux, c'est qu'elle est toute-puissante. Personne n'aime se faire donner des ordres, j'imagine.
— Crois-moi, ça pourrait être pire. Bien pire.
— Donc quoi, on laisse tomber ?
— Non. Tu as raison, ils n'ont pas à... ils sont allé trop loin, dans cette histoire, et il faut les arrêter. Et c'est vrai, les Forces sont trop puissantes. Quand elles déconnent, il n'y a quasiment plus de moyen de rectifier le tir. Mais quasiment pas, ça ne veut pas dire que c'est impossible, d'accord ? Et on va y arriver. Je ne sais pas encore comment, mais on va trouver un moyen. Tu es avec moi, Djibril ?
Il vient de m'appeler par mon nom. Pour la toute première fois, il a utilisé mon vrai nom et pas mon titre. Je balbutie :
— Oui, bien sûr que je suis avec toi. Jusqu'au bout.
Il rougit légèrement et se reconcentre sur l'écran. Au bout de quelques secondes, il marmonne :
— Moi c'est Terukage.
— Hein ?
— Mon nom, crétin ! Mon véritable prénom, c'est Terukage. Ne te moque pas. Et n'en abuse pas. Si tu n'arrives pas à le prononcer, oublie simplement son existence plutôt que de l'écorcher.
Aussitôt, je dis aussi délicatement que possible :
— Terukage...
Il hausse les épaules, ça ne devait pas être pire. J'ai un peu de mal à me faire à ce prénom. Ça claque, ça roule et ça claque encore. Je ne l'aurait jamais imaginé avec un nom si rude. Je me demande ce que ça veut dire, pourquoi on le lui a donné, ce qu'il était censé être. Je me contente d'un :
— Donc, j'avais raison, tu es bien japonais.
— Je ne suis rien du tout. On a toujours beaucoup voyagé dans ma famille, on a fait les cinq capitales internationales. Ces histoires de pays, ça n'a pas de sens pour moi. Et puis bon, tu es le premier à t'amuser à m'appeler sempai, ça ne te gêne pas, si ?
Je lui sourit et lui dit en l'embrassant :
— Non. Bien sûr que non. Merci de me l'avoir dit.
Il a un petit haussement d'épaule et retourne à son écran, comme si ce n'était pas grand-chose. Mais son petit sourire mal masqué me dit tout ce que j'ai besoin de savoir sur ses sentiments, et je retourne à ma propre tâche avec un énorme sourire.
.
Tout semble normal pendant la journée, et nous pouvons reprendre le tri des données plus tard. Il va bien falloir qu'on dorme un jour, mais personnellement je me suis débrouillé pour faire une petite sieste pendant la dernière conférence de presse à la gloire de Platty et ça va plutôt bien. Mieux que Silver qui a encore plus mauvais caractère que d'habitude.
Et lorsque nous arrivons au bout de notre travail, c'est pour trouver un... scénario ?
Je ne suis pas un expert des mises en scènes de l'UFIT, mais je ne vois rien qui serait retentissant. Ils n'arrêtent pas de faire des films à partir de nos combats, et des séries, et des OAV... J'aime bien l'acteur qui m'incarne, d'ailleurs, même si je trouve que je suis quand même plus beau que lui.
A coté de moi, Silver peste tout ce qu'il sait sur les IA en général et celle de ce tordu de Chrome en particulier. Je n'essaye même pas de le calmer, je me contente de lui prendre le plus délicatement possible l'ordinateur des mains, et d'examiner ça plus en détail. C'est à propos de notre dernier combat. Sauf que la fin est différente. Je secoue Silver :
« Regarde ! Regarde ça, bordel, au lieu de râler !
Il lit et jure trois fois plus fort. Ce n'est pas un scénario de film, c'est un scénario de combat, le combat que nous aurions dû vivre si Silver n'avait pas désobéit. Le combat qui se termine par la mort de Chrome, et les restes de son mecha recueillis par Platinum dans une grande scène d'émotion sur fond de soleil couchant. Je crois que c'est ce détail qui pousse Silver à bout de ses maigres réserves de patience, quand je le vois boxer le mur. D'habitude, je l'empêche de faire ça parce qu'il se fait toujours mal, mais là je vais éviter de l'approcher. Surtout que ce que je vais lui dire ne va pas lui plaire :
— Silv', je sais que c'est choquant, mais au final ça ne nous avance pas. On n'en sait pas plus sur leurs raisons de faire ça.
— On n'en sait pas plus ? Tu plaisantes ? Tu n'as pas lu la partie sur le kaiju ? Parfaite à la seconde près. Il a joué son rôle. Les Soleil Noir sont de mèche avec l'UFIT, c'est évident !
— C'est un monstre, il ne peut pas jouer un rôle, enfin ! Les stratèges doivent simplement bien connaitre ce type de kaiju et ses réactions !
— Foutaises ! C'est beaucoup trop précis ! Quand les stratèges nous envoient des plans de bataille, ils ne sont pas du tout comme ça, ils tiennent compte de tout l'éventail de réaction possible des kaijus ! Là, on dirait qu'ils ont... programmé un robot, un truc comme ça. Je sais que tu veux encore y croire, mais regarde les choses en face. L'UFIT nous a tous trahis, et sans doute depuis longtemps.
Je reste silencieux quelques secondes et heureusement il n'insiste pas, il me laisse réfléchir. Jamais je n'aurais cru que... non, rien à faire, je n'y crois toujours pas, et je finis par lui dire :
— On va en avoir le cœur net. Prépare-toi, on va directement aller régler ça chez les stratèges.»
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