Gold 1 : au milieu de la nuit
Je me réveille en sursaut et tâtonne doucement le lit à coté de moi. Personne. Évidemment. Silver s'est encore tiré en douce pendant que je dormais. Il a toujours la trouille que quelqu'un nous surprenne dans notre sommeil et je dois à chaque fois lui faire les yeux doux pour qu'il reste au moins une partie de la nuit. Ou l'épuiser.
J'entends un murmure dans le noir :
« Désolé, Gold, je ne voulais pas te réveiller.
Je me retiens pour ne pas soupirer. J'ai dit mon vrai nom à Silver. C'est le truc le plus intime que je puisse confier à qui que ce soit. Et il ne l'utilise quasiment jamais. Quant à me donner le sien... Visiblement, dans sa tête, on n'en est pas encore là. Et je me demande si on y sera un jour.
Je réponds, encore à moitié endormi :
- Alors t'avais qu'à rester... Comment est-ce que je pourrais dormir sans mon adorable chéri serré dans mes bras ?
J'essaye de tourner ça à la blague, de toujours garder un ton léger. Silver n'aime pas qu'on lui donne des ordres, surtout moi. Rester mignon, c'est ce qui marche le mieux avec lui. Alors que c'est lui qui est mignon, bien sûr.
Il rit doucement et revient m'embrasser, tout en disant :
- Désolé, je dois y aller.
Je profites de la proximité pour l'attraper par le bras et l'attirer vers moi, jusqu'à ce qu'on soit à nouveau couchés tous les deux. Il était en train de s'habiller quand je me suis réveillé, et il n'a pas eu le temps de mettre sa chemise. En le chauffant un peu - ou beaucoup, s'il le faut je veux bien me dévouer - je devrais arriver à le convaincre de rester un peu plus...
Il râle :
- Arrête ça, Gold ! Ce n'est vraiment pas le moment !
Je me retiens de dire que ce n'est jamais le moment avec lui. Je ne veux pas démarrer une dispute. Non seulement il serait capable de partir en claquant la porte, mais en plus après il boude pendant des jours, et ça me rend dingue. Au lieu de ça, je commence à l'embrasser dans le cou, et je sens qu'il se débat nettement moins fort que tout à l'heure. Il ne me reste plus qu'à glisser mes mains le long de son dos, et il est tout à moi...
Sauf que je me fais repousser violemment et qu'il m'échappe. Bordel. Ce satané Silver a l'air de considérer que me glisser entre les doigts fait parti du challenge d'une vie de couple, et il s'applique à le faire à chaque fois qu'il se sent craquer et prêt à faire ce que je veux. Cette fois, je suis trop énervé pour rattraper le coup. Il veut jouer au con ? On peut être deux à y jouer, pas de problème :
- Et je peux savoir pourquoi ? Ça ne te posait pas de problème hier que je te touche, mais là maintenant monsieur n'a plus envie ? C'est toujours pareil avec toi, tu...
- Je te conseille de bien réfléchir à ce que tu as l'intention de dire, Gold... Parce que tu es en train de partir sur un terrain dangereux.
Il a sa voix la plus grave, celle du dernier avertissement avant l'attaque mortelle, la plus effrayante et la plus sexy de sa panoplie. Bien sûr, il ne va pas m'attaquer, jamais. Enfin, sauf pendant les entrainements. Mais il sait faire mal, rien qu'avec les mots, et je suis trop en colère pour simplement me retourner et me rendormir comme je le fais d'habitude. Ça fait trop de fois que je fais ça, et je n'ai pas l'intention de le supporter davantage...
C'est alors qu'il regarde le com à son poignet, jure et retourne à ses habits, éparpillés dans la pièce. J'ai à peine le temps de comprendre ce qu'il a l'intention de faire qu'il est déjà parti en claquant la porte.
Hein ? Depuis quand Silver fuit une dispute prometteuse ? Ce n'est pas son genre de quitter le champ de bataille tant qu'il reste un adversaire debout, et je me chauffais à peine !
En pestant tout ce que je peux, j'allume et j'enfile rapidement un pantalon avant de lui courir après. Il va m'entendre !
Je lui déboule quasiment dessus dans le couloir, il s'est arrêté devant la porte pour enfiler ses chaussures - alors que bien sûr, moi je ne me suis pas donné cette peine. Pourquoi s'emmerder, franchement, alors qu'on reste en permanence dans le même immeuble, moquette et lino à l'infini, d'une propreté impeccable ? On fait semblant d'être dans un genre de petit village, chacun ses appartements et des lieux de vie communs, mais on reste toujours à l'intérieur malgré tout. Comme dans un gigantesque vaisseau spatial. Et est-ce que les astronautes portent des chaussures ?
Bref. Je m'égare. En tous cas Silver n'est absolument pas ravi de me voir, surtout qu'il craint plus que tout qu'on soit découverts par un esclandre au milieu de la nuit. Et c'est probablement comme ça qu'on sera découverts un jour. C'est toujours au milieu de la nuit qu'on se dispute. Alors qu'on passe nos journées à trouver des moyens d'être ensemble. Allez comprendre.
Je lui attrape le bras avant qu'il ait le temps de s'enfuir :
- Et où tu vas comme ça ?
- Lâche-moi tout de suite, Gold 44, ou je te jure que je vais devoir t'y forcer !
- Nan, je sais que tu as bien trop peur de réveiller toute la maison !
Ok, j'avoue que ça m'amuse un peu trop de voir Silver prit entre sa colère et sa peur de faire du bruit. Le fait que moi, je m'en fiche complètement qu'on soit découverts, me donne un avantage certain. Bon, je ne m'en fiche pas totalement, on ne va pas se mentir, je sais qu'il y aura des conséquences. Mais tant que la presse et le grand public ne sont pas au courant, ça va rester au stade de mini-scandale, dans la famille, et on risque surtout d'être consignés pendant un certain temps. Et engueulé par nos managers respectifs. Et par Platinum, en théorie. Je dis bien en théorie parce que maintenant qu'il est chef d'escadron, il tente de maintenir la discipline, comme Chrome le faisait avant lui, mais il ne sait pas crier sur les gens. Chrome peut te faire monter des frissons le long de l'échine juste en t'évaluant du regard, comme si il était en train de calculer si ça vaut le coup de débarrasser l'escadron de ta présence et planquer le cadavre quelque part. Platty a juste l'air d'une mouette énervée de s'être fait voler son poisson. Quand il fait un sermon, le plus dur, c'est de ne pas rire.
En tous cas, j'en profite pour ramener mon râleur préféré dans mes bras. Je pourrais le soulever et le porter jusqu'à mon lit, comme un gentil petit animal de compagnie. Bien sûr, si ses yeux pouvaient lancer des éclairs à l'heure qu'il est je serai grillé sur place, mais j'ai l'habitude.
Finalement, il semble prendre une décision, et soupire :
- Ok. Tu veux venir avec moi ?
- Dans ton lit ? Toujours.
- Je ne vais pas me coucher, triple buse ! J'ai un rendez-vous. Et comme visiblement ça va être compliqué de me débarrasser de toi, autant que tu viennes.
C'est stupide, mais au mot "rendez-vous", j'ai l'impression que mes intestins ont gelé.
Alors que c'est absurde. Si Silver me trompait, il le cacherait. Oui, il est sans aucun doute dragué, et souvent, mais je n'ai aucune raison d'être aussi... à cran, à cette idée.
Je tente de cacher ce réflexe mal venu sous un peu d'humour :
- Tu m'invites à un rendez-vous avec ton amant ? Je ne sais pas si je dois être touché par ta confiance ou...
- Si tu t'en fous de ce qui se passe, tu peux rester, hein. Je savais bien que ça ne te parlerait pas du tout.
Je n'aime pas du tout la tournure que prend cette conversation. Il a rendez-vous avec qui, à la fin ? Et surtout, pourquoi il fait comme si je devais être au courant ? Merde, j'ai raté quelque chose d'important ? Mais il est chiant, aussi, à toujours parler à demi-mot, comment je suis censé...
Je tente de me rattraper :
- Ah, mais non, je ne m'en fous pas. Pas du tout. Je sais que c'est important, et il y a pas de soucis, je viens.
Il lève un sourcil sarcastique et me demande :
- Tu sais où on va ?
Donc c'était un piège. Sérieusement, Silver ne devrait pas être capable d'être aussi épuisant à trois heures du matin.
J'abandonne le pauvre bluff que j'ai pu tenter :
- Non, j'en sais rien. Mais je veux venir.
- On va parler un peu, avec les autres. Sans que les cadres ne le sachent. Il y aura Chrome, Steel, Mercury, Copper, son ami opérateur, Platinum et Osmium.
- Parler de quoi ?
- De Brass 137.
Silver me regarde droit dans les yeux, en disant ça. Je sais qu'il me jauge. Et que je n'ai pas le droit à l'erreur. Je suis sûr, aussi, que les autres lui ont demandé de ne pas m'en parler. Après tout, tout le monde savait que je n'ai jamais pu supporter Brass 137. Et tout le monde a dû voir que c'était par pure jalousie. Avec 136, c'était simple à gérer, je la connaissais depuis longtemps, et je lui racontais tout pendant que j'essayais de séduire Silver... Mais 137, c'était un inconnu, il était sans gêne et séducteur, tout à fait le genre de Silver. J'ai été horrible avec lui. Et ensuite, il s'est passé... Aucune idée de ce qui s'est réellement passé, mais ça a été moche. Je comprends que ça travaille Silver, et visiblement quelques autres pilotes, et je sais que Platinum a été impliqué, mais pas au point de faire des réunions secrètes au milieu de la nuit.
Ce n'est surtout pas le moment d'évoquer mes doutes. Au contraire, je tente une réponse enthousiaste, bien que chuchotée :
- C'est super, on va pouvoir en savoir plus sur ce qui lui est arrivé ! »
Petit sourire de mon cher et tendre - celui qui lui échappe quand les choses tournent à son idée et qu'il est quand même, quoiqu'il en dise, assez soulagé. C'était la bonne réponse.
Je finis donc de m'habiller aussi vite que possible et je lui emboîte le pas jusqu'au mystérieux rendez-vous.
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