Évasion Meurtrière
Les sons au-delà de la porte lui parvenaient en continu. Il évaluait les distances qui le séparaient des personnes en écoutant leurs voix. Il sut qu'il devrait lutter rudement pour sortir des geôles. Sans tergiverser plus longtemps, il ouvrit brusquement la porte, surprenant ainsi le garde qui se tenait en faction devant elle. Celui-ci tomba lourdement sur le sol. À l'aide du tisonnier, il l'embrocha sans remords. Il venait de passer en mode guerrier impitoyable.
Il se baissa, le fouilla et récupéra en plus d'un poignard et de sa lance, une bourse remplie de piécettes de bronze. Il glissa le poignard dans sa ceinture, après réflexion fit de même pour le tisonnier. Muni du pilum et avec prudence, il commença à errer dans les couloirs sombres, voutés et faiblement éclairés de la prison...
Le premier obstacle se présenta assez vite, deux gardes assez costaux, armés d'épées et casqués de fer s'approchèrent. Sans se laisser impressionner, il se rua sur celui de gauche, la javeline droit devant lui et l'embrocha en évitant le second, qui tentait de le prendre à revers avec son épée. Il se baissa, passa la lance dans sa main gauche, sortit le poignard de sa ceinture, et d'un mouvement rapide et presque élégant éventra le deuxième assaillant.
Lothéo continua sa progression sans s'attarder sur ses victimes. Il laissait sa rage dicter ses actes assassins. Ce n'est pas moins d'une dizaine de gardes qui lui firent barrage et autant de corps qu'il laissa derrière lui, exsangues et mutilés. Quand il arriva vers la porte principale qui séparait le périmètre de la prison du reste de la résidence féodale, il se retrouva face au colosse cuirassé qui l'avait capturé. Il le dominait d'une bonne tête. Le demi-elfe se prépara à un affrontement plus difficile qu'avec les soldats qu'il venait de faire passer de vie à trépas. Il se lança à l'assaut du géant, aucune peur ne l'habitait.
Aussi lourdaud et maladroit qu'il fût, l'adversaire de Lothéo s'avéra habile à manier la masse d'armes qu'il tenait fermement en main. L'instrument contondant, hérissé de pointes de fer, voltigeait dans toutes les directions. Les coups que tentait de lui administrer l'imposant vigile étaient violents. Il sentait l'air que déplaçait le fléau de bois et de métal. Il l'évitait pourtant, parfois d'un cheveu.
Il remarqua aussi que le milicien s'essoufflait. L'abus de bonne chère et de boissons, chez lui, faisait son œuvre. À côté le virevoltant Lothéo semblait glisser. Il profita sans vergogne de cet avantage.
Il bloqua le bras armé, s'accrocha à lui et s'en servant comme appui, bondit sur le dos du soldat. Ce dernier en lâcha sa masse. Le demi- elfe, sortit le poignard et lui trancha la gorge. Le sang gicla brusquement, l'éclaboussant au passage. Il sauta à terre, alors que sa victime s'effondrait sur le sol et mourait dans de sonores borborygmes.
Lothéo reprit son souffle. Il contempla le géant qui agonisait, sans émotion apparente. Il remarqua une aumônière pendue à son pantalon qu'il reconnut, comme étant la sienne. Le milicien avait fait main-basse sur son or.
Il la récupéra et lui prit sa masse, abandonnant la lance. Enfin, il ouvrit la dernière porte et quitta les geôles.
Sans surprise, il découvrit d'autres soldats. Ils pointaient leurs armes dans sa direction et l'attendaient de pied ferme.
Encore galvanisé par sa rage et sans réellement réfléchir, il fonça dans le tas...
Le combat fût violent, plus d'une fois il faillit être submergé. Son corps se couvrait de sang, celui des autres, mais du sien aussi, car il n'évitait pas toujours les couteaux, épées et coups qui s'abattaient sur lui. Toutefois, c'est à peine s'il les sentait, ils lui faisaient l'effet de piqures de mouche.
Ainsi traça-t-il un chemin de cadavres jusqu'à la salle d'apparat. Là se tenait le seigneur Baudry. Il sursauta en voyant surgir cet être poisseux d'entrailles. Sur le moment, il ne le reconnut pas, puis Lothéo s'avança vers lui. Alors il pâlit brusquement et commença à balbutier :
— Toi ?... Non... cela est impossible ! Tu es mort !
— J'étais !
Le demi-elfe s'approcha plus près et reprit sur un ton sourd :
— Où sont mes biens ?
Au lieu de répondre à la question, le seigneur des lieux s'exclama :
— Quelle sorte de créature es-tu ?
— Je répète ma question, où sont mes biens ?
En silence, il désigna une table de bois lourd, sur lequel se trouvait l'arc d'ivoire. Lothéo s'en saisit.
— Où se trouve le reste ?
L'autre déglutit péniblement et secoua la tête en écartant les bras dans l'attitude de l'homme qui n'en savait rien. Le demi-elfe en doutait, mais il préféra ne pas insister. Il reprenait l'héritage de sa famille, autrement dit ce qui comptait le plus pour lui. Ça lui suffisait, retrouver cette arme eut même le mérite de calmer un peu sa rage. Il endossa le carquois et fixa l'arc à sa ceinture. Avant de vider les lieux, il lança à Baudry :
— Je te conseille vivement de n'envoyer personne à mes trousses, car devant les dieux, je le jure, je reviendrai ici tôt ou tard pour te tuer à petit feu. En t'écorchant vif, par exemple.
L'autre qui, sans ses gardes pour le protéger, révélait sa couardise, déglutit péniblement. Il osa quand même lui lancer :
— Tu es Lothéo d'Odawur !
Ce dernier sortit sans répondre et sans être inquiété. Dans la cour une dizaine de cavaliers étaient rassemblés, dès qu'ils le virent, ils se ruèrent vers lui en vociférant...
****
Le griffon survolait Staone, en contrebas, la cité bruissait d'activité. Féloé d'un œil scrutateur tentait d'apercevoir la silhouette si particulière du demi-elfe. C'est quand la créature volante passa au-dessus du château, qu'elle distingua un homme surgissant de la bâtisse. Même de sa position, assez élevée, elle remarquait qu'il était maculé d'hémoglobine. Des hommes à cheval, venaient à sa rencontre, elle entendait leurs huées belliqueuses. Féloé sut que ce ne pouvait être que Lothéo.
— Il est là, descends vers lui, Quéreo.
Il faillit protester, mais préféra obéir. Élégamment, sa monture descendit en planant sur la cour de la demeure seigneuriale.
****
Cette fois, le demi-elfe sut qu'il ne s'en sortirait pas aisément. Non seulement il sentait la lassitude le gagner, mais l'odeur des viscères qui le couvraient l'écœurait et lui rappelaient que, ce jour-là, il avait déjà beaucoup trop tué à son goût. "Dire que je ne voulais qu'échanger les crocs du logarinx contre un peu d'or en venant ici !" pensa-t-il avec amertume. Ainsi était sa nature, souvent l'elfe impitoyable prenait le pas sur l'homme qui aspirait au calme, à la contemplation et au repos ultime.
Il leva la masse d'arme qu'il avait toujours en mains et commença à la faire tournoyer, déterminé, malgré tout, à faire d'autres victimes pour garder sa liberté. Le griffon se posa entre lui et les cavaliers à ce moment-là ...
Alors que la monture atterrissait, Quéreo fouillait dans un petit sac attaché à la selle et en sortait une poignée de poussière étincelante qu'il jeta en l'air. Elle retomba en pluie sur eux, avant de se transformer en une brume opaque qui les masqua aux regards des assaillants.
Féloé fit signe au demi-elfe.
— Hâte-toi, le charme ne durera pas.
Il ne chercha pas à comprendre comment elle pouvait se trouver là, en compagnie d'un de ses compatriotes, sur un tel animal. Il s'installa derrière elle et le griffon prit son essor, laissant Staone derrière lui et une situation qui allait grandement compliquer la vie de Lothéo.
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