En route pour Staone
Dès que la troupe de guerriers féériques quitta la forêt, elle se posa sur la route pavée inondée de soleil, menant à Staone. À partir de là et selon les accords passés avec le royaume d'Hitarnia, les soldats n'avaient plus le droit d'utiliser leurs ailes.
Cela convenait au général Athéon, qui souhaitait une certaine discrétion. Il ordonna à ses hommes d'endosser des houppelandes de drap noir et de dissimuler leurs armes. Ceci fait, ils se mirent en route. Le plan du premier guerrier de la cour de Haute-Brume se mettait en place...
*****
Dans la forêt
Lothéo avait fouillé dans son sac puis quasiment ordonné à la fée :
— Ôte ton vêtement et laisse-moi voir tes plaies qui sont certainement, encore à vif !
Sceptique, elle objecta :
— Tu es guérisseur ?
— J'ai quelques connaissances et un onguent cicatrisant en ma possession.
Comme elle hésitait encore, il ajouta :
— Qui te soignera si je ne le fais pas ? Aucun médecin de quelque race qu'il soit n'acceptera de prendre en charge une fée à qui on a coupé les ailes, tu le sais comme moi.
— Je n'ai pas le choix de toute façon.
Sur ses mots, elle enleva sa tunique de feuilles et tourna le dos à Lothéo, dévoilant au regard effaré du voyageur de larges plaies profondes et purulentes. Il s'exclama consterné :
— Ils te les ont arrachées ?
— C'est là le châtiment pour un régicide ! rétorqua-t-elle avec amertume.
Lothéo secoua la tête en disant :
— Ils auraient pu au moins faire cela proprement, c'est pire que ce que je pensais, je me demande comment tu as eu la force de combattre dans ton état.
— J'ai de la ressource. répondit la fée en esquissant un sourire, qui s'effaça aussitôt.
Lothéo se leva en déclarant :
— Je vais devoir cautériser tes plaies, en espérant que l'infection n'a pas gagné trop de terrain en profondeur.
Il demanda ensuite :
— Cela date de quand ?
— Quelques jours...
Il hocha la tête, puis commença à ramasser du bois afin de raviver le feu...
Un peu plus tard, il posait sur les lésions violacées et suintantes la lame incandescente d'un couteau de chasse. Féloé serra les dents pour ne pas hurler. Une abondante sueur envahit son front ; les genoux ramenés sous son menton, elle les étreignit de ses bras avec force, pour finalement fermer les yeux. Le voyageur, impressionné déclara :
— J'admire ton courage !
La fée ne répondit pas, Lothéo poursuivit ses soins. Après la cautérisation, il étala l'onguent, puis banda le torse de Féloé. Celle-ci se détendait enfin. La pommade appliquée par l'homme ayant des vertus anesthésiantes, les douleurs épouvantables qu'elle avait subies jusqu'ici s'éteignaient. Elle prit une profonde inspiration et dans un souffle s'adressa à Lothéo ainsi :
— Merci...
— Ne le fais pas encore, j'ignore si l'infection ne gagnera pas du terrain quand même. Tu vas te reposer une heure, puis nous partirons pour Staone.
— Staone ? Je ne peux pas prendre le risque de rentrer dans une cité d'Hitarnia. Les miens ont passé des accords avec les autorités, pour que toutes les fées désavouées et recherchées leur soient livrées. Dès un pied posé dans l'enceinte de la ville, je serais capturée.
Lothéo, tout en rangeant ses affaires rétorqua :
— Eh bien, tu iras de ton côté et j'irai du mien, j'ai l'obligation de me rendre là-bas, j'ai besoin d'acheter certaines choses.
Féloé eut un bref ricanement et cette parole :
— Tu as aidé une fée en fuite, ne crois pas une seconde qu'Athéon ne te le fera pas payer d'une manière ou d'une autre ; en conséquence tu ne seras pas en sécurité non plus là-bas.
Il la contempla un bref instant, son visage défait au regard cerné de bleu sombre était empli d'une réelle inquiétude.
— Tu penses qu'il nous y attend ?
— S'il ne cherche pas à nous dénicher dans la forêt, c'est même inévitable. assura-telle.
Elle précisa :
— Athéon a horreur de l'échec !
Lothéo prit le temps de la réflexion avant de décider :
— Je vais prendre le risque et advienne que pourra !
Elle se troubla, avant de rétorquer :
— Je t'attendrai hors des remparts durant deux heures, ensuite je partirai.
— Tu n'as pas besoin de m'attendre, si tu veux partir et bien pars ! Répliqua le voyageur sans aménité.
Féloé objecta :
— Tu m'as sauvé la vie, et aidé, je veux avoir l'occasion de te rendre la pareille.
— C'est à toi de voir, mais tu ne me dois rien. Si je t'ai aidé, c'est que je l'ai bien voulu, à présent repose-toi... répliqua-t-il.
Elle n'insista plus et s'allongea près du foyer. Lothéo se plongea dans ses réflexions, principalement une qu'il n'extériorisa pas : "Je me suis mis dans la panade !"
Devant les remparts de Staone
Le groupe de guerriers avait pris place dans une longue colonne de charrettes, d'animaux et de personnes de toutes races. Athéon remarqua des elfes, au regard bleu et à la peau diaphane venant de l'ancien royaume humain d'Odawur, des hommes-chiens d'Apréka, au poil noir, aux oreilles tombantes et à la truffe dégoulinante et toujours humide, originaires d'une contrée montagneuse riche en minéraux, administrée par le peuple nain, des femmes orcs, reconnaissable à leurs peaux émeraude, leurs robes opalescentes, qui couvraient à peine leur corps, et leurs colliers de cuir incrustés de gemmes multicolores. Elles étaient accompagnées de leurs mâles qui, afin d'affirmer leurs droits de propriété sur elles, les tenaient en laisse.
Les gens qui piétinaient, en attendant de pouvoir entrer, étaient humains, en majorité des paysans et des camelots désirant vendre leurs produits et objets divers.
Le général des fées les considérait comme une engeance nuisible, qui proliférait et envahissait tous les royaumes comme une maladie. Les Terres Immergées les toléraient comme toutes les autres races d'ailleurs et une paix certes fragile, mais réelle régnait depuis presque deux siècles entre tous les royaumes.
Athéon savait, comme beaucoup, qu'il suffirait d'une étincelle pour que toutes les contrées s'enflamment, ce qui ne serait pas pour lui déplaire, car il était avant tout un guerrier, mais il n'était pas de ceux qui provoquaient inutilement des problèmes. C'est pour cela qu'il restait tranquille en attendant de pouvoir franchir le seuil de la cité, laissant les odeurs multiples et nauséabondes venant des autres peuples l'assaillir, sans broncher.
Lentement, la colonne avançait, d'autres êtres, animaux et carrioles, venaient la grossir derrière les guerriers féériques. Tous ne pourraient pas entrer ce jour-là, les autorités de la cité en limitaient le nombre.
Le tour du général et ses hommes arriva, ils passèrent sans problèmes, les gardes ne les fouillèrent même pas. Le peuple féérique était craint et respecté.
D'un pas presque conquérant, Athéon et les siens pénétrèrent dans Staone.
Dans la forêt
Lothéo laissa Féloé dormir une heure, puis il la réveilla et lui dit simplement :
— Il faut partir !
Elle se redressa brusquement et grimaça. Son dos recommençait à la tirailler. Cependant, elle préféra ignorer les douleurs qui se réveillaient et bondit sur ses pieds. Elle regarda autour d'elle et remarqua que le voyageur avait soigneusement nettoyé le site. Il se tenait devant elle, son sac passé en bandoulière, son arc fixé sur sa hanche droite, son épée sur la gauche, son carquois fixé sur son dos, il était prêt au départ.
La fée lui dit :
— Je dois reprendre quelques affaires que j'ai dissimulées près d'une source, elle n'est pas loin de la route, cela ne nous retardera pas.
Bien que contrariée, Lothéo répondit :
— D'accord, mais après, ce sera droit sur Staone !
Elle le lui jura. Tous deux quittèrent la clairière.
Une demi-heure plus tard, ils marchaient sur la route menant à la ville. Féloé avait récupéré, sans encombre, un havre-sac dont elle avait extirpé une pèlerine de toile sombre qui à présent la recouvrait entièrement. Elle réussissait ainsi à se dissimuler un peu aux regards des nombreuses personnes qui circulaient sur les pavés inégaux.
En définitive, ils parvinrent à ne pas se faire trop remarquer. Il leur fallut encore une bonne heure avant d'être en vue des remparts. Ils stoppèrent près d'un petit bois, à quelques centaines de mètres des portes.
C'est là que Féloé avait décidé d'attendre Lothéo. Celui-ci lui dit en lui confiant son sac :
— Je vais essayer de ne pas trop m'attarder, si dans deux heures je ne suis pas revenu, tu pourras garder mes affaires. J'ai laissé quelques dents de logarinx à l'intérieur, elles te permettront peut-être de t'en sortir.
— Tu me fais confiance au point de me donner tes biens en garde ? Je pourrais très bien partir avec dès que tu auras franchi les portes de Staone.
— Tu pourrais, mais je ne te le conseille pas ! Car si je ressors vivant de la cité et que je ne te trouve pas ici à m'attendre, je peux te garantir que je te pisterais et te retrouverais et dans ce cas là je ne tergiverserais pas, c'est moi qui te livrerais aux tiens !
L'homme vit le teint myosotis de la fée pâlir. Il sut alors que ses paroles avaient porté ; d'ailleurs, elle se saisit de son sac en affirmant :
— Je t'attendrai.
Satisfait, il hocha la tête et s'éloigna, Féloé le suivit des yeux ; bientôt, il disparut au milieu des autres personnes qui patientaient. La fée réalisa qu'elle était terrorisée à l'idée de ne jamais le revoir et de se retrouver seule pour affronter sa destinée...
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