Captivité - 2 -
Château de Staone - Salle de torture
Les instruments tranchants, perçants et déchirants succédèrent aux outils brûlants. Le supplicié restait stoïque et surtout muet. C'est à peine si le bourreau lui arrachait quelques cris. Son silence le vexait. Habituellement ses "patients" n'étaient jamais très longs à "beugler" leur douleur....
Mécontent, Baudry lui dit sur un ton menaçant :
— Va-t-il falloir que je pense à ton remplacement ?
L'autre déglutit péniblement, il savait très bien ce que le seigneur de la cité sous-entendait par là.
— Il va parler Messire, il va parler ! assura-t-il avec obséquiosité.
— Je l'espère... Pour toi...
Lothéo les entendait dialoguer, mais sans réellement faire attention à la signification des mots. En fait, il était inquiet ; il n'ignorait pas que, très bientôt, ses geôliers découvriraient sa nature d'immortel et qu'ils s'en donneraient à cœur joie pour tenter de lui faire "Cracher" le secret de sa longévité. Ce ne serait pas la première fois, ni la dernière sans doute. Le pire étant que ses souffrances ne cesseraient pas avec la mort puisque sa résurrection provoquerait d'autres tortures et incommensurables douleurs.
Un jet d'eau glacée interrompit ses réflexions ; le souffle coupé, il releva la tête vers son tortionnaire, la face huileuse et ingrate du bourreau lui souriait, il lui susurra :
— Ne t'endors pas, tu vas rater le meilleur.
Les yeux clairs du demi-elfe lancèrent des éclairs, mais il continua à se taire en se permettant même un rictus provocateur. Le tortionnaire se saisit d'une grosse tenaille, la fit claquer et recommença à "travailler" le supplicié...
Frontière neutre entre Hitarnia et le royaume nain d'Apréka - Camp des guerriers de Haute-Brume
Les griffons se posèrent sur une esplanade de terre battue transformée en gadoue collante par les intempéries. Des tentes s'y dressaient ; de la plus ornementée sortit une fée. Grande, élancée, habillée d'un sarouel de satin noir brodé d'or et d'argent, ses cheveux bleu marine agrémentés de perles étaient remontés en un chignon compliqué sur le sommet de son crâne. La femme s'abritait sous un auvent qui la préservait de la pluie tombant sur le campement. Son regard hautain et perçant se focalisa sur les arrivants. En fixant Athéon qui descendait de sa monture, elle se demanda s'il avait enfin trouvé le sceau royal, puis remarqua la prisonnière sur la selle de la monture. La fée hocha la tête, en reconnaissant la fugitive, sa sœur. Elle retourna à l'intérieur de sa tente l'esprit tranquille et satisfait.
Sans ménagement, le général détacha Féloé et la laissa tomber sur le sol boueux, elle gémit faiblement, c'est à peine si cette chute brutale la sortit de son inconscience. Il ordonna à celui qui l'avait défié auparavant :
— Occupe-toi d'elle, je veux qu'elle soit prête pour une petite discussion dans moins de vingt minutes.
Son soldat, constatant le mauvais état physique de la captive, osa dire :
— Pardonnez mon audace, Général, mais si vous l'interrogez alors qu'elle est dans cet état, elle crèvera avant de vous avouer quoi que ce soit !
Un petit sourire cruel étira ses lèvres et il déclara :
— Je n'ai rien à soutirer d'elle, puisque l'artefact est récupéré, je veux juste m'amuser un peu.
Son sourire s'effaça, son ton devint coupant, menaçant et il réitéra :
— Occupe-t'en !
Il le laissa sur ces mots, pour se diriger à grands pas vers la tente de la princesse Oparythe, souveraine de Haute-Brume.
Le guerrier le suivit des yeux en secouant la tête, puis sans attendre, il souleva avec délicatesse Féloé dans ses bras et la porta jusqu'à un abri de toile proche de là. De jeunes servantes s'y trouvaient, elles pliaient quelques étoffes, il leur ordonna :
— Faîtes chauffer un peu d'eau !
Il avait décidé, une fois de plus de braver les ordres et d'essayer de soigner la princesse renégate...
****
Athéon entra dans la yourte royale, s'inclina profondément devant Oparythe, avant de s'avancer vers elle pour lui donner l'aumônière contenant l'artefact. Elle venait de prendre place sur un siège de métal doré, agrémenté de confortables coussins colorés. Son visage reflétait son attente qu'elle tentait de dissimuler derrière une mine sévère.
En avisant le petit sac orné de petits joyaux étincelants, que lui offrait le guerrier-fée, son soulagement fut évident. Elle s'en saisit en tremblant et murmura : "Enfin, cette fois, le conseil sera contraint d'accepter définitivement ma royauté !"
— Vous l'êtes sans cela, majesté ! affirma Athéon qui avait entendu cette remarque.
— Tu sais fort bien que je n'ai obtenu de leur part qu'un statut provisoire ! rétorqua-t-elle sèchement.
En parlant, elle examinait la bourse et surtout le cordon de soie qui la fermait en une suite de petit nœuds complexes. Seul le souverain, l'héritier désigné et le chef du conseil connaissaient la manière d'ouvrir et de refermer le réceptacle du talisman. Évidemment, elle ne possédait pas ce savoir. Alors qu'elle s'y essayait depuis quelques minutes, la voix d'Athéon intervint :
— Vous pensez parvenir à l'ouvrir avant notre retour en terre de Haute-Brume, Majesté ?
La voix de la reine claqua sèchement :
— Bien sûr, puisque je suis la souveraine légitime, pars maintenant, ceci ne te regarde plus, va plutôt t'occuper de ma sœur, il est plus que temps qu'elle disparaisse !
Le visage du général se durcit ; cependant, il s'inclina avec raideur et quitta les lieux en silence et passablement contrarié d'avoir été ainsi rabroué...
Dès qu'elle fut seule, Oparythe, avec attention, recommença à examiner les entrecroisements du cordon...
****
Sous la tente où elle se trouvait, Féloé reprenait lentement conscience. Le soldat venait de laver de son mieux les diverses ecchymoses constellant le visage et le corps de la renégate, conséquences directes de la violence du général. À présent, il passait un baume curatif sur ses meurtrissures. Athéon surgit brusquement, puis s'exclama avec fureur :
— Arrête ça tout de suite !
Il se rua sur lui et le bouscula ; surpris, le guerrier lâcha le pot d'onguent qu'il tenait en main. L'objet se brisa sur le sol. Le général s'apprêta à le cogner, mais cette fois le soldat esquiva le coup à venir, il ne comptait plus se laisser faire sans réagir ; alors, il riposta et c'est lui qui frappa en premier.
Stupéfait Athéon chancela, l'autre en profita pour asséner un uppercut au général, qui chuta lourdement sur le sol. Le soldat ne le laissa pas se reprendre, il frappa encore, laissant sa rage exister, il ne s'arrêta que lorsqu'il fut inconscient. Réalisant alors ce qu'il avait fait, il ne tergiversa pas longtemps, il devait s'enfuir, mais ne comptait pas laisser la princesse déchue derrière lui.
Le combattant subtilisa tout d'abord son appeau tubulaire à Athéon, puis souleva Féloé dans ses bras ; elle ne reprenait que lentement pied dans la réalité et ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait. Le soldat sortit précipitamment, souffla dans le sifflet, un griffon se posa devant lui, il l'enfourcha sans attendre en maintenant la renégate contre lui, sa monture s'envola sans attendre. De la tente sortait Athéon, en sang et titubant... Il ne put qu'assister, impuissant au départ du soldat qui venait de le trahir et donner à Féloé la possibilité de survivre...
Château de Staone - Salle de torture
Le torse de Lothéo ressemblait à une plaie béante à moitié sanguinolente, à moitié coagulée. Le bourreau alternait avec célérité l'utilisation des tenailles et de tisonniers chauffés à blanc. Inébranlable, en apparence, le demi-elfe subissait la souffrance. Il luttait contre la syncope qui précédait sûrement son trépas. Il savait qu'à partir de ce moment-là, son âme chevillée à son corps reviendrait tel un boomerang, et que ses chairs se reconstitueraient, trahissant ainsi, devant ses tortionnaires, son immuabilité.
Son tourmenteur s'avançait avec un nouvel "outil", une sorte de large griffe vissée sur une tige de fer torsadée. Il l'inséra sans ménagement dans les lambeaux incarnadins du questionné. Cette fois, Lothéo sursauta et une grimace tordit ses traits et un gémissement s'échappa de ses lèvres.
— Enfin, tu réagis ! exulta le martyriseur.
Ce qu'ignorait ce dernier, c'est qu'il avait été maladroit et venait de toucher le cœur. Un voile noir passa devant le regard du demi-elfe, ses yeux se révulsèrent, une mousse sanglante apparut au coin de ses lèvres, il eut le temps d'entendre la voix de seigneur de la cité s'exclamer : "Qu'est-ce que tu as fait ?", puis plus rien, la mort, une fois encore l'enserrait de ses griffes !
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